Putain, ces fils de chien ! Las Iotas de mes couilles ! C’est ce gang que j’aurais dû infiltrer et détruire de l’intérieur. Bordel. Il est sûrement pas trop tard pour les faire chier, mais pas aujourd’hui. C’était censé être une mission tranquille, simplement de la reconnaissance, tu vas voir sur le terrain tu repars. Easy peasy, finger in the nose. Mais il a fallu que je tombe sur ces connards de Iotas et évidemment, les types, ils tombent sur un Serpents tout seul, ils se posent pas de question, ils frappent. Trois contre un putain. Heureusement, Jax était dans le coin, il conduisait le van et attendait que je revienne pour qu’on puisse se barrer rapidement et il avait vu les Iotas approcher de ma localisation.
Bref, je vous laisse imaginer dans quel état ils m’avaient laissé. J’aurais jamais pu me relever sans Jax. J’ai la gueule en quatre épisodes, je serais pas étonné d’avoir quelques côtes fêlées. Et en plus, le premier qui m’avait attaqué, m’avait planté son putain de canif dans la cuisse. Ca pisse le sang. Heureusement, le van en est pas à ses premières tâches de sang. J’ai beau faire pression sur la plaie j’ai pas l’impression que c’est efficace. Sérieusement, je lutte pour pas tomber dans les pommes. Jax conduit vite. En route, il a appelé le QG pour les prévenir. En pleine nuit, Raylee allait être contente de me voir, tiens.
En arrivant au Groov, j’ai réussi à ne pas m’évanouir. Jax vient me soutenir. S’il n’a pas décroché un mot de tout le trajet, concentré sur sa conduite, il ne se prive pas pour ricaner en arrivant devant Raylee :
- Voilà ce qu’il se passe quand on le laisse sortir sans son chien de garde ! - Ta gueule Jax, je grommelle en réponse.
Je sais très bien qu’il fait référence à Rain. C’est vrai que d’habitude on bosse ensemble et c’est lui qui revient avec les mains pleines de sang. Faut dire aussi qu’on a pas le même gabarit. Si Rain est à dobermann à côté, je suis un chihuahua. Pourtant je suis pas reste quand il faut en coller une. Mais là, trois contre un ? Sérieusement, j’aurais pu en crever si Jax était pas intervenu. Il leur avait presque roulé dessus avec le van, ce qui les avait fait fuir, il m’avait ramassé, limite jeté sur le siège passager et roule ma poule ! Même s’il se moque, je sais que Jax est pas un sale type. Il vient de me sauver la vie mine de rien.
Il reste pour voir si Raylee a besoin d’un coup de main. J’essaye toujours de faire pression sur ma cuisse, j’ai l’impression que ça saigne moins déjà. Après c’est peut-être juste moi. On va pas se le cacher, si Rain avait été là, ça se serait pas passé comme ça. Mais mon frère d’arme était occupé ailleurs. Puis les missions de reconnaissance, c’était pas trop son domaine d’expertise. Enfin, c’est pas bien compliqué, mais il vaut mieux envoyer un type qui passe facilement inaperçu et dans le genre armoire à glace, Rain est pas mal. Quand je vous dit qu’à côté j’suis un hobbit.
- Salut Raylee… Désolé, on te réveille peut-être ?
Je souris, j’essaye de rigoler et de blague, mais ça me fait putain de mal aux côte. Alors mon expression se mue en une grimace et je fini ma phrase en serrant les dents et en grognant.
- Ca faisait longtemps qu’on s’était pas vus, hein ?
C’est plus fort que moi, il faut que je parle, il faut que j’essaye de déconner pour dédramatiser. Et aussi pour essayer de pas penser à la douleur. Parce que putain entre mes cotes, ma gueule et la cuisse, je pourrais même pas vous dire où je souffrais le plus. La perte de sang devait pas aider non plus. Faut voir le bon côté des choses, les Iotas venaient de m’offrir quelques jours de congés.
Une bonne nuit de sommeil, c'est tout ce que je demandais. Je me suis laissée tomber dans mon lit, morte de fatigue, après avoir passé la journée à faire le ménage de fond en comble dans TOUS mes locaux, que ça soit au Groov, où j'utilise une petite salle du sous sol pour respecter un minimum quelques normes d'hygiène, au salon où même si on nettoie tous les jours y' a des moments ou on fait un énorme ménage, ou même chez moi parce que Storm a eu la bonne idée d'essayer d'enterrer un rouleau d'essuie tout dans le pot de mon Yucca... je vous laisse imaginer les dégâts, il y en avait de partout.
Je disais donc que j'ai vraiment pas fait long feu ce soir, j'ai failli m'endormir devant ma série alors j'ai lâchement abandonné mon frangin et suis parti me coucher avec mon chien qui a tenu à me faire un câlin pour se faire pardonner. Je n'ai jamais sombré aussi vite, je crois ! En plus j'étais en train de faire un rêve des plus agréables... je ne pourrais pas vous décrire réellement la jeune femme qui venait me draguer allègrement, parce qu'au réveil, c'est assez flou, mais clairement j'en aurais bien fait mon quatre heures, et c'est justement au moment où dans mes songes elle allait me rouler le patin du siècle que Storm s'est mis à me mettre de grands coups de langue en travers de la tronche... Breuk. Je me réveille en sursaut et le pousse du lit.
- Ha, mais t'es dégueulasse, mon vieux ! C'était pas obligatoire !
Il répond en hurlant à lune comme le font les loups et en mettant des coups de pattes sur mon lit. C'est à ce moment là que je comprends que mon portable est en train de sonner et que c'est pour ça qu'il m'a réveillé... qu'elle ingrate je fais. J'attrape mon cellulaire et regarde l'heure... putain 2 h 26 du matin... ça a intérêt à être important. Je décroche, avec l’amabilité de quelqu'un qui se fait réveiller au milieu de la nuit, prête à massacrer ce pauvre Jax si ça peut attendre demain. Bon, ok, ça ne peut pas attendre demain... je lui dis de me retrouver au QG et que je serai là aussi vite que possible. Je raccroche et me tourne vers mon chien qui boude près de la fenêtre.
- Désolée de t'avoir crié dessus mon loup, t'es sage avec Kyle, je rentre vite ok ? Merci de m'avoir réveillée.
Oui, je sais, j'ai pas le temps, mais chacun ses priorités okay ? Je laisse un mot sur la table pour dire à Kyle ou je suis et saute dans mes godasses, pas le temps de chercher des fringues, tant pis ils vont me voir débouler en pyjama ! Mes Rangers par-dessus mon jogging noir en pilou et ma veste en cuir à l'effigie des serpents par-dessus ma brassière de sport, me voilà à dévaler les escaliers en enfilant mon casque pour aller récupérer ma moto dans le garage et foncer au QG. Pas de temps à perdre.
Je me gare n'importe comment devant le rade et fonce au sous sol, le van de Jax n'est pas encore là, mais il ne devrait pas tarder. Je vire ma veste et mon casque, me recoiffe en arrière et commence donc à sortir un peu de matos en attendant qu'ils arrivent. J’entends le rire gras de Jax dans le couloir, il entre et se fout de la gueule de Mikha qui n'a vraiment pas l'air en forme... Mais suffisamment pour l'envoyer bouler. Il s'inquiète en plus de m'avoir réveillé... je l'aime bien Mikha, il a toujours été sympa avec tout le monde et bon délire en plus de ça... ça m’emmerde un peu de lui rentrer dedans comme ça, mais je n'ai clairement pas assez dormi pour lui répondre calmement.
- T'en as d'autres, des questions cons comme ça ? Regarde bien ma tronche, tu l'auras ta réponse... Je soupire et secoue un peu la tête de gauche à droite. Bon allez, viens par là que je vois ça de plus près... ça n'a pas l'air beau, ton affaire...
Je viens aider mon camarade à s'installer sur le fauteuil modulable qui me sert de table d'examen, le même genre que j'utilise pour tatouer, c'est bien trop pratique, d'autant que celui-la je ne l'ai pas payé. Il se tient la cuisse, mais ça saigne bien, il boite et a du mal à respirer et rire lui fait mal visiblement ça, c'est sans doute des côtes cassées, et il a le visage bien amoché, pas certaine que sa mère le reconnaisse... super... Bon bah, j'ai du boulot, hein ! Il me parle pendant que je l'examine.
-Effectivement ça fait longtemps... et j’aurais largement préféré que tu m’appelles si je te manquais trop, hein t'étais pas obligé de finir dans cet état-là... Je reprends mon sérieux rapidement. Bon, alors... laisse-moi jeter un coup d’œil à ta jambe pour commencer. Ouais, une belle hémorragie quand même... y' a aucun de vous deux qui a pensé à faire un garrot avec sa ceinture ? Je les regarde outrée... Je vais traiter ça en premier hein, je n'aimerais pas que tu me claques entre les doigts.
Jax tourne autour de la table et me gêne plus qu'autre chose... il me demande si j'ai besoin de quelque chose, oui mon gars j'ai besoin que tu te casses de là !
- Tu sais quoi Jax ? Tu vas me rendre un service, tu me dois bien ça pour m'avoir réveillé à cette heure-là... tu te démerdes comme tu veux, mais tu vas me chercher du café... beaucoup de café ! Et de quoi graille aussi... j'ai la dalle et ton pote aura besoin de manger aussi! Ah oui, et tu ne rentres pas dans cette pièce tant que je n'ai pas fini okay ?
Il s'en va, enfin au calme... on va pouvoir passer aux choses sérieuses. J'inspecte le jean de Mikha, l'enlever ne ferait aggraver les dégâts, je vais devoir le couper. J’enfile une paire de gants stériles et saisis une grosse paire de ciseaux pour commencer à inciser le tissu.
- J'espère que tu ne tenais pas trop à ton futal, mais là je n'ai pas le choix. Au pire, ça pourra toujours te faire un petit short pas dégueu...
Une fois le jean dégagé je vois la plaie de plus belle, une chance, le couteau s'est planté droit dans le muscle, l'artère est trop loin pour avoir été touchée... la mauvaise, c'est qu'il va falloir que j'ouvre un peu plus la jambe pour pouvoir bien nettoyer et tout réparer... je cale plusieurs compresses stériles dans la plaie pour bloquer le saignement le temps de sortir ce qu'il me faut et de changer de gants, sous les plaintes de mon ami... désolé mon pote, mais c'est que le début...
- J'ai deux nouvelles, une bonne une mauvaise, je commence par quoi ?
Croyez-moi, si j’avais pu rester bien au chaud dans mon lit cette nuit, je l’aurais fait ! J’en veux pas à Raylee d’être de mauvaise humeur, personne n’aime être réveillé en urgence. Je me rends pas trop à quel point ça lui arrive plus souvent à elle qu’aux autres membres du gang. Les malheurs d’être le seul doc, j’imagine. Et je vous assure que j’en fais pas exprès ! J’essaye de rester en dehors des embrouilles, mais il faut croire que dès que je m’éloigne de Rain, je deviens un véritable aimant. Ou alors c’est simplement parce que Rain fait peur et que personne n’oserait s’en prendre à moi s’il était à mes côtés.
J’aurais bien aimé que mon meilleur ami soit là, mais pas la place pour les sentiments. Il y avait plus urgent à gérer, même parler et rigoler me fait un mal de chien. Pas le temps d’appeler Rain pour lui demander d’être mon support émotionnel et pas sûr qu’il accepte de l’être aussi.
- Oh non, ma beauté naturelle est mise en péril ?
Quelle beauté ? Encore une fois, j’essaye de détendre l’atmosphère, potentiellement de remonter le moral à Raylee aussi. Comme si mes tentatives d’humour allaient réussir à me faire pardonner d’être aussi stupide et imprudent. A croire que j’ai rien appris à l’école. Mais je pense que c’est grâce à des conneries comme ça que ma couverture est solide. Est-ce qu’un flic en infiltration prendrait des risques pareil ? Je sais que je me dis ça pour me rassurer. Pour oublier qu’en réalité j’ai tendance à oublier que je suis pas un vrai gangster. Pourtant je fonce dans chaque mission qu’on me propose sans en évaluer les risques.
Le bilan de Raylee me ramène sur terre. L'hémorragie, je m’en suis bien rendu compte ouais. Faire un garrot ? Non, ça m’avait pas effleuré l’esprit. Je tente quand même de me défendre :
- Je pensais qu’il fallait pas faire de garrot pour éviter que ma jambe nécrose ou un truc comme ça ! Je veux pas qu’on me coupe la jambe Raylee ! C’est ma préférée !
Je chouine pour le comique de situation. Mais putain, heureusement que je suis pas un flic sur le terrain, je serais terriblement nul. La vie de gang était faite pour moi, à ce stade, ça devient difficile d’en douter. Ouais, j’ai déjà pensé à dire merde à la police. Je doute que ce soit possible. Ou si je le fais, bah, il me faudrait un bon plan derrière, genre fuir au Mexique ou une connerie du genre. Je pourrais même pas compter sur l’aide des Serpents, s’ils apprenaient que j’avais révélé leurs infos aux autorités pendant toutes ces années, autant commencer à creuser ma propre tombe. Il y a aucun scénario où cette histoire se finit bien. Putain, pourquoi je pense à ça maintenant ?
J’avais oublié que Jax était toujours là, tient ! Bon, plus maintenant, vu qu’il vient de quitter la pièce. Je dois avouer que pendant quelques secondes j’ai déconnecté. Perdu dans mes pensées, je pense que la douleur me fait peut-être délirer un peu. D’ailleurs, je serre les dents pour pas trop râler quand Raylee manipule la blessure.
- Tu crois qu’un mini-short en jean mettra en valeur mon cul ?
Je rigole comme un débile à ma propre blague. Rire qui se transforme en un grognement de douleur. Là, tout de suite, j’ai pas la présence d’esprit de me dire que putain, c’était mon dernier jeans potable et qu’il va falloir que j’aille en racheter. Je vais finir par traîner qu’en jogging, qui me fera des reproches ? C’est pas comme si on avait un dress code strict au taff.
- Hm, j’ai comme la sensation que je vais aimer aucun des deux. La mauvaise ?
Ca sent la douille, de “je peux pas te réparer tout de suite” ou “j’ai que du désinfectant qui pique”. Pourquoi on achète jamais du désinfectant Mickey ? Celui qui pique pas ? Quoique ça se trouve, ce truc c’est juste de l’eau en bouteille dans un pschitt pour faire plaisir aux gosses. On m’aurait donc menti toute ma vie…
- Me dis pas que t’es à court de pansement avec des dessins…
On sait tous très bien que c’est les plus efficaces et qu’ils soignent plus vite. Ok ok, la perte de sang ça me réussit vraiment pas. Je continue de me poiler tout seul, jusqu’à avoir un premier vertige qui manque à me faire tomber du fauteuil.
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