La période était loin d’être simple. Owen était en plein dans l’écriture de son troisième et dernier tome de sa série de roman très inspirés de sa vie personnelle. Et il n’en connaissait pas encore la fin. Par dessus, il avait commencé a développé des sentiments pour Nova alors qu’il avait toujours été amoureux d’Ava. Il se sentait comme un traître, alors qu’Ava ne lui avait jamais mené la vie simple et qu’ils étaient séparés depuis des années maintenant. S’il avait la fâcheuse tendance à se faire des nœuds au cerveau, il fallait reconnaître que la situation est loin d’être aisée.

Owen était un homme d’habitudes. Il y avait quelque chose de rassurant à se rendre dans les mêmes endroits, des lieu qu’il connaissait et où on le connaissait. Il prenait toujours son café au même endroit que ce soit sur place ou à emporter. Avoir ses habitudes bien ancrées le rendaient prévisible, et facile à trouver pourvu qu’on connaisse un peu les lieux qu’il aimait fréquenter. Alors qu’il venait de passer la porte du café, une voix bien connue le tira de ses rêveries matinales : Ava. Il posa des yeux surpris sur son ex, il ne s’était pas attendu à tomber sur elle. « Salut », répondit-il simplement, ne trouvant rien d’autre à dire dans son étonnement. Son regard tomba sur le gobelet de café à emporter de son interlocutrice. « Je savais pas que tu venais prendre ton café ici... », reprit-il. Ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps et il y avait certainement des choses autrement plus importantes à dire mais il n’avait rien trouvé d’autre sur le moment. Pour un écrivain, il n’était décidément pas très inspiré. Cela dit, il venait souvent dans ce café et il n’avait jamais vu Ava ici, la ville n’était pas grande pourtant.

On avait beau ne pas avoir été très avenant avec Owen, l’écrivain n’en demeurait pas moins un homme positif, qui croyait en l’homme et en sa bonté. Cela faisait de lui un homme aisément manipulable mais il n’avait jamais pu se résoudre à imaginer que l’être humain était naturellement  pétri de mauvaises intentions. Il ne chercha donc pas ce qu’Ava pouvait avoir derrière la tête en la croisant de manière imprévue à la sortie de son café favori. Sa réponse l’informa qu’elle n’avait pas pour habitude de fréquenter les lieux, il crut plutôt à un heureux hasard qu’à une manipulation quelconque. « Oui je viens souvent par ici, leur café est plus corsé que le jus de chaussette que l’on sert dans ce genre d’endroit et c’est rarement bondé. Tu as un assistant maintenant ? On dirait que quelqu’un a pris l’ascenseur social en marche » , répondit-il en relevant les yeux, un petit sourire aux coins des lèvres. Ava avait toujours été de ces femmes qui savaient ce qu’elles voulaient. Owen admirait ça chez elle, lui pour qui faire un choix avait toujours été très compliqué. Ava ne s’embarrassait pas d’hésitations et de doute, elle fonçait et elle faisait toujours valoir son avis, c’était ce qui avait sans doute contribué à faire d’elle une entrepreneuse à succès. Souvent, Owen l’enviait d’être si peu sujette aux doutes et aux angoisses. « Écoute j’ai un peu de temps devant moi alors si ça te dit...on peut s’asseoir un moment », reprit-il en désignant du menton une table libre à côté d’eux.

Le moins qu’on puisse dire, c’était qu’Owen n’était pas suspicieux. S’il avait du mal à accorder sa confiance, une fois que celle-ci était acquise il ne la remettait pas en question, à moins de se retrouver face à un flagrant délit de trahison ou a une preuve irréfutable de celle-ci. Cela dissimulait sans doute une peur de d’être blessé, de perdre quelqu’un et peut être celle plus égotique de reconnaître s’être trompé sur quelqu’un. S’ils avaient eu leur lots de disputes, leur hauts et leur bas Ava et lui, cela ne faisait pas d’elle une mauvaise personne, il avait plutôt tendance à croire que les torts étaient partagés. Il lui proposa donc de s’installer un moment à une table, si elle en avait le temps et elle accepta. Ils s’installèrent et sans attendre, la jeune femme relança la conversation. « Tu connais mon amour déraisonnable pour le café, quand je ne vide pas les thermos de chez Bronté Publishing, je viens ici, l’ambiance est chaleureuse et à force les baristas connaissent mes habitudes », répondit-il. « Et toi alors, comment ça va ? Enzo se porte bien ? », reprit-il en portant le café à ses lèvres. Cela faisait longtemps qu’ils ne s’étaient pas vus, les banalités étaient certes un peu superficielles, mais elle avaient le mérite de permettre une reprise de contact en douceur.

Les liens entre Ava et Owen s’étaient distendus depuis quelques années. S’ils étaient sortis ensemble pendant le lycées et le temps de leurs études, ils avaient construit leur vie d’adulte séparément. Elle n’avait donc pas suivi le succès fulgurant qu’avait connu l’écrivain à la parution du premier tome de son roman. Le deuxième avait suscité le même engouement, l’écrivain en était actuellement à l’écriture du troisième et dernier tome de sa trilogie et il connaissait des difficultés dans la conclusion. Il avait longtemps tût ses difficultés, par honte, mais il avait fini par en parler à Nova. « Oui c’est ça, Bronte est mon éditeur depuis mon premier roman, et Nova m’accompagne depuis le départ ». La jeune femme avait toujours cru en lui et en son talent d’écrivain, ses conseils précieux distillés au fil de la relecture de ses écrits avait permis au jeune homme d’être plus précis mais également plus juste et plus impactant émotionnellement dans son écriture. Owen  reprit une gorgée de café et laissa passer quelques secondes avant de demander des nouvelles du fils d’Ava. A vrai dire, il avait été surpris lorsqu’il avait apprit que la jeune femme était maman. Elle avait toujours été éprise de liberté et il ne s’était jamais permis de le lui demander mais il doutait qu’Enzo  ait été prévu au programme. Quoi qu’il en soit elle rayonnait lorsqu’elle parlait de son fils. « C’est un petit Indiana Jones alors… ou un futur écrivain. Après tout, l’écriture ça commence par l’imagination et le rêve. », répondit-il en souriant mi sérieux, mi amusé. Il laissa de nouveau passer quelques secondes avant de reprendre sur un ton plus posé. « La maternité te va bien, Ava », affirma t-il avec douceur et sincérité.