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Déchets déposés sur le parvis d’une église. Étrange manière d’accueillir la vie et d’être un tant soit peu croyante. Comment, une femme à la foi inébranlable a-t-elle pu oser mettre au monde deux jolis enfants, des jumeaux et dans la minute qui suivit les déposer là, devant l’énorme porte en chêne massive de cette maison de Dieu ? C’était tout bonnement impensable même aux yeux du tout puissant. Et pourtant, elle l’a fait. Ayant ses raisons et des raisons tout à fait compréhensibles et louables au final, elle ne souhaitait qu’une chose, qu’il puisse vivre une vie meilleure, une vie heureuse. Confiés à un orphelinat dirigé par des bonnes sœurs, Sofia et Simon ont très rapidement pris conscience qu’ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes et surtout, qu’ils ne pourraient veiller l’un sur l’autre que par leur propre volonté.

Il faut dire que les inséparables ont rapidement été bercés d’illusions. Un couple, tout ce qu’il y a de plus normal est venu pour les adopter. Sortis de leur misère, ils auraient pu profiter d’un cadre agréable et ne manquer de rien. Mais c’était sans compter ce complexe de l’abandon profondément ancré en eux. La peur au fond des tripes, le gamin comme sa jumelle ont finalement subi ce qu’ils ne voulaient plus vivre, un deuxième abandon. Aujourd’hui, Simon en est conscient, il a tout fait pour se retrouver une nouvelle fois à la rue. Et Sofia n’a pas non plus arrangé la situation. Il le regrette aujourd’hui. Ils auraient dû faire un effort et se laisser apprivoiser par ces gens formidables. Leur vie n’en serait très certainement que meilleur.

Balloté ensuite de famille d’accueil, en famille d’accueil, il a fini par rejoindre la rue, ne supportant plus cette vie misérable. Après tout, quitte à vivre en enfer autant le faire jusqu’au bout et avec un peu plus de panache. Enfin, c’était ce que sa moitié lui avait fait comprendre. C’est ainsi que les deux gamins intégrèrent le gang des Iotas à l’âge de sept ans. A ce moment de leur vie, ils y voyaient là la continuité d’une vie de paria. Et puis, Simon ne souhaitait qu’une chose, que sa sœur soit à l’abri.


Peur ancré au plus profond des tripes lorsque les Iotas les ont approché (c’est sa moitié qui a été emballée et qui y a vu l’opportunité de s’en sortir), le garçon a pourtant compris au fur et à mesure du temps que gagner leur ticket d’entrée au sein de ce gang serait salvateur pour lui mais aussi pour Sofia. D’un naturel effacé et qui ne cherche qu’une chose, se confondre dans la masse, il a très rapidement pu prendre conscience de la « chance » qu’il avait de faire partie des Iotas. Pouvoir imposer le respect sans avoir à prononcer un mot, c’était vraiment grisant. Sa sœur était à sa place ici, une vraie lionne qui au fil des ans a pu imposer ses idées. Il fallait dire qu’elle avait toujours été celle qui avait le plus de bagou, le plus de caractère. Mais attention, Simon n’est pas sans reste. Il est juste d’un naturel plus posé, réfléchissant le plus souvent avant d’agir. Et puis, en grandissant, il a rapidement compris qu’user de sa gueule d’ange était une nécessité et quelque chose qui fonctionnait merveilleusement bien. Après tout, s’il pouvait s’éviter de se salir les mains, il n’avait rien contre. Aujourd’hui, il était passé maître dans l’art de la manipulation.

Et pourtant, face à sa sœur, il était encore le petit garçon de sept ans qui l’avait suivi dans ce gang. Sofia a toujours eu l’ascendant sur lui. Enfin, à y regarder de près, cette position du jumeau « dominé », il l’a adopté pour une simple et bonne raison, la protéger d’elle-même et des personnes qui gravitent autour d’elle. Chaque décision prise, il l’a fait en connaissance de cause et surtout en pensant d’abord à elle plutôt qu’à lui. S’il avait été seul dans cette galère, nul doute qu’il aurait fini par quitter les Iotas. Non, pas qu’il ne soit pas reconnaissant de ce qu’a pu lui apporter cette communauté. Sans eux, il ne serait très certainement plus de ce monde… La rue l’aurait consumé à petit feu. Mais aujourd’hui, il le sait, il est à la tête du groupe conjointement avec sa sœur parce qu’elle l’a eu à l’usure… Non, il ne l’abandonnera pas, c’est tout bonnement impossible.

A présent, le jeune homme peut se satisfaire de sa position. Bras droit d’une organisation des plus sanglantes et pourtant, il n’a quasiment pas de sang sur les mains. Relégué au simple poste de guetteur, il s’en contente pleinement. C’est lui qui l’a voulu et il en heureux. C’est très certainement pour cette raison, qu’il supporte tant bien que mal sa place dans le gang. Même si certains démons du passé ont ressurgi et qu’il est finalement au plus mal depuis quelques mois…


L’amour est un sentiment bien difficile à expliquer ni même à appréhender. Il l’est encore plus lorsqu’il s’agit de l’amour qui lit deux personnes nées le même jour, à quelques minutes d’intervalle. Posez la question à Simon et il serait presque incapable de vous donner une définition précise de ce qu’il ressent pour sa sœur jumelle. Sofia a toujours eu une place importante dans sa vie et dans son cœur. Il faut dire qu’ils ont très rapidement dû se contenter de l’un et de l’autre dès leur plus jeune âge. Une vie difficile, une vie misérable qui n’a fait que renforcer tout l’amour et toute l’admiration ressenti par Simon pour sa sœur et inversement d’ailleurs. Il l’aime si fort qu’il serait prêt à donner sa vie pour elle, il le sait et il l’assume parfaitement.

Aujourd’hui, il sait que cet adage est encore parfaitement ancré en lui et qu’il mourra très certainement en restant loyal et fidèle à sa sœur. Après tout, il n’a cessé de le lui prouver au fur et à mesure de leur existence des plus singulières. C’est pour elle qu’il a accepté d’entrer dans ce gang, pour elle qu’il a gravi les échelons au point de devenir bras droit des Iotas à ses côtés. C’est pour elle qu’il a mis ses sentiments de côté et qu’il a fini par s’en prendre à l’un de ses seuls amis en dehors de l’organisation des Iotas. Helios, une complicité sans faille, des discussions jusqu’au bout de la nuit, des rigolades. Il avait fallu que ce garçon, qui ne laissait pas insensible Simon, il faut bien l’avouer, soit le jumeau d’une des membres notoires des Serpents. A croire que les deux garçons étaient en lice pour réinventer la célèbre pièce Roméo et Juliette. Sofia avait eu vent de l’identité de ce frère mystère, qui pourtant n’avait pas l’air de faire partie de ce gang rival. Mais qu’à cela ne tienne, elle avait décidé de s’en prendre à Astoria par ce biais. Pour cela, quoi de mieux que de l’attirer dans un véritable guet-apens. Elle avait missionné son frère, ne sachant rien de cette amitié. N’arrivant pas à la défier, il s’était donc résigné, mettant en place le plan parfait. De cette rixe, il en garde un parfait souvenir. Il n’y a pas participé, ne se salissant jamais les mains. Mais il n’en reste pas moins l’acteur principal de cette nuit d’horreur pour le beau blond.

Encore aujourd’hui, le membre des Iotas en fait encore des cauchemars, rongé par la culpabilité. Il le sait parfaitement, il aurait dû ne rien faire, lui confier son lien avec Helios. Mais en même temps, il ne pouvait pas. Parler de ses sentiments, c’était le risque de se dévoiler et de faire tomber cette image d’homme dur aux gros bras. Il le savait, sa sexualité causerait sa perte au sein du gang et ça, il ne pouvait se le permettre, de peur de perdre sa moitié à tout jamais.