certains vous diraient que je ne suis pas la meilleure de toutes les amies. ceux-là auraient parfaitement raison. je suis une personne qui n’est pas toujours la plus appréciée et je sais faire des choix qui sont réprouvés par beaucoup. mais je n’ai pas de problème à être l’antagoniste de la vie des autres. sauf en ce qui concerne Nova. je sais très bien que je n’agis pas de la bonne façon, mais c’est plus fort que moi, vraiment. j’ai beau savoir qu’elle a autant le droit que quiconque, et comprenez ici que moi, au bonheur, dès qu’il s’agit d’Owen, mes vieux démons ressortent. des démons ? je n’aurais pas dit ça comme ça, mais rien ne me paraît plus logique que lui et moi, c’est ainsi. peut-être que le futur me donnera tort, mais je ne tiens pas à laisser passer ma chance. si je blesse ma meilleure amie dans le processus, j’aurais tendance à appeler ça un dommage collatéral. après tout je n’ai jamais sous-entendu que j’étais une sainte.

si Enzo dort déjà, moi, je suis dans mon canapé en train de me limer les ongles. activité banale mais qui m’occupe et me permet de calmer le flux de pensées qui traverse ma tête. d'y trouver un ordre. je finis par me lasser et choisis d’aller me faire un thé. le bruit de la bouilloire est si assourdissant que je ne remarque qu’à peine Nova qui rentre. mes sourcils sont froncés car elle ne m’a pas prévenue qu’elle rentrerait à cette heure-ci et j’ai bien failli m’inquiéter, mais mes lèvres sont pincées pour taire toute remontrance qui en ressortirait. je laisse échapper un faux sourire de mes lèvres et, à la perfection, décide de jouer les divas. « au moins ça, vu l’heure à laquelle tu rentres. » ça m’a échappé, mais je la taquine. au lieu de continuer sur ce terrain, je me laisse emporter par ses paroles et souris, à peine concernée par le fait que j’ai conscience qu’elle se triture les méninges à cause de moi. « j’ai été beaucoup occupée aussi, tu sais. mais bien sur que ça me dit de passer du temps avec toi. »                  

ma réputation est faite, de toute façon. un verre de vin et je deviens sympathique rien qu’à cette proposition. j'ai même d’ailleurs des collègues qui ne me proposent jamais de faire quoi que ce soit avec eux, sauf d’aller boire un verre, sans doute parce que c’est le seul moment où je parviens à leur sourire sans me forcer et sans regretter de ne pas avoir une acerbe remarque à leur balancer dans les dents. une femme charmante, je suis. mais face à Nova, je n’ai jamais besoin de rien pour lui sourire et rire à ses petites courbettes qui sonnent un peu faux. « c’est que dame Nova a tout compris. » je l’observe sans me priver mais surtout sans me bouger prendre deux verres et les remplir, attendant bien sagement bien qu’avec impatience le mien.

« le monstre dort. » je lui fais un sourire. mon monstre, je l’aime plus que tout, mais aujourd’hui, il m’a bien éreintée à ne pas vouloir fermer l’oeil… et pourtant il dort déjà malgré tout. c'est sans doute pour combler la fatigue et satisfaire cette réussite que j’ai choisi de me faire les ongles, moi qui préfère généralement payer pour qu’ils soient faits. « la journée a été longue ici. la tienne ? » je me saisis du verre qu’elle daigne enfin me tendre et le porte à mes lèvres goulument. si bien qu’en entendant sa proposition, je redresse le verre aussi tôt, manquant d’en renverser une partie sur le tapis, et passe ma main entre son rebord et mes lèvres pour éviter de faire des dégâts. « t’occuper d’Enzo ? alors que je suis… » je vérifie mon téléphone l’espace de quelques secondes. « … disponible toute la journée? » c’est faux, j’en ai profité pour stipuler que je ne serai pas disponible au travail durant ces quelques secondes en bloquant mon agenda avant qu’on ne pense à se rappeler de moi. je ne sais pas trop ce qu’elle a dans la tête, mais ça fait bien longtemps que nous n’avons rien fait elle et moi, et il serait temps d’y remédier, même si j’ai conscience tout en faisant l’autruche des raisons qui sont en cause ici.