Ma main n’est pas assez grande pour tenir toutes les anses. Je m’y cramponne comme je peux parce que j’ai hâte de rentrer à la maison et de montrer l’intégralité de mes achats à Clyde. Il y a un peu de tout. Des bibelots, des babioles. Il y a même des petites plantes grasses trop mignonnes que je vais pouvoir poser le comptoir de la cuisine. Notre petit appartement est déjà envahi par la verdure mais je sais qu’il aime bien. La vendeuse m’a certifié qu’il n’y aurait pas un grand entretien pour ces plantes et c’est très bien. Parce que cela fait partie des choses que j’oublie. Le dos de ma main est barré d’une croix au stylo bille, signe qu’il y a un truc dont je dois impérativement me souvenir. J’ignore quoi, cependant. Je continue donc gaiement mes emplettes, cela finira bien par me revenir à un moment ou à un autre. J’en suis certaine. C’est toujours comme cela.

Pour l’instant, je flâne. J’aime les centres commerciaux aux environs de Noël. Ils se parent de milles et unes couleurs, il y a des chants qui me donnent envie de danser. Je me trémousse un peu, mes baskets glissant sur le parquet vitrifié et mes boucles brunes rebondissant sur mon hoodie à capuche. J’ai pas fais de grands efforts dans mon outfit du jour, je voulais surtout être à l’aise pour traîner dans les boutiques. J’entre dans un magasin de bonbons et j’en ressors avec un petit paquet à moitié plein de petites douceurs acidulées. Je fais attention à ce que je mange, toujours. Alors je continue mon tour, picorant de temps à autre dans mon petit sac en papier kraft. Plus rien ne trouve grâce à mes yeux. Je décide donc qu’il est temps de rentrer et de refaire la décoration de notre appartement.

Les portes automatiques du centre s’ouvrent sur ma silhouette quand je me rappelle. Je suis là parce que je devais aller rechercher une paire de chaussures chez le cordonnier. Voilà, c’était ça la croix. Un coup d’œil sur le plan m’indique qu’il se trouve au quatrième étage. Je regarde ma montre, ça va j’ai encore le temps avant de devoir partir pour le travail. Je traverse donc le hall dans le sens inverse et je décide de prendre l’ascenseur pour que cela aille un peu plus vite. Quand je pénètre dans la petite boite, il y a déjà une jeune femme que je salue d’un signe de tête et d’un large sourire. J’appuie sur le bouton et je laisse l’ascenseur se refermer sur nous. L’ascension est longue et je regrette déjà d’avoir fait ce choix. Je déglutis quand la chose émet un son un peu bizarre. Le grincement, associé à un clignement des lumières, n’augure rien de bon. Pour l’instant, il continue à grimper. Encore un étage et c’est bon.

Mais entre le troisième et le quatrième étage, il s’arrête. Tout simplement. Les lumières s’éteignent et il ne reste qu’une petite loupiote au dessus de la porte. J’attends quelques secondes, persuadée qu’il va finir par se remettre en route. Rien ne vient. Je me retourne vers la jeune femme qui est embarquée dans la même galère que moi. « Si j’avais su, j’aurais pris les escaliers. » J’essaie de dérider un peu l’atmosphère et mon doigt s’écrase sur le bouton d’urgence. Le haut parleur grésille, une voix robotique m’annonce qu’un opérateur va prendre en charge mon appel. Et cela tourne en boucle pendant plusieurs minutes sans que personne ne daigne répondre pour le moment. Mon téléphone n’a qu’une seule barre de réseau, je ne suis même pas sûre que cela fonctionne. Je fronce les sourcils et je soupire longuement. Quelque chose me dit que nous sommes coincées là pour un bon moment.

Je pose mes sacs dans un coin mais je garde celui qui contient mes friandises. Je pioche dans le paquet avant de le tendre à ma compagne d’infortune. « Un bonbon ? » Je suis pleinement tournée vers elle, le bras tendu en sa direction, un sourire barrant mon visage malgré la situation et l’heure qui tourne. Mais cette fois, si je suis en retard au travail, cela ne sera pas de ma faute !

Journée détente. Cela résumait assez bien ma journée. J’avais effectivement décidé de m’octroyer un moment rien qu’à moi. En ce moment c’était assez compliqué avec Andrew, j’avais besoin d’un peu d’air. Cela faisait à présent quelques jours que j’avais trouvé refuge chez mon meilleur ami. J’avais grandement besoin de me changer les idées. Et pour cela, rien de mieux qu’un peu de shopping. Cela faisait déjà un petit moment que je faisais du lèche vitrine. J’avais même craqué, j’avais acheté quelques vêtements. Voulant encore profiter un peu, je décide de prendre l’ascenseur pour changer d’étage. C’est donc mes sacs à la mains que je m’engouffre dans l’appareil. Ce dernier s’arrête à un autre niveau quelques secondes plus tard. Une jeune femme entre, elle aussi bien chargée. La jeune femme ma salue d’un signe de tête accompagné d’un sourire. J’en fais de même.

Je sors de mes pensées quand un bruit un peu suspect se fait entendre. Bien vite je me rends compte que quelque chose ne va pas. L’ascenseur s’arrête. J’espère de tout mon cœur qu’il se remette en route mais il n’en ai rien. La pénombre a pris le dessus. La jeune femme se retourne vers moi et m’annonce que si elle avait su elle aurait pris les escaliers. Un commentaire qui, malgré la situation, me fait légèrement sourire. « Et moi donc... » Oui si j’avais su j’aurai également pris les escaliers. La jeune femme appuie sur le bouton d’urgence. Mais le haut parleur grésille, malgré tout une voix d’un opérateur va prendre en charge l’appel. Mais quelques minutes plus tard il faut se rendre à l’évidence : le système est défaillant. Je soupire légèrement en me rendant compte qu’on allait être boquées ici un petit moment. La jeune femme me tend un sachet de friandises et me propose un bonbon. Je pose mon regard sur le sachet en question avant de regarder à nouveau la jeune femme. Ma main vient piocher dedans « C'est gentil, merci beaucoup » dis-je avant de croquer dans la friandise. Je pose mes sacs à côté de moi « La journée avait pourtant si bien commencée... » dis-je d'un ton un peu las.

Aujourd’hui, j’ai une bonne raison d’être en retard au travail. Je suis coincée dans un fichu ascenseur. Pourtant, je suis sportive et mes jambes auraient pu supporter de grimper les marches une fois de plus. Mais je n’avais pas envie de me trimballer mes paquets dans les escaliers, d’autant que je commence à en avoir beaucoup. Clyde me dira que j’aurais dû m’y prendre avant pour aller récupérer mes chaussures chez le cordonnier et que cela ne serait pas arrivé si j’y avais pensé. Il est là tout mon problème. Je ne pense jamais. J’ai beau mettre une petite croix sur le dos de ma main, cela n’y change rien. Parce que j’ai bien la marque mais je ne sais plus à quoi cela se rapporte. Cela me rassure, je crois, de voir ses deux traits de stylo bille sur ma peau claire. Je ne serais plus vraiment moi sans eux.

Dans mon malheur, je ne suis pas toute seule. Une autre jeune femme partage ma prison. J’appuie frénétiquement sur le bouton d’alerte mais cela grésille et sonne dans le vide. Ils n’ont pas l’air pressé de nous sortir de là. J’essaie d’avertir mon petit ami, j’envoie cinq ou six messages à la suite mais ils restent tous en suspens. Il va tout recevoir bien trop tard, quand les techniciens seront venus nous libérer. J’actionne le mode sonnerie de mon téléphone, sait-on jamais, et je le place dans la poche arrière de mon jean. Je viens extirper un bonbon de mon paquet avant de le tendre à la seule autre personne coincée ici. « De rien ! Un peu de réconfort ne peut pas nous faire de mal. » Je ne suis pas d’une nature stressée mais je sais que si je ne suis pas là avant le début du show, mon boss n’aura d’autre choix que de me remplacer au pied levé. Et ni Clyde, ni moi, n’aimons cela.

Alors, quand le grésillement se tait, j’appuie de nouveau. Et de nouveau, on m’annonce que quelqu’un va prendre en charge mon appel. « Quelqu’un va bien finir par répondre… Non ? » Je pense que j’ai l’air de m’acharner sur le boitier mais je n’ai pas envie de passer ma journée ici. « La mienne aussi avait bien commencé et pour une fois, j’étais pas en retard. » Je soupire, le karma est bien farceur parfois. « Je crois que je suis condamnée à ne pas… » Je me coupe quand une voix, pas robotique cette fois, résonne dans l’habitacle et nous demande l’objet de notre demande. « Oh heu bonjour… On est coincées dans un ascenseur, celui du centre commercial de Fall River. » La dame, fort bien gentille, nous demande de ne pas paniquer et nous énonce les consignes de sécurité avant de nous mettre en attente. « Ca risque d’être long… Moi c’est Iris. Et toi ? » Et je lui tends de nouveau mon paquet de sucreries.

En me levant ce matin je ne m’attendais absolument pas à rester coincée dans un ascenseur avec une parfaite inconnue. La journée avait pourtant si bien commencée. Quel dommage. Bon, il fallait voir le bon côté des choses, la jeune femme présente avec moi dans l’ascenseur avait l’air vraiment très sympathique. Le bouton d’urgence ne semble pas fonctionné correctement. Il y a surtout beaucoup de grésillement au début. Mais la jeune femme à mes côtés ne baisse pas les bras et continue d’appuyer sur le bouton. « Je l’espère... » Oui j’espérais que quelqu’un finisse par répondre à l’appel émit par le bouton d’urgence de l’ascenseur. Ou alors il faudrait attendre que quelqu’un aille signaler que l’ascenseur ne fonctionne plus. Et là, clairement, je pense que cela mettrait un temps fou.

Finalement, quelqu’un répond à l’appel. Une femme. Elle nous donnes quelques consignes et informations. Mais malheureusement, le dépannage risquait d’être assez long. « Super... » dis-je en soupirant légèrement. Je n’avais pas prévu de rester bloquée dans un ascenseur le jour de mon repos. La jeune femme se présente. « Cassia » dis-je en lui adressant un léger sourire. Je psoe mon sac à main à terre, et vient me laisser glisser le long de la paroi pour m’asseoir. « Si j’avais su, je serais resté chez moi… Je ne pensais pas passer mon jour de repos coincée dans un ascenseur. Ca m’apprendra à faire du shopping... » dis-je en plaisante un peu.

Je crois que je suis contente de ne pas être seule, coincée dans l’ascenseur. La solitude ne me sied pas au teint, elle me rend encore plus anxieuse que le fait d’être enfermée dans une boite à chaussures comme la cabine de cet ascenseur. Je plonge la main dans mon cornet de bonbons tandis que de l’autre je m’acharne sur le bouton jusqu’à ce que quelqu’un daigne me répondre. Je me dis qu’un peu de sucre ne peut nous faire que du bien. S’il faut attendre que quelqu’un aille signaler à l’accueil du centre commercial que l’ascenseur ne fonctionne pas, nous ne sommes pas prêtes d’en sortir. Finalement, après quelques grésillements, une voix féminine un peu robotique s’échappe du haut parleur. Je lui explique notre mésaventure et elle m’annonce que quelqu’un viendra ‘bientôt’. C’est vague, bientôt…

Je la remercie quand même et me laisse glisser le long de la paroi, imitant la dénommée Cassia. Elle m’a l’air plutôt gentille comme fille. « Je ne suis pas en repos, je suis sensée me présenter au travail dans deux heures… » Je soupire bruyamment avant de hausser les épaules. Cette fois, j’ai une raison valable d’être en retard et je ne peux même pas prévenir Clyde, mon portable n’a pas de réseau. « Peut être qu’on aurait du prendre les escaliers, on a peu de risques de rester coincées dans un escalier. » Franchement, j’aurai du. Cela m’aurait évitée pareil déboire. « Tu viens souvent faire tes achats dans ce centre commercial ? » C’est un peu bateau comme question mais j’essaie de faire la conversation, nous n’avons rien d’autre à faire en attendant d’être libérées.

Je n’avais jamais été claustrophobe. J’avais toujours bien supporté les espaces confines, clos. Toutefois, être enfermée dans un ascenseur n’est pas une sensation agréable. Malgré tout, cela est un minimum angoissant. Fort heureusement, je n’étais pas seule coincée dans cette cage métallique qui avait apparemment décidé de faire des siennes. Finalement, le bouton d’urgence de l’ascenseur semblait fonctionné puisqu’une voix à l’autre bout nous donna quelques indications à respecter. Il fallait à présent attendre. Pour combien de temps ? Cela on l’ignorait encore.

Si je n’étais pas forcément très pressé, ce n’était pas le cas d’Iris, présente avec moi dans l’ascenseur. La jeune femme devait apparemment être au travail dans deux heures. « Mince, j’espère que l’ascenseur sera débloqué d’ici là... » Déjà pour elle, pour ne pas qu’elle arrive en retard à son travail mais aussi pour nous tout simplement. Deux heures à rester coincées ici ? Cela serait terriblement long. La jeune femme fait une remarque tantôt amusante tantôt très censé. Nous aurions dû prendre les escaliers. « En effet… Je crois bien que la prochaine fois que je viens ici, j’opterai pour les escaliers... » dis-je un léger sourire aux lèvres. Iris me questionne quant à mes habitudes ici dans ce centre commercial. « J’y viens assez régulièrement oui. J’ai quelques habitudes dans certaines boutiques. Et j’aime bien y venir flâner un peu quand j’ai du temps de libre. Et toi ? » demandai-je à mon tour à la jeune femme.

Je vois déjà d’ici la tête de Clyde. Je l’imagine tourner en rond comme un lion en cage à m’attendre. Je sais qu’il ne s’inquiétera pas trop tôt, parce que je ne suis pas du genre ponctuelle comme fille. Je regarde une énième fois mon téléphone dans l’espoir que le réseau revienne miraculeusement. C’est stupide, on capte jamais vraiment dans les ascenseurs. Enfermée dans cette petite boite, je suis heureuse de ne pas craindre les espaces clos. J’envie aussi Cassia, qui ne semble attendue nulle part. Enfin, disons qu’elle n’a pas d’impératif horaire. « Oui, j’espère aussi… Sinon, mon patron va encore me taper sur les doigts. » Et pire que ça, mon petit ami et partenaire de scène risque de m’accueillir avec une soupe à la grimace après avoir été obligé de me remplacer au pied levé.

J’ai voulu faire vite, avec tout mes paquets, c’est pour cela que j’ai pris l’ascenseur plutôt que les escaliers et je m’en mords les doigts maintenant. J’aurais du braver la foule dans les marches. Maintenant, je ne peux pas récupérer les chaussures qui m’attendent chez le cordonnier et en plus, je vais m’attirer des ennuis. Je fais néanmoins contre mauvaise fortune bon coeur et je l’interroge sur le shopping. Je ne savais pas tellement pas où commencer, je me suis inspirée du lieu où nous nous trouvons. « Moi aussi, j’aime beaucoup ! J’y ai toutes mes habitudes, je ne viens qu’ici presque… Il y a parfois un peu de monde mais cela ne me dérange pas. » J’aime être entourée, je l’avoue bien franchement. « La prochaine fois, j’espère qu’on se croisera au café et pas dans la cage d’ascenseur ! » Je rigole un peu quand l’interphone se remet à grésiller puis plus rien. Faux espoir !

Coincées dans cet ascenseur, nous étions à présent obligées d’attendre tout simplement que quelqu’un des services technique viennent débloquer l’appareil. Bien que le fait d’être coincé entre quatre murs métalliques ne soit pas une situation des plus rassurante, je ne pouvais pas m’empêcher de relativiser la situation. Elle aurait pu être bien pire. J’aurais très bien pu me retrouver ici toute seule. Or, ce n’était pas le cas, puisque Iris était là aussi. Une jeune femme qui avait l’air très sympathique. Cette dernière, contrairement à moi, avait un horaire à respecter. Elle était apparemment attendu pour son travail, elle semble même craindre une réprimande de son patron. « Je comprends, mais cette panne d’ascenseur est indépendante de ta volonté… J’ose espérer qu’il comprendra. » Bien que je me doutais bien que certains patrons n’étaient absolument pas compréhensifs. « Tu travailles dans quel domaine ? » demandai-je alors par curiosité mais aussi pour continuer un peu à discuter. Cela ferait sans nul doute passer le temps plus vite.

Apparemment je n’étais pas la seule à aimer fréquenter ce centre commercial. Il faut dire que c’était le plus important de la ville et que le choix y était important aussi. Parfait donc pour des petites séances shopping. Un léger rire émane de ma bouche lorsque Iris évoque une éventuelle prochaine rencontre non pas dans cet ascenseur mais plutôt dans un café. « Je l’espère aussi, ce sera beaucoup plus convivial. » Cela pourrait même être amusant d'ailleurs de se recroiser dans des circonstances autre que celle-ci. L'interphone se remet à grésiller. Je m'attendais à ce qu'on nous donne des nouvelles mais il n'en était rien. Faux espoir. J'adresse alors un léger sourire mi amusé mi réconfortant à la jeune femme qui comme moi, devait avoir hâte que l'ascenseur soit débloqué.

Je hoche la tête de haut en bas pour répondre à sa question. J’ai de la chance dans tout ça. Mon patron sait comment je suis et comment je fonctionne, il est compréhensif. Ce qui m’inquiète le plus à vrai dire, c’est ce que Clyde pourrait penser de mon absence de ce soir. Je n’ai pas envie qu’il s’imagine que j’ai encore oublié ou que j’ai été tête en l’air. Trop prise par mes occupations, il est vrai qu’il m’arrive parfois d’oublier deux ou trois petites choses mais je fini toujours par arriver avant le début de notre show. Ce soir, je ne suis pas sûre que cela arrivera. Tout dépend du temps qu’ils mettront à nous sortir de cet ascenseur. « Oui oui… Je pense qu’il comprendra mais disons que la ponctualité n’est pas mon fort. » Je grimace et mon nez se plisse. Cela ne serait qu’un retard parmi tant d’autres mais à force, je vais bien finir par me faire licencier. Je ne pourrai pas toujours compter sur l’alchimie qui nous lie, Clyde et moi. « Je suis danseuse. Enfin, strip-teaseuse. » Je n’ai pas honte de mon métier et j’ai un large sourire quand je le lui dis. « Et toi ? » Il me semble poli de lui retourner la question.

Nous fréquentons toutes les deux régulièrement ce centre commercial et nous nous sommes jamais croisées. Ou alors peut être que si mais il faut dire qu’il y a beaucoup de monde par ici. « Je propose que la prochaine fois, on prenne les escaliers et on va boire un moka au premier étage. Si cela te dit bien sur ! » Une nouvelle fois, l’interphone grésille. Je me tais et je me penche. Parmi les bruits métalliques, j’entends la voix d’une femme me demander nous sommes toujours là. Je suis tentée de rire jaune, où est-ce qu’elle veut que nous soyons ? « On est là… Vous pensez que ça sera long encore ? » Cela grésille encore un peu et la dame annonce que les secours sont en chemin, au même moment où des bruits se font entendre contre la porte.

Malgré que ce contre temps provoqué par cette panne d’ascenseur, je n’étais pas si embêtée que cela. Et pour cause je n’étais attendue nul part. Je ne travaillais pas aujourd’hui, j’avais simplement prévu de rentrer chez moi après cette petite virée shopping que je m’étais octroyée. Iris elle semblait un peu plus angoissée par le fait d’arriver en retard au travail. J’espérais pour elle que son patron soit compréhensif au vue de cette situation que l’on pouvait aisément qualifier d’exceptionnelle. La jeune femme me confirme ma pensée mais ce qu’elle ajoute sur sa ponctualité me fait doucement sourire. Tout en discutant, je m’étais permis de demander à Iris dans quel domaine elle travaillait. La jeune femme me répond qu’elle est danseuse, strip-teaseuse plus précisément. Je ne suis pas surprise, mais je ne peux pas nier que je ne m’attendais pas à une telle réponse. Après tout ce n’est pas tous les jours qu’on pouvait croiser une  strip-teaseuse et se retrouver coincée avec elle dans un ascenseur. « Dans un établissement en ville ? » demandai-je par simple curiosité. Etait-ce à Fall River même ou aux alentours ? Je me posais la question. « Je suis infirmière au Charlton Memorial. » En soit, l’hôpital de Fall River.

La jeune femme finit par proposer de prendre les escaliers la prochaine fois et d’aller boire un moka au premier étage. « Oui, ce sera avec plaisir. » dis-je de bon cœur. Ce sera toujours mieux que d’être coincées ici. Au même moment la voix féminine de l’interphone se fait à nouveau entendre. Apparemment, les services techniques étaient en route. Au même moment nous entendons des bruits derrière la porte. « J’ai l’impression que l’on va bientôt sortir d’ici... » dis-je en me relevant doucement.

Le stress commence un peu à me gagner. Je commence à mordiller l’ongle de mon pouce. J’ai encore essayé d’envoyer un SMS à mon petit-ami et partenaire pour le prévenir d’un éventuel retard mais cela ne passe pas. Il reste désespérément en attente. Il fallait encore que je passe par la maison pour déposer mes paquets avant de filer au club. Et du coup, que je revienne ici demain pour récupérer mes chaussures. Heureusement que je n’ai pas besoin ce soir. J’apprécie le fait que Cassia ne soit pas fermée à la discussion, sinon cela aurait été bien long. Quand elle m’interroge sur mon métier, je n’ai aucune honte à le lui donner. Il n’y a que mes parents qui doivent simplement dire que je suis danseuse quand la question leur est posée. Ils n’ont jamais apprécié mon style de vie, ni même Clyde soit dit en passant. Cela vient sûrement du fait que les deux vont de pair. « Le Starlight. A la sortie de la ville. » Je lui répond dans un sourire. Ce n’est pas mal famé comme endroit, sans être trop bourgeois non plus. Cela doit être un club comme il en existe des millions aux Etats Unis. « Oh… Ce n’est pas trop dur ? Les horaires décalés et tout ça ? » Elle est infirmière, je ne cache pas mon admiration. C’est un métier qui aurait été approuvé par mes parents, c’est sûr.

Mon sourire s’élargit encore, si cela est possible, quand elle accepte d’aller boire un café la prochaine fois. Je suis une personne plutôt avenante et j’adore faire de nouvelles rencontres, surtout quand celles-ci sont aussi agréables que Cassia. « Ton jour sera le mien ! Je travaille de nuit, donc je suis disponible les après-midi. » Pas vraiment les matins parce que c’est à ce moment que je dors. Un bruit derrière la porte se fait entendre puis une voix grave nous demandant de nous reculer. Je fais un pas en arrière, me tassant contre le fond de la cabine. « J’espère qu’ils ne nous feront pas grimper après les câbles comme dans les films d’action. » Je rigole un peu pour cacher mon impatience. Même si la compagnie de Cassia est agréable, je commence à trouver le temps long.

Coincées dans l’ascenseur, c’est tout naturellement que nous faisons plus ample connaissance avec Iris. Nous échangeons un peu sur notre venue ici dans ce centre commercial, sur nos habitudes et à présent sur notre travail. La jeune femme venait de m’apprendre qu’elle était danseuse, strip-teaseuse plus précisément. Je lui demande davantage de précisions sur le lieu de son activité professionnelle. Iris me précise alors qu’elle travaillait au Starlight, un établissement situé à la sortie de la ville. A mon tour, je lui indique mon activité professionnelle. La jeune femme me question alors immédiatement sur la pénibilité du travail et des horaires décalés. Un léger sourire s’affiche sur mon visage. J’avais l’habitude de ce genre d’interrogations. « Ce n’est pas tous les jours faciles. Et les horaires ne sont pas toujours simples non plus. Mais j’adore mon travail malgré tout... » avouai-je le plus sincèrement du monde.

Nous continuons à discuter et nous nous mettons d’accord pour aller prendre un café à l’occasion.  « Parfait. Je vais te donner mon numéro si tu veux comme ça on pourra fixer un jour et une heure plus facilement. » Nous allions devoirs combiner avec nos horaires de travail respectifs. Je donne alors mon numéro de téléphone à la jeune femme. Soudainement, nous entendons un bruit derrière la porte. Apparemment les choses commençaient un peu à s’activer derrière cette dernière. Iris plaisante un peu en me disant qu’elle espérait qu’ils ne nous fassent pas grimper après les câbles comme dans les films d’action. « Je l’espère aussi. Moi qui ait le vertige, je ne suis pas prête de sortir si on doit grimper de la sorte... » dis-je en plaisantant à mon tour. Et finalement, quelques minutes plus tard, l’ascenseur est débloqué et les portes s’ouvrent. Devant nous deux techniciens nous invitent à sortir de la cage métallique s’empresse de nous demander comment nous allons. De mon côté, je les rassure me concernant. Tout allait bien. J’étais tout de même soulagée d’être sortie de là. Je me tourne alors vers Iris « Et bien, nous voilà libérées... » dis-je en plaisantant un peu. « Je te souhaite une belle journée. En espérant qu’elle se termine mieux qu’elle n’a commencé… Et n’hésite pas à me contacter. Je serais ravie qu’on se revoit... » dis-je le plus sincèrement du monde à la jeune femme.

Infirmière n’est pas un métier pour moi. Je suis trop étourdie pour cela et ma capacité de concentration frôle le néant. Il n’y a guère que lorsque je danse que j’arrive un tant soit peu à me focaliser sur ce que je fais. Je pense que je serai bien dangereuse pour les patients si je travaillais dans le médical mais papa et maman auraient apprécié. Quoi que, ils auraient trouvé le moyen de me reprocher de ne pas être médecin tant leur niveau d’exigence envers leurs enfants dépasse l’entendement. Heureusement qu’Honoré, mon frère, relève le niveau. J’acquiesce quand Cassia me confirme que son travail est parfois pénible. Les horaires sont coupés, elle doit très certainement courir partout et en voir des vertes et des pas mûres. Je suis admirative, je crois, et je comprends quand elle me dit qu’elle aime son métier malgré tout. « Je vois très bien ce que tu veux dire. » Le mien n’est pas si terrible mais j’ai du affronter l’ensemble de ma famille pour faire ce qu’il me plaît. Je m’y suis faite et ma famille maintenant, c’est Clyde.

Je suis contente quand elle accepte qu’on se revoit autour d’un café. Cela sera sûrement plus confortable que là, coincées dans l’ascenseur. Si une amitié naît entre nous, nous pourrons toujours rigoler en nous remémorant cette rencontre plutôt cocasse. Je déverrouille mon téléphone et rentre le numéro qu’elle me donne. En échange, je lui communique le mien pour qu’elle en fasse de même. « Je te promets pas de t’écrire aujourd’hui parce que là, faut vraiment que je me speed… Mais demain sans faute ! » Il va falloir que je cours. Que je laisse tomber le bus et que je prenne un taxi pour rentrer. Derrière la porte, une voix nous demande de nous reculer. Ce que nous faisons et je plaisante en parlant des câbles. « J’espère pas non plus. Je suis pas tellement douée au grimpé de corde. » De part mon métier, j’ai certaines qualités athlétiques mais monter à la corde n’en a jamais fait partie. Heureusement pour nous, ce sont les portes qui s’ouvrent et je cligne des yeux quand la lumière des néons pénètre dans l’ascenseur. Je ne suis pas mécontente d’être sortie. « Hé oui, nous voilà dehors ! Ce fut un plaisir de faire ta connaissance. Promis je t’envoie un sms demain ! Je te souhaite une bonne fin de journée, Cassia ! » Je pars en courant du sens opposé, après avoir remercié chaleureusement nos sauveteurs.