Une journée de plus au poste. Aujourd’hui il n’est pas sorti sur une intervention, il est resté derrière son bureau à finaliser des dossiers. La paperasse fait partie intégrante du job, personne n’y échappe. Ce n’est pas parce qu’il est gradé qu’il peut tout refiler aux bleus. Et puis travailler lui occupe l’esprit. Quand il est au boulot, il se concentre sur ce qu’il fait, est très méticuleux, et cela lui évite de trop penser à Penny. Ou Rory. Elle qui a changé d’identité. Dans les moments de solitude dans la maison qu’il loue, quand il se retrouve face au rien qu’il y a dans son existence, forcément il pense à sa fille et au fait qu’elle ne veut pour le moment pas de lui dans sa vie. Pour Johan, ça a été difficile à accepter, cette réaction de Penny. Pourtant il doit faire avec. Il lui laisse de l’espace pour le moment mais nul doute qu’il va revenir à l’attaque quand l’occasion va se présenter. Elle lui manque. Elle lui manque cruellement. Enfin au moins, quand il se concentre sur son travail, il n’est pas parasité par de tristes pensées, c’est déjà ça. Il jette un coup d’oeil à l’horloge et réalise que la journée est déjà arrivée à sa fin. D’ailleurs, il a dépassé l’heure à laquelle il devait partir à la base. Ce qu’il fait assez souvent. Johan est un bosseur, il n’a jamais compté ses heures et c’est d’ailleurs ça qui l’a finalement éloigné de sa fille. A trop être obsédé par le travail, il a failli dans son rôle de père. Un soupir. Il a à peine terminé le travail qu’il repense déjà à Penny. C’est dur. Très dur. Il se redresse, s’étire et récupère sa veste d’un joli gris foncé qu’il enfile puis son manteau. Le printemps est là mais à cette heure-ci il fait encore frais à cette époque de l’année et dans cette région. Johan est habitué à des températures plus clémentes mais le climat n’est pas un problème.

Il en a d’autres des problèmes.

Il éteint la lumière de son bureau et quitte l’étage en saluant les collègues encore présents au passage, son casque de moto sous le bras. Lorsqu’il arrive à l’extérieur il s’arrête en remarquant un peu plus loin une silhouette qu’il ne pourrait confondre avec aucune autre : Derek. Johan l’observe un instant et sourit d’abord, en repensant à la nuit qu’ils ont passé ensemble. Est-ce Johan qui a fait le premier pas ? Est-ce Derek ? Il ne se souvient plus trop mais ce dont il se souvient, c’est qu’il l’a trouvé charmant dès qu’il l’a rencontré dans ce bar. L’alchimie s’est faite entre eux, ils ont fini par passer une nuit ensemble. Ils ne se sont cependant rien promis, tout a été clair dès le départ entre eux : il ne s’agissait que d’une aventure d’un soir. Aucune promesse. Aucun engagement. Ni l’un, ni l’autre n’était prêt pour ça. Quand ils se sont revus au poste et qu’ils ont compris qu’ils travaillaient tous deux au même endroit, il y aurait pu avoir un malaise mais les deux hommes ont su se comporter en adulte. Finalement c’est une amitié qui a fini par naître entre eux. Et voilà Derek qui est là, seul, à fumer une cigarette et quand le regard de Johan se pose sur son visage, le sourire du lieutenant disparaît. Quelque chose cloche chez Derek. Il n’a pas le même regard que d’habitude. Johan voit une ombre dans les prunelles du détective. Une ombre qu’il n’avait jamais vue. Johan n’hésite pas une seconde : il s’approche de Derek sans attendre, soucieux pour lui. « Hey. » qu’il dit une fois arrivé à sa hauteur. L’ombre est d’autant plus visible maintenant qu’il est proche. « It’s been a while. » Ce qui est vrai. Voilà un moment qu’ils ne se sont pas vus. « Is everything okay ? You look... » Quoi exactement ? Il ne saurait mettre des mots dessus. « I mean I can tell something’s wrong. » Car il sait lire dans les regards, sur les visages. Il est doué pour ça Johan. Et le visage de Derek, son regard, il les a bien en tête. Oh que oui.

@Derek Newell

Alors ? Que se passe-t-il ? Derek n’a vraiment pas l’air d’aller bien. Johan est loin d’être idiot et il le remarque. Bien sûr qu’il le remarque. Comment pourrait-il passer à côté ? Il connaît les traits de Derek. Il sait la douceur qui peut s’y trouver. Le calme. La sensualité aussi bien que cela soit totalement autre chose. Mais là, ses traits sont tirés, son visage est fermé. Quelque chose cloche, c’est une certitude. « No shit... » Johan penche la tête sur le côté en arquant un sourcil. Allons bon… Ce ton ironique ne lui dit rien qui vaille. Cela ne fait que l’inquiéter davantage en fait. Cette froideur. Cette distance. Alors qu’il s’agit de Johan, qu’ils ont partagé des choses intimes et que là, en dehors du poste, ils peuvent être eux-mêmes sans s’inquiéter du regard des autres, des possibles jugements. Derek finit par dire que ce n’est qu’un mauvais jour, que Johan n’a aucune raison de s’inquiéter. Mais bien sûr. Et lui ? Comment il va depuis la dernière ? Ah la bonne question. Un rire amer s’échappe des lèvres du lieutenant. « You’re having a bad day, I’m having a bad year. It sucks. » dit-il avant de glisser sa main à l’intérieur de la poche de son manteau pour en sortir son paquet de cigarettes et s’en allumer une à son tour. « Life sucks. » finit-il par dire après avoir glissé sa cigarette dans le bouche. Il observe autour de lui, pas véritablement de meilleure humeur que Derek en fait, et il le réalise maintenant qu’il est à côté de lui.

On ne peut pas dire que Johan respire la joie de vivre non.
En même temps il a de quoi être préoccupé avec Penny.

« And for the record, I don’t buy the « bad day » thing. It’s more than that. I’m not a fool. » Il n’a pas juste passé une mauvaise journée non, c’est quelque chose de plus profond que cela, et Johan en est persuadé. On ne la lui fait pas à lui. Oh ça non. Il est plus vieux, ça l’aide sans doute. « How ‘bout a drink ? » demande-t-il finalement en se tournant vers Derek. Haussement de sourcils, petit sourire avenant. « Unless you prefer to mourn by yourself... » Petite grimace. « But it’d be a shame. You by yourself with whatever it is that’s bothering you. Me by myself with what’s bothering me. » Une pause. « Maybe it’d be easier on us if we’d stick together, don’t you think ? » Il repenche la tête sur le côté tout en observant Derek avec intensité. Dans l’esprit de Johan, plutôt que de se morfondre chacun dans son coin, il serait mieux de passer un peu de temps ensemble. La solitude n’a rien de bon, plus particulièrement dans les mauvais moments. Peu importe ce que Derek traverse, Johan est certain qu’un verre en sa compagnie, même s’il n’est pas l’homme le plus joyeux du coin, sera toujours mieux que de le laisser seul à ruminer. En fait, il n’a pas envie de le laisser seul. Il s’inquiète. C’est plus fort que lui.

@Derek Newell

Effectivement, Derek aura beau essayer, Johan sait lire en lui. Non, ce n’est pas une simple mauvaise journée. C’est quelque chose de plus profond que cela et Johan le voit, le sait, le sent. Sans doute parce qu’il a l’habitude de lire les émotions chez les autres. Il en général plutôt une bonne intuition. Enfin sauf en ce qui concerne sa fille mais ça, c’est une autre histoire. En tout cas il est là, auprès de Derek, bien décidé à lui changer les idées tout en se changeant les idées en même temps. Après tout, ils ont l’air aussi misérables l’un que l’autre alors pourquoi ne pas épancher leurs troubles ensemble ? L’idée semble plutôt bonne à Johan. Alors il essaye de la vendre son idée pour convaincre Derek mais bien rapidement, le détective lui répond qu’il était d’accord dès l’instant où Johan a parlé d’aller boire un verre. Ce à quoi Johan répond par un sourire franc bien que toujours teinté de cette mélancolie qui est son lot quotidien depuis la disparition de Penny. Qu’il l’ait retrouvée ne change malheureusement rien à ça pour l’instant parce qu’elle le repousse, ne veut pas de lui. Il doit faire avec. Il n’en dit cependant rien à Derek de la même façon qu’il ne lui pose pour le moment pas de question se voulant indiscrète. Peut-être qu’autour d’un verre ils pourront davantage parler mais sur le moment, Johan estime qu’il ne vaut mieux pas. Pas maintenant. Derek lui demande finalement s’il connaît un endroit ou sinon ils peuvent aller au même endroit que la dernière fois. La dernière fois… Johan observe Derek avec un peu plus d’intensité, se rappelant très bien la dernière fois où ils ont bu un verre ensemble. Cela s’est terminé chez Derek et ils ont finalement passé la nuit ensemble. C’était avant de savoir qu’ils travaillaient au même endroit, peu de temps après l’arrivée de Johan. Aujourd’hui les choses sont différentes puisqu’ils savent qu’ils sont collègues.

Pourtant…
Pourtant cela n’empêche pas Johan d’inviter Derek, non.

Un sourire. « The same place as last time is perfect. » dit-il, parce qu’il avait apprécié l’endroit. « I’ll see you there. » dit-il avec un regard entendu avant d’éteindre sa cigarette et de se diriger jusqu’à sa moto sur laquelle il grimpe avant de mettre son casque. Le contact est bientôt mis. Il a un dernier regard pour Derek et file. Le chemin ? Il le connaît pour l’avoir fait la dernière fois justement. Même s’il n’avait pas pris la direction du post, Johan connaît plutôt bien la ville aujourd’hui et sait comment se diriger. Il a, qui plus est, un excellent sens de l’orientation. Il ne lui faut pas très longtemps pour arriver non loin du bar en question. Il gare sa moto en face, attache son casque à la roue de la moto avec l’antivol pour éviter d’être encombré et traverse la rue pour aller se placer devant le bar en attendant Derek. Johan réalise que ce n’est peut-être pas une si bonne idée que ça. Sur le moment ça lui a semblé bien mais n’est-ce pas jouer avec le feu ? Il suffit qu’ils boivent un peu trop et cela risque de déraper. Il en a bien conscience en fait parce que Derek lui plaît, c’est un fait. Il lui a plu dès qu’il l’a rencontré. Alors oui c’est jouer avec le feu et en même temps… En même temps il n’a pas si peur que cela de se brûler Johan. Et, très sincèrement, lorsqu’il voit Derek arriver, tous ces questionnements disparaissent. Ils ont le droit de passer un bon moment ensemble. Après tout, ils ne doivent rien à personne, cela relève de leur vie personnelle et puis Derek ne travaille pas directement sous les ordres de Johan. Donc…

Donc on arrête de se torturer et on profite. « So, what’s your poison tonight ? » demande-t-il à Derek alors qu’ils pénètrent à l’intérieur du bar. Johan va savourer du whisky ce soir lui.

@Derek Newell

Alors, quel va être son poison ce soir ? Johan, lui, va opter pour un bon whisky. Il n’est pas difficile en matière d’alcool mais il est vrai qu’il a un faible pour le whisky. Il faut dire que c’est un bon compagnon pour les soirées solitaires auxquelles il est habitué Johan depuis son divorce. Quoiqu’il ait des aventures, avec Derek ici présent par exemple, mais cela reste assez rare et il passe beaucoup de ses soirées seul. Il aimerait les passer avec sa fille mais là encore, c’est compliqué. Plus que compliqué : c’est impossible puisqu’elle ne veut pas de lui. C’est comme ça. Donc oui, son poison pour ce soir comme souvent va être le whisky. Et pour Derek ? Il finit par répondre qu’il va boire la même chose que lui et qu’il devrait prendre la bouteille. Un fin sourire vient étirer les lèvres de Johan alors qu’il hoche la tête à la positive. La bouteille ? La bouteille donc. D’un geste de la main il fait signe au barman auquel il demande une bouteille complète de whisky et deux verres. « It’s on me tonight. » dit-il à Derek alors que le serveur apporte leur commande. Johan sort son porte-feuille et vient déposer assez de billets verts pour régler la bouteille et laisser un pourboire conséquent au barman. « Keep the change. » dit-il avec un petit sourire avant que le barman ne s’éloigne. Johan se saisit de la bouteille, retire le bouchon et vient remplir les deux verres pour une première tournée. Il va y en avoir beaucoup puisqu’ils ont la bouteille mais bon, au pire, l’appartement de Derek n’est pas très loin et si Johan ne peut pas conduire, il pourra toujours squatter son canapé.

Ou son lit.
Mais ça, c’est une autre affaire.

Il lève son verre. « To… » Il marque un silence, fronce les sourcils. « You know what ? Let’s forget about that. » Parce que, techniquement, il n’y a rien qui vaut la peine de trinquer ce soir. Et il imagine que c’est la même chose pour Derek. Alors il vient simplement faire cogner le verre contre celui de Derek, en silence, avant de boire une longue gorgée de whisky qu’il savoure. Un sourire. « That feels good. » Oui, vraiment. C’est tout ce dont il avait besoin : un bon verre en bonne compagnie. Il observe Derek en demeurant silencieux un instant puis plisse les yeux. « So... » Il penche doucement la tête sur le côté. « Are you gonna tell me what’s on your mind ? » demande-t-il en plongeant son regard dans celui de Derek. « Or do I have to make you speak ? » ajoute-t-il en haussant les sourcils. Ce n’est pas de la curiosité mal placée mais plutôt de l’inquiétude sincère en réalité. Parce qu’il voit les ombres dans le regard de Derek et il n’aime pas ça.

@Derek Newell

Johan essaye de faire parler Derek parce qu’il voit bien qu’il est vraiment tracassé par quelque chose. Ce n’est pas simplement une mauvaise journée, c’est plus profond que cela alors oui, il demande ce qu’il se passe. Il n’hésite pas. Il ne fait pas dans la dentelle et y va sans détour aucun. C’est plutôt dans sa nature d’agir comme ça et puis, après ce qu’ils ont vécu ensemble, même si c’était avant de savoir qu’ils bossaient également ensemble, Johan estime qu’il peut bien se permettre cette curiosité. Mais bien rapidement, Derek réplique qu’il n’a pas assez bu pour ça. Pas encore tout du moins. Johan plisse les yeux et penche doucement la tête sur le côté alors que Derek vide son verre d’une traite. Du coup, le lieutenant se saisit de la bouteille pour remplir de nouveau le verre de Derek : l’idée et de se foutre du reste du monde ce soir, de boire, d’oublier. D’oublier… Cette chienne de vie. Johan récupère son verre et en boit une bonne gorgée alors que Derek poursuit en disant que comme lui, c’est carrément une mauvaise année, qu’il devrait commencer par parler. Ah oui ? Parce que c’est comme ça que ça fonctionne ? Dans le fond… Dans le fond il a raison. Johan soupire, lourdement avant d’imiter Derek et de finir son verre d’une traite. Le verre vient claquer contre le bois du comptoir et après s’être léché les lèvres, Johan remplit de nouveau son verre. « Well, actually, it’s been a couple of bad years. » précise-t-il avant de reporter son regard sur Derek.

Il veut qu’il parle ?
Il va le faire.

« My daughter ran away six years ago. » dit-il, la voix sombre, éteinte. « I mean at the time we didn’t know about the running away part. Well, I had a feeling but my wife was sure something had happened to her. Eventually she stopped hoping but I never stopped hoping. I never stopped looking for her. I was sure she was alive somewhere. I was so sure of that... » explique-t-il en détournant son regard de Derek pour s’intéresser au liquide ambré qu’il y a dans son verre. « I found her. Here. In town. Last autumn. I found her but hm... » Il fronce les sourcils. C’est douloureux. Vraiment douloureux. Il ferme les yeux un instant pour éviter de se mettre à pleurer comme un idiot. Il prend sur lui, rouvre les yeux et les reporte sur Derek. « She doesn’t want to see me, she doesn’t want to talk to me… She’s… She’s really mad at me. » Un soupir. « You see, when I was in the FBI I hm… I drowned into my work and I was away from home and I… I lost her. It was my fault. I didn't listen to her. I didn't have faith in her. » Un silence. « I wish I could repair what I’ve broken but for the moment, she doesn’t want to let me so... » Un autre soupir. « So I work, I drink and I hope she’ll come around someday soon. That’s all I can do. » ajoute-t-il avec un petit rire amer. « Hope. » Il n’ajoute rien, se contente de reboire une gorgée de son whisky, ses pensées tournées vers Penny.

Où est-elle ?
Que fait-elle ?
Va-t-elle bien ?

@Derek Newell

« I know right ? » dit-il quand Derek remarque que, effectivement, il a eu de mauvaises années Johan. On peut le dire oui. Avoir perdu Penny et la chercher sans relâche ont été les pires moments de sa vie. Et pourtant, il en a vu des saloperies en tant que policier puis surtout en tant qu’agent du FBI. Oui, il a vu des choses bien terribles mais comparé à la perte de sa fille… Un soupir. Il reprend une gorgée puis reporte son regard sur Derek quand il parle de Penny, du fait qu’elle soit saine et sauve. Johan hoche la tête à l’affirmative. Il sait que Derek a raison. Il sait qu’il doit se réjouir de tout ça mais le fait qu’elle ne veuille pas de lui complique grandement ce que ressent le lieutenant. Puis y’a ces compliments qui arrachent un sourire triste à Johan. Quelqu’un de bien. Et un bon père malgré les erreurs qu’il a pu faire. Il n’en sait trop rien. S’il était vraiment quelqu’un de bien, il aurait eu foi en sa fille, l’aurait encouragée dans ses projets plutôt que de voir le mal partout et l’empêcher de réaliser ses rêves. Et puis, s’il était un bon père, il serait présent pour son fils, n’aurait pas besoin de le délaisser pour s’occuper de Penny. Non, Johan n’aura pas le prix du meilleur père de l’année mais Derek est gentil de le dire. Vraiment gentil. Johan apprécie l’attention. Derek finit par avouer que sa mauvaise journée n’est rien comparée à ce que Johan vient de raconter. « It’s not a contest. » dit Johan alors que Derek revient remplir les deux verres.

Ils sont bien partis pour finir la bouteille.

Puis, la langue de Derek se délie. Un petit peu. Il dit à Johan que cela fait un an, jour pour jour, que sa mission infiltrée s’est terminée. Oh… Il était un agent infiltré avant de rejoindre la police de Fall River ? Johan n’en avait aucune idée. Il observe Derek en silence tandis que le regard de ce dernier se perd dans le fond de son verre. Il finit par avouer qu’il devrait avoir conscience que ça s’est bien terminé, qu’il y a ce « happy ending » au final mais il n’y arrive pas. Forcément, ça interpelle Johan. Pourquoi Derek vivrait-il les choses de cette façon ? Il est en vie, il s’en est sorti, visiblement les choses se sont bien terminées puisqu’il parle de bonne fin. Qu’il ne parvient pas à voir. Puis ça fait tilt dans l’esprit de Johan. « You lost someone, didn’t you ?... » finit-il par dire. Il fait le lien Johan parce que, si Derek n’arrive pas à voir le bon dans le fait que sa mission ait été un succès, c’est qu’il y a une sacrée ombre au tableau. Et avoir perdu quelqu’un d’important, ça fait sens dans l’esprit de Johan. « Someone close, right ? » ajoute-t-il en cherchant à croiser le regard de Derek qui demeure distant. Johan finit par soupirer et par s’intéresser lui aussi à son verre. « It’s okay you know, to talk about it. » dit-il plus bas, sur un ton se voulant rassurant et bienveillant. Ce n’est pas qu’il est particulièrement curieux et intrusif. Il veut juste être là pour Derek s’il en besoin. Et… « And it’s okay if you don’t want to talk about it. » Oui, c’est okay s’il préfère garder tout ça pour lui même si quelque chose dit à Johan que Derek aurait bien besoin de se défaire du poids qui pèse sur ses épaules.

La décision lui revient entièrement cependant.

@Derek Newell

Johan est sincère avec Derek : il peut en parler comme il peut choisir de ne pas en parler. Dans les deux cas, Johan sera là, c’est un fait. Pour le soutenir. Pour l’écouter s’il a envie de se confier. Il comprend, le lieutenant, que ce n’est pas forcément une chose facile. Et puis ils ne sont pas extrêmement proches non plus même s’ils l’ont été le temps d’une nuit. Ceci dit, Johan propose son écoute malgré tout. Il est là pour lui. Johan observe Derek en silence alors qu’il voit son regard changer. Qu’est-ce que c’est ce regard ? De la tristesse ? De la colère ? Un peu des deux on dirait. L’homme reprend une gorgée de whisky et Johan l’imite, laissant l’alcool faire doucement mais sûrement son effet. Puis, voilà une phrase. Johan fronce légèrement les sourcils mais il continue d’écouter, sans interrompre. Il s’est donc attaché à un homme auquel il ne pensait pas s’attacher. Cela arrive. On ne contrôle pas toujours ce que l’on ressent. Puis Derek poursuit en disant qu’il ne peut pas dire qu’il ne s’était pas préparé à sa mort et Johan demeure silencieux, à l’écoute. D’autres informations arrivent bientôt quand Derek dit qu’ils l’ont attrapé avant la fin de sa mission et que l’homme en question n’a pas apprécié la trahison. Mission d’infiltration donc. Et il s’est attaché à la mauvaise personne. Johan a les informations à présent. Il comprend. Il comprend beaucoup mieux. Puis la main de Derek glisse sur son torse et Johan sait ce qu’il y a sous cette main : une cicatrice, plutôt voyante en fait. Le regard de Derek se repose dans celui de Johan et il ajoute qu’ils avaient bu cette fois-là, qu’il n’a pas peut-être pas remarqué.

Oh si, il a remarqué.

Petit sourire de la part de Johan. « I noticed. I just didn’t dare to ask. » La vérité pure et simple. « I didn’t want to be intrusive. » ce qui est assez paradoxal comme façon de penser puisqu’ils venaient de coucher ensemble à ce moment-là mais oui, Johan avait préféré taire ses questions pour ne pas se montrer indiscret ni indélicat. Johan soupire. « I can’t tell you I understand because I didn’t go through what you went through. It must have been Hell. » Il observe Derek un instant. « But I know how it feels like to lose someone that you loved. My wife she hm… She didn’t die but we got divorced and I lost her. After almots thirty years together I lost her and it still hurts today. Maybe it’ll hurt forever. » Un silence. Un sourire triste. « I wish I had better words to comfort you but I don’t. Because this kind of wound is deep and painful. » Il reprend une gorgée de whisky. « But one year is nothing. It goes so fast. Maybe you just need time. Maybe we both do. » Un petit haussement d’épaules.

Oui peut-être qu’ils ont tous les deux besoin de temps.

@Derek Newell

Johan pense avoir compris le problème, du moins en partie. Par rapport à ce qu’a dit Derek en tout cas. Il semble visiblement se tromper puisque, bien rapidement, après un soupir, Derek lui dit que ce n’est pas ça. Il a donc mal compris. Johan se tait, fronce un peu les sourcils et attend que Derek poursuive. Il en oublie un instant son verre d’ailleurs. Derek finit par dire que l’homme ne lui manque pas, que ça ne lui fait pas mal. Le regard de Derek change, il s’assombrit, il y a ce voile de colère qui apparaît et Johan n’avait encore jamais vu jusque-là. Il demeure silencieux, décidé à laisser Derek dire ce qu’il a sur le coeur et il le fait bientôt en disant qu’il l’a haï plus qu’il ne l’a aimé. Un silence. Derek s’adosse contre sa chaise, passe une main fatiguée dans ses cheveux avant d’ajouter qu’il se dégoûte pour ça. Johan soupire et détourne son regard pour observer son verre un instant. Il finit par le porter à ses lèvres et par un boire une bonne gorgée. Il arrive mieux à comprendre où se situe le problème à présent que Derek a été plus clair. Des sentiments qui se mélangent, l’amour qui se mêle à la haine, la haine plus forte que l’amour, mais l’amour qui a existé malgré tout. Et ce dégoût pour lui-même de ressentir tout ça. Un autre soupir alors que Johan reporte son regard sur Derek. Pour d’autres raisons, il ressent des choses similaires.

Alors il parvient à le comprendre.

« Don’t be that hard with yourself Derek. » finit-il par dire avec douceur. « You did nothing wrong. You did... » Un silence. Un petit sourire plein de compassion. « You did your best, I’m sure of that. You’re a good cop and a good man. » affirme-t-il, plein d’assurance. « Feelings are… » Il pince les lèvres. « They are impossible to control. It would be so much easier if they were. But they’re not. » Et il parle en connaissance de cause. « We just have to accept them. » Il garde son regard fixé sur Derek. « You had hate for him but also love and that’s not easy. That’s hard. That's fucking hard.» ajoute-t-il d’une voix encore pleine d’assurance. Il est sûr de ce qu’il dit Johan. « You have to learn to… To let go... » Un rire amer s’échappe de ses lèvres. « Maybe I should learn that too... » qu’il murmure plus bas avant de reprendre son verre et de le finir. Oui, il devrait apprendre à faire ça aussi aussi.

@Derek Newell

Peut-être qu’il devrait apprendre à lâcher prise oui ? A laisser partir ce qu’il faut laisser partir. A laisser Penny tranquille donc. Après tout, c’est ce qu’elle a demandé. Et ça lui arrache le coeur douloureusement de penser à ne plus essayer de la contacter mais si c’était la bonne chose à faire ? Pour elle ? Et s’il ne servait à rien de s’accrocher comme un dément comme il le fait ? Un soupir. Il regard le fond vide de son verre. Let go. Il baisse le visage quand Derek lui dit soudain qu’il ne devrait pas. Alors il relève le visage et son regard en direction de son collègue qui prend le temps de remplir de nouveau leurs verres. Johan l’observe, silencieux, alors que Derek poursuit en disant qu’il ne pas laisser partir sa fille, qu’il doit s’accrocher. Par contre, s’il parle de la culpabilité lié à son travail, au fait qu’il ait délaissé sa famille, ça oui, il devrait lâcher prise. Un sourire triste étire les lèvres de Johan : si c’était aussi simple. Il aimerait y arriver mais les conséquences de ses choix sont là, en face de lui, et il ne peut pas oublier les choix qu’il a faits. Il ne peut pas ne pas s’en vouloir d’avoir privilégié sa carrière plutôt que sa relation avec ses enfants et plus particulièrement avec Penny dont il était si proche à l’époque. Certes, le travail qu’il faisait avait beaucoup d’importance mais pas au point de s’éloigner de l’essentiel. Aujourd’hui, il l’a compris.

Mais c’est peut-être trop tard.

Derek finit par dire que s’il est comme lui, il a du mal à lâcher prise. « Here’s to that. » murmure Johan en prenant son verre, en le soulevant avant de boire une gorgée. Il n’a pas l’alcool mauvais, heureusement. En fait, il n’a pas l’alcool particulièrement bon non plus. C’est juste qu’il arrive à prendre un peu de distance sur les choses, à être moins impacté par les sentiments qui peuvent le hanter. C’est déjà ça en réalité. Les deux hommes ont tous les deux des squelettes dans leurs placards et c’est peut-être pour cela qu’ils parviennent à s’entendre si facilement, à se confier si facilement. Certes, l’alcool est un allié en cet instant mais cela demeure plutôt fluide entre eux. Déjà lors de leur première rencontre. Un souvenir qui arrache un sourire doux à Johan parce qu’il a apprécié les moments passés dans les bras de Derek. Il a réussi à oublier la douleur, à oublier les difficultés. Il s’est juste laissé aller et c’était bien. C’était bien. Quant au fait qu’il ait trouvé sa fille et qu’il ne doit pas laisser passer cette seconde chance, de la tristesse apparaît de nouveau sur le visage du lieutenant. Il observe le liquide ambré à l’intérieur de son verre. « For now, she doesn’t want to give me a second chance. And I can’t blame her I mean, I’ve been a very, very bad dad to her… » Ce qui est vrai. Un léger soupir. Il reporte son regard sur Derek. « But you’re right, I won’t let go of this second chance. I’ll try. I’ll try and hope. » Un silence. Il observe Derek un instant puis fronce légèrement les sourcils. « If you believe in second chances, you should give one to yourself and stop with the blaming. » finit-il par dire, parfaitement sérieux. « What happened happened. Stop hating yourself, it won’t do you any good. » Comme il parle. Alors qu’il se déteste lui-même pour avoir été un piètre père avec Penny. « I know, I know, look who’s talking. » Il secoue doucement la tête de droite à gauche. « Maybe we are lost causes... » Petit haussement d’épaules. Peut-être qu’ils sont des causes perdues oui. Peut-être qu’ils n’arriveront jamais à se pardonner et à avancer.

Les idiots.

@Derek Newell

Regardez-le, à donner des conseils alors qu’il est plutôt mal placé pour le faire. Pourtant il y va Johan, il en sort des mots à Derek pour essayer de le guider dans sa tourmente. Une tourmente qu’il partage même si c’est pour des raisons bien différentes. Et il le réalise, Johan, qu’il est mal placé pour donner des conseils de cette façon. Il réalise qu’il est certainement le dernier qui puisse se permettre de dire à Derek ce qu’il devrait essayer de faire. Pour commencer, il devrait essayer d’appliquer lui-même ses propres conseils avant de les servir à quelqu’un d’autre sur un plateau. L’idiot. Alors, il finit par dire à Derek qu’ils sont peut-être des causes perdues, l’un comme l’autre. Peut-être bien oui. Bon, ça a le mérite de faire légèrement rire Derek aussi certainement que Johan esquisse l’ombre d’un sourire avant de reprendre une gorgée de whisky. Il boit lentement mais sûrement. S’il continue sur cette lancée, il ne pourra pas reprendre sa moto pour rentrer. Mais il n’y pense pas. Il préfère noyer son désespoir dans l’alcool aux côtés de quelqu’un qui parvient à le comprendre. Alors il boit oui. Et il se resserre alors que Derek lui dit que ça sonne plutôt bien, les causes perdues de Fall River. « Right ? » qu’il dit en reportant son verre à ses lèvres pour une nouvelle gorgée. Dans un sens, ils se sont bien trouvés. Puis, Derek affirme que, comme l’a dit Johan, il essaiera et espérera. Johan hoche légèrement la tête à l’affirmative : c’est une bonne chose ça, d’essayer, d’espérer.

C’est mieux que de se laisser complètement envahir par la noirceur et noyer dans les abysses.

Ce que dit Derek ensuite fait davantage sourire Johan. Il hausse les sourcils et reporte toute son attention sur son collègue et ami ? Oui, vu ce qu’ils ont échangé ce soir, ils peuvent bien se considérer comme des amis à présent. Parce qu’on se confie à des amis, pas à de simples collègues. « A goldfish ? » répète-t-il en secouant doucement la tête. « It’s just a fish. You need more than a fish. » affirme-t-il en buvant une nouvelle gorgée de whisky. « A cat. I can see you with a cat. A cute cat. A cat that you could love. » Un silence. « Hell, I should get a cat too. » dit-il dans un petit rire en reportant le verre à ses lèvres. « We both should. We should just go to a refuge and adopt a cat. It would be good for us. » Aurait-il le même discours s’il n’avait pas bu ? Probablement pas non. Mais là, la langue se délie, les pensées se font plus légères et les mots plus faciles à prononcer.

@Derek Newell

Johan hoche la tête à l’affirmative à l’interrogation de Derek. Oui, lui avec un chat. Tout à fait. Johan n’a aucun mal à l’imaginer, au contraire. Il le voit bien, dans son appartement, avec un petit chat à s’occuper, à aimer. Cela lui ferait de la compagnie, une compagnie dont il a besoin, de cela Johan est certain. De la même façon qu’il a lui-même besoin de compagnie. Plus ils discutent tous les deux, plus il s’en rend compte Johan. Les deux hommes ont bien des points communs. Et Johan, lui, se visualise déjà avec un chat chez lui maintenant que l’idée est lancée. C’est peut-être idiot et sans doute lié à l’alcool mais oui, ça lui plairait. Avoir un animal à aimer. Un chat demande moins de présence qu’un chien mais sait rendre l’amour qu’on lui donne donc ça lui semble être la meilleure option, tant pour lui que pour Derek. Il est peut-être simplement en plein délire, allez savoir. C’est juste que cela fait étrangement sens soudain. Johan sent le regard de Derek sur lui et sourit, le nez plongé dans son verre qu’il porte de nouveau à ses lèvres pour boire une gorgée. C’est à ce moment-là que Derek demande comment ils pourraient les appeler. Les chats. Et il balance « fish and chips » comme ça avant de se mettre à rire tout seul. Et ça a le mérite de faire rire Johan également. D’un rire franc. Ce genre de rire sonore qui fait du bien. C’est même carrément un fou rire qui le prend. Ils attirent les regards à rire comme deux imbéciles de cette façon mais Johan s’en contrefout. Parce que ça lui fait tellement de bien. Il n’a plus ri comme ça depuis si longtemps…

Il ne se souvient même pas de la dernière fois où c’est arrivé.

« Fish and Chips ! » répète-t-il, n’en pouvant plus, venant même taper sur le comptoir du bar avec le plat de sa main libre. Il secoue la tête et soupire doucement pour faire passer son fou rire. Il a la mâchoire qui lui fait mal et c’est une sensation étrange en fait. « I love this idea ! Really ! » dit-il avant de donner un petit coup de coude à Derek en riant encore un peu. « Fish and Chips... » répète-t-il encore une fois avant de reprendre une gorgée de whisky. « We have to do this man. Not now, obviously... » dit-il en fronçant un peu les sourcils avant de reporter son regard sur Derek. « But really. We should. Soon. » Il y tient. Et il ne lâchera sans doute pas Derek jusqu’à ce qu’ils aient adopté chacun un chat.

@Derek Newell