L'hiver souffle fort, mais Nora trouve toujours du réconfort entre les murs du conservatoire. Qu'il vente, qu'il neige ou que la canicule s'installe à Fall River, c'est toujours là où elle trouve le plus d'intérêts à passer son temps. Et quand elle n'est pas avec Jefferson à chercher la prochaine mauvaise blague à faire, elle s'entraîne durement. Avec son ami, elle est toujours prête à redoubler d'efforts et d'imagination pour rendre les autres un peu fou, Allison étant sa meilleure victime. Si les deux filles s'adore, depuis le temps qu'elles se connaissent, au conservatoire, pas de quartier. Allie étant la meilleure de la troupe, il faut dire que personne ne lui fait de cadeau sur la scène. A la vie de tous les jours, pourtant, Nora et elles sont meilleure amies et se soutiennent. La rivalité est par contre de mises quand il faut danser.
Sauf que ce n'est pas Allison que Nora retrouve à l'entraînement, mais Iris. Amie de longue date sur quelques représentations faites par le passé à Montréal, elles s'entendent assez bien. Et depuis qu'Iris est dans le coin à Fall River, elles se jure sans cesse qu'elles trouveront le temps de danser de nouveau ensemble, mais elles n'ont jamais le temps. Alors Nora a profité de son temps libre sur les périodes de fêtes pour proposer à Iris de la rejoindre. Exemptée de représentations suite à une blessure récente bien que minime, Nora est mise au repos forcée. Et pour cause, elle a tant voulu être la première et passé de temps à s'entraînée qu'elle a épuisé son corps. L'ordonnance est claire, du repos, du repos et toujours du repos.
Mais ce n'est pas au goût de Nora qui, même en levant le pied, choisit de s'entraîner un minimum. Alors quand Iris arrive, elle sourit, impatiente de pouvoir travailler "pour de vrai". « Je suis tellement heureuse de te voir.» Et c'est vrai. Car excepté quelques message pour s'informer l'une et l'autre, ça fait très longtemps qu'elle ne se sont pas vu.
Darkness cannot drive out darkness : only light can do that. Hate cannot drive out hate : only love can do that. — Clarice Lispector.
Dernière édition par Nora Hamilton le Sam 16 Mar 2024 - 22:12, édité 1 fois
On ne voit pas mon visage ce matin. Mon bonnet à pompon est enfoncé jusqu’à mes oreilles et mon écharpe recouvre ma bouche, mes joues et un bout de mon nez. Le vent d’hiver souffle fort mais cela n’entame pas ma bonne humeur quasi constante. Je suis originaire de Sainte Hyacinthe, dans la banlieue de Montréal, et le froid cela me connaît. Et puis, je ne suis pas le genre à décider de passer une journée sous la couette parce que la température ne dépasse pas le zéro. D’autant que Clyde est parti vaquer à ses occupations et que je n’ai pas envie de rester seule. Alors, j’ai trouvé une activité à moi. Mon petit truc. Une école dispense des cours de danse classique. C’est mon premier amour, la danse classique. Dont j’ai fini par me lasser.
Les pieds bien au chaud dans des hugs confortables et fourrées, je pousse la porte de la salle de danse. Un rapide passage au vestiaire pour me changer et me voilà prête à l’entrainement. Je sais que je danse soir après soir au club mais mon corps, je dois l’entretenir. C’est mon principal outil de travail. Et aujourd’hui, je vais retrouver une amie que j’ai eu le plaisir de retrouver à Fall River. Nous nous sommes croisées quelques fois à Montréal, lorsqu’elle venait pour des galas et des représentations et nous avons tout de suite sympathisé. Je me dépêche donc d’enfiler mon hoodie à capuche et mon legging avant de filer sur la piste.
Nora est déjà là, prête pour notre session. Je suis excitée comme une puce à l’idée de danser avec elle et je sautille plus que je ne marche. Me canaliser est parfois difficile et souvent, il n’y a que CC qui arrive ce tour de force. Il est le sage lit qui guide la folle rivière. Je réponds avec enthousiasme au sourire de mon amie. « Je suis heureuse moi aussi ! » Ces derniers temps, nous n’avons discuté que par SMS. Je trépigne déjà d’impatience et je bouge mes doigts pour essayer de la contenir. « Alors, par quoi on commence ? » Je regarde un peu partout autour de moi, essayant de comprendre quels genres d’exercices m’attendent.
Elle se souvient vite de comment elle a rencontré Iris, Nora. Elle sait qu'elles étaient animées par le même amour de la danse, la classique. Celle-ci n'a pas quitter Nora même si Iris ne semble pas en dire de même. Ce n'est pour autant pas un frein pour qu'elles se retrouvent à l'entraînement. Pas de pointes ni de plié déplié pour Nora qui doit prendre soin de son genou et de ses chevilles fragilisé, mais elle sait qu'elle profitera malgré tout d'un moment "comme avant" avec son amie.
Mais être blessée ne signifie pas pour Nora abandonner complètement les répétitions et l'exercice, elle en est incapable. Aussi ce n'est pas surprenant de la voir déjà prête, à attendre Iris. Et quand finalement elle voit son amie elle est réellement heureuse de la revoir, surtout dans ces circonstance. Pour être honnête, Nora a eu très peur qu'Iris lui fasse faux bond. Après tout, compte tenu de la période de l'année et du nombre d'années écouler depuis la dernière fois qu'elles se sont vue, ça aurait été une éventualité.
Avec un mouvement du menton, elle lui répond. « S'échauffer ? J'ai apporté des tapis pour ça, mais ça va surtout être pour moi. » Une grimace pour illustrer tout ça, elle se penche pour masser son genou qui vient de lui faire un peu mal. « Je me suis blessée donc je ne peux pas m'échauffé comme d'habitude. Tu te rappelle les mouvements de base des premiers exercices ? »
Darkness cannot drive out darkness : only light can do that. Hate cannot drive out hate : only love can do that. — Clarice Lispector.
J’ai un peu changé depuis la dernière fois qu’on nous nous somme croisées, Nora et moi. A l’époque, j’étais peut-être un peu plus éteinte parce que cela n’allait pas fort dans mon couple. Les premières difficultés ont commencé très vite avec Lénaïck et, avec le recul, je me dis que je n’aurais jamais dû rester si longtemps avec lui. A Montréal, je devais cacher la femme papillonnante que je suis parce que cela ne plaisait à personne. Qui je suis ne plait pas à mes parents, ça c’est sûr. Ils détestent mon job, ils ne supportent pas Clyde qu’ils rendent responsable de mes choix de vie comme si j’étais incapable de les prendre seule. Parce que c’est plus facile de se dire que la cadette de la famille Renoir n’a pas pu embrasser, de plein gré, une carrière pareille.
Aujourd’hui, je suis joyeuse. Je suis toujours joyeuse depuis que je vis à Fall River. J’aime ma vie comme elle est, j’aime la liberté que j’ai et pour rien au monde je ne voudrais en changer. Et puis, l’idée de passer la journée, à danser, avec une amie me met encore plus de bonne humeur. Je saute presque devant elle avant de me renfrogner un peu quand je la vois masser son genou. « Oh… Tu as fait comment ? Enfin, excuses moi… C’est indiscret comme question. » Je me rattrape comme je le peux, ma bouche dessinant une moue d’excuse sur mon visage. Il s’agit de s’échauffer avant de commencer, il ne faudrait pas que je me blesse moi aussi. Danser est mon gagne-pain, sans cela je ne pourrai vraiment plus payer le loyer, que j’y pense ou non. Enfin si, je pourrai avec l’argent que me donne maman mais cela lui ferait beaucoup trop plaisir.
« Heu… Non. Je dois avouer que je ne souviens plus. J’ai toujours eu une petite mémoire. » Et c’est vrai, les choses vont et viennent. Elles passent et repassent sans que je ne puisse les imprimer dans mon esprit. La seule chose que j’arrive réellement à retenir c’est les chorégraphies pour nos shows.
Nora n'est pas une danseuse irresponsable. Elle a tendance à prendre des risques, comme toute la troupes, à faire des figures périlleuses qui pourraient la mettre dans une mauvaise posture, c'est vrais. Mais elle ne le fait plus pour une première place ou un premier rôle. Bien qu'elle aimerait briller plus dans la troupe de danse professionnelles du conservatoire pour avoir plus d'opportunités s'ouvrant à elle, elle a conscience que si le premier rôle ne lui revient pas souvent, ce n'est pas une raisons pour risquer définitivement sa situation. Mais c'est ce qui faillis arriver. Elle sourit à Iris. « Non, ce n'est pas indiscret, t'en fais pas. J'ai tenté une roue et un saut que j'ai mal réceptionné. » Ce n'est pas complètement vrais, parce que c'est son partenaire qui l'a mal rattrapée lors d'une danse en duo. Mais compte tenu des figures qui ne font pas parti de classique, elle préfère se blâmer pour cette idée.
Elle sourit, petit rire presque échapper derrière ses lèvres étirées. Pour lui montrer un peu, Nora s'efforce de lui montrer les premiers exercices d'étirement, sachant qu'elle ne pourra pas forcément aller jusqu'au bout de son côtés. « Je te montre et tu fais avec moi ? Tu ira peut-être plus loin que moi, par contre. »
Darkness cannot drive out darkness : only light can do that. Hate cannot drive out hate : only love can do that. — Clarice Lispector.
Les blessures sont quelque chose qui peut arriver dans notre métier. Il suffit d’un pas grand-chose pour qu’une cheville se torde ou qu’un poignet vrille. J’ai toujours fais attention parce que la danse c’est ma passion et mon corps mon outil de travail. Je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi. Ce n’est pas pour autant que je pense que Nora le fait, ce n’est absolument pas ce que je dis. D’ailleurs je lui pose la question mais je m’en veux un peu. C’est un peu indiscret, presque. Je me mords la lèvre mais mon amie me rassure. Je l’écoute et je grimace quand elle me raconte ce qu’elle a fait. « Oh… J’ai mal rien qu’à t’entendre. Je suis désolée. » Je me rappelle à quel point elle était passionnée par la danse, tout autant que moi. Je ne sais pas exactement pourquoi je m’excuse, je crois que c’est l’usage.
Nous nous mettons au travail, quand même. Après qu’elle m’ait rafraîchit la mémoire sur les exercices que nous faisions à l’époque. Je l’imite et je m’étire à mon tour. « D’accord… Je me mets face à toi et je te copie. » Je fais les mouvements, avec plus de souplesse qu’elle cela dit. Nous sommes un peu silencieuses, presque sérieuses, pendant les premières minutes. « Tu es retournée un peu à Montréal ? » Je finis par demander, entre deux échauffements.
Elle sourit à la brunette. C'est vrais qu'elle a pris des risques inconsidérés et qu'elle a failli le regretter. Par chance, elle s'est fait mal mais pas de façon irrémédiables et surtotu rien de très long à guérir. Le souci avec Nora, c'est qu'elle n'arrives pas à vraiment lâcher prise et son corps le ressent et le lui fait payer du mieux qu'il le peut, ce qui la fatigues encore plus. « Il n'y a pas de quoi t'excuser, je ne suis pas blesser définitivement et je dois juste ralentir la cadence. » Elle se gardes de dire qu'elle ne le fait pas, mais Iris la connait probablement assez pour s'en douter.
Nora remarque qu'Iris a plus de facilité qu'elle a s'étirer. Pas compliqué, même en étant une des danseuses classiques les plus souples de la troupe, Nora reste blessée. Il y a des mouvements qu'elle ne peut pas faire jusqu'aux bouts et elle en a conscience, alors elle ne force pas le mouvement jusqu'à sa fin tandis qu'Iris les exécute parfaitement. Elle secoues négativement la tête. « Non, j'étais malade lors des représentations du dernier ballet qui est sorti des Etats-Unis. Et je n'ai pas vraiment le temps de partir en vacances ces derniers temps. Et toi, tu comptes y retourner bientôt ? »
Darkness cannot drive out darkness : only light can do that. Hate cannot drive out hate : only love can do that. — Clarice Lispector.
Je ne sais pas comment je réagirais si je venais à me blesser comme Nora l’a fait. Mise au repos à la maison, je pense que je serais infernale. Mon envie de reprendre le travail, et la danse, me pousserait à surutiliser mon corps quitte à aggraver la chose. Je grimace quand elle m’explique comment elle s’est blessée et je m’excuse. Je ne sais pas pourquoi, j’imagine que c’est l’usage et la politesse qui veulent ça. « Ralentir la cadence, c’est ce qu’il y a de plus compliqué. » Cela doit être tellement frustrant de pouvoir bouger mais d’être en incapacité de faire du sport. De danser dans notre cas. Je n’aimerais vraiment pas être à sa place et je pense que je ne vais plus prendre à la rigolade les échauffements. D’ailleurs, je m’y emploie bien sérieusement. Je chauffe mes muscles les uns après les autres pour éviter le moindre accident.
Je m’étire et je me plie telle un chat. Cela fait bien longtemps que j’ai abandonné la danse classique pour quelque chose de plus contemporain. Et même là, j’ai laissé un peu tomber pour me consacrer à mon métier de strip-teaseuse. Je n’ai pas vu Nora depuis un petit moment alors je lui demande si elle est retournée à Montréal et sa réponse, encore, me tire une moue désolée. « Décidément, il ne t’arrive que des malheurs. Tu as vraiment la poisse… » Entre la maladie et sa blessure, on ne peut pas dire que Nora fut gâtée. « Mon frère va se marier. Je vais devoir y retourner. Maman me supplie pour que j’aille à l’enterrement de vie de jeune fille de ma belle-sœur mais je fais la morte en espérant qu’elle se lasse. » Je soupire et je joins mes mains pour tourner mes poignets. Ils décrivent des petits cercles pour échauffer les muscles et les tendons. « Sinon oui, j’y vais une semaine par an. » Et cela est bien suffisant !
Quand je pense que je suis prête, je laisse tomber l’échauffement et je suis prête à me plonger entièrement dans la danse classique. « Sois indulgente, cela fait longtemps que je n’ai pas pratiqué. » Je grimace et je me redresse, prête à écouter tout ce qu’elle voudra bien me dire.
Nora acquiesce. C'est sa plus grosse difficulté, de ralentir. Elle sait que son médecin l'y encouragerait davantage et soufflerait très fort en la voyant faire actuellement, mais elle ne se voit pas rester chez elle, à attendre que passent les jours plutôt qu'à les passer à faire ce qui la fait rêver. « Je préférerai ne pas être blesser, c'est sûr, mais je dois m'y efforcer quand même pour me rétablir au plus vite. » Pourtant, suivre ses propres conseils c'est ce qu'elle fait le moins.
Aux paroles d'Iris, elle ricane. « Je n'aurais pas dit ça comme ça, c'était il y a longtemps. Entre temps, il ne m'est rien arrivé, donc je préfères penser que c'est occasionnel. » L'expression d'étonnement sur son visage s'adresse directement aux paroles qui suivent. « Ton frère se marie ? Mais ça c'est une super nouvelle ! » Nora ne le connais pas beaucoup, le frère d'Iris, mais elle adore ce genre de nouvelles... ce qu'Iris ne semble pas partager. « Tu ne l'aime pas ? » Son sourire réapparaît. Au moins, elle retourne chez elle de temps à autres et c'est une bonne chose. Nora ne saurait quoi faire si elle devait vivre loin de chez elle sans jamais y retourner.
Elle hoche la tête. « Sans problème. » Et elle lui propose quelques mouvements, certains qu'elle exécutes certain qu'elle dicte parce qu'ils lui demandent trop d'effort.
Darkness cannot drive out darkness : only light can do that. Hate cannot drive out hate : only love can do that. — Clarice Lispector.
Je me doute que Nora préférerait ne pas être blessée. Mais malheureusement, c’est le plus gros risque de notre métier, nous les sportifs. La blessure n’est jamais loin. Il suffit d’un rien. Une mauvaise nuit, un échauffement pris à la légère, une réception hasardeuse… La liste n’est pas exhaustive. Fort heureusement, cela ne m’est encore jamais arrivé et je fais tout pour que cela ne m’arrive jamais. J’ai une hygiène de vie irréprochable, j’essaie de dormir suffisamment. Je ne bois pas, je ne fume pas. Mais malgré ça, je sais que le jour où ma cheville pliera je ne pourrai rien y faire. « Oui, bien sur. On va y aller doucement. » Ca m’arrange aussi dans un sens, ça fait des années que je n’ai pas pratiqué la danse classique.
Elle ricane quand j’annonce qu’elle a la poisse. Deux blessures dans une carrière pour moi c’est déjà ne pas avoir de chance. En réalité, je crois que ça m’effraie tellement que je préfère même pas y penser. Je me sens bonne à rien si je ne danse pas. On change rapidement de sujet pour évoquer le mariage de mon frère. A mon tour de ricaner. « Oh si si c’est une bonne nouvelle... » Maman va encore me reprocher de ne pas avoir un mode de vie plus traditionnel, de ne pas vouloir me marier et de ne pas désirer d’enfants. J’ai pas dit que j’en voudrai jamais mais ce n’est pas mes priorités. « Josépha est gentille. Elle est parfaite selon mes parents et ils ne se privent pas de me le dire. Ils n’apprécient pas mon mode de vie. Plus je me tiens loin, mieux je me porte. » Je hausse les épaules. C’est comme ça, après tout.
J’exécute les mouvements qu’elle me dicte, j’essaie de mimer quand elle les exécute. Je fronce les sourcils pour me concentrer et finalement, les automatismes reviennent vite. « N’hésite pas à me dire quand tu as mal, on fera une pause. » J’annonce entre deux mouvements.
Accueil 
