Incapable de dire si c'est la rage qui te fait prendre, de ce pas si déterminé, ou si c'est une volonté d'avoir enfin le fin mot de toute cette histoire. Peut-être les deux. Mais quelle histoire ? Car techniquement, il ne s'est jamais rien passé entre vous, si ce n'est ton coeur qui s'est affolé chaque fois que ses yeux bleus se sont posés sur toi avant ça. Pourtant, quand tu penses à lui, si ton coeur s'affole, ce n'est pas une sensation agréable, plutôt poussée par une montée de sang qui te donne envie de lancer des coups de poing invisibles, aussi crédibles que ce que tu es impressionnante : aucunement.

La vérité, c'est que tu ne sais même pas où il habite, mais tu n'imagines pas Eliott prendre un appartement trop loin de sa famille, ou alors tu as juste cessé de le connaître à un moment donné, ce qui n'est pas une possibilité que tu exclues non plus. Tu finiras bien par tomber sur lui, surtout s'il a été vu par ton ancienne camarade de classe à proximité d'Highland Avenue. L'impression d'être une stalkeuse ou un agent du FBI ne te quitte pas vraiment, mais tu t'en fiches royalement.

Quand tu le vois alors que tu avançais avec beaucoup de certitudes vers la supérette, ta volonté s'évanouit une fraction de secondes. On parle quand même de l'un de tes plus anciens amis, un de ceux avec qui t'a grandi, est-ce que tu prendrais le risque... ? Mais tes doutes repartent aussi sèchement que ce qu'ils sont arrivés. Tu as besoin de savoir et tout. Tu te racles la gorge suffisamment fort pour qu'il puisse tourner la tête vers toi.

- Je vois que revenir ne fait pas de toi un meilleur ami que ça, lui lances-tu, le ton plus que neutre, la voix à peine relevée, essayant de contenir ta montée de sang en le disant à voix haute, de ne pas lui cracher tes mots et ton venin au visage.


@Eliott Haze

Il était là, à faire tranquillement de petites courses à la supérette du coin. A se re-familiariser à ce quartier qu’il connaissait si bien, finalement. Lorsqu’il était revenu ici, il n’avait pas hésité une seule seconde sur où ré-emménager. Eliott est assez attaché à ses habitudes.

En parlant d’habitudes, certains produits canadiens lui manquaient déjà. Il était heureux d’avoir su s’écouter et d’être allé finir son cursus là bas, loin de Fall River et de ses problèmes de l’époque. Il en était revenu plus léger. Apaisé. Enfin, c’est ce qu’il croyait. N’avoir prévenu personne avait peut-être été légèrement égoïste… Et il n'avait aucune idée des conséquences.
SI il connaissait la caissière de la supérette de vue, il n’aurait jamais imaginé qu’elle était en train de dévoiler sa présence ici à quelqu’un par texto. Une fois ses articles payés, il sortit du bâtiment, pas du tout prêt à ce qu’il allait endurer. Il aurait reconnu cette voix entre mille. Malheureusement, elle n’avait rien de cette douceur d’antan. Elle était sèche. L’entendre lui fit l’effet d’une claque. Il se tourna vers elle, l’air coupable. Car évidemment, qu’il l’était. Il était parti, encore, sans rien lui dire. Alors qu’ils venaient à peine de se retrouver. Il avait merdé, clairement. Mais il était au fond de lui, toujours animé par la rancoeur, blessé, qu’elle ait pu être si proche de Charlie. Ca aurait pu être n’importe qui d’autre qu’un de ses plus proches amis. Ca aurait pu être… Lui ?

« Je… » Incapable de tenir son regard dans le sien, il le détourna. « Je suis désolé de ne pas t'avoir prévenue, Alejandra. » Que dire d'autre ? Il n’avait aucune idée de comment elle avait pu savoir qu’il était ici. Il n’était pas très réseaux sociaux. Mais les nouvelles vont vite. Quelqu’un s’était surement chargé d’annoncer son retour à sa place.

@alejandra murillo

Bien sûr que tu n’étais pas allé à sa rencontre tout de suite. D’abord parce qu’à ce moment-là, tu étais avec Waël et ton meilleur ami a bien trop d’importance pour toi pour le laisser sur place, comme un idiot, alors que tu étais sous le choc, sans savoir que tu bouillonnais déjà intérieurement. Tu n’es peut-être pas innocente dans tout ce merdier mais entre Charlie, prêt à tout gâcher dans votre amitié et à te faire franchir l’inévitable, toi qui as été bien incapable de lui dire par la suite que tu ne voulais pas de cette relation qui dépasse l’amitié avec lui, et Eliott qui, après avoir habité tes rêves et tes pensées des années durant, a choisi de partir non pas une mais deux fois sans prévenir personne, tu n’as peut-être pas choisi, de ton côté, les meilleurs amis qui soient. Bien sûr, Waël non plus n’avait pas choisi de rester, bien que ses raisons étaient autres et que toute la bande était prévenue qu’il allait s’occuper d’Ella, malade, en France. Ne reste donc plus que Tim, qui a toujours été très discret à tes yeux et qui est on ne sait trop où, d’ailleurs. Ça fait bien longtemps que votre conversation de groupe est inactive, et c’est peut-être pas plus mal ainsi.

Pourtant, t’as fini par aller jusque là. Au bout de combien de temps, tu ne sais pas, mais quand même. L’idée de te calmer avant t’avait traversé l’esprit et c’est ce que tu as fait en laissant le temps s’écouler, ce qui n’était visiblement pas suffisant compte tenu de ton agacement face à l’information, encore plus en le voyant par là. Ses yeux fuyants sont peut-être ce qu’il y a de pire à tes yeux. Tu restes un instant sans bouger, mâchoire serrée, à le regarder, sans prendre en compte le fait que ton tic nerveux sur ta fossette se fait remarquer : mâchoire trop serrée ou énervement à son apogée ? Peut-être les deux. Tu esquisses un léger mouvement, comme pour chercher son regard malgré tout.

- Il faut croire que partir une fois sans prévenir n’a pas suffit, il a fallu que tu réitères l’expérience. Tu reviens pour quoi, cette fois-ci ? Te faire pardonner de la première fois ? Par culpabilité ? Ou simplement parce que t’en as rien à foutre de tes potes et que tu préfères faire ce que tu veux ? Waël n’étant pas non plus au courant de ton retour, - oui, il est rentré lui aussi - Tim et Charlie ne sont pas plus dans la confidence ?!

@Eliott Haze

Sa petite voix intérieure lui hurlait de lâcher son sac de courses et de fuir le plus loin possible. Sans se retourner. Comme un lâche. Car admettons-le, Eliott était un lache. Un lache qui détestait toute confrontation, toute complication, qui préférait éviter les situations déplaisantes plutôt que les affronter et y mettre fin une bonne fois pour toute. Manque de chance, Alejandra semblait déterminée à le forcer à ce choix là. Déjà qu’il n’était pas très courageux, mais alors face à elle, il était littéralement faible.

C’était dur de l’écouter. Contrairement à lui, elle en avait des choses à dire. C’était normal. Dans sa tête, tout un tas de choses lui venait. Pourquoi était-il tant incapable d’en faire des phrases ? Elle refaisait l’histoire, lui rappelant de douloureux souvenirs. « Tu sais très bien pourquoi je suis parti la première fois… » L’accident de son frère. Sa rééducation. Un processus interminable. Il s’était oublié pendant des mois, avait tout mis de côté pour épauler sa famille. « Et quand je suis repassé vous voir… » Elle savait surement très bien ou il voulait en venir. C’était ce jour là, ou elle lui avait brisé le coeur, malgré elle. Sa proximité avec Charlie, le haut-le-coeur qu’Eliott avait eu en comprenant qu’un cap avait surement été franchi entre eux. Elle ne lui devait rien, après tout. Ils ne s’étaient jamais rien avoué, tout avait toujours été dans les non-dits, la suggestion. Mais jamais il n’aurait pensé que cette proximité qu’ils partageaient, elle le partageait également avec Charlie. Et c’était ça qui avait fait le plus mal, au final. Tout avait finalement déraillé, après ça.

« Non, personne ne sait. Et vu l’accueil… » Osé. Il était parti sans rien dire. Il aurait était malvenu de revenir l’air de rien, en envoyant un quelconque texto. Du moins c’était ce qu’il pensait. Bien sur que l’accueil était mauvais, il le méritait amplement, et le reste du groupe aurait surement eu des réactions similaires. A quoi pouvait-il s'attendre d'autre ? Même si personne ne donnait de nouvelles. « Bien sur que si, vous comptez encore tous pour moi… Tu comptes, pour moi. » Elle ne le croirait sans doute pas, mais il était sincère. Même si évidemment, cela donnait plutôt l’impression qu’il cherchait à simplement se rattraper. Il savait que les mots ne suffiraient pas, de toute façon. Il allait devoir apprendre à devenir un meilleur ami. Pourquoi fallait-il toujours que tout soit aussi compliqué ?

@alejandra murillo

Bien sûr que tu sais pourquoi il est parti la première fois. Et ce n’est pas tant les raisons que tu remets en question que la façon dont il est parti : sans un mot. Comme il l’avait fait.

- Le problème, Eliott, ce n’est pas pourquoi tu es parti. C’est comment. Au moins, c’est dit. Bien sûr que tu ne souhaites absolument pas de mal à Elias et que tu es heureuse qu’il s’en soit sorti, de ce foutu accident. Mais ça n’empêche pas que la frustration reprend le dessus, encore et toujours. Parce qu’Eliott préfère faire l’autruche que d’informer ses amis, ceux avec qui il avait juré de rester proche. Résultat, mais ça c’est toi qui en es responsable, en partie, le groupe n’a jamais été aussi éparpillé. T’es prise d’un vertige. Toi aussi, cette histoire avec Charlie t’a rebutée mais… admettre que tu as merdé là où t’as eu la sensation de ne pas vraiment avoir le choix après coup, ça ne t’aide pas.

Tu ricanes. Jaune. Très jaune, même.

- Ne t’étonne pas d’avoir un tel accueil quand tu ne fais rien pour avoir mieux. T’as envie de baisser les armes. Parce que quelque part, ton coeur a voulu accélérer ; Tu comptes pour moi. C’est bête, putain, mais comme c’est bête ! Tu n’arriverais même pas à lui retourner une infime partie de ces mots tellement tu es en colère. Bien sûr qu’Eliott est important pour toi et compte. Comme Charlie, comme Tim. Et de quelques façons que ce soit, comme Waël. Mais à quoi bon accepter d’entendre une chose comme ça alors que tout ce que tu as pu voir de lui depuis un moment maintenant, c’est de la fuite plutôt que des vérités, supposées être servies dans une relation plutôt que des non-dits. Hé bah t’as une drôle manière de le montrer.

@Eliott Haze

Bien sur qu’il avait été lâche. Mais l’admettre ne lui suffirait même pas. Elle était en colère et elle avait bien raison de l’être. Les mots, aussi sincères soient-ils, ne suffiraient pas à la calmer. C'était bien trop facile, il lui en fallait plus, ce qu'il comprenait totalement.

« J’étais perdu Alejandra ! Mes parents étaient inconsolables, mon frère croyait sa vie terminée ! Je me suis totalement mis entre parenthèses à ce moment là. » Et il disait vrai. Evidemment, qu’il aurait préféré n’avoir jamais quitté Boston, leur coloc, perdre leur complicité. La vie ne lui avait pas laissé le choix. Il était plus jeune, il savait pas tout gérer. La vie ne prévient pas dans ces cas là, et ne laisse pas de notice. Ca avait été compliqué. Il avait lâché les études, pris un job alimentaire et n'avait fait que s'occuper de son frère pendant un long moment. Bien sur, qu’il savait que toute la bande pensait à lui et le soutenait. Mais il avait été tellement secoué qu’il avait été incapable de prendre ce soutien.

Quant à la deuxième fois… Oui, là, il n’y avait aucune excuse. Il baissa simplement les yeux, piqué au vif, vulnérable. « Je te le prouverai si tu m’en laisses la chance. Je ne compte pas repartir, cette fois. » Parce qu’il avait enfin fini ses études, trouvé un travail, et qu’Elias allait mieux. Et que Fall River, ça avait toujours été la maison, finalement. « J'ai besoin de te poser une question. »  Il releva les yeux vers elle, cherchant son courage. « Tu l’aimais vraiment, Charlie ? » Il avait besoin de savoir. Parce cette question le hantait encore parfois. Que c’était le moment de jouer cartes sur table, et de tout se dire. Ca n’était peut-être pas l’idéal, sur cette avenue, mais avaient-ils d’autres choix ? Elle était surement encore persuadée qu’il fuirait à la moindre occasion.

@alejandra murillo

C’est plus fort que toi. Tu ne sais pas pourquoi exactement, mais tu lui en veux d’être parti. Sans rien dire. D’avoir prévu de revenir. Sans rien dire. C’est cette partie d’Eliott que tu découvres au fur et à mesure qui ne te convient pas particulièrement. Ce n’est pas ainsi dont tu te rappelles ton ami et ça te fait saigner le coeur de te dire que tu ne le connais pas. Que pendant des mois, si ce n’est des années, tu as eu - à moins que tu en aies encore ? Tu ne sais plus où tu en es, très honnêtement - des sentiments pour une personne qui s’avère être très différente de ce que tu croyais. Ou alors c’est ta colère qui parle pour toi, c’est aussi totalement possible.

Tu serres les dents quand il se défend. Es-tu à ce point insensible que tu ne peux pas lui accorder qu’être perdu est suffisant ? Pourtant, l’égoïsme en toi, qui n’en a pas particulièrement pourtant, t’étouffe et te fait comprendre que l’amitié du groupe n’aurait pas dû être si secondaire pour lui. Sans doute parce que votre petit groupe d’ami fait partie de ta famille au même titre que les autres. Les frères que tu n’as jamais eus, toi qui a découvert il y a quelques années seulement que tu avais une soeur et as grandi, par l’évidence de ces propos, comme une enfant unique.

- Et j’en suis vraiment désolée. Mais ça ne légitime pas le fait qu’on soit tous passés pour des inconnus à tes yeux. Je croyais qu’on… tu te stoppes brutalement. Que vous quoi ? Que vous étiez amis ? Que vous aviez une connexion particulière, des sentiments ? Tu parles ! Tu n’imagines même pas la sensation qu’il a dû avoir en voyant Charlie enrouler ses bras autour de toi. Cette simple pensée te fait frissonner. Même toi tu ne sais pas comment tu as pu alors que tu n’en as jamais eu envie.

Tu pinces les lèvres. As-tu seulement envie qu’il te prouve quelque chose ? T’en sais absolument rien. Alors tu le regardes fixement, sans un mot.

- On verra bien, finis-tu par lâcher avec amertume. Tu tentes tant bien que mal de ne pas laisser apparaître la curiosité dans tes yeux quant à sa « question ». Tu ne sais pas si tu réussi ou pas, mais toujours est-il que sa question te prend pleinement au dépourvu. Tu n’as jamais aimé Charlie. Pas comme ça. Tu n’as jamais été certaine de vouloir de ce rapprochement. Pour dire vrai, tu le regrettes plus que tout. Tu n’as pas été contrainte, pas comme on peut l’imaginer. Mais tu t’es foutue dans un sale bourbier. Alors tu hausses les épaules et soupires. Je crois que ça ne te regarde pas, Eliott.



@Eliott Haze

Elle croyait que quoi ? Elle ne termina pas sa phrase, et Eliott se contenta de baisser les yeux. C’était peine perdue, elle campait littéralement sur ses positions. Peut-être qu’avec le temps, elle s’adoucirait. Le temps de digérer son retour en ville. Ou peut-être pas. C’était bien libre à elle, Eliott ne voyait pas ce qu’il pouvait faire de plus pour aujourd’hui. Mais comment pourrait-il lui prouver sa loyauté si elle ne lui en laissait même pas la chance ?

Ils verraient bien. Elle était si amère. Il ne l’avait jamais vue ainsi, Alejandra. Si solaire habituellement. Cela prouvait bien à quel point il l’avait déçue. Lui aussi l’avait été. Et c’était peut être même pour ça qu’il avait préféré s’éloigner autant la première fois. Cette fois où il était repassé sans prévenir à la colocation... Tout ça lui avait brisé le coeur.

Cela ne le regardait pas, selon elle. Autrement dit, elle ne voulait pas répondre. Le contraire l’aurait étonné. « Très bien, je pense qu’on a plus grand chose à se dire pour aujourd’hui… » A quoi bon lutter ? Il reprit ses sacs, prêt à tracer son chemin. Il hésita un instant, à tenter une nouvelle fois de débattre, à sortir d’autres arguments… Mais c’était peine perdue. Trop d’effort pour si peu de résultats, Alejandra n’était pas encore prête à accepter ses excuses. « Au revoir, Alejandra. Enfin, à bientôt plutôt. » Ils se reverraient. Il ferait en sorte que oui. Il avait promis de lui prouver qu’il était digne de confiance, cette fois. Cette fois, il ne partirait pas.

@alejandra murillo fin ?

Pourquoi tu n'es que fureur face à lui ? même toi tu ne sais pas. Tu voudrais arriver à ne pas lui en vouloir de ne prévenir aucun de vous d'être de retour dans le coin, tu voudrais que ça te passe au dessus de la tête. Pas longtemps avant ça, tu étais avec Waël, pensant à absolument tout sauf à la colère qui te tord désormais le ventre d'une manière plus que désagréable. Oui, non, tu voudrais que les choses soient plus simples, y a aucun doute là-dessus. Mais dans l'immédiat, c'est compliqué. Ça l'est parce que tu n'arrives pas à taire ces cris incessants dans ta tête, dans ton coeur et dans tout ton être, ceux-là même contre lesquels tu luttes lorsqu'ils t'incitent à le tourmenter en guise de vengeance.

Tes yeux glissent sur lui avec fureur. Tu resserres un peu la pression de tes bras l'un sur l'autre. Tu fulmines à courtes respirations, mais tant pis. Ton regard en dit tout aussi long que ces respirations brèves et furieuses.

- Tu sais quoi ? C'est ça, t'as raison. Ça sert à rien. Tu te retiens de justesse de dire que tu n'as plus rien à lui dire tout court. Tes ongles entrés dans ta paume de main t'aident à t'ancrer dans une réalité à laquelle tu cherches d'effacer. ouais, c'est ça. Au revoir. Et sans même prendre en compte son bientôt ou lui laisser autre chose, tu pars comme t'es arrivée : furieuse et le coeur lourd.

@Eliott Haze si tu veux je nous en lance un autre ?