La remarque de Cassia me fait sourire, un de ces sourires complices que nous échangeons si naturellement, ceux qui contiennent tout ce que nous n’avons pas besoin de dire à voix haute. « Les voisins ont dû être inspirés par quelqu’un pour nommer leur chiot ainsi… » soufflai-je, mon ton léger, une pointe de taquinerie dans la voix, avant de me pencher pour lui voler un rapide baiser, mes lèvres effleurant les siennes.

Autour de la table, l’atmosphère est légère, comme suspendue dans une bulle de bonheur simple. Les conversations s’entrecroisent, les rires fusent, des souvenirs sont partagés, et le chiot, ce petit trouble-fête plein d'énergie, va et vient dans la pièce. Il renifle tout, explore chaque recoin avec une curiosité insatiable, ajoutant une touche de chaos charmant à cette réunion. Sa petite truffe humide vient parfois se frotter contre une jambe ou un pied, réclamant de l’attention, et sa présence semble transformer cette matinée en une scène d’une douceur parfaite, comme un tableau vivant. Soudain, le chiot réapparaît, et cette fois, quelque chose dans sa démarche attire l’attention. Il semble porter quelque chose, un air de triomphe illuminant son petit visage. Ma mère est la première à le remarquer. « Oh non ! Le chien a encore piqué quelque chose... » dit-elle, et instinctivement, tous les regards se tournent vers lui. Je plisse les yeux pour mieux voir, et ce que j’aperçois me fait presque éclater de rire. Entre ses petites mâchoires, le chiot tient un objet d’une couleur éclatante, et il ne me faut pas longtemps pour comprendre de quoi il s’agit. Je sens un sourire se dessiner sur mes lèvres tandis que je tente de retenir un éclat de rire : c’est une guêpière en dentelle rouge et noire, délicate, bien trop délicate pour les pattes d’un chiot espiègle. Un silence gêné, presque palpable, s’installe autour de la table. Chacun semble retenir son souffle, ne sachant trop comment réagir. Will est le premier à éclater de rire, un rire franc qui résonne dans la pièce, rapidement suivi par d'autres éclats de rire. Cassia, visiblement prise de court, le visage légèrement rosissant, se lève précipitamment pour récupérer l’objet compromis, tandis que ma mère l’aide à s’approcher du chiot. Elles parviennent à récupérer la guêpière sans trop de mal, mais l’embarras est évident sur le visage de Cassia. Ses joues ont pris une teinte rosée, et je peux voir qu’elle essaie de garder son calme, malgré la situation improbable. Je ne peux m’empêcher de savourer la scène, un sourire espiègle se formant sur mes lèvres. « Mais voyons, tous les Milo ont bon goût, n’est-ce pas ? » dis-je d’un ton faussement innocent, mes yeux se posant sur Cassia, puis sur le chiot qui s’est finalement assis, apparemment satisfait de son forfait. Ma mère me jette un regard amusé mais faussement réprobateur, et je ne peux m’empêcher de poursuivre, taquin. « Ne t’inquiète pas, Maman, j’offrirai un nouvel ensemble à Cassia… On ne peut pas laisser cette perte impunie. » La mention de l’ensemble fait légèrement rougir Cassia, qui décide prudemment de s’éloigner de la table avec la guêpière, la cachant soigneusement dans ses bras, son regard fuyant le mien alors qu’elle essaie de mettre fin à cet épisode gênant. Je la regarde partir, luttant pour garder mon sérieux, mais le sourire sur mon visage en dit long sur le plaisir que je prends à la taquiner.

Quelques instants plus tard, je me lève discrètement, la curiosité me poussant à la suivre. Je traverse la maison en direction du couloir, et c’est là que je la retrouve, refermant la porte de sa chambre derrière elle avec une détermination manifeste. Elle pousse un soupir, ses épaules se détendant légèrement maintenant que l’objet compromettant est hors de portée du chiot. Je m'appuie nonchalamment contre le mur, croisant les bras, un sourire faussement accusateur aux lèvres. « Dis donc, Mademoiselle Henderson… » dis-je, la faisant sursauter. « Je n’ai pas souvenir de ce bel ensemble dans ta garde-robe. Est-ce une nouvelle acquisition ? » Je la regarde, et si je ne me retenais pas je crois que je serais déjà en train de la plaquer contre le mur à lui déposer un panel de baiser dans le cou « D’ailleurs… » murmurai-je, en lui bloquant doucement le passage, mes bras encadrant ses hanches. « Il va falloir payer le péage, je crois. » Avant qu’elle ne puisse dire quoi que ce soit, je capture ses lèvres dans un baiser long et passionné, mêlé de cette taquinerie qui caractérise si bien notre relation. Lorsque nos lèvres se séparent, je garde mon front appuyé contre le sien, mes yeux ancrés dans les siens, et je murmure, ma voix douce et légèrement espiègle « J’ai vraiment hâte de découvrir cet ensemble… Mais sur toi, cette fois. »

Alors que tout le monde discutait paisiblement au tour de la table, le chiot que gardais les parents de Milo revient avec un sous-vêtement à moi dans la bouche. Le remarquant presque immédiatement je me lève, aidée de Robyn, pour récupérer ce qui m’appartenait. La mère de Milo semble embêtée, mais je la rassure, après tout ce n’était qu’un dégât matériel. Milo lui, se propose rapidement pour m’offrir un nouvel ensemble afin de réparer la bêtise du chiot. Une fois le sous-vêtement récupéré, je monte à l’étage pour aller le ranger et ferme la porte de la chambre. Milo est là, dans le couloir, appuyé contre le mur. Je ne l’avais pas vu tout de suite, ce n’est qu’en entendant sa voix que je m’aperçois de sa présence. Cela me fait d’ailleurs sursauter légèrement. Le pilote de ligne souligne le fait qu’il n’avait pas souvenir d’avoir déjà vu ce nouvel ensemble. Il me demande si c’était une nouvelle acquisition. J’esquisse un sourire amusé. « Non, ce n’est pas une nouvelle acquisition. » dis-je d’une voix douce. « Tu n’as pas ce souvenir de cet ensemble ? Étrange, je pensais que tu avais largement eu l’occasion de tous les voir... » Je m’approche doucement du jeune homme et ce dernier me bloque doucement le passage, me réclamant implicitement un baiser. Et avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, Milo capture mes lèvres et nous échangeons un baiser passionné. Lorsque nos lèvres se séparent, Milo m’avoue avoir hâte de découvrir cet ensemble sur moi. Je lui adresse un léger sourire. Je me mets presque à culpabiliser un peu. Mon regard croise le sien « Je… je suis désolée. Je sais que cela doit te manquer… Mais je te promets que… Enfin, je veux juste que toute cette histoire avec Andrew soit terminée, qu’elle soit derrière nous et je sais qu’à ce moment l ça ira mieux. Beaucoup mieux... » dis-je dans un léger aveu.

Je souris en observant Cassia, ses traits légèrement crispés par une gêne qu’elle tente de dissimuler. Ses yeux se posent sur moi avec une expression indécise, oscillant entre amusement et inquiétude, comme si elle cherchait visiblement à deviner ce que je pense réellement. Le silence qui s'installe entre nous n'est pas désagréable, mais il est chargé d'émotions non dites. Mon sourire s’élargit doucement, prenant cette touche taquine qui lui est si familière, un sourire que je réserve souvent pour la faire rire, pour alléger l’atmosphère. « Ah non… » murmurai-je en faisant mine de réfléchir, laissant mes yeux scruter son visage. « Je ne me souviens pas avoir vu cet ensemble sur toi… » Une pause, calculée, alors que je vois sa bouche s'entrouvrir, prête à protester. « J’ai hâte de le revoir ! » Mon ton est doux, comme un murmure, mais chargé de sous-entendus amusés. Je me penche alors vers elle pour lui voler un rapide baiser, un geste léger mais empreint d’affection. Juste assez pour la déstabiliser un instant, pour sentir la chaleur de ses lèvres, sans en demander plus.

Son regard change légèrement, je vois ses paupières battre une ou deux fois de plus, un signe subtil qui trahit la pointe d’hésitation qui traverse son esprit. Peut-être même de la culpabilité. Je la connais assez bien pour savoir que ces instants de flottement sont souvent le reflet de pensées qui la tourmentent, d’un passé qui semble ne jamais vraiment vouloir la lâcher. Je m’approche un peu plus, réduisant l'espace entre nous, mon sourire s’adoucissant, et mon regard devient plus sérieux, plus compréhensif. Je devine à quoi elle pense, ou plutôt à quoi elle essaie de ne pas penser. Andrew. Ce nom est comme une ombre qui s’étend sur chaque instant précieux que nous partageons. Un poids invisible mais constant, une sorte de spectre qui refuse de nous laisser en paix. Je prends une inspiration discrète, et sans hésitation, je pose mes mains sur ses bras. Mes doigts s’enroulent autour de ses bras frêles, dans une étreinte douce mais ferme, comme pour lui ancrer cette réalité : je suis là, et je serai toujours là. Je veux qu’elle se concentre uniquement sur moi, que le reste du monde disparaisse l’espace de quelques instants. « Écoute-moi, » dis-je doucement, ma voix est basse, presque un murmure, mais chaque mot est prononcé avec soin, chargé de toute la sincérité que je veux lui transmettre. « Je ne t’en veux pas. Pas du tout. Alors, s’il te plaît, ne culpabilise pas, d’accord ? Nous sommes ensemble, c’est ça qui compte, non ? » Je soutiens son regard, mes yeux cherchant les siens, essayant de m'y ancrer pour qu’elle puisse vraiment entendre ce que je dis, au-delà des mots. Mon sourire s’adoucit, et je la sens se détendre un peu sous mes mains. Il y a une tension constante, presque imperceptible, dans ses épaules, une vigilance qui ne la quitte jamais vraiment, et que j’essaie de soulager, un geste à la fois. Même si l’absence d’intimité physique me manque, même si parfois j’aimerais pouvoir la tenir contre moi sans barrière, je refuse de lui dire cela. Encore moins de la faire se sentir coupable. Ce n’est pas le moment, et surtout, ce n’est jamais une priorité si cela la met mal à l’aise. Ce qui importe, c’est de la voir se reconstruire, de la voir retrouver sa confiance et sa sérénité, et cela passe avant tout le reste.

Je prends une légère pause, cherchant mes mots, mes pouces glissant doucement sur ses bras dans un mouvement réconfortant. « Ce qui me manque, » repris-je doucement, baissant un peu le ton comme pour rendre la confession plus intime, plus vraie, « Ce n’est pas cela. Ce qui me manque, c’est de ne plus voir ma femme sourire comme avant. Ne plus la voir spontanée, ni entreprenante. Ce qui me manque, c’est… » Je marque une courte pause, choisissant mes mots avec soin. « C’est que j’ai l’impression que nous n’avons plus vraiment de projet ensemble, si ce n’est cette histoire avec Andrew. » Je la regarde attentivement, cherchant une réaction dans ses yeux. Je veux qu’elle sache que ces mots ne sont pas des reproches, que je n’attends rien d’elle qu’elle ne soit prête à donner. Mais je veux aussi qu’elle comprenne ce qui me manque vraiment. Ce n’est pas juste le contact physique, ce n’est pas l’intimité que l’on pourrait partager. C’est elle. Son énergie, sa lumière, cette joie simple qu’elle portait en elle et qui illuminait tout autour d’elle. Je me penche légèrement, mes mains glissant doucement de ses bras jusqu’à ses mains, que je prends dans les miennes, les serrant légèrement pour lui montrer que je suis là, que je ne la lâcherai jamais. Je capture son regard avant de déposer un doux baiser sur son front. « Cassia… » soufflai-je, mon souffle effleurant sa peau. « Tout ce que je veux, c’est te retrouver. Pas à cause de ce que tu crois me devoir, ou parce que tu te sens coupable. Juste toi, comme tu es. Tout le reste, on le reconstruira ensemble, à ton rythme. Je ne veux rien de plus que ce que tu es prête à m’offrir, et je t’attendrai autant qu’il faudra. » Mes doigts serrent les siens, et je continue, plus doucement. « Tu n’es pas seule dans tout ça, et tu ne le seras jamais. Alors, si tu as envie de faire quelque chose, n’importe quoi, dis-le-moi. On peut sortir, parler, ou ne rien faire du tout… Tout ce qui te fera du bien, je suis partant. Même si c’est étriper Erin en pleine nuit ! »

Alors que je venais de fermer la porte de ma chambre, Milo vient me taquiner quant à ce qu’il venait de se passer avec le chiot. Je lui réponds que ce qu’il avait pu apercevoir n’était pas une nouvelle acquisition et que cela était d’ailleurs étrange qu’il n’ait pas eu l’occasion de voir cet ensemble sur moi. Lorsque Milo évoque la volonté de voir cet ensemble à nouveau mais sur moi cette fois-ci, je ne peux m’empêcher de m’excuser, soulignant le fait que je savais que l’intimité devait lui manquer. J’essaie de le rassurer en lui disant que lorsque tout cette histoire sera terminée cela ira beaucoup mieux. Milo se rapproche davantage posant ses mains sur mes bras. Le pilote de ligne tente de me rassurer au maximum, me demandant de ne pas culpabiliser et soulignant le fait que le plus important c’est que nous étions ensemble. J’acquiesce en silence, d’un léger signe de tête « Oui... ». Puis, Milo ajoute que ce qui lui manquait c’était de ne plus me voir sourire comme avant. Mon cœur se serre en l’entendant m’appeler sa femme mais aussi en écoutant ses douces paroles. Les aveux de Milo me font soudainement me rendre compte que sans le vouloir j’avais quelque peu changé, je m’étais renfermée depuis cette histoire avec Andrew. « Je comprends. Je te promets que je vais faire des efforts… Il faut aller de l’avant et laisser cette histoire derrière nous. » dis-je d’une voix pleine de détermination. Milo me rappelle à nouveau que je n’étais pas seule et que je ne le serai jamais, toujours avec une pointe d’humour. Je viens enrouler mes bras autour de son cou et nicher mon visage au creux de son cou. « Merci. J’ai une chance incroyable de t’avoir dans ma vie. » Puis mes lèvres viennent se poser délicatement sur les siennes.

Une semaine plus tard.
Assise dans la salle d’attente aux côté de Milo, je reste silencieuse, perdue dans mes pensées. Nous avions terminé les séances individuelle à présent et la dernière étape consistait à avoir des séances communes. Mais aujourd’hui, la séance était particulière puisque la présence du sexologue était prévue. J’avais été contre cette séance depuis le début mais malheureusement cela faisait parti du process. Et si nous voulions que cette histoire se termine enfin il fallait effectuer cette séance. Je n’avais pas caché mes craintes ni mon mal-être. J’avais ma pudeur, et je n’avais pas envie d’évoquer notre intimité devant une inconnue. Je n’avais qu’une hâte, que tout cela soit terminé. La porte s’ouvre. « Cassia, Milo. C’est à nous. » Je lance un regarde à Milo. C’était aussi un manière de me donner du courage. Nous nous levons puis entrons alors dans le bureau.

Nous sommes assis dans la salle d’attente, côte à côte, dans un silence qui semble pesant. Cassia regarde droit devant elle, le regard fixe et fermé, tandis que ma main serre doucement la sienne. Je peux sentir sa nervosité, presque palpable, et j’essaie de lui transmettre un peu de réconfort, même si je sais que les mots ne suffiraient pas à apaiser ce qu’elle ressent. Aujourd’hui, c’est une étape particulière, une étape qu’elle redoutait profondément : notre séance conjointe, avec la présence d’un sexologue. Cassia était contre dès le départ. Pour elle, notre intimité est notre jardin secret, et la simple idée d’en discuter avec un tiers, même un professionnel, semble aller à l’encontre de tout ce qu’elle est prête à partager. Je lui jette un coup d’œil, son visage fermé me brisant le cœur. « Ça va aller, » murmurai-je doucement, mais je ne suis pas certain que mes mots l’atteignent. Elle reste silencieuse, sa main toujours dans la mienne, mais son étreinte est légère, presque mécanique. Le grincement de la porte interrompt le silence de la salle d'attente, une intrusion dans notre bulle fragile de tension. Une voix douce mais assurée résonne « Cassia, Milo. C’est à nous. » Je sens son regard se poser sur le mien et je lui souris.

En entrant dans le bureau, je remarque à peine les murs aux couleurs apaisantes, les plantes vertes qui ponctuent l'espace, l'ambiance minutieusement créée pour évoquer une sérénité feutrée. Ces détails se perdent face à ce qui attire toute mon attention : elle. Assise derrière un bureau en bois, une femme relève la tête, et mon cœur se fige un instant. Ses cheveux bruns encadrent un visage familier, ses yeux verts sont exactement tels que je m'en souvenais – captivants, profonds, semblant receler des mondes entiers. Une élégance innée dans sa posture… Hayley. Les souvenirs affluent avec une force inattendue, m’emportant dans un tourbillon de réminiscences : Fall River, puis Venise. Ce vol, anodin en apparence, qui avait pris une tournure totalement différente lorsque nos regards s’étaient croisés. Les rires partagés à dix mille mètres d'altitude, la conversation sans fin à l'atterrissage, ce dîner improvisé dans un petit restaurant au cœur de Venise, les lumières de la Sérénissime se reflétant dans ses yeux. Et cette nuit… une nuit passionnée, imprévue, au bord du Grand Canal. Elle n'a pas changé. Toujours aussi belle, toujours aussi magnétique. Je sens un sourire involontaire étirer mes lèvres, une étrange combinaison de surprise et d'embarras m'envahissant. Je m'installe face à elle, tentant de retrouver ma contenance, de maîtriser ce chaos intérieur qui s'agite en moi.

Hayley lève les yeux et nos regards se croisent à nouveau. Pendant un bref instant, une reconnaissance mutuelle passe entre nous, une compréhension implicite de ce que nous étions autrefois. Son expression change légèrement – une subtile surprise, une lueur de souvenirs, avant qu’elle ne reprenne son masque de professionnelle. Elle se ressaisit rapidement, sourit poliment, et plonge dans le dossier devant elle. Mais je capte cette fraction de seconde où elle aussi, a été déstabilisée. « Bonjour à tous les deux. Cassia, Milo. Merci d’être venus. Je suis Hayley Carter, et je vais vous accompagner pour cette séance aujourd’hui. » Sa voix est douce, assurée, professionnelle. Mais je capte une légère hésitation lorsqu’elle prononce mon prénom, comme si elle mesurait les souvenirs que ce mot réveillait. J’acquiesce, murmurant un rapide « Bonjour. » Sa main se pose sur le dossier qu’elle feuillette rapidement, comme pour se donner une contenance. Elle relève les yeux vers moi, et une étincelle amusée traverse ses pupilles avant de disparaître aussi vite. « J'espère que vous êtes à l’aise. Nous allons aborder des sujets qui peuvent être sensibles, mais je vous assure que mon rôle ici est de vous guider et de vous offrir un espace de dialogue constructif. » Cependant Hayley, elle, semble vouloir clarifier ce qu’elle a compris. « Milo, votre nom m’a semblé familier en préparant cette séance. Nous nous sommes déjà croisés, n’est-ce pas ? » Sa question est posée avec une nonchalance maîtrisée, mais je perçois la curiosité dans sa voix. Un sourire en coin échappe à mon contrôle. « C’est possible, oui. Un vol entre Fall River et Venise, si je ne me trompe pas. » Elle hoche la tête, un éclat presque imperceptible dans ses yeux.  « Ah, je vois. Les hasards de la vie sont parfois surprenants. Mais concentrons-nous sur le présent. » Son ton redevient immédiatement professionnel, mais je devine qu’elle n’a pas oublié. Tout comme moi.

A peine installés dans le bureau, j’avais envie de partir. Rentrer chez moi, ou plutôt chez nous. Je voulais que toute cette histoire soit enfin derrière nous. Mais avant cela, ces dernières séances avec le psychologue étaient nécessaires. Je prenais donc sur moi, énormément même. Après s’être installés, je remarque rapidement que la femme se trouvant devant nous semblait quelque perplexe. Pas en nous voyant, mais plutôt en voyant Milo. Mon regard ce pose alors sur le jeune homme qui semble quelque peu surpris. La professionnelle se présente puis évoque rapidement la séance d’aujourd’hui. « Bonjour » dis-je d’une voix un peu effacée à mon tour. Elle espérait qu’on soit à l’aise ? Vraiment ? Mais qui pourrait être à l’aise dans ce genre de situation ? Pas moi en tout cas. Je ne préfère donc rien répondre. Puis Hayley avoue que le nom de Milo lui est familier, elle lui demande confirmation sur le fait qu’ils se sont déjà croisés. Milo confirme. Il précise même que cela s’était passé lors d’un vol entre Fall River et Venise. Mon regard se pose sur Milo puis sur Hayley. Je comprend alors. Milo ne se souviendrait pas de cette femme, bien que très belle, sans une bonne raison. Il croisait énormément de personnes dans son quotidien. Si il se souvenait d’elle c’est qu’il s’était passé quelque chose entre eux. Mon cœur se serre à cette idée et je sens un peu une certaine colère monter en moi. Pourquoi la professionnelle qui nous suivait pour cette séance devait être une ancienne conquête de Milo ? Cela me mettait encore plus mal à l’aise.

Le docteur Carter prend un stylo en main ainsi que son dossier. « Bien, commençons. » Elle commence alors à nous poser une première question. « Depuis que vous avez débutez votre relation, êtes vous satisfais de votre vie sexuelle ? » Je ne comprenais vraiment pas l’intérêt de ces questions. « Oui, très satisfaite. » dis-je avant de laisser Milo répondre à son tour. « Comment réagissez-vous lorsque l'un de vous n'est pas d'humeur pour une activité sexuelle ? » Son regard se pose sur moi, m’incitant à répondre la première. « Très honnêtement, ce genre de contexte est inexistant dans notre couple. C’est peut-être arrivé une ou deux fois parce que l’on s’était disputé peut-être et encore... » Hayley reprend ensuite « Avez-vous déjà ressenti une pression explicite ou implicite, d’avoir des rapports sexuels ? » Encore une fois, c’est à moi de répondre en première « Non, jamais. Pas avec Milo. » précisais-je alors.  « Est-ce que des événements du passé, relations antérieures, traumatismes, expériences négatives, influencent votre vie sexuelle actuelle ? » Je suis un peu surprise de la question. C’était clairement la raison pour laquelle nous étions là. « Je crois que vous connaissez déjà la réponse. Sinon vous ne seriez pas là. Et nous non plus. » Elle ne semble pas satisfaite de la réponse. « Cassia, il faut répondre clairement à la réponse. C’est le protocole. Si vous voulez que cette affaire se termine, il faut respecter la déontologie du processus. » J’esquisse un léger sourire. Un sourire amer. « La déontologie ? Vraiment ? S’il vous plaît, n’évoquer par ce terme. Je ne pense pas que ce soit très déontologique de superviser cette séance alors que vous avez fréquenté l’un des patients présents ici. » dis-je d’une voix un peu glaciale.  Le docteur Carter semble surprise de constater que je savais pour Milo et elle. « Cassia, il faut répondre à la question. » me demande alors le psychologue d’une voix calme. Je prend sur moi, soupire légèrement « Oui, notre vie sexuelle actuelle est influencée par ce que j’ai subi par mon ancien compagnon. Satisfaite ? » demandai-je alors d’un ton sarcastique. Hayley ne répond pas et se contente de prendre des notes.

La séance se déroule dans une atmosphère tendue. Je fais de mon mieux pour rester concentré, mais très honnêtement, parfois mon esprit vagabonde, emporté par des souvenirs. Ces souvenirs d’une vie différente, où Hayley avait croisé mon chemin, me reviennent par bribes. Pourtant, je m’efforce de revenir au présent, de focaliser mon attention sur Cassia, sur ce moment crucial où elle se confie. Hayley pose des questions méthodiques, parfois presque cliniques, cherchant à comprendre notre dynamique, nos blessures respectives, nos attentes. Cassia y répond avec une honnêteté qui me bouleverse à chaque fois. Moi aussi, je réponds, parfois hésitant, pesant mes mots. Mais une réponse de Cassia me tire brutalement de mes pensées. « Non, jamais. Pas avec Milo. » Je tourne immédiatement la tête vers elle. C’est sa réponse à une question posée par Hayley  « Avez-vous déjà ressenti une pression explicite ou implicite, d’avoir des rapports sexuels ? » Son ton est ferme, sans ambiguïté. Je vois que Hayley et le psychologue notent sa réponse avec attention. Mais je ne peux m’empêcher de me sentir interpellé, un mélange de soulagement et de tristesse se bousculant en moi.

La séance continue, mais la tension monte d’un cran lorsque Hayley commence à parler de déontologie. C’est là que Cassia lâche une phrase qui me fait l’effet d’un coup de tonnerre. « La déontologie ? Vraiment ? S’il vous plaît, n’évoquez pas ce terme. Je ne pense pas que ce soit très déontologique de superviser cette séance alors que vous avez fréquenté l’un des patients présents ici. » Je reste figé, mon regard passant de Cassia à Hayley. Comment Cassia peut-elle savoir ? Je ne lui ai jamais parlé de cette histoire. C’était il y a si longtemps, une période révolue de ma vie, enterrée et presque oubliée. Pourtant, elle le sait. Et maintenant, tout le monde dans la pièce le sait aussi. Hayley garde un visage impassible, mais je perçois une lueur d’embarras dans ses yeux. Le psychologue reprend la parole, essayant de ramener la discussion sur des rails professionnels, mais Cassia, visiblement irritée, répond d’un ton qui me surprend par sa dureté. « Oui, notre vie sexuelle actuelle est influencée par ce que j’ai subi par mon ancien compagnon. Satisfaite ? » Sa voix est chargée de sarcasme, une colère sous-jacente qui éclate à travers ses mots.

Le silence dans la pièce est lourd après la réponse sarcastique de Cassia. Le psychologue, visiblement peu perturbé, décide de poursuivre, son ton légèrement plus insistant, mais toujours feutré, professionnel. « Vous avez dit tout à l’heure que vous n’aviez jamais ressenti de pression explicite ou implicite avec Milo. Mais est-ce qu’il y a d’autres personnes dans votre vie, actuelles ou passées, qui ont pu exercer une forme de pression sur vous, Cassia ? » La question, bien que posée avec précaution, semble comme une lame invisible qui fend l’air. Hayley, assise en face de nous, intervient alors pour appuyer la question, son ton neutre, mais pénétrant. « Ces pressions, qu’elles soient physiques, émotionnelles ou même psychologiques, peuvent avoir un impact durable sur la perception que l’on a de soi-même et des relations intimes. En parler, même partiellement, peut aider à comprendre les blocages actuels. » Je perçois une légère crispation dans la voix d’Hayley, comme si elle était en désaccord avec la tournure que prend la séance mais qu’elle se sentait obligée de suivre le cadre établi. Le psychologue reprend, tentant une approche plus empathique, mais son insistance commence à me déranger. « Cassia, je comprends que ce soit difficile d’aborder ce sujet. Mais ces informations pourraient nous permettre de mieux cerner ce que vous ressentez aujourd’hui et comment avancer. Il n’y a aucun jugement ici, seulement une volonté de comprendre. » Mon instinct me pousse à intervenir. Je serre doucement sa main et me penche vers elle, ma voix douce mais ferme. « Si cela te dérange que je sois là pour cette question, je peux sortir un moment, Cassia. » Je tourne mon regard vers le psychologue, légèrement irrité par sa persistance. « Je ne veux pas qu’elle se sente forcée de répondre à quoi que ce soit si elle n’en a pas envie. » Mais avant qu’elle puisse dire quoi que ce soit, Hayley décide d’intervenir. « Nous ne cherchons pas à vous forcer, Cassia. Mais parfois, mettre des mots sur ces expériences peut être un pas vers la libération. Milo a raison de vous offrir cette option, mais sachez que votre voix compte ici. » Je ressens une tension grandissante dans la pièce. La question est restée en suspens, et je vois bien que l’insistance du psychologue met Cassia dans une position délicate. Je prends une profonde inspiration, retenant mon envie de répondre à sa place, de lui éviter de devoir s’expliquer, mais je sais que ce n’est pas mon rôle. C’est à elle de décider.

La séance avait débuté il y a peu de temps. Et déjà, j’en avais assez. Je perdais même patience. Le docteur Carter avait posé une question dont la réponse me paraissait évidente. Et donc la réponse me faisait aussi, involontairement, replongé dans de mauvais souvenirs. Alors je n’avais pas pu m’empêcher d’esquiver la réponse. Cela ne lui avait pas trop plus et elle m’avait fortement incité à y répondre malgré tout. Je n’avais pas pu m’empêcher de rétorquer de manière assez froide, lui indiquant au passage que sa présence ici n’était pas déontologique, étant donné qu’elle avait fréquenté Milo lors d’une escapade à Venise. La jeune femme semble surprise presque gênée mais elle ne répond pas. Puis, le psychologue vient briser le silence en revenant sur une des mes réponses. Je regrette alors immédiatement avoir répondu trop sincèrement. Le psychologue me demande alors si des personnes dans ma vies avait pu exercer une forme de pression sur moi. Cette question me met terriblement mal à l’aise. Une fois encore il fallait ressasser le passé. Le docteur Carter prend à son tour la parole, m’incitant à parler. Puis c’est au tour du psychologue de prendre à nouveau la parole sur ce détail qui leur semblait si important. Je me sens soudainement oppressée. Milo serre doucement ma main dans la sienne. Il évoque la possibilité qu’il sorte si cela me dérangeait qu’il soit présent pour cette question. Il ajoure ensuite qu’il ne voulait pas que je me sente forcé de répondre si je n’en avais pas envie. Je soupire. « Vous ne cherchez pas à me forcer ? Mais c’est ce que vous faites en m’obligeant à être ici aujourd’hui. » Ils ne s’en rendaient même pas compte. « Vous voulez savoir si j’ai déjà ressenti une pression, si je me suis déjà senti obligé à avoir des rapports sexuels ? La réponse est oui. Avec la même personne qui a causé toute cette histoire et ces rendez-vous auxquels nous sommes obligés d’assister. » Je reprend alors, une once de colère dans la voix « Il ne m’a jamais forcé physiquement. Il… il arrivait simplement parfois à me manipuler émotionnellement pour avoir ce qu’il voulait. Il agit toujours ainsi, en manipulant les autres. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait le jour du procès. Et encore une fois c’est pour cette raison que nous sommes tous ici aujourd’hui. Mais cela, personne ne semble s’en rendre compte. »  Cette pression exercée par Andrew n’avait jamais été violente. Mais il était parfois arrivé à me faire culpabiliser afin d’arriver à ses fins. « Alors peut-être que j’ai été stupide de lui céder malgré tout dans le passé, sans doute aussi très faible. Mais le passé c’est le passé. » Je reprends alors « Si… si je ressens ce blocage actuellement c’est parce que je veux passer à autre chose, je veux que cette histoire soit enfin terminée et oublié tout ce qu’Andrew a fait et essayer de faire. » dis-je finalement pour conclure.

Le silence règne dans la pièce, lourd et oppressant, alors que Cassia commence à parler. Sa voix est basse, presque étouffée, mais chaque mot qu’elle prononce résonne avec une intensité qui me glace le sang. Ses yeux fixent un point vague devant elle, comme si elle se raccrochait à quelque chose, n'importe quoi, pour trouver la force de dire ce qu’elle a sur le cœur. « Vous voulez savoir si j’ai déjà ressenti une pression, si je me suis déjà sentie obligée à avoir des rapports sexuels ? La réponse est oui. Avec la même personne qui a causé toute cette histoire et ces rendez-vous auxquels nous sommes obligés d’assister. » Ses mots semblent flotter un instant dans l'air avant de nous percuter. Ils sont lourds de sens, porteurs d'une souffrance trop longtemps contenue. Elle marque une pause, et je sens sa main trembler légèrement dans la mienne. Je resserre instinctivement ma prise, un geste silencieux, désespéré, pour lui rappeler que je suis là. Que je ne partirai pas. Elle inspire profondément, les yeux toujours perdus dans le vide, sa mâchoire se contractant légèrement comme pour retenir des larmes invisibles. « Il ne m’a jamais forcée physiquement. Il… il arrivait simplement parfois à me manipuler émotionnellement pour avoir ce qu’il voulait. Il agit toujours ainsi, en manipulant les autres. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait le jour du procès. Et encore une fois, c’est pour cette raison que nous sommes tous ici aujourd’hui. » Je déglutis difficilement, sentant ma gorge se nouer. Mes poings se serrent inconsciemment, et une vague de colère sourde monte en moi, une colère dirigée contre cet homme qui a causé tant de souffrance. Les mots de Cassia sont comme des coups de poignard, chacun d'eux me laissant plus impuissant face à sa douleur. Mais je reste silencieux, incapable de trouver les mots pour apaiser cette tempête qui gronde en elle. Elle continue, sa voix teintée d’un mélange de colère, de douleur, et de cette amertume qui semble la ronger de l'intérieur. «[i] Mais cela, personne ne semble s’en rendre compte. Alors peut-être que j’ai été stupide de lui céder malgré tout dans le passé, sans doute aussi très faible. Mais le passé, c’est le passé. Si… si je ressens ce blocage actuellement, c’est parce que je veux passer à autre chose. Je veux que cette histoire soit enfin terminée et oublier tout ce qu’Andrew a fait et essayé de faire. [/color]» Ses mots m’arrachent de l’intérieur, chaque syllabe portant le poids de la honte, de la culpabilité qu’elle ne devrait pourtant pas ressentir. Je serre un peu plus ses doigts dans les miens, tentant de lui transmettre un peu de la force que je peine moi-même à trouver. Je veux qu’elle sente que je suis là, que je suis avec elle, qu’elle n’a pas à porter ce fardeau toute seule. Mais l’atmosphère dans la pièce est devenue glaciale. Le silence qui suit ses paroles est lourd, écrasant, comme si tout l'air avait été aspiré de la pièce.

Le psychologue et Hayley échangent un regard, comme s’ils tentaient de peser la gravité de ses paroles, de comprendre l'ampleur de ce que Cassia vient de révéler. Je déteste cette sensation, d'être disséqué, analysé, comme si nos émotions n’étaient que des objets d’étude. Finalement, le psychologue se redresse légèrement sur son siège et me fixe, ses yeux cherchant quelque chose, peut-être une vérité qu’il croit pouvoir extirper de moi. « Milo, si Cassia ne voulait plus jamais être intime avec vous, vous resteriez avec elle ? »  La question me prend au dépourvu, comme une gifle soudaine en plein visage. Je sens une colère sourde monter en moi, un mélange de frustration, de ressentiment, et de cette envie presque viscérale de protéger Cassia. Ma voix gronde légèrement lorsque je réponds, mes yeux se durcissant. « Parce que vous pensez que je suis avec Cassia uniquement pour le sexe ? » Ma réaction est instinctive, presque incontrôlée. La tension monte immédiatement dans la pièce, l’atmosphère se chargeant d’électricité. Je sens Cassia se crisper à mes côtés, et cela m’ajoute un sentiment de culpabilité : la dernière chose que je veux, c’est la mettre encore plus mal à l’aise. Je vois Hayley se redresser légèrement, son expression alarmée, comme si elle sentait la situation lui échapper. Elle intervient rapidement, sa voix douce mais ferme résonnant dans la pièce. « Nous allons arrêter ici pour aujourd’hui. Je pense que c’est suffisant. » Elle met fin à la séance avant que l’atmosphère ne devienne encore plus électrique, avant que mes mots ne dépassent ma pensée, avant que la douleur de Cassia ne soit amplifiée par une colère mal dirigée. Je prends une profonde inspiration, essayant de me calmer, de refouler cette colère qui me ronge et qui, je le sais, ne fera qu’aggraver les choses si je la laisse exploser. Je jette un regard furtif vers Hayley, qui note quelque chose rapidement dans un dossier avant de relever la tête, ses yeux passant brièvement des miens à ceux de Cassia. « Merci à tous les deux pour votre honnêteté. On se reverra pour poursuivre à votre rythme. » Sa voix se veut apaisante, mais il y a une distance, une neutralité que je ne peux ignorer. Je ne réponds rien, incapable de me détacher de Cassia, de la douleur qui émane encore d’elle.

Je m’étais sentie soudainement oppressée par la question du psychologue. Surtout par la volonté des deux professionnels à ce que je réponde à cette même question. Je m’en voulais presque d’avoir répondue de manière sincère et spontanée tout à l’heure. Milo tente de m’aider, de m’apaiser. Mais finalement je décide à me répondre à la question, profitant ainsi de ce moment pour dire ce que j’avais en partie sur le cœur. Je sens la main de Milo resserrer doucement la mienne. Une preuve silencieuse qu’il était là, qu’il me soutenait. Après ma prise de parole, un silence s’installe. Puis le psychologue pose une questionne destiné à Milo. Une question des plus surprenantes. Milo ne semble d’ailleurs pas apprécié la question. Sa réaction semble surprendre tout le monde. Le docteur Carter propose alors d’arrêter la séance pour aujourd’hui. Elle nous remercie pour notre honnêteté. Mais ses remerciements n’ont aucun effets. Nous étions obligés d’être là et de répondre à ces questions. Je me lève sans attendre de ma chaise et enfile ma veste sans rien dire. Je murmure un vague « au revoir » avant de quitter la pièce avec hâte.

Une fois dehors, j’ai la sensation de pouvoir respirer à nouveau. Pour autant, je ressens de la colère, de la fatigue et même de la gêne suite à cet entretien. Milo est là aussi. Nos regards se croisent. Je ne sais pas vraiment quoi dire. Devais-je évoquer cette liaison qu’il avait eu avec le docteur Carter ? Parler des questions que l’on nous avait posé. Je ne savais pas si c’était une bonne idée. « On peut rentrer s'il te plaît ? » demandai-je alors simplement, sous entendant que j’avais simplement envie de rentrer et non d’aller faire autre chose.

Une fois à l’extérieur, nous marchons côte à côte, l’air frais caressant nos visages. Cassia ne dit rien. Son regard fixe un point indéterminé devant elle, mais je sais qu’elle est ailleurs, perdue dans les échos de la séance difficile que nous venons de traverser. Je la regarde discrètement, cherchant un indice dans sa posture, une ouverture dans ses gestes ou ses expressions. Elle semble fragile, presque absente. Cette vision me serre le cœur. Je voudrais lui tendre la main, l’attirer contre moi, lui souffler des mots rassurants, mais je n’ose pas briser ce silence. Je continue à marcher à ses côtés, m’efforçant d’être simplement là, sa présence silencieuse et constante. Puis, enfin, elle rompt le silence. Sa voix douce, presque hésitante, me parvient comme un murmure fragile « On peut rentrer, s’il te plaît ? » Je tourne immédiatement la tête vers elle. Son ton n’est pas pressant, mais je ressens dans cette simple question une supplique, un besoin urgent de retrouver un lieu familier, un refuge où elle pourrait se sentir en sécurité. Sans hésiter, je lui réponds avec douceur « Bien sûr, viens. » Je ralentis légèrement pour l’attendre, puis nous rejoignons la voiture. Je me hâte pour lui ouvrir la portière, veillant à ce qu’elle s’installe confortablement avant de faire le tour pour prendre place derrière le volant. Alors que je démarre, un silence profond s’installe à nouveau. Ce n’est pas un silence pesant, mais il est chargé d’émotions, de pensées inachevées. Je lui jette quelques regards rapides tout en gardant les mains sur le volant. Ses doigts sont croisés sur ses genoux, ses épaules légèrement affaissées, et son visage est tourné vers la fenêtre. Elle regarde le paysage défiler, mais je doute qu’elle enregistre ce qu’elle voit. Elle semble chercher des réponses dans la nuit, ou peut-être simplement une échappatoire. Le ronronnement du moteur est le seul son qui accompagne notre trajet. Je me concentre sur la route, mais mon esprit reste focalisé sur elle, sur son mal-être palpable. J’aimerais briser cette barrière invisible, mais je sais que, pour l’instant, elle a besoin de ce silence.

En arrivant devant la maison familiale, je me gare doucement, coupant le moteur avec précaution, comme pour ne pas perturber cette bulle fragile que nous avons créée. Je descends rapidement de la voiture, contourne le véhicule, et ouvre la portière pour elle.  Je lui tends une main pour l’aider à sortir, un geste presque instinctif, et elle s’en saisit doucement. Alors qu’elle se tient devant moi, je ne peux m’empêcher de m’abaisser légèrement pour croiser son regard. Mon autre main glisse sous son menton, relevant doucement son visage pour qu’elle me regarde. Ses yeux rencontrent les miens, et je murmure avec une tendresse sincère « Je vais rester avec toi ce soir… Je crois que tu as besoin de ton Milo adoré ? » Ma voix est douce, teintée d’un mélange d’affection et de sérieux. Je veux qu’elle sache, qu’elle ressente que je suis là, entièrement là pour elle, quoi qu’il arrive. Pendant un instant, son regard vacille. Je serre doucement sa main, entrelaçant nos doigts, et ensemble, nous avançons vers la porte d’entrée. L’air de la nuit semble soudainement plus léger, moins oppressant. Être à ses côtés me fait oublier tout le reste, et j’espère qu’elle ressent un peu de cette paix que je veux lui offrir. Une fois à l’intérieur, je l’aide à retirer son manteau, mes doigts effleurant ses épaules avant que je le dépose sur le porte-manteau. Je l’observe un instant, cherchant des indices dans ses gestes, dans son expression. Puis, brisant le silence avec douceur, je lui propose « Tu veux du thé ? Ou peut-être juste t’allonger un peu ? » Mes yeux scrutent les siens, cherchant à m’assurer qu’elle se sent en sécurité. Elle hoche doucement la tête, un sourire léger flottant sur ses lèvres. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est suffisant pour que je sente mon cœur se serrer d’amour pour elle. Je glisse ma main dans son dos pour l’accompagner doucement dans le salon, prêt à faire tout ce qui est nécessaire pour qu’elle retrouve un semblant de sérénité.

Une fois sortis, je demande à Milo si nous pouvions rentrer. Je n’avais aucune envie de m’éterniser ici, ni nul part ailleurs. Je souhaitais simplement rentrer et tenter d’oublier cet entretien. Milo accepte et nous prenons alors la direction de sa voiture. Le jeune homme m’ouvre la portière, je le remercie d’un léger sourire avant d’entrer dans le véhicule. Le trajet se passe en silence. A vrai dire, je suis ailleurs. Je ne cesse de repasser la séance en boucle dans ma tête. Je regarde le paysage défiler mais sans réellement y faire attention. Puis lorsque nous arrivons devant la maison familiale, Milo gare la voiture. Je me détache, et Milo ouvre la portière et m’aide à descendre du véhicule. Son regard cherche le mien. Le pilote de ligne relève doucement mon visage pour que je le regarde. Il m’annonce vouloir rester avec moi ce soir car j’avais besoin de mon Milo préféré. Je ne dis rien, je me contente simplement d’acquiescer. Nous nous dirigeons ensuite main dans la main vers la porte d’entrée. La maison est vide. Ma mère et Will n’était pas encore rentrés.

Une fois à l’intérieur, Milo m’aide à retirer mon manteau. Il me propose ensuite une tasse de thé ou alors de m’allonger un peu. Je hoche alors doucement la tête, un léger sourire aux lèvres. La douceur et la bienveillance de Milo contraste tellement avec ce tourbillon d’émotions que je ressens. Je sens alors la main de Milo glisser doucement dans mon dos pour m’accompagner au salon. Je m’installe sur le canapé, plaçant le plais présent sur mes jambes. Le silence est de maître. Je finis par briser ce dernier « Merci de rester. J’ai l’impression de ne pas être une très bonne compagnie aujourd’hui... » Je laisse échapper un léger soupire « La séance a été pire que ce que je pensais. Je ne comprends toujours pas l’intérêt d’aller la-bas. J’ai vraiment hâte que tout soit terminé. » avouai-je le plus sincèrement du monde.

Je reviens dans le salon avec une tasse de thé fumante entre les mains, son parfum apaisant se mêlant à l’atmosphère feutrée de la pièce. Cassia est assise sur le canapé, ses épaules légèrement affaissées sous le poids invisible de ses pensées. Je m’approche doucement et lui tends la tasse, veillant à ce que mes doigts frôlent les siens dans un geste volontairement tendre. Elle la saisit avec précaution, ses yeux se relevant brièvement pour croiser les miens. Une gratitude silencieuse passe entre nous, mais je perçois aussi cette fatigue qui semble éteindre la lumière de son regard. Je m’installe à ses côtés, glissant ma main sur le dossier du canapé pour me rapprocher sans envahir son espace. Mon regard se pose sur elle, sur son profil délicat marqué par la tension. Cherchant à alléger l’atmosphère, je me penche légèrement en avant, un sourire taquin jouant sur mes lèvres « Uniquement aujourd'hui ? Tu n’es pas grognon les autres jours ? » Je fais référence à ses paroles précédentes, espérant lui arracher un sourire, même timide. Mais sa réponse suivante frappe comme une lame. Puis mon sourire s’efface, remplacé par une expression plus douce, presque vulnérable. Un silence s’installe entre nous, chargé d’émotions non dites. Je prends une inspiration lente, cherchant mes mots, refusant de laisser ce moment sombrer dans la mélancolie. Je pose une main sur son genou, un geste à la fois rassurant et sincère, et je murmure avec douceur « L'intérêt ? C'est de prouver à Andrew et au juge que nous sommes un couple solide. Que nous nous soutenons l'un l'autre, malgré mon mauvais caractère ! » J’accompagne mes mots d’un petit rire, léger, destiné à dissiper un peu la lourdeur de la conversation. Mais derrière cette tentative d’humour, je veux surtout qu’elle comprenne qu’elle n’est pas seule dans tout cela. Que je suis là, pour elle, avec elle, peu importe la tempête que nous traversons. Je m’appuie un peu plus confortablement contre le dossier, prenant un air faussement mystérieux pour attirer son attention. « Je te promets que lorsque tout sera fini, je te réserve une petite surprise dont j’ai le secret ! » Un clin d’œil complice accompagne mes paroles, et je guette sa réaction. J’espère raviver une étincelle de curiosité, un petit éclat de la Cassia insouciante que je connaissais avant tout cela. Mais je sais aussi que ce n’est pas si simple. Les blessures qu’elle porte ne se refermeront pas en un jour, et je dois être patient, même si chaque seconde à la voir souffrir est un supplice.

Mon regard glisse vers la tasse de thé qu’elle tient entre ses mains, le liquide chaud semblant presque refléter la complexité de ses pensées. Je prends un ton plus sérieux, ma voix se faisant douce, presque hésitante « Tu as réfléchi à ce que t’a proposé le psychologue ? Aller voir un groupe de parole ? » Je vois immédiatement une ombre passer sur son visage, ses traits se tendant légèrement. Une vague de culpabilité m’envahit. Je n’ai jamais voulu la brusquer, et je me maudis silencieusement pour ne pas avoir trouvé une autre manière d’aborder le sujet.
Cherchant à corriger mon erreur, je tends doucement la main pour caresser son bras, un geste empreint de réconfort. « Tu sais, rien ne presse. C’est toi qui décides, et je suis là, quoi que tu choisisses. » Ma voix est calme, sincère. Je veux qu’elle sente qu’il n’y a aucune pression, aucun jugement. Juste une volonté infinie de la soutenir dans tout ce qu’elle traverse. Je scrute son visage, guettant une réponse, une réaction, mais prête aussi à accepter le silence si elle en a besoin. Le moment est fragile, mais précieux. Et dans cette bulle d’intimité, je veux qu’elle sache qu’elle peut compter sur moi, sans conditions ni attentes. Juste moi, là pour elle, toujours.

Une fois rentrés, nous nous étions installés au salon. Je restai silencieuse un petit moment avant de briser ce silence, m’excusant presque de ne pas être de très bonne compagnie. On pouvait dire que la journée avait été difficile mais malgré cela, Milo était là, avec moi. Comme toujours. J’avoue ensuite au jeune homme que la séance avait été pire que ce que je pensais. Je l’avais appréhendé et pour de bonnes raison finalement. Milo plaisante en me demandant si j’étais de mauvaise humeur uniquement aujourd’hui et pas les autres jours. J’esquisse un léger sourire, amusée malgré tout. Milo reprend son sérieux lorsque j’évoque l’intérêt de ces séances. Les paroles de Milo sont sincères et surtout pleine de bon sens. Il avait raison. Un couple solide. Ces mots résonnent dans mon esprit et me donne un baume au cœur. « H’m… Tu as raison. Désolée, j’ai du mal à rester positive ces derniers jours. Je le sais. » Milo me promets à nouveau que quand tout sera terminé, il me réservait une petite surprise. Mon visage se tourne vers lui « Je me demande bien ce que tu réserves... » dis-je un léger sourire aux lèvres.  

La tasse de thé entre mes mains, je bois une gorgée de ce dernier. Milo me demande si j’avais réfléchi à la proposition du psychologue quant au fait d’aller voir un groupe de parole. Nous en avions déjà parlé, mais jusqu’à présent je n’avais jamais donné de réelle réponse. Milo ajoute que rien ne pressait et que c’est moi qui décidait. Je soupire légèrement « Je veux bien y aller. Une fois, pour voir comment ça se passe. Mais je ne promets pas d’y aller une seconde fois et encore moins régulièrement. » dis-je alors pour mettre les choses au clair tout de suite.  

Je caresse doucement la joue de Cassia, laissant mes doigts glisser légèrement sur sa peau, cherchant à lui transmettre un peu de réconfort. Son regard est fixé sur moi, vulnérable mais attentif, et je prends une inspiration lente pour choisir mes mots avec soin. Dans ce silence partagé, chaque geste prend une signification particulière, et je savoure cette proximité que nous avons retrouvée. Délicatement, je replace une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, profitant du contact de ses cheveux soyeux entre mes doigts, savourant ce moment d'intimité fragile et précieuse. « Ce qui compte, c’est toi… » murmurai-je, ma voix à peine plus forte qu’un souffle. Je plonge mon regard dans le sien, cherchant à lui transmettre toute la sincérité et la certitude que je ressens. Je veux qu'elle sache, qu'elle sente profondément que rien n'est plus important à mes yeux qu'elle. « D’ici quelques temps, tout ceci ne sera plus qu’un vague souvenir, promis. » Ma voix est douce, presque un murmure, mais chaque mot porte le poids de ma détermination à faire de cette promesse une réalité. Lorsqu’elle finit par m’annoncer qu’elle accepte de se rendre une fois dans le groupe de parole recommandé par le psychologue, mon cœur se réchauffe d’un mélange de soulagement et de fierté. Je sais combien cela lui coûte, combien cette décision est difficile, et pourtant elle est prête à essayer. Un sourire sincère éclaire mon visage, un sourire que je ne peux contenir face à sa bravoure. « Une fois. Si cela ne te plaît pas, tu n’es pas obligée d’y retourner. Tu fais comme tu veux, Cassia… » Je marque une pause, mon ton devenant encore plus doux, comme pour souligner que tout dépend d'elle, qu'elle est libre de faire ce qu'elle veut, sans aucune pression. « Je peux même t’y accompagner, si tu le souhaites. » J’espère que cette proposition la réconforte, que le fait de savoir que je serai à ses côtés lui permettra de se sentir un peu plus en sécurité.

Nous restons ainsi, dans ce silence paisible qui contraste avec la tension des moments précédents. Je sens son corps se détendre peu à peu contre le mien, et une vague de tendresse m'envahit. « J’ai hâte de pouvoir de nouveau vivre avec toi, tu sais… » avouai-je après un moment de silence, ma voix à peine un murmure, brisant doucement la quiétude de la pièce. « L’appartement n’est pas le même sans toi. »  Je sens son corps se détendre légèrement contre moi, comme si mes mots atteignaient enfin cette part d’elle qui cherche encore à se protéger. Je continue sur un ton plus léger, une lueur taquine dans les yeux, cherchant à alléger l’atmosphère. « Et puis… Ne pas dormir avec mon petit glaçon préféré me manque aussi ! » Je me permets un petit rire avant de déposer un baiser sur le sommet de sa tête. Ses cheveux chatouillent légèrement mon nez, et je ferme les yeux, savourant cette simple proximité. Je veux qu’elle sente que tout ira bien, même si le chemin est encore semé d’embûches. « Au fait… » commençai-je, adoptant un ton légèrement plus enthousiaste pour attirer son attention. « Je repasse bientôt mes qualifications, dans quelques jours ! » Je sais que c’est une information qui lui tient à cœur, et je veux qu’elle partage cette excitation avec moi. Ses yeux brillent légèrement en entendant la nouvelle, une lueur d’intérêt traversant son regard, et je me penche pour lui voler un doux baiser. Ce geste, aussi simple soit-il, renforce mon envie de retrouver cette intimité, cette complicité naturelle entre nous. « Avec toi à mes côtés, tout devient plus facile, » murmurai-je contre ses lèvres avant de me reculer légèrement, juste assez pour enlacer son regard, pour qu’elle puisse voir la vérité dans mes yeux.

Je venais finalement d’accepter de me rendre au groupe de parole dont le psychologue avait parlé. Il m’avait proposé plusieurs fois de m’y rendre, soulignant le fait que cela pouvait qu’être très bénéfique. Nous en avions aussi parlé avec Milo mais jusqu’à aujourd’hui j’avais toujours éviter de répondre ou refuser tout simplement. Milo semble satisfait que j’accepte enfin de m’y rendre. Mais si ce n’était que pour une séance. Le jeune homme propose de m’y accompagner si je le souhaitais. « Je veux bien, oui. Sinon, je ne suis pas certaine d’avoir le courage de descendre de la voiture et d’y aller... » avouai-je sincèrement. Avec Milo, je savais que ce courage là, je le trouverai.

Je viens m’installer confortablement contre Milo. Ce dernier me dit avoir hâte de pouvoir vivre à nouveau avec moi. « J’ai hâte aussi de pouvoir revenir. » L’appartement était vraiment très agréable et puis vivre avec Milo était très plaisant. Je m’y étais très vite habitué. Je souris lorsque le pilote de ligne souligne le fait que de ne pas dormir avec son petit glaçon préféré lui manquait aussi. « H’m… J’en prends bonne note. » Puis Milo m’annonce repasser ses qualifications bientôt, dans quelques jours. Je suis heureuse pour lui. Nous échangeons un doux baiser « Je suis certaine que tout va très bien se passer. C’est toi le meilleur. » dis-je sincèrement en plongeant mon regard dans le sien. Je ne me faisais pas de souci pour Milo, ce métier c’était une vocation, depuis toujours.

Je suis ravi à l’idée d’accompagner Cassia à sa première séance au sein du groupe de parole. Bien que je sache qu’elle y va avec une certaine appréhension, je me sens privilégié qu’elle me permette d’être à ses côtés pour ce moment important, même si elle décide que ce sera la seule fois. C’est un petit pas, mais un pas vers une potentielle guérison, et je suis prêt à l’encourager à chaque étape. Voir sa détermination, malgré ses peurs, me remplit d’un respect immense. Et peu importe combien cela pourra être difficile, je serai là, chaque fois qu’elle aura besoin de moi. Lorsque Cassia réagit à mon annonce sur mes qualifications, je perçois quelque chose à travers son regard, une petite étincelle taquine qui me surprend agréablement. Elle a ce sourire particulier, celui qui illumine son visage, et je ne peux m'empêcher de m'en réjouir. C’est comme si, pendant un instant, nous étions parvenus à sortir des ombres des difficultés récentes. Je fronce les sourcils, la dévisageant avec une curiosité exagérée, prêt à jouer le jeu. « Mais… Je rêve ou… » Je laisse ma phrase en suspens, jouant la carte de l’intrigue. Je vois que Cassia esquisse un sourire, un de ces sourires sincères qui m’étaient devenus si précieux ces derniers temps. Son regard pétille légèrement, mais je veux être sûr de ce que je vois. « Ne me dis pas que… » Je m’arrête de nouveau, cette fois en plissant les yeux, faisant mine de réfléchir profondément, comme si je découvrais quelque chose d’incroyable et mystérieux. Puis, soudain, je fais mine d’être frappé par une révélation, et je laisse mon sourire éclater de toutes mes dents.[/color]» … Non, tu ne serais pas en train de te… » Je marque une pause dramatique, la laissant un instant dans l’attente, avant de lâcher, riant de bon cœur. « … Milosifier ! » Je saisis l’occasion pour l’embrasser doucement, un baiser qui exprime non seulement ma tendresse, mais aussi toute la gratitude que j’ai envers elle pour ces instants volés de légèreté. « C’est ma phrase, Mademoiselle Henderson ! » dis-je en la fixant, feignant l’indignation, un air faussement outré sur mon visage. « Avez-vous l’autorisation de l’utiliser ? Avez-vous déposé votre brevet ? » Ma voix est pleine de moquerie, mais ma gestuelle est douce, presque affectueuse. J'effleure son visage du bout des doigts avant de lui voler un autre baiser, plus tendre cette fois, avant de murmurer contre ses lèvres : « C’est toi qui me rends meilleur, Cassia. » Mes mots sont sincères, emplis de la vérité que je ressens au plus profond de moi.

Je me redresse légèrement, mes mains glissant doucement sur ses épaules, les caressant dans un geste apaisant. La légèreté de nos taquineries a allégé l’atmosphère, mais je ne veux pas éviter ce qui la tracasse réellement. Ce moment de tendresse n’enlève en rien la difficulté de ce qu’elle traverse, et je veux m’assurer qu’elle sait qu’elle peut parler de tout, que je suis prêt à tout entendre. « Tu souhaites parler de la séance d’aujourd’hui ? » Ma voix est calme, douce, sans insistance. Je cherche son regard, essayant de lui transmettre qu’elle peut décider de ce qu’elle veut partager, que je suis là pour la soutenir sans la forcer. Il y a une certaine fragilité dans son regard, une hésitation que je perçois et que je respecte. Puis, prenant une inspiration plus discrète, je prononce doucement « Ou d’Hayley… » Son prénom glisse hors de mes lèvres avec précaution, comme si je craignais de réveiller quelque chose de douloureux ou de provoquer une réaction que je redoute. Je sais que le sujet est sensible, et je m’en veux d’une certaine manière de devoir l’aborder, mais je ne veux pas laisser de non-dits s’installer entre nous. Je veux qu’elle sache que je suis prêt à entendre tout ce qui la trouble, même ce qui concerne mon passé. Mon regard reste fixé sur le sien, attentif, sans pression, prêt à l’écouter avec toute la patience et l’empathie qu’elle mérite.

Installés confortablement sur le canapé, nous discutons tranquillement. Et lorsque Milo évoque ses qualifications qu’il allait bientôt repasser, je ne peux m’empêcher de lui assure que tout allait bien se passer tout en soulignant que c’était lui le meilleur. En effet, c’était les mots de Milo. Ceux qu’il avait souvent à mon égard. Sa remarque quant au fait que j’étais entrain de me Milosifier me fait rire de bon cœur. « On dirait bien. Décidément, tu as beaucoup d’influence sur moi... » dis-je un sourire aux lèvres. « H’m… Je me permets de m’octroyer l’autorisation. » dis-je un sourire aux lèvres avant d’échanger un tendre baiser avec lui. Le moment est doux et serein, cela fait beaucoup de bien.

Milo finit par se redresser légèrement et passe ses mains doucement sur mes épaules. Le jeune homme me demande si je souhaitais parler de la séance d’aujourd’hui. Mon regard croise le sien. Je ne réponds pas tout de suite. A vrai dire, je ne sais pas si j’avais envie ou non d’évoquer la séance d’aujourd’hui. Milo me demande ensuite si je souhaitais parler d’Haley. Mon regard se pose à nouveau sur Milo. Un regard qui en dit long. « Tu souhaites vraiment parler de cela ? » demandai-je un peu perplexe. « Milo, ce n’est pas que je ne veux pas en parler. Pour ce qui est de la séance d’aujourd’hui, tu étais là, comme moi. Je n’ai pas réellement envie de revenir là-dessus. Et pour ce qui est de ce que je dis concernant ma relation avec Andrew, comme je l’ai dit le passé c’est le passé... » Je reprends alors « Pour ce qui est du docteur Carter, j’ai bien compris qu’il s’était passé quelque chose entre vous.Cette façon dont elle a regardé quand elle t’as vu, ta manière de la regarder quand tu l’as vu... Et puis, pour que tu te souviennes du vol durant lequel tu l’avais rencontré c’est qu’il avait dû se passer quelque chose de spécial... » Après tout, avec tous les vols que Milo effectuait et tous les passagers qu’il croisait, si il se souvenait d’elle c’est qu’il y avait une raison. « Je ne suis pas étonnée. C’est une très belle femme... » Grande, avec de belles formes, des yeux verts. Milo avait sans nul doute été sous son charme très rapidement.

Les pensées tournent en boucle dans mon esprit, et malgré la chaleur de la présence de Cassia à mes côtés, un poids se forme dans ma poitrine. Je repense à ce qu’elle a dit sur Andrew, à tout ce qu’il lui a fait subir. Les images envahissent mon esprit : les chantages, les manipulations émotionnelles, la manière insidieuse dont il a utilisé sa faiblesse pour la contrôler. Mon cœur se serre douloureusement. Comment quelqu’un peut-il traiter une femme aussi exceptionnelle avec si peu de respect, de compassion, et d’humanité ? La colère monte en moi, mais je la ravale. Cassia n’a pas besoin de mon indignation en ce moment. Elle a besoin de calme, de sérénité. Pourtant, le simple fait d’imaginer ce qu’elle a dû ressentir me ronge de l’intérieur. Je reste silencieux un moment, perdu dans mes pensées, jusqu’à ce que la voix de Cassia me tire doucement de ma réflexion. Son regard se pose sur moi, et son ton est plus mesuré, presque hésitant. Elle me confie qu’elle a compris qu’il y avait eu quelque chose entre Hayley et moi. Ses mots sont directs, mais son visage ne montre ni colère ni jalousie. Juste une curiosité teintée d’un soupçon de vulnérabilité. Cela me prend au dépourvu. Je souris faiblement, presque nerveusement, avant de soupirer profondément. « C’était il y a longtemps… Très longtemps, tu sais. » Ma voix est douce, presque apaisante, mais je sens une tension qui persiste en moi. Je me lève, incapable de rester assis. Mes pensées s’agitent, et je ressens le besoin de bouger, comme si cela pouvait m’aider à clarifier ce chaos intérieur. Je fais quelques pas dans la pièce, puis m’arrête, glissant une main dans mes cheveux avant de la laisser retomber mollement à mes côtés. « Oui, c’est une belle femme... » finis-je par dire, presque à contrecœur. Mon regard croise celui de Cassia, et je sens le besoin d’être honnête, mais mes mots restent mesurés. « Elle l’était lorsque je l’ai rencontrée, enfin bref… » Je laisse ma phrase en suspens, comme si le simple fait d’en dire plus serait inutile, ou peut-être même déplacé. La vérité, c’est que cette rencontre avec Hayley m’a perturbé plus que je ne le pensais. Revoir une partie de mon passé si soudainement, surtout dans un contexte aussi délicat, a fait remonter des souvenirs que je croyais enfouis. Ce n’est pas seulement la nostalgie qui m’habite, mais aussi une étrange sensation de décalage. Ce que j’étais à cette époque n’a rien à voir avec ce que je suis aujourd’hui. Et surtout, rien à voir avec ce que je ressens pour Cassia. Mais je crains que mes réactions puissent être mal interprétées. Alors je reste là, immobile, cherchant les bons mots pour ne pas créer de malentendu. Je m’assois à nouveau, mes mains croisées sur mes genoux, et je fixe Cassia avec un mélange de sérieux et de tendresse. « Je ne veux pas que cela te perturbe, Cassia. Ce que j’ai vécu avec Hayley appartient au passé. Un passé qui n’a rien à voir avec nous. » Je tends une main vers elle, espérant qu’elle comprenne que ma seule priorité, ici et maintenant, c’est elle. « Toi, tu es tout ce qui compte pour moi. »

Au même moment, Will et Elisabeth rentrent tranquillement à la maison, leurs discussions animées portant encore sur leur visite chez des amis. Le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvre doucement résonne dans la maison, marquant leur retour. Assis sur le canapé, je suis aux côtés de Cassia. Nos mains sont entrelacées, un geste simple mais chargé de soutien. Will entre dans le salon en premier, son regard se posant brièvement sur nous, mais sans un mot. Elisabeth, quant à elle, a une expression plus attentive. Elle observe Cassia quelques secondes, puis ses traits se transforment, passant de la surprise à l'inquiétude. Elle avance doucement vers sa fille, son regard scrutant son visage comme pour y lire des réponses. « Tout va bien ? » demande-t-elle doucement en s'accroupissant à côté de Cassia, une main venant se poser avec tendresse sur l'avant-bras de sa fille. Je me redresse un peu sur le canapé, ajustant ma posture. « On a eu une journée un peu compliquée, » dis-je doucement, choisissant mes mots avec soin. « Mais Cassia est incroyablement forte. » Elisabeth esquisse un sourire tendre avant de se redresser, posant un baiser sur le front de Cassia. « Si tu as besoin de quoi que ce soit, ma chérie, je suis là. D'accord ? » dit-elle avant de se tourner vers Will, qui observe la scène en silence. Will s'approche finalement, son ton léger mais sincère. « Je vais préparer le dîner. Milo tu dînes avec nous ce soir ? » me demande-t-il. Surpris par cette proposition j’accepte d’un simple signe de la tête.

Je ne savais pas si j’avais réellement envie de discuter de la séance d’aujourd’hui. Pour moi elle ne s’était pas bien passé, elle avait été éprouvante même. Sans oublier le fait que Milo connaissait le docteur Carter. Le fait qu’il ait eu une aventure avec elle me dérangeais un peu bien que c’était bien avant que nous soyons ensemble. Mais sans trop le vouloir, je me mets à parler malgré tout. De la séance, de ce que j’avais dis lors de cette dernière. J’évoque aussi Hayley. Je fais comprendre à Milo que j’avais rapidement saisi qu’il y avait eu quelque chose entre eux. Je n’étais pas étonné, le docteur Carter était une femme magnifique. Milo précise que leur histoire avait eu lieu il y a très longtemps. « Oui, je le sais. » Le pilote de ligne se lève et fait quelques pas. Il semble presque gêné de parler de tout ceci. Il avoue que le docteur Carter est une belle femme avant de dire finalement qu’elle l’était lorsqu’il avait rencontré. « Elle l’est toujours. » dis-je d’un ton un peu détaché. Pourquoi se voiler la face ? Je connaissais Milo et puis n’importe qu’elle homme la trouverait attirante. Le jeune homme revient s’asseoir près de moi et m’annonce qu’il ne voulait pas que cela me perturbe et que ce qu’il avait vécu avec Hayley appartenait au passé. Un passé qui n’avait rien à voir avec nous. Il tend une main vers moi ajoutant que j’étais tout ce qui comptait pour lui. Ma min vient glisser dans la sienne « Et toi, tu es tout ce qui compte pour moi. » dis-je d’une douce voix.    

Ma mère et Will rentre au même moment. Ma mère semble percevoir un léger mal être, elle s’approche de moi, pleine de bienveillance. « Oui, je sais. Mais ne t’inquiètes pas, ça va. » dis-je en lui adressant un léger sourire. Puis Will annonce vouloir préparer le dîner et propose à Milo de rester manger avec nous. Ce dernier accepte. Cela me faisait chaud au cœur que Will propose de lui même à Milo de rester. Le reste de la soirée se déroule sereinement. Après avoir préparé le dîner tous ensemble nous passons à table dans une douce atmosphère. Milo reste encore un peu avant de rentrer à l’appartement. Il devait se reposer de son côté pour être en forme pour ses qualifications.

Le reste de la soirée se déroule dans une douce sérénité. Les conversations légères et les rires ponctuent les gestes, et l’atmosphère qui règne autour de la table est chaleureuse, presque magique. Elisabeth raconte une anecdote amusante sur un dîner raté il y a plusieurs années, et les éclats de rire résonnent dans toute la pièce. Will, quant à lui, nous taquine sur nos talents culinaires limités, faisant allusion à une ancienne tentative désastreuse de préparer un gâteau ensemble.  Après le repas, je reste encore un peu, discutant avec Will et Elisabeth dans le salon. Nous parlons de tout et de rien : du prochain marché auquel ils comptent se rendre, des rénovations qu’ils envisagent de faire dans le jardin, et bien sûr, de Cassia. Mais je sais que je dois rentrer, les qualifications approchent, et je dois être en forme. Avant de partir, je me tourne vers Cassia, et nos regards s’accrochent un instant. Je serre doucement sa main, lui promettant de la retrouver bientôt, et je lis dans ses yeux une affection qui me donne la force de partir.

Les qualifications arrivent enfin, et je retrouve Clyde à l’aéroport. Dès que nous nous voyons, c’est comme si nous n’avions jamais cessé de voler ensemble. Comme à notre habitude, nous plaisantons, échangeant quelques piques amicales pour relâcher la tension qui nous accompagne toujours avant un vol de qualification. Ce vol n’est qu’un exercice pour nous : après des années à voler ensemble, nous sommes parfaitement synchronisés, connaissant les habitudes et les réflexes de l’autre mieux que personne. L’instructeur, un homme plus âgé à l’allure sévère mais aux yeux bienveillants, est professionnel mais cordial. Lorsque nous atterrissons, il nous félicite avec un sourire approbateur. « Vos résultats arriveront d’ici quelques jours, mais honnêtement, vous n’avez aucune raison de vous inquiéter, » nous dit-il avec un sourire rassurant. Pour célébrer cette réussite anticipée, Clyde et moi décidons de boire une bière au Sky Lounge, un lieu que nous apprécions particulièrement pour son ambiance détendue et ses vues imprenables sur la piste d’atterrissage. Assis au bar, nous discutons de tout et de rien, comme à notre habitude. Clyde me demande des nouvelles de Cassia, et je lui parle brièvement des derniers événements, évitant les détails les plus sombres. Il m'écoute avec cette compréhension silencieuse qui le caractérise, hochant la tête sans jugement. « Elle est forte, Cassia, » dit-il finalement en levant son verre. « Et toi, t’es là pour elle, c’est ce qui compte. » Ses mots résonnent en moi, et je ressens une chaleur réconfortante à l'idée que même Clyde, si pragmatique, croit en nous. Peu après, Clyde reçoit un message et doit s’éclipser pour aller chercher sa femme à la gare. « Ne bois pas toute la réserve avant que je revienne la prochaine fois ! » lance-t-il en riant avant de s’éloigner. Je reste seul, profitant de ma bière et de la vue qui s'étend devant moi, les lumières des avions illuminant le tarmac. Le bar est relativement calme à cette heure, et j'apprécie ce moment de tranquillité, un rare instant de répit entre toutes les responsabilités qui pèsent sur moi ces derniers temps.

Soudain, une silhouette familière apparaît dans l’encadrement de la porte : Hayley. Je fronce légèrement les sourcils, surpris par cette apparition inattendue. Elle s'avance déjà vers moi, son sourire éclatant illuminant littéralement la pièce, comme si tout ce qui nous entourait devenait soudain accessoire. « Je savais que je te trouverais ici… » lance-t-elle avec une assurance tranquille, s’approchant avec ce naturel désarmant qui m’a toujours attiré chez elle. « Bravo pour tes qualifications ! » Je la remercie, légèrement amusé par la situation. Nous engageons une conversation légère, presque comme deux vieux amis qui se retrouvent après des années. Elle évoque notre passé, les souvenirs partagés, le vol sur lequel nous nous sommes rencontrés , et même ce fameux dîner à Venise. Un sourire nostalgique étire ses lèvres alors qu’elle se remémore ces moments. « C’est drôle, Milo… Je ne pensais pas que tu finirais par te caser un jour, » dit-elle, son ton teinté d’un mélange de curiosité et de malice. « Elle doit être exceptionnelle pour que tu ne sois plus tenté d’aller voir ailleurs ! » Je souris à sa remarque, sans me départir de mon calme. « Elle l’est. Vraiment. » Je sens que mes mots sont sincères, que chaque syllabe porte en elle la réalité de ce que je ressens pour Cassia. Hayley esquisse un sourire complice, et d’un ton plus sérieux, elle ajoute « Ne t’inquiète pas pour mon rapport. Il sera aussi neutre que possible et surtout honnête ! » Ses mots me rassurent d’une certaine manière, et je me permets de relâcher une tension que je ne savais même pas porter. Le temps semble filer sans que je m’en aperçoive. Nous discutons de tout et de rien, des petites anecdotes de la vie de pilote, des autres collègues, et étrangement, je trouve un certain apaisement dans cette conversation inattendue. C’est comme si, pendant quelques instants, je pouvais oublier le poids de tout ce qui se passe avec Cassia. Finalement, je me retrouve à lui confier quelque chose que je n’avais pas prévu de dire « J’ai récemment rencontré Andrew et revu son collègue psychologue… Mais je n’en ai pas parlé à Cassia, » admis-je, ma voix plus basse, comme si les mots étaient plus lourds qu’ils ne devraient l’être. « Je ne veux pas l’inquiéter inutilement. » Hayley semble comprendre. Elle acquiesce, ses yeux verts se posant sur moi avec une lueur d’empathie sincère. « Je comprends. Mais prends soin de toi aussi, Milo. Cela ne sert à rien de tout porter seul. » Ses mots, pleins de bienveillance, m'atteignent plus que je ne l’aurais pensé, et je réalise combien ce poids est épuisant. Soudain, la sonnerie de mon téléphone brise notre échange, et je vois le nom de Cassia s’afficher sur l’écran. Elle m’attend. Je termine ma bière rapidement, me lève, et enfile ma veste. « Merci pour le verre, Hayley. Mais je dois y aller. Cassia m’attend. » dis-je en réglant la note pour nous deux « Bien sûr, » dit-elle avec un sourire sincère, un sourire qui n'a rien de la séduction passée, mais qui est simplement humain, compréhensif. « Prends soin d’elle. Et de toi. »

Sur la route du retour, les mots de Hayley résonnent encore en moi. « Cela ne sert à rien de tout porter seul. » Je réfléchis à tout ce qu'elle a dit, à tout le chemin parcouru depuis cette époque insouciante. Parfois, des rencontres inattendues permettent de remettre certains points en perspective, et c'est précisément ce que cette conversation m'a offert, une remise en perspective que je n'avais pas vue venir. En arrivant devant la demeure familiale de Cassia, je la vois déjà sur le perron, aux côtés d’Elisabeth. Cassia semble prête, élégante dans sa simplicité, son visage illuminé par un sourire lorsqu’elle m’aperçoit. Mon cœur se réchauffe à cette vue, dissipant la fatigue accumulée de la journée. Je coupe le moteur, sors de la voiture, et m’avance vers elles. Je dépose un rapide baiser sur les lèvres de Cassia avant de saluer Elisabeth. « Promis, je vous la ramène saine et sauve ! » plaisantai-je avec légèreté, tentant de détendre l’atmosphère. Elisabeth, fidèle à elle-même, rétorque avec un sourire narquois « Il y a intérêt, sinon ce n’est pas Will qui t’égorgera, mais moi ! » Je ris doucement, amusé par sa répartie, et j'ouvre la portière pour Cassia. Nous montons en voiture, prêt à nous rendre au groupe de parole, et je prends un instant pour regarder Cassia, ses yeux brillants de cette détermination douce que j’admire tant chez elle.

Je regarde pour la dixième fois l’écran de mon téléphone portable. J’attendais des nouvelles de Milo. Le jeune homme avait repasser ses qualifications plus tôt dans la journée et il était prévu aussi qu’il vienne me chercher pour m’emmener à cette première séance de groupe de parole. Mais je n’avais pas encore eu de nouvelles. J’étais prête. Milo ne devrait pas tarder. « Si Milo a un empêchement, je peux t’emmener. » me propose alors ma mère d’une voix douce. « C’est gentil mais il ne devrait plus tarder à présent. » Pour m’assurer qu’il n’est pas oublié, je lui envoie un message, lui indiquant que j’étais prête. Pour passer le temps, nous sortons dehors avec ma mère. Et un petit moment plus tard, Milo arrive devant la maison. Un léger sourire s’affiche sur mes lèvres. Le jeune homme sort de la voiture et vient nous rejoindre. Il dépose un rapide baiser sur mes lèvres avant de saluer ma mère. Ils échangent quelques mots complices, amusants. Puis, nous ne tardons pas à partir. Une fois dans la voiture, Milo démarre. « Alors, comment ce sont passé tes qualifications ? » demandai-je curieuse et soucieuse de connaître son ressenti. Même si au fond de moi, je savais qu’il n’y avait pas d’inquiétude à avoir.

Une fois arrivés devant le bâtiment où se déroulait le groupe de parole, Milo se gare et coupe le moteur de la voiture. J’observe le bâtiment. Je ressentais une certaine appréhension. Mon visage se tourne vers Milo, « Merci de m’avoir accompagné. » Je dépose un baiser sur ses lèvres. « A tout à l’heure » dis-je avant de prendre mon sac et de sortir de la voiture. Je lance un dernier geste de la main à Milo une fois dehors avant de pénétrer dans la bâtiment. Une fois à l’intérieur, je suis accueilli par la responsable. Puis lorsque tout le monde est présent, nous commençons par nous présenter un par un, expliquant la ou les raisons de notre présence ici. Puis la prise de parole est libre. Chacun exprime ce qu’il souhaite, ce qu’il a fait, ce qu’il ressent. J’écoute attentivement mais pour autant je ne me sens pas capable de prendre la parole. Pas aujourd’hui. La séance dure une bonne heure. Et une fois terminé, tout le monde se salue avant de quitter la pièce. J’enfile ma veste et prend mon sac pour quitter le bâtiment à mon tour. Je marche en direction de la voiture de Milo. « Mademoiselle ? » Je me retourne alors. Un homme est là, la cinquantaine passée. « Cassia, c’est ça ? » me demande t-il . « Oui, c’est bien ça. » dis-je un peu perplexe, me demandant bien ce qu’il me voulait. « Je m’appelle Liam. J’étais au groupe de parole moi aussi. » J’acquiesce légèrement « Oui, je me souviens. » Il avait pris la parole. Et étrangement son histoire faisait écho à la mienne. « Je voulais simplement te dire que tu devrais revenir les prochaines fois. J’ai remarqué que tu n’avais pas pris la parole. Tu en as le droit, bien évidemment mais si tu as fais la démarche pour venir ici c’est qu’au fond de toi tu en as besoin. Alors même si tu n’as rien dit aujourd’hui, même si tu ne dis rien la prochaine fois non plus, je te conseille de revenir malgré tout. » J’avais l’impression qu’il parlait en connaissance de cause. « D’accord, je vais y réfléchir. Merci. » Ce dernier me salue d’un geste de la main avant de partir en direction de sa voiture. Quant à moi, je continue de marcher vers la voiture de Milo et entre dans le véhicule. Une fois à l’intérieur, je lance un regard qui se veut rassurant à Milo ? Je dépose un baiser sur ses lèvres.

Sur la route, le silence dans la voiture est apaisant, ponctué uniquement par le ronronnement du moteur. Cassia fixe l’horizon, son regard serein mais empreint de cette légère nervosité que je commence à bien connaître. Je romps doucement le silence, jetant un rapide coup d’œil vers elle. « J’aurai le résultat dans quelques jours… » dis-je en soupirant, laissant échapper une part de ma propre nervosité à ce sujet. Elle tourne la tête vers moi, ses yeux scrutant mon visage. Avant qu’elle ne puisse répondre, je continue « D’un côté, je suis content, vraiment. Mais d’un autre… je ne pourrais plus être autant avec toi qu’avant. » Une pause s’installe, et un sourire taquin se dessine sur mes lèvres. « Et tu sais quoi ? J’ai commencé à y prendre goût, moi. » Le feu passe au rouge, et j’en profite pour me pencher légèrement vers elle et lui voler un rapide baiser. Ce geste simple, intime, allège immédiatement l’atmosphère.

Nous arrivons sur le parking du lieu de réunion. Je coupe le moteur et me tourne vers elle. « Tu es la meilleure, tu sais ? » lui dis-je en plongeant mon regard dans le sien. « Je suis fier de toi, Cassia. » Elle esquisse un sourire timide mais reconnaissant, puis nous nous embrassons doucement, un échange empreint de soutien et d’amour. Je la regarde s’éloigner vers la porte d’entrée, son assurance mêlée d’une certaine retenue. Une fois seule, je sors mon téléphone pour passer le temps. Je réponds à quelques messages de mes amis, rien de bien important, puis je prends une décision sur un coup de tête : envoyer un message à Hayley. Après tout, ces discussions avec elle m’ont aidé plus que je ne le pensais. « Hayley, est-ce qu’on pourrait organiser une séance individuelle ? » tapai-je rapidement avant d’appuyer sur « Envoyer ».

Le temps file plus vite que je ne m’en rends compte. Je lève la tête et vois Cassia sortir du bâtiment. Immédiatement, je range mon téléphone et descends pour l’accueillir. Nos regards se croisent, et je vois dans ses yeux une lueur de soulagement mêlée d’épuisement. Je souris doucement en la rejoignant. « Comment cela s’est passé ? » lui demandai-je en ouvrant la portière pour qu’elle s’installe. Je ne veux pas la brusquer, juste savoir comment elle se sent. Elle s’assoit et attache sa ceinture, esquissant un sourire léger. Je démarre la voiture et reprends la route, un silence confortable s’installant entre nous. Tandis que les kilomètres défilent, une idée germe dans mon esprit. Je jette un coup d’œil rapide à Cassia avant de poser une main douce sur la sienne. « Tu as envie d’un petit restaurant en tête à tête ce soir ? » lui demandai-je, mon ton à la fois léger et sincère. « Rien de trop formel, juste nous deux. »

Heureusement que Milo était là pour m’accompagner à cette réunion. Même si c’est moi qui avait pris la décision d’y aller une première fois, je ne suis pas certaine que j’aurais réussi à aller jusqu’au bout si j’y avais été toute seule. Comme toujours, le jeune homme était là pour me soutenir et me donner confiance en moi.

Une fois la réunion terminée, je ne m’attarde pas. Je prends mes affaires et quitte la bâtiment. Mais une fois sur le parking, un des membres présents à la réunion m’interpelle pour me conseiller de revenir. Son histoire faisait étrangement écho à la mienne. Et il semblait sans nul douter parler en connaissance de cause. Je le remercie alors pour son conseil et retrouve rapidement Milo dans la voiture. Le jeune homme me demande sans attendre comment la réunion s’était passée. « Ça s’est bien passée. Même si j’ai trouvé cela un peu étrange au début. » avouai-je alors. Milo démarre la voiture pour prendre la route. Et quelques minutes plus tard il propose d’aller au restaurant pour un dîner en tête à tête. « Oui, pourquoi pas. » Sortir un peu en tête à tête nous ferait du bien. Mais soudainement une idée, une envie me vient en tête. « Ou alors on pourrait s’arrêter au traiteur italien et aller manger chez nous? » L’envie de retrouver un peu l’appartement se faisait ressentir. Et puis cela ne changeait rien au tête à tête.

Nous prenons le temps de passer par le traiteur italien pour acheter quelques plats à déguster. Puis nous reprenons le chemin de l’appartement. Une fois à l’intérieur, je me sens tout de suite à l’aise, chez moi. « Ça fait un bien fou de pouvoir être ici. Avec toi. » dis-je le plus sincèrement du monde. Nous nous dirigeons alors vers la cuisine pour déballer les plats que nous avions acheté. Et tout en sortant les couverts, je jette un regard vers Milo. « Tu sais, je n’ai rien dit là-bas. » avouai-je alors. « A la réunion. J’ai écouté tout le monde, mais moi je n’ai rien dit. Je n’ai pas réussi, peut-être parce que je ne savais pas trop par où commencer ou que je ne trouvais pas les bons mots... » Je ressentais le besoin de le dire à Milo.

Cassia, avec ce sourire complice que j'aime tant, propose une contre-idée à mon invitation au restaurant : passer une soirée tranquille chez nous avec un bon repas à emporter. Sa suggestion me séduit immédiatement, et je hoche la tête avec un sourire en coin. « Tu sais quoi ? C’est parfait, » dis-je doucement, déjà emballé par l’idée de passer un moment simple mais intime dans notre cocon. Nous nous garons devant un petit traiteur italien, réputé pour ses plats savoureux. Tandis que Cassia examine la carte avec une attention presque déconcertante, je reste légèrement en retrait, observant cette petite ride de concentration qui se dessine sur son front. Elle finit par faire son choix, et nous repartons avec des arômes de sauce tomate, de basilic et d’ail emplissant la voiture.

En franchissant la porte de notre appartement, une sensation de calme m’envahit. Cela faisait si longtemps que nous n’avions pas partagé un moment ici, juste nous deux. Je ferme la porte derrière nous tandis que Cassia pose les sacs sur la table. Je l’observe alors qu’elle sort les couverts, ses gestes précis mais naturels, et je sens un sourire étirer mes lèvres. Je me glisse doucement dans son dos, mes bras venant entourer sa taille tandis que je pose mon menton sur son épaule. Elle sursaute légèrement à mon contact, mais je sens qu’elle se détend immédiatement en se laissant aller contre moi.» Le plus important, c’est que cela t’ait fait du bien, » murmurai-je près de son oreille, ma voix basse et apaisante. « Si tu ne ressens pas le besoin de parler mais plutôt d’écouter, c’est l’essentiel. » Je dépose un baiser léger sur sa tempe avant de me redresser et de commencer à dresser la table. Mon regard croise le sien à un moment, et je pose doucement la question : « Tu souhaites y retourner prochainement ? » Pendant qu’elle répond, je termine de mettre les couverts, ajustant un dernier verre avec soin. Alors que tout est prêt, je m’approche à nouveau d’elle, incapable de résister à l’envie de la prendre dans mes bras. Je la serre doucement contre moi, mes mains reposant sur le bas de son dos. Mon regard plonge dans le sien, et je murmure, presque dans un souffle « Je suis heureux de te voir ici, chez nous… » Une pause, mes lèvres effleurant son front avant de poursuivre. « Tu m’as manqué. » Je sens ses bras s’enrouler autour de mon torse, et ce simple geste m’apaise plus que je ne saurais l’exprimer. Dans cette étreinte, dans cette complicité retrouvée, tout semble plus léger. Puis je prends une profonde inspiration, prêt à savourer cette soirée simple mais parfaite, avec la femme que j’aime.