Qu’est-ce qui m’avait pris d’accepter ce job franchement ? J’avais passé les pires années de ma vie dans ce bahut et voilà que j’y refoutais les pieds. Sérieusement, un jour, mon amour pour la musique me perdra. J’avais été pris par les sentiments aussi, c’est un collègue du conservatoire qui m’avait dit que la prof de musique partait en congé maternité pour un moment et qu’ils avaient personne pour la remplacer et donc le lycée espérait qu’un prof de chef nous accepte de venir bosser pour eux quelques temps. Et là, concrètement, j’aurais pu dire non, mais ça voulait dire, plus de musique au lycée… Je sais que cette matière en faisait chier plus d’un, mais il y avait des gamins - comme moi - à qui ces cours avaient sauvé la vie. Je déconne pas, sans ça je sais pas comment j’aurais tenu.
Alors voilà, premier jour, je faisais de mon mieux pour ne pas me dire à chaque coin de couloir “oh, je m’étais fait péter la gueule par le quaterback ici !” ou “oh ! J’ai déjà été enfermé deux heures dans ce casier !”. De bons souvenirs quoi. Allez, haut les coeurs, cette fois, je rejoignais la ligne des professeurs, je ne risquais pas de me faire harceler. Mon sac sur le dos, je me dirigeai vers la salle des profs. Il était trop tôt pour croiser des élèves, mais mes nouveaux collègues étaient sûrement déjà là. Le proviseur m’avait dit par téléphone que la CPE devrait m’accueillir et me faire un rapide tour des lieux et une explication aussi sur le fonctionnement du lycée. Certes, j’avais passé toute ma scolarité ici, mais vingt ans plus tard, il y avait quand même un certains nombre de choses qui avaient changés.
Mais pas la CPE apparemment. C’était toujours madame Hannah Stiller ? J’étais presque étonné de tomber nez à nez avec elle dès mon entrée en salle des profs. Elle avait pris un sacré coup de vieux, mais j’avais déjà l’impression qu’elle était vieille quand j’avais quinze ans… C’était si étrange. Pourtant, elle était bien là. J’allais la saluer, mais elle fut plus rapide que moins.
- Je peux faire quelque chose pour vous jeune homme ?
Hm, ça faisait longtemps qu’on m’avait appelé jeune homme, mais pourquoi pas. J’imagine que par rapport à elle, en effet, j’étais jeune.
- Bonjour Hannah, je suis le remplaçant de madame Borks, la professeur d… - Les étudiants sont interdit en salle des profs, monsieur Hightower, alors si vous n’avez rien à demander à un de vos professeurs, je vous demanderai de sortir !
Attendez, est-ce qu’il était bien en train de se passer, ce qui était en train de se passer ? La vieille Stiller se souvenait de mon nom, mais elle ne se rappelait pas que j’avais quitté les bancs de l’école il y a presque vingt ans ? Dans quel multivers on est là ? Allez, c’était juste un malentendu, je pouvais bien presque sur moi, j’allais pas frapper une vieille à mon premier jour.
- Haha, non, je suis pas un élève, je l’ai été mais je viens pour le remplacem- - Arrêtez tout de suite avec vos mensonges ! Je sais très bien qui vous êtes monsieur Hightower, retournez à vos occupations avant que je ne vous mette deux heures de colle. Vous n’en avez pas déjà assez comme ça ?
Ok, c’était totalement lunaire cette conversation. Hannah n’écoutait rien de ce que je lui disais. Et sérieusement, j’avais pas une tête de lycéen. Alors certes, j’avais un sac à dos similaire à celui d’un élève, mais j’avais des tatouages partout et j’avais pas une tête d’ado prépubère, si ? Sérieux, j’étais à deux doigts de vérifier si j’avais pas de l’acnée sur les joues. Dans le désespoir, j’essayais de capter le regard d’un autre professeur dans la salle pour me venir en aide. Malheureusement, il n’y avait pas grand monde ce matin. J’espérais quand même que dans ce peu de personne, au moins un aurait pitié et verrait bien que je n’ai pas une carrure de lycéen.
Dans une carrière de prof, il arrive souvent qu’il y ait des élèves qui nous marquent et dont on se rappellera toujours. Durant toutes les années où j’ai enseigné, j’en compte au moins deux ou trois par classe qui, bon ou mal gré, impriment leur patte dans mon esprit. Les petits malins, les génies, ceux qui vous offrent du chocolat à la fin de l’année, et ceux qui sortent du lot par plein d’aspects différents. J’ai eu de nombreux élèves, et si je les ai tous appréciés d’une façon ou d’une autre, j’ai quand même eu certains chouchous, je dois bien l’admettre.
Achilles Hightower faisait partie de cette dernière catégorie. Pas que ce fut réciproque car je suis à peu près sûr qu’il détestait ses profs, mais je me souviens parfaitement que ce pauvre garçon était harcelé et moqué par les autres pour diverses et une raisons, à commencer par le fait qu’il n’était pas comme les autres. Longs cheveux noirs, maquillages, piercing, attitude « je m’en balance » et autre ‘bizarreries’ que le commun de la classe se faisait un plaisir d’humilier. Il ne fait jamais trop bon être différent au lycée, malheureusement. Et malgré toute ma volonté de lui venir en aide, je regrette encore aujourd’hui n’avoir rien pu faire pour rendre le lycée plus agréable pour lui.
Alors quelle n’est pas ma surprise quand en entrant dans la salle des profs, mug à la main et livre sous le bras, j’assiste à une scène pour le moins inattendue. Ses cheveux sont plus courts et son style vestimentaire moins extrême, mais il n’y a aucun doute sur la question de son identité. Il s’agit bien d’Achilles, et Hannah est en train de lui faire une scène. Il faut dire aussi que la pauvre n’a plus tout à fait toute sa tête et j’imagine que revoir un ancien élève dans la salle des profs l’a surprise au moins autant que moi. J’approche avec un sourire apaisant :
« Je vois que vous avez trouvé une nouvelle victime, Hannah. - Oh rien de très grave monsieur Lovelace, juste un élève qui s’est perdu, mais je m’en occupe ! »
Je pose ma main libre sur l’épaule d’Achilles :
« Hannah, cela fait longtemps que monsieur Hightower a quitté le lycée, ce n’est plus l’un de nos élèves. - Mais je… - Je m’occupe de lui, ne vous en faites pas. »
Hannah maugrée et rouspète, mais elle m’a à la bonne parce que je suis le seul à me souvenir de lui souhaiter un bon anniversaire. Elle n’est pas méchante, mais elle peut avoir parfois l’esprit obtus et il faut savoir la prendre dans le sens du poil pour obtenir le résultat que l’on souhaite. En l’occurrence, j’ai bien vu qu’Achilles cherchait un échappatoire à ses menaces et même si j’ignore ce qu’il fait ici, je ne pouvais décemment pas le laisser aux griffes de ma harpie préférée. Je m’éloigne un peu d’Achilles, allant poser mon mug de café brûlant sur l’une des tasses, lançant :
« Dis-moi tout Achilles, qu’est-ce que tu fais par ici ? »
Je lui adresse un regard gentiment amusé :
« Ne me dis pas que tu as décidé de refaire ta scolarité. »
A en juger par sa tenue et sa présence en ces lieux, il ne peut qu’être intervenant ou remplaçant. De quoi j’avoue que je ne sais pas bien. Achilles fait partie de ces élèves dont je n’ai aucune nouvelle après son départ. Je n’ai aucune idée de la trajectoire qu’a pu suivre sa vie et même s’il aurait pu être un élève très brillant s’il s’était investi, j’ai souvenir qu’il n’avait qu’un intérêt très limité pour les études. Ce n’est pas faute pourtant de lui avoir dit qu’il avait un sacré talent en écriture.
Sujet: Re: Back to highschool feat. Nemesis&Lion Mar 27 Juin 2023 - 1:55
C'était écrit dans le ciel, inscrit dans les astres, tout était réuni et rien ni personne ne pouvait rien y faire. Les dieux avaient décidé que ce serait la période, et la période était belle et bien arrivée.
« Lasse tes chaussures Jerry ! » Mais l'élève courait trop vite et venait de se viander lamentablement devant tous les individus présents dans le couloir. Pourtant, je l'avais prévenu. On ne m'écoute jamais. On écoute jamais Nemesis, oh ça non ! A quoi bon ? Cette pauvre folle de Nemesis... « Brooke, Jenna... regardez devant vous quand vous marchez et lâchez-moi ce téléphone ! Vous savez bien que ça ne se finira pas bien... » Elles non plus ne m'écoutèrent pas. Jenna se prit alors les pieds dans Jerry qui se relevait sans prendre la foutue peine de relasser ses foutues chaussures. J'allais finir par leur balancer des tourmalines dessus. Elles allaient s'envoler toutes seules, je vous le promet. Quant à Brooke, elle releva les yeux, évita l'accident de justesse, puis se moqua de son amie et de leur camarade. Je marquais une pause dans mon épopée jusqu'à la salle des profs et j'attendis. Pas longtemps.
« BROOKE ! BROOKE ! TU SAVAIS QUE TIM AVAIT EMBRASSÉ JENNA ? TU SAVAIS PAS HEIN ? HEIN, HEIN ??? »
La poucave préférée de la CPE entra alors en scène. Peter. Ce petit con de Peter. Lui, il ne recevait pas d'encouragements suivis d'un sticker et de paillettes sur ses dissertations. Je vous en donne ma parole ! Je n'étais pas contre les gossips innocents, mais je ne supportais pas les gens qui aimaient faire du mal aux autres, aussi gratuitement. Aussi... publiquement. Une bagarre éclata alors entre les deux filles, et ce pauvre Jerry se retrouva prit dedans en perdant l'équilibre au coeur de la querelle. Ben oui, mais je leur avais dit moi ! Le professeur de sport arriva et essaya de calmer les adolescentes, tandis que je taillais mon chemin vers le sanctuaire de pause des érudits de cette institution. En passant près d'un groupe d'élèves qui semblaient craindre pour la vie du petit-ami de Brooke, Charles-Henry, je me permis de leur lâcher de nouveau mon avertissement de ce matin.
« Mercure rétrograde en ce moment même. Ne l'oubliez pas. Ne l'oubliez plus. »
Je me tournais vers Charles-Henry.
« Jamais. »
Puis vers ses amis.
« Ne suivez pas son exemple. Mercure ne rétrogradait pas pour lui. Elle n'a pas que ça à faire. Ça c'était le karma mon coco. »
Puis je me tournais en un lancé de cheveux incroyable et précis par-dessus mon épaule, et je repris ma route. Il s'avérait cependant que je n'étais pas dans la bonne direction, mais... il était trop tard. J'étais professeur de théâtre par-dessus le marché, alors je ne risquais pas de montrer aux drôles de zigotos qu'ils pouvaient se moquer ou me manquer de respect. Je savais qu'ils me craignaient. Ils tremblaient de peur devant moi, devant mon prestige, ma grandeur, mon immense dignité. Bon, d'accord... peut-être qu'ils étaient tous à peu près plus grands que moi et ne me considéraient même pas comme un professeur grandiose. Mais tout de même !
Après effectué un bon détour, je vis Hannah sortir de la salle des profs en pestant et en parlant dans sa barbe. Même pas un bonjour, un petit « merci pour le paquet de dragibus que je me suis enfilée à moi toute seule pendant que vous enseigniez tout à l'heure Nemesis » rien. Pas un mot, pas un petit geste, un regard, UN SOURIRE. Alors, je fis de nouveau régner la terreur en lâchant près d'elle lorsqu'elle croisa mon chemin « Ce n'est que le commencement. Elle ne fait que débuté sa rétrogradation... » mais même elle ne fit pas attention et alla parler toute seule plus loin. Et bien ! Quel manque de savoir vivre aujourd'hui !
Je finis par rentrer dans la salle, me dirigeant vers le paquet de dragibus encore posé sur la dite table. Il ne restait qu'un seul bonbon. UN SEUL. « Mais quel genre d'être humain peut faire une telle chose... » puis je croisai le regard de Lion, qui semblait venir d'échanger quelques mots avec un nouveau venu. Estomaquée, je renversai le paquet sur la table pour montrer l'infamie. Je leur pointai du doigt le massacre qui venait d'avoir lieu. « Non mais dans quelle époque on vit ?! » Puis je récupérai le pauvre et misérable petit dragibus bleu entre mes doigts. « Et ce n'est pas un noir... Tout le monde sait que ce sont les meilleurs... Surtout elle. Elle l'a vu tout de suite. Il n'y en avait que trois dans le paquet. » Je tournai lentement la tête vers le nouveau et le fixai avec insistance. « Trois. Vous rendez-vous compte ? A quel point c'est grave ?! »
Et le pire dans tous ça, c'est que je savais très bien la dure réalité de cette journée aussi. Elle était derrière Lion. Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. « T'étais pas incroyable tu sais... mais, tout de même... pas toi ! » lançais-je dans un désarroi total à la machine à café qui affichait "hors service" devant mes propres yeux. Je finis par fondre en larmes et relâchai le dragibus sur la table, me laissant glisser sur une chaise près des garçons. C'était trop pour moi. J'étais à bout de nerfs. Pourquoi ? Je n'en avais aucune idée. Mais je rêvais d'un bubble tea bien frais et qui poppait dans la bouche avec ses incroyables saveurs. Pas du café à peine revigorant de la salle des profs. Qui ne m'apporterait même pas un petit réconfort aujourd'hui. Merci, Mercure. Merci !
Achilles Hightower
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Serre les dents Achilles, ça va bien se passer courage. Ne pas taper le premier jour. Ne pas taper le premier jour. Et dire que je pensais que le plus compliqué serait de se retrouver face à ma première classe. Définitivement, il fallait bien du courage pour être prof. La vieille peau ne voulait pas me lâcher, j’avais une folle envie de lui en coller une, mais on est d’accord, si je faisais ça, elle allait m’envoyer chez les directeur, je serais suspendu deux jours et en retenue pour le reste de l’année ? Ouais, c’est du vécu. Been there, done that, comme on dit.
De toute ma vie, je crois que je n’avais jamais fait une aussi belle preuve de sang froid. Heureusement, cela ne dura pas plus d’une petite minute. Un collègue vola à mon secours. Au début je n’avais pas vraiment fait attention, mais maintenant qu’il s’était rapproché, je reconnu M. Lovelace. Professeur de littérature. Je l’avais eu au lycée. Putain, il avait pris un coup de vieux mais, ça lui allait bien. Genre, j’aimerai bien me bonifier avec le temps moi aussi. Ou alors c’est parce qu’au lycée je ne savais pas apprécier les bonnes choses. En même temps, j’étais plus préoccupé à me rebeller contre le monde qu’à mater mes profs. Ce qui n’était pas plus mal à l’époque. Maintenant, je pouvais bien noter que mes anciens profs étaient beaux gosses, sans que ce soit trop bizarre et illégal.
Putain, il fallait que j’arrêt de fixer Lovelace, ça allait devenir gênant. Je trouvais un point ailleurs à regarder quand je senti la main du professeur tomber sur mon épaule. Par réflexe, mes muscles s’étaient crispés. J’avais failli balayer sa main, mais ce n’était pas méchant, il voulait sûrement être rassurant. Pour le coup, j’avais presque envie de donner raison à Hannah et dire que j’allais retourner en cours sagement. Bon, allez, au moins en quelques secondes, Lovelace réussi à me débarrasser de la CPE. Je remarquai que j’avais arrêté de respirer lorsque le professeur s’éloigna de moi. Avec un soupir de soulagement, je m’étirai brièvement et observai la salle des profs. J’étais censé faire quoi maintenant ? Normalement, Hannah était chargée de cette tâche. Lovelace avait pris le relais, à mon grand soulagement, mais il savait même pas pourquoi j’étais là.
Un frisson parcouru mon échine à l’idée de refaire ma scolarité. Je serais sans doute capable de faire mieux maintenant, mais mes années de lycées avaient été tellement catastrophiques, que non merci.
- Oh non, parle pas de malheur. Un scolarité c’était déjà bien assez. Je fais le remplacement de madame Borks, la prof de m…
Je m’arrêtai au milieu de ma phrase. Cette fois, ce n’était pas Hannah qui m’interrompait, mais l’étrange scène qui se passait un peu plus loin. Une autre professeure (je pense ?) était en train de secouer un paquet de dragibus, visiblement outrée qu’il soit vide. C’était donc ça les backstages du lycée ? Des profs qui s’offusquent de ne plus avoir de bonbons ? Moi qui pensait que l’ambiance ici ne serait pas si différente que celle du Conservatoire. Au final, j’avais du mal à savoir si j’allais trouver facilement ma place dans l’équipe pédagogique. J’étais vraiment perplexe et ne savait quoi répondre à la professeure qui essayait de me prendre à partie. Trois ? De quoi est-ce qu’elle parlait ? D’ailleurs elle parlait aussi à la machine à café ? Là, pour le coup, je comprenais que ça puisse être agaçant de ne pas avoir sa dose pour assumer la journée. J’échangeai un regard perplexe avec Lion. Moi qui pensait être une drama queen. Aurais-je trouvé mon maître ?
Bon, comme c’était mon premier jour et que j’avais envie de bien me faire voir de mes collègues, c’était le moment de sortir mon atout. Je posai mon sac à dos sur une chaise et l’ouvrir pour en sortir une boîte et l’ouvris sous le nez de la professeure accablée pour découvrir une belle rangée de donuts colorés.
- Ça ne vaut peut-être pas les dragibus noirs, mais je pense qu’en quantité de sucre on s’y retrouve ?
Est-ce que ça allait réconforter la professeure ? Je l’espérais. Je n’avais pas envie que ma première journée soit marqué par un drame d’une telle ampleur. Quoique, je préférai encore qu’on se souvienne d’aujourd’hui comme du jour de la disparition tragique d’un paquet de dragibus, plutôt que de celle où j’avais failli être viré avant de donner mon premier cours.
- Et pour ce que ça vaut, j’ai aussi du thé. Je savais pas si vous aviez une cafetière ou une bouilloire fonctionnelle alors…
Je posai mon thermos sur la table. Oui, rigolez si vous voulez, mais j’aime bien le thé. Je n’avais rien contre le café non plus, mais parfois, j’avais juste envie d’un petit thé à la menthe. A la base, je n’étais pas partie avec l’idée de partager ma boisson chaude, mais bon, vu la situation, je pouvais bien servir une tasse à une collègue en manque de caféine. En espérant qu’elle aime bien le thé. Je me retournai alors vers Lovelace, comme un gosse qui cherche à capter l’approbation de sa maman… Ou plutôt de son papa en l'occurrence. Il connaissait sans doute sa collègue mieux que moi. Comme il était la seule personne que je connaissais ici, il était un peu mon ancre. D’ailleurs, j’en profitai pour finir enfin ma phrase :
- Hm, et je disais donc, ouais, je viens remplacer madame Borks, la prof de musique le temps de son arrêt. Hannah était censée m’accueillir ce matin et me faire faire un tour du lycée, pour me présenter les lieux et me remettre mon emploi du temps, mais ça me semble compromis.
J’avais pas pensé à ça. Comment j’allais récupérer mon emploi du temps maintenant ? Putain, j’espère que j’allais pas apprendre que j’avais un cours dans la minute. Normalement non. Mais on sait jamais, l’éducation nationale, ça avait l’air d’être un beau bordel quand même.
On peut faire tout ce qu’on peut en tant que professeur, soutenir, aider, motiver, intervenir dans les situations difficiles, écouter, savoir quand alerter les autorités… On peut faire tout ça, et pourtant, encore manquer de moyens pour sortir un élève d’une situation compliquée. Je dois dire qu’Achilles fait partie de ces élèves que j’ai vu tanguer et manquer de se noyer. De ces élèves à qui j’ai tendu toutes les mains possibles, avec qui j’ai tenté d’établir le contact plusieurs fois, pour voir s’il y avait quoi que ce soit que je puisse faire pour adoucir son expérience du lycée, en vain. J’ai bien dû me résigner à le voir finir le lycée avec la boule au ventre que nous, l’équipe enseignante au complet, l’avions complètement laissé tomber.
Alors quelle n’est pas ma surprise de le croiser à nouveau plus de dix ans après les faits, dans la salle des professeurs. Dire que je m’attendais à ne plus jamais le revoir est un euphémisme. Il a l’air… changé. Calmé, peut-être après toutes ces années. J’imagine que le temps fait les choses, aujourd’hui comme demain. Moi-même je dois avoir bien changé depuis l’époque où j’enseignais à Achilles. À l’époque j’étais un père célibataire, galérant à joindre les deux bouts tout en élevant deux fillettes très énergiques et imaginatives. J’ai l’impression d’avoir pris vingt ans d’un coup. Alors que j’entame la discussion avec Achilles, Nem rentre dans la salle et je n’ai qu’à voir la tête qu’elle tire pour savoir qu’elle passe une mauvaise journée. Oh oh. Ecoutant Achilles d’une oreille et surveillant mon amie de l’autre, je vois cette dernière secouer le paquet de dragibus vide pour en retirer l’unique dragibus bleu. Son regard se tourne vers nous. OH OH. Je vois le drame venir avant même de pouvoir l’empêcher, et Nem se lance dans une diatribe sur le respect, la condition humaine et le faible taux de dragibus noirs dans les paquets. Je n’ai eu pour ma part que l’occasion d’en avoir un ou deux (les verts, mes préférés) ce matin en arrivant et je n’ai pas touché au paquet depuis. Pourtant, et je sais que Nem le sait aussi bien que moi aux vues de notre travail ici, il ne faut jamais rien laisser traîner dans la salle des profs si l’on souhaite en avoir une part. Je sais même que certains collègues piquent les boîtes de thé et de café, sans parler des produits d’entretien, si on leur en laisse l’occasion. Voyant Nem fondre en larmes, je m’approche d’elle pour caresser son dos d’un geste compassionnel. Il y a des jours comme ça où tout va de travers.
« Là, là, ça va aller… je t’emmène au Pink Bean Coffee après le boulot. Et on ira racheter des dragibus. »
Lançant un regard à Achilles, je lui propose, gentiment :
« Tu peux te joindre à nous, si tu le souhaites. »
C’est aussi son premier jour avec nous, à priori et j’espère que sa rencontre avec Hannah et la détresse de Nemesis ne lui ont pas fait peur. Puisqu’il n’est pas encore parti en courant, je ne peux que croire qu’il lui en faut plus pour prendre peur. Preuve en est qu’il vient nous sortir une belle boîte de donuts multicolores et je ne sais pas pour Nem, mais moi mes yeux s’éclairent totalement à cette vision. Cette journée qui s’annonçait fatigante vient soudainement de retrouver de l’éclat. Ma mère m’ayant appris à être poli avant même de savoir marcher, je ne me jette pas sur les donuts, et prends le temps d’écouter ce qu’Achilles me raconte, hochant la tête à ses propos :
« Tu remplaces Sandra alors… C’est courageux, mais je pense que tu t’en sortiras très bien. Les jeunes sont tout de suite plus réceptifs lorsque c’est… eh bien… quelqu’un de jeune qui leur fait cours. »
Je ne mentionne pas non plus que vu ce que j’ai pu apercevoir du caractère de Achilles en cours, il n’aura aucun mal à se faire respecter et à fermer le bec des plus indisciplinés. Me tournant vers Nemesis, j’attrape sa main et l’aide à se relever en continuant :
« Nemesis et moi, on va te faire visiter, c’est la moindre des choses. Puis on repassera voir Hannah pour ton emploi du temps, elle devrait s’être calmée d’ici là… »
Il va bien falloir de toute façon. Lançant un regard à mon amie pour lui demander :
« Ça ne te dérange pas de nous accompagner, Nem ? »
Je pose la question, mais au fond je n’attends qu’une seule réponse, quand j’ai bien l’intention de la faire venir avec nous. Je ne peux pas vraiment la laisser seule après une crise de larmes et une matinée qui s’est annoncée compliquée. Je me dis que ça ne peut que lui faire du bien de se changer un peu les idées avec nous. J’attrape un donut couvert de glaçage blanc et de vermicelles de toutes les couleurs avant de réaliser que j’ai raté une étape des plus importantes :
« Oh, au fait Achilles, voilà Nemesis, elle est prof de théâtre. Nemesis, voilà Achilles, c’était un de mes élèves il y a une petite dizaine d’années… Et maintenant il fait des remplacements ici ! Sans vouloir t’offenser Achilles, je n’aurais jamais imaginé que tu deviendrais professeur. Je suis agréablement surpris. »
Achilles Hightower
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Premier jour, on m’invitait déjà à aller boire un coup après le travail, c’était pas trop mal je pense en terme d’intégration. Je hochai la tête en regardant M. Lovelace prendre sa collègue dans ses bras. Pendant quelques secondes, mon cerveau s’imagina à la place de la professeure. Mais je balayais rapidement cette idée de mon esprit. Je n’allais pas avoir un crush sur un ancien prof, puis quoi encore ! Le Ache ado serait outré que je fasse ça. On verra après cette journée si j’avais encore de l’énergie pour sociabiliser. On souffle un bon coup, ça va bien se passer. Il fallait vraiment que j’arrête de baver sur Lovelace, ça allait finir par devenir gênant. Quoique, ce n’était pas une si mauvaise idée. On s’en fou de Ache-ado, il n’existait plus. Puis à ce que je sache, le prof de littérature était quelqu’un de bien. Ca me changerait des mecs que j’ai connu jusque là. Peut-être que c’est ce qui me fallait quelqu’un de posé, qui avait sa vie bien en main.
Putain, ça faisait même pas un quart d’heure que j’étais là et je me faisais déjà des films. Perdu dans mes pensées, j’avais raté un épisode je crois parce que la professeure dans tous ses états avait l’air d’aller mieux, elle était à présente assise à manger un donut. Pour avoir été élève, je ne pouvais pas contredire Lion. On aimait bien les profs jeunes, peut-être parce qu’on se sentait plus proche d’eux, parce qu’on les trouvait plus cool, je sais pas trop. Putain, faut que j’arrête de parler comme si j’étais encore un élève. Mais cet endroit… Difficile de ne pas se remettre dans ce rôle.
Nemesis annonça qu’elle aurait volontiers participer à la visite, mais elle avait un cours bientôt. Elle me pris dans ses bras pour me souhaiter la bienvenue et quitta la salle en lançant une poignée de paillettes derrière elle. Mais d’où est-ce qu’elle sortait ces paillettes ? Je n’avais pas bougé d’un iota, cette situation me dépassait. Est-ce qu’il allait falloir que je soigne mes sorties de salle des prof comme ça ? Est-ce que c’était un truc mis en place dans le règlement pour réduire la dépression chez les prof ? Ça pourrait marcher remarque. Mais je me voyais pas faire une petite danse interprétative à chaque fois que j’allais donner un cours. Vous savez quoi ? Je préférais prétendre que rien de tout ça n’était arrivé.
- Hm… Je crois que c’est juste nous deux. Merci, profess… M. Lovelace ? Désolé, j’ai pas souvenir de ton prénom…
J’avais retenu le nom de Lovelace, c’était bien. Si j’avais été un élève plus attentif, peut-être que j’aurais su son prénom. Mais à l’époque, j’en avais rien à foutre. A part la musique, il n’y avait rien qui m’intéressait. Ok, c’était peut-être toujours le cas aujourd’hui. Je crois que j’étais quand même un peu moins farouche qu’à l’époque. Pour preuve, je n’avais pas encore perdu mon calme et je n’avais frappé personne. Peut-être parce que cet endroit me foutait trop mal à l’aise pour que j’ose m’exprimer plus que ça. On était pas passé loin du drame avec Hannah. Finalement, on devait sans doute ce calme à Lion. Il faut dire qu’il avait une présence apaisante.
- Y a pas de mal. J’aurais jamais pensé remettre les pieds ici un jour.
Mon seul rêve au lycée, c’était de monter un groupe et de devenir un rockstar. Vous vous doutez bien que ça ne plaisait pas au conseiller d’orientation. Il avait essayé de mon convaincre que la fac de musicologie ne me mènerait nulle part, qu’il valait mieux que j’essaye de mettre les bouchées doubles en math ou que j’envisage une carrière dans un travail manuel. Sérieusement, vous me voyez dans un truc manuel ? Hors de question que j'abîme mes mains de pianiste. Heureusement, je n’étais pas bon pour écouter les conseils des adultes. Seul l’avis de ma mère réussissait à avoir un impact dans mes décisions. Et elle était ravie que je parte en musicologie, c’était même elle qui m’en avait parlé. Parce que j’envisageais même pas la fac à la base. Mais ma mère est une universitaire, évidemment qu’elle voulait que son fils fasse des études.
- Finalement, il se trouve que j’aime bien enseigner. Enfin la musique, qu’on s’entende. Ça fait quelques années que je travaille au Conservatoire.
J’avais suivi Lion hors de la salle des profs pour commencer le tour des lieux. Jusque là, rien ne me semblait avoir changé. Les couloirs étaient toujours les mêmes. Il y avait des peintures de refaites, des casiers de changé. Mais rien qui dénature totalement le paysage. Les salles avaient sans doute connu plus de modifications.
- Et toi ? Toutes ces années ce lycée… jamais eu envie de partir ?
Je comprenais qu’on aime son job. J’aimais le mien. Mais vraiment, ce lycée, pour moi il était synonyme d’enfer. J’avais du mal à imaginer qu’on puisse y rester aussi longtemps. Après, j’avais la perspective de l’élève harcelé par ses camarades et qui échouait à tous en classe. Puis, j’étais là au final. A croire que j’étais très déterminé à changer mon point de vue sur cet endroit. Ou j’étais juste maso.
Si on m’avait demandé quel avenir j’imaginais pour Achilles à l’époque, j’aurais probablement parlé de comédie musicale et de carrière de chanteur. Je crois me souvenir qu’il jouait dans les productions du lycée, mais peut-être bien que je me trompe. Il est vrai que j’ai vu passer beaucoup d’élèves et même si ma mémoire est plutôt bonne, j’avoue ne bien me rappeler que de 30 % d’eux. Les noms et les visages défilent, chaque année différents, Autant de destin différent, de rêves, de vies tout juste sur le point de commencer. La seule chose qu’on peut vraiment faire est d’essayer de les traumatiser le moins possible, quand c’est possible. Est-ce qu’on y arrive toujours ? Absolument pas. C’est une de ces vocations qu’il faut apprendre à mettre au placard quand on devient prof. On n’est jamais qu’humains, au fond.
Même s’il y a des humains plus spectaculaires que d’autres.
A commencer par Nemesis qui fuit la salle des profs en laissant derrière elle une traînée de paillettes. L’homme de ménage lui a pourtant demandé d’arrêter de faire ça, mais il faut croire que ça n’est pas vraiment rentré. De toute façon, la personne qui empêchera Nem d’utiliser des paillettes n’est pas encore née. Je secoue la tête, plus amusé qu’autre chose, et me tourne vers Achilles qui, au vu de la tête qu’il fait, ne devait vraiment pas s’attendre à ça. Il faut dire aussi qu’il n’a pas eu la chance de la croiser en cours. J’ose pourtant penser qu’ils se seraient bien entendu, ils ont tous les deux une tendance à la dramatisation des événements. J’adresse un sourire tranquille au nouveau prof.
« Lion. Tu peux m’appeler Lion. »
C’est toujours étrange d’entendre un ancien élève prononcer mon prénom. Je ne vais pourtant pas forcer Achilles à m’appeler Monsieur alors qu’on est maintenant collègues. Il faut juste que je me mette en tête qu’il a grandi et qu’il n’est plus le gamin que j’avais en face de moi en classe. Les temps ont bien changé. Malgré moi, je suis curieux de savoir à quoi ressembleront les cours d’Achilles. S’il a retenu quoi que ce soit des cours qu’on donnait ici, bien que j’avoue que j’en doute. À l’époque, il était très dissipé, pas par sa faute, mais car il avait d’autres centres d’intérêts que les livres que j’étais forcé de leur faire lire. Achilles avoue n’avoir jamais pensé qu’il remettrait les pieds ici et je hoche la tête. Je ne peux que comprendre. Quand j’étais jeune, je ne m’imaginais pas donner des cours dans l’endroit où je rêvais de ne plus jamais revenir. Le lycée n’est pas forcément le meilleur endroit pour s’épanouir, quand déjà à mon époque il ne fallait pas être un nerd.
« La musique, ça a toujours été ton truc, déjà à l’époque, je me souviens. Je suis content de voir que tu n’as pas perdu ça. »
Vivre de sa passion, on ne peut pas dire que ce soit quelque chose d’évident. Si je devais avoir un dollar pour les élèves que j’ai vu renoncer à leur rêve quand la dureté de la vie leur a éclaté sur les épaules, je serai probablement un peu plus riche qu’aujourd’hui. J’avoue que je suis déjà content de savoir qu’Ache n’a pas versé dans l’illégalité. Dans une ville comme Fall River, j’en ai vu plus d’un perdre l’étincelle dans les yeux pour aller dealer de l’argent avec Johnny. Je ne peux pas dire que j’approuve, mais je mentirais si je disais que je ne comprends pas. Quand j’élevais les filles, nombre de fois sont arrivés que je n’ai pas de quoi finir le mois. Sans mes parents et Johnny, je ne sais pas comment je m’en serais sorti. Achilles m’accompagne alors que je lui fais faire le tour du propriétaire. Ici les choses n’ont pas vraiment changé, c’est toujours le même train train, et une fois qu’on est embarqués dedans, c’est difficile d’en sortir. Je hausse les épaules :
« J’aurais pu. Mais comme toi, j’aime enseigner, et puis c’est une manière de rester en contact avec toutes ces histoires que j’aime tant. »
La littérature a toujours été ma bouée de sauvetage, quand le reste s’écroulait. Amusé, j’ajoute :
« Et puis qui pour me remplacer dans une ville comme celle-ci ? Non je crois que je vais être là jusqu’à ce que je commence à oublier ce que j’enseigne. »
Si ça m’arrive seulement un jour. Peut-être bien que je ferais une crise cardiaque en plein milieu de ma salle de cours, quoi que ce serait un peu morbide pour mes élèves. Un trauma de plus à ajouter à leurs vies déjà bien remplies.
« Tu verras, c’est un bon moyen d’exorciser les démons qu’on a avec cet endroit. »
Ma propre scolarité n’a pas été toute rose et même avec la présence de Peneloppe à mes côtés, j’avais beaucoup de mauvais souvenirs liés à ce lycée.