L'installation dans la maison avait enfin pris fin ! Il était heureux de pouvoir passer du temps tranquillement, avec sa fiancée, de pouvoir tout simplement profiter de cette nouvelle vie à tous les deux. Il était heureux d'avoir retrouvé sa famille, même si dans le fond, la vie à dix mille kilomètres heure lui manquait un peu, à New-York. C'était une concession qu'il avait été prêt à faire dans l'optique ou ça permettait à Juliette d'aller mieux. De se sentir bien. De prendre le pied sur une vie qui lui correspondait vraiment. Par amour pour elle, il avait accepté de revenir aux bases, bien que Fall River ne lui plaisait pas plus que ça. Le qu'en dira-t-on, la criminalité qui ressemblait à celle de New-York, mais concentrée dans une superficie de ville d'à peu près dix fois moins celle de la Grosse Pomme, il fallait dire que ça n'était pas vraiment sa tasse de thé. Mais il avait aussi le souvenir que la ville pouvait, en banlieue, représenter une véritable source de Havre de Paix... Enfin, à condition de vivre dans le bon quartier. A condition de ne pas faire de mauvaises rencontres.

Mais tout semblait prêt à ressembler à la vie qu'ils s'étaient imaginés ensemble. La préparation du mariage avançait, doucement, et c'était rassurant de réaliser que du coup, tout commençait à prendre forme, et qu'ils pourraient peut-être enfin décider d'une date. Car pour l'instant, tout était encore sous la forme d'un projet, rendu réel par la bague qui ornait le doigt de Juliette. Pour eux, c'était suffisant, mais Maman Paquin commençait à s'impatienter, à l'instar de la mère de Juliette, qui ignorait quand elle devrait prendre ses billets d'avion pour venir faire la maman gâteau, et les tanner sur sa volonté de devenir grand-mère. Pour changer, quoi. Ils commençaient à avoir l'habitude, et dans le fond, le couple s'amusait beaucoup de cette situation. Ils avaient dans l'idée de prendre leur temps, c'était tout ce qui comptait pour eux : avancer ensemble, et à leur propre rythme.


Juliette semblait reprendre un peu du galon, et c'était pour ravir Amaury. Elle avait décidé de passer la journée en ville, tandis qu'il avait commencé ses premières heures en tant que kinésithérapeute à domicile. Et sa patiente pour l'heure, c'était loin d'être n'importe qui. Il s'agissait de Beatriz, qui avait quelques douleurs dans le dos. L'avantage d'avoir un frère Kiné, c'était bien celui de pouvoir avoir des séances à tout moment.

Il était dans la salle du rez-de-chaussée gauche qu'il avait totalement consacrée à cet endroit, et sourit largement en voyant le visage de Bea, qu'il alla prendre dans ses bras. «Salut, toi !» dit-il avant de lui faire signe d'entrer et de s'installer. «Allez, dis-moi tout.» lui dit-il avant de regarder ses yeux. Elle avait l'air bizarre, non ? Etait-ce lié à la fatigue que sa douleur impliquait ?

Devoir appeler Amaury à la rescousse, c'était quelque chose qu'elle aurait préféré éviter. Beatriz, stressée par tant de choses au point que même sa consommation personnelle et secrète ne faisait plus effet, s'était sentie obligée de prendre rendez-vous avec son frère le kiné pour se débloquer. Ca ne lui plaisait pas plus que cela de ne pas avoir le choix mais elle se refusait à ce que quiconque d'autre ne la manipule physiquement pour la soulager. Déjà qu'appeler son frère était une épreuves compliquée. Son appartement n'était pas prêt à le recevoir. S'il n'était pas sale, il n'était pas rangé pour autant et ça se voyait qu'elle n'arrivait pas à se déplacer comme elle le voulait pour ranger : tout ce qui était à sa hauteur était ordonné, le reste était déplacé dans des coins avec ses pieds, s'ils étaient au sol, ou laissés dans leur coin s'ils étaient trop hauts. De quoi soupirer chaque fois qu'elle essayait quand même de mettre un peu d'ordres dans son appartement. Alors quand elle avait relu les conditions du "à domicile", même si elle n'était pas prête à temps pour être à l'heure, elle soupira de soulagement.

Ce n'était pas à son domicile à elle et ça lui suffisait à se dire qu'elle n'aurait pas de comptes à régler ou de jugement facile. Certes, ça n'arrangeait pas la situation d'un appartement dérangé qui l'agaçais, mais ça réglait le souci quand même.

Elle se hâta tout de mêmes à prendre les transports en commun pour aller sonner chez son frère, dont la porte pour les entrées patients permettait d'entrer sans trop de difficulté lorsqu'il était en activité. « Salut », lança-t-elle de mauvaise foi en s'installant, plus dérangée par la douleur que le fait d'être en presque face à face avec son frère. Installée rapidement malgré tout. « Je... crois que je me suis coincée les cervicales... et toutes les vertèbres de ma colonne avec. »

Etre le "docteur" de la famille, c'était souvent être appelé et considéré pour soigner les petites plaies, même celles qui ne constituaient pas son domaine de maîtrise. Alors, évidemment, avec le temps, c'était devenu un peu plus ciblé, ce que faisaient les membres de sa famille quand ils lui demandaient de l'aide. C'était pourquoi il n'avait pas été étonné de savoir que Beatriz nécessitait ses compétences de kinésithérapie.

Elle était venue à la maison, qu'elle l'avait d'ailleurs un peu aidé à arranger, à l'époque des travaux, et même s'il en restait, et s'était présenté à lui. Elle avait l'air d'être complètement hors service, quand il regarda sa jumelle. Il plissa les yeux, et lui offrit un petit sourire, et lui fit signe d'entrer. «Viens, fais comme chez toi, tu connais la maison. La première porte à gauche, c'est le cabinet, tu n'as plus qu'à t'installer, j'arrive.» Il allait devoir vérifier ce qu'il en était, et laquelle, ou lesquelles de ses cervicales s'était bloquées. Il ne voulait pas lui faire mal, mais il n'aurait peut-être pas le choix que de l'envoyer chez un osteopathe, qu'il n'était pas encore, cherchant à se spécialiser dans l'avenir, selon le problème.

Amaury entra à la suite de sa soeur, et laissa le SOLEIL lui réchauffer la peau. Ils avaient choisi le parfait endroit pour le cabinet, qui était parfaitement en soleillé, à l'instar des autres pièces à vivre. Au moins, le bien être réconfortant pouvait s'installer dans la pièce. «Je peux regarder ?» demanda-t-il sans lui laisser le moindre répit au final, dans la mesure où il avait tout simplement fini par poser ses mains froides dans le cou de sa soeur.  «Seigneur, tu es toute bloquée... Comment tu t'es fait ça... Je vais te masser, mais si la douleur persiste, soit tu reviens, et on essaiera de remettre en place au fur et à mesure, sinon, je te conseillerais un bon ostéo pour tout remettre en place directement. D'accord ? »

D'ordinaire, Beatriz serait simplement allée voir n'importe quel kiné. Mais c'était une excuse pour passer du temps avec Amaury. Enfin, dans sa situation actuelle de consommatrice excessive de paradis artificiels, elle n'était pas certaine que ce soit la chose à faire pour autant, mais elle savait qu'Amaury était le seul qui pouvait se dégager assez rapidement pour lui permettre de soulager sa douleur.

Alors elle s'était rendue chez lui, sans plus de chichis. De toute façon Beatriz n'avait pas la force d'en faire et s'était contentée de se présenter, l'air fatiguée, exacerber par les douleurs et sans doute aussi par l'absence de sommeil provoqué par sa consommation personnelle qu'elle se contentait de taire encore et encore à sa famille, secret bien gardé par Nevaeh qui aurait eu toutes les raisons du monde de se présenter auprès des Paquin pour leur cracher les faits que Beatriz tentait si fortement de dissimulé.  « D'accord, merci. » Elle s'était contenté de lui sourire et se rendre dans le cabinet qu'il venait de lui indiquer. La pièce était baignée de soleil, ce qui était loin d'être désagréable mais Beatriz avait peur que ce soit la meilleur façon de mettre la lumière ses les problèmes qu'elle laissait cachés dans l'obscurité.

Pas le temps d'acquiescer et de lui donner l'occasion de se raviser que les mains froides d'Amaury étaient déjà posés sur sa nuque à tâtonné à la recherche du problème. « J'en ai aucune idée. » Elle l'écoute lui expliquer la marche à suivre. « Très bien. Je préfère venir te voir, si ça ne te dérange pas. » Se faire tordre dans tous les sens par un inconnu ne lui paraissait pas assez sécurisant. Alors tant qu'à faire, autant que ce soit son frère qui s'en occupe, lui qui ferait forcément plus attention à elle qu'un inconnus.

Il invitait sa sœur à entrer, et la regardait en essayant de ne pas avoir cet air concerné, un peu inquiet qui aurait été naturel au vu de la tête de sa soeur. Elle avait l'air fatiguée, préoccupée et un peu usée.

Elle avait besoin de ses services de Kiné, soit il était partant. Il avait pris cette habitude, d'aider sa famille, de les masser. Ils étaient devenus ses cobayes, plus que lui n'était docteur à domicile pour gratuit pour eux. Alors il n'avait bien sûr pas hésité à lui dire de s'installer. «Je t'en prie.» dit-il avec un sourire alors qu'il se lavait les mains pour la masser.

Il prit soin de commencer à masser son cou, en essayant de trouver l'origine de la douleur. Mais il avait la sensation que Bea était un noeud de stress. Que lui était-il arrivé pour que tout à coup, elle semble si nerveuse ? Il n'osa pas demander, tout en appuyant les endroits contractés, et il soupira légèrement. «Comme tu veux, je pense quand même que ce serait pas mal. Je pourrais te remettre en place, mais ça risque de durer plus longtemps que si tu vas voir un ostéo, parce que je n'ai pas encore fait la formation, je j'aurais trop peur de faire un faux mouvement et de te bloquer encore plus...» Mais si l'emménagement allait vite, il pourrait faire la formation nécessaire bien plus tôt, et il serait bientôt prêt pour s'occuper de ce genre de tracas, et ne pas laisser sa jumelle en plan.

«Tu es beaucoup contrariée, en ce moment ?» demanda-t-il, en continuant de masser, et en bougeant un peu la tête de sa soeur dans un sens puis dans l'autre.

Cacher des choses à sa famille ce n'était déjà pas très simple, mais cacher des choses à son frère jumeau, ça l'était encore moins. Beatriz n'était pas très fières de devoir se cacher de la sorte et de mentir effrontément à son frère tout en ayant utilisé cette occasions pour le voir.

Elle ne connaissais pas les différentes raisons pour aller voir un ostéopathe ou un kinésithérapeute. Jusque là, Amaury l'avait bien aidée quand elle avait eu mal. Bien qu'elle entendait son argument, elle était déçue de se dire qu'elle passerait peut-être moins de temps avec lui que prévus. « Je ne penses pas qu'il soit possible de l'être plus que là maintenant » Elle se tentait à un petit sourire incertain, se refusant à entrer dans les détails. Bea ne devait son état qu'à elle-même et personne d'autres, autant ne pas se flageler plus que ce qu'elle le faisait depuis si longtemps. Ses épaules bougèrent de haut en bas l'air de dire qu'elle ne savait pas. « Je me rends pas bien compte, c'est toujours le feu au travail. » Elle savait, pourtant. Mais son travail lui servait pour la meilleur de toute les excuses, parce que tout le monde la plaignait de faire partie de ceux qui ont la lourde tâche du licenciement, autant que celle du recrutement.

Chaque fois qu'il la voyait, Beatriz semblait être un peu plus fatiguée que la fois précédente. Pour autant, il prenait sur soi et serrait les dents, ne tenant pas à forcer sa soeur à donner des explications de force.

Il ne s'était pas trompé, elle était un véritable noeud de noeuds. Plus il la manipulait et plus il avait la sensation qu'il y avait à dénouer. Elle sembla écouter sa proposition mais ne revint pas dessus, ce qu'il interpréta comme la compréhension et l'acceptation de ces paroles. Beatriz n'était pas du genre à s'épandre de trop en paroles, quand elle était d'accord avec quelqu'un, elle avait tendance à rester silencieuse et il la connaissait par coeur. La preuve, elle ne s'épandait pas non plus en explications sur ses réponses et il savait, parce qu'il en avait la sensation, qu'il y avait encore un monde de choses qu'elle ne disait pas haut et fort. «Des raisons particulières ?» "C'est toujours le feu" ne lui convenait pas et il savait aussi bien qu'elle éluderait la question si elle en avait l'opportunité.

Il continua de la masser jusqu'à ce qu'il commence à sentir qu'elle se détendait vraiment. «On passe du chaud et je continue le massage ensuite, ça te va?»

Quelque chose que la brune appréciait plus que tout, c'était qu'Amaury, derrière ses airs de frère inquiet, n'étais pas du genre à la pousser à dire ce qu'elle n'avait pas envie de dire. Un soulagement pour Beatriz qui n'envisageait pas mettre son frère dans une confidence qui pourrait rendre les choses un peu tendues entre eux. Elle n'avait aucune idée de comment il réagirait à l'annonces de ses addictions, si elle la faisait un jour.

Pour autant, ça ne l'étonnas pas d'entendre Amaury essayer d'en savoir plus. Elle aurait fait la même choses si leurs rôles avait été échangés. Elle le regarda un instant sans répondre, serrant légèrement ses lèvres l'unes contre l'autres, puis se décida à lui donner matières à ne pas s'inquiéter plus que ça. « Quelques postes à pourvoir, d'autres à libérer. Rien de très extraordinaire, mais entre ça et la gestion des dossiers de tout le monde qui est en pleine réorganisations, c'est un peu lourd. » Ce qui n'était pas complètement faux tout en ne reflétant pas réellement la réalité puisque le problème était ailleurs.

Finalement, elle réussit à moins sentir la douleurs et la tension de ses muscles. Elle acquiesça. « Parfait, oui. » Beatriz se redressa légèrement. « Je te revaudrai ça en tout cas. »