let's all pretend ...
   @Zeppelin Newell      

Kim est derrière le comptoir aux côtés de Zepp. Assis sur un de ces haut tabourets pas très confortables, ils échangent sur le dernier album d’un groupe qu’ils apprécient. La conversation est spécifique, experte. Ils ne critiquent pas de manière subjective, non ils échangent et décortiquent le moindre morceau comme s’ils étaient des médecins légistes. C’est souvent les conversations qui les animent ici, où le temps est mis sur pause et où seule la musique domine. Portant son soda à ses lèvres, Kim laisse échapper un rire avant de voir une silhouette bien trop connue passer devant la baie-vitrée du disquaire. « Vick », souffle-t-il simplement sur la surprise. Apparemment, à la tête qu’il se paie, on peut vite comprendre qu’il n’a pas prévu de la voir et encore moins avec Kaja, qu’elle traine par la main. Son comportement change du tout au tout. Il a perdu son sourire. Il affiche un air sérieux, inquiet … ou paniqué. La lumière qu’il y avait dans son regard quelques minutes plus tôt a disparu et son sang se glace quand il la voit fouler le seuil de la porte de la boutique. « Vicky ? Il s’est passé quelque chose ? », qu’il demande un peu surpris, jetant un coup d’œil à sa fille … et lui faisant un petit signe de la main. Mais la main de Vicky s’est posée sur son torse. « T’as 5 minutes ? Faut qu’on parle. Zepp, tu peux garder un œil sur Kaja. » Pas de bonjour. Pas de s’il te plaît. Pas de sourire. Kim jette un coup d’œil à Zepp pour le supplier du regard de bien vouloir prendre soin de sa fille quelques minutes, le temps qu’il gère le phénomène « Vicky ». Un hochement de la tête et il disparaît dans l’arrière-boutique avec sa petite amie.

Il disparaît pendant cinq minutes. Cinq longues minutes au cours desquelles elle lui parle du fait qu’elle ne peut pas s’occuper de Kaja aujourd’hui, qu’elle a à faire et que la crèche a quelques membres du personnel malades et les enfants ont été renvoyés chez eux. Il lui explique qu’il bosse et que ce soir, il avait prévu de répéter avec le groupe et le ton monte. Elle le bouscule. Et il soupire. Elle marmonne quelques jurons, pas mal de jurons, lui expliquant être un moins que rien. On ne peut pas compter sur lui, qu’elle répète en le bousculant de nouveau. Il accepte. Il concède. Cinq minutes de non-négociation.

Victoria disparaît de la boutique sans prêter la moindre attention à Zepp et Kaja. Quelques secondes plus tard, Kim apparaît de nouveau, un masque sur le visage. Le masque de celui qui prétend que tout va pour le mieux. « Alors qui a la chance de pouvoir passer la journée avec les plus cools de la planète ? » qu’il lance d’une voix rieuse en venant prendre sa fille dans les bras, la soulevant du sol pour déposer un baiser sur sa tempe. « Zepp, on va avoir de la compagnie pour aujourd’hui … »

let's all pretend ...
   @Zeppelin Newell      

« Oh chouette ! Ma stagiaire préférée ! »
J’observe les traits de ma fille s’illuminer et venir taper dans la main de Zepp. Elle est loin de s’imaginer la manière dont sa mère la considère pour la journée. Un poids. Un boulet. Une plaie dont on a dû mal à se débarrasser. Et je remercie le ciel qu’elle n’en ait pas conscience. Je l’aimerais deux fois plus, pour compenser le manque causé par Victoria. C’est une certitude. Je me masse les mains l’une contre l’autre, tout en me demandant comment les choses seraient si jamais je n’étais plus avec elle. Est-ce que je pourrais combiner toutes ces casquettes ? Les Zombies, la boutique, Kaja ? Les trois pendant de ma vie ? Comment pourrais-je m’en sortir ? A vrai dire, je ne suis pas certain que j’en ai les moyens … encore moins maintenant que le groupe semble reprendre de l’énergie et renaître de ses cendres. Je ne veux pas être celui qui ralentit … peut-être qu’il me faudra quitter le navire pour les laisser prendre le large. L’idée me donne la nausée et Zepp me sort de mes pensées.
« Hey, ca va ? Elle t’a emmerdé ?»
J’esquisse un sourire gêné tout en haussant les épaules.
« Ça va --- t’inquiète. Ça aurait pu être pire » et par pire, j’entends que j’aurais pu me prendre une claque en guise de signe de ponctuation mais ça, je ne suis pas obligé de lui en faire part. J’acquiesce d’un signe de tête tout en venant me placer près de ma fille, caressant avec tendresse sa crinière pendant qu’elle plonge dans son monde candide … où j’aimerais à mon tour me réfugier.
« S’il n’y avait pas Kaja, ce serait déjà fini … », qu’il ajoute en hésitant sur quelques mots pendant plusieurs secondes.