Sujet: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Dim 14 Jan 2024 - 12:54
If writing is easy you're doing it wrong
Rowan & OWEN
As a writer you should not judge, you should understand. ▬ Ernest Hemingway
Il arrivait régulièrement à Owen d’aller écrire dans un café. S’il était plutôt du genre introverti, il trouvait plus facilement l’inspiration dans des lieux de vie que tout seul dans son bureau. Il se rendait régulièrement dans des bibliothèques ou dans des cafés, parfois des gens le reconnaissaient et il se faisait un plaisir de signer une dédicace, mais cela arrivait trop rarement pour que cela dissuade l’écrivain d’écrire à l’extérieur. Ils s’étaient donnés rendez-vous avec Rowan pour un café, et il avait naturellement profité de l’occasion pour venir une heure en avance et se laisser du temps pour écrire un peu avant l’arrivée de son ami. Il s’était installé dans un coin un peu isolé pour pouvoir écrire tranquillement, puis il avait commandé un café noir, sans sucre, allumé son ordinateur et commencé son travail d’écriture. Il traversait une phase difficile dans l’écriture de son roman et une fois encore, cette séance fût laborieuse. C’est la raison pour laquelle il fût heureux de voir arriver Rowan et de ranger son ordinateur portable. Il lui fit un signe de la main pour attirer son attention et lui tendit la main, un sourire aux lèvres. « Salut Rowan, ça fait un bail ! », lança t-il à l’adresse de son ami. « Je t’ai pas attendu, désolé, je voulais écrire un peu avant ton arrivée »
La sortie de mon nouveau livre allait être annoncé bientôt. Après presque une année entière de travail acharné, mon premier ouvrage édité par Brontë publishing allait rejoindre les rayons des librairies. J’avais déjà vu la couverture de l’ouvrage, illustrée encore une fois par ma fille, elle était magnifique. Frankie arrivait toujours à saisir l’atmosphère que je voulais dégager de mes œuvres, peu importe le genre dans lequel j’écrivais. Pour celui-ci, j’étais revenu aux sources avec un roman noir historique qui se passait dans les années 20. Et bien qu’on me catégorise comme “auteur à succès” j’avais toujours cette appréhension. Comment est-ce que le public allait recevoir mon livre ? Est-ce qu’il allait leur plaire ? Est-ce que j’allais faire un flop total ? Mentalement, il fallait se préparer à tout.
Autant vous dire que toute cette phase d’avant sortie et de promotion qui allait avec était celle que j’aimais le moins dans mon travail. A ce stade, même les longues périodes de réécriture et de correction me semblaient plus appréciables. Et à défaut d’avoir un nouveau projet sur lequel me pencher (mon agent insistait pour que je prenne des vacances et ne travaille pas pendant quelques semaines), j’avais besoin de me changer les idées. Et quoi de mieux que de sortir se changer les idées en allant prendre un café avec un collègue ? Bon certes, ce n’était pas une très bonne façon de décrocher. Mais il faut dire que je n’avais pas non plus énormément d’amis et de connaissances à Fall River. Je ne me voyais pas embêter Eve, et la seule autre personne que je connaissais en dehors du cercle familial, c’était Red. Autant vous dire que j’hésitais à le contacter vu la tournure qu’avait pris notre première rencontre.
Puis Owen était quelqu’un de bien, il était calme, nous avions beaucoup en commun, j’aimais passer du temps avec lui. Pour l’anxieux social que j’étais, c’était rassurant de pouvoir compter ce genre de personne dans mes contacts. Je n’étais donc pas trop stressé de le retrouver au café. Je répondis même à son sourire en arrivant :
- Salut Owen, ouais, ça a été une sacré période là…
Je faisais bien sûr référence au travail, tout le monde avait été dans le rush ces derniers jours pour une raison ou une autre. Je m’installai à sa table. Mes yeux se posèrent sur la tasse de café.
- Il n’y a pas de problèmes, tu as raison. Tu travailles sur quoi en ce moment ? Un nouveau projet ?
J’étais sûrement un très mauvais ami. Owen m’avait peut-être déjà parlé de ce qu’il faisait en ce moment, mais je dois avouer que j’avais totalement oublié. Au moins, ça nous faisait un bon sujet de conversation.
Sujet: Re: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Sam 20 Jan 2024 - 11:15
If writing is easy you're doing it wrong
Rowan & OWEN
As a writer you should not judge, you should understand. ▬ Ernest Hemingway
Owen traversait une phase difficile dans l’écriture de son roman, celui-ci était largement autobiographique et il en arrivait au stade où l’écriture avait rejoint l’endroit où il en était dans sa vie. La suite allait devoir être inventée avant d’être vécu, et il ne savait pas encore bien lui-même dans quelle direction il voulait aller. Savoir ce qu’il voulait vraiment avait toujours été problématique pour lui, et cela pesait considérablement sur son pouvoir de décision. Il était hésitant, indécis, écrivait des pages entières puis les supprimait, ne parvenant pas à être satisfait de sa prose. Vivre de l’écriture représentait à la fois la chance de vivre de sa passion, des moments hors du temps lorsqu’on était inspirés et une torture d’une grande langueur lorsqu’on ne l’était pas. Tous les écrivains vivaient ces moments et partageaient ces angoisses, et en parler leur permettait de se rassurer : chacun d’entre eux n’était pas seul. Le métier d’écrivain était très solitaire, chaque écrivain était d’ailleurs un solitaire dans l’âme, sinon on ne choisissait pas cette voie si particulière. Alors se lier d’amitié avec des confrères donnait une bouffée d’air frais, c’était le cas avec Rowan et il devait bien avouer qu’au moment où il se débattait dans son roman, Owen fût heureux de le voir entrer dans le café et mettre ainsi un terme à son tourment et aux mille questions qui fusaient dans sa tête.
Il l’accueillit avec un sourire et une poignée de main, puis s’excusa de ne pas l’avoir attendu pour commander : il était arrivé plus tôt pour écrire avant l’arrivée de son confrère et ami. Rowan ne s’en formalisa pas et prit place face à lui. Les deux hommes ne s’étaient pas vu depuis un moment : la fin d’année, la préparation des fêtes, la rentrée, tout s’était enchaîné très vite si bien que les deux hommes n’avaient pas vu les semaines défiler. Rowan l’interrogea alors sur ses projets du moment. « Je suis toujours dans le troisième et dernier tome de mon roman, mais j’avoue que je patine un peu, je n’ai pas les idées claires de l’endroit où je veux aller et du coup j’écris et je jette. Ma productivité n’est pas terrible, j’espère que ça va se débloquer mais le temps joue contre moi, ça fait un petit moment que je n’ai rien envoyé chez bronté », répondit-il. Rowan et lui étaient publiés chez le même éditeur, il savait donc qu’il s’agissait d’une très bonne maison et que ses agents étaient à la fois compétents et compréhensifs avec les auteurs, mais elle restait une maison d’édition qui avait besoin de publier pour faire vendre des livres. Ce que Rowan ne savait pas en revanche, c’était que sa chargée d’édition était la femme dont il était amoureux et qui figurait aussi dans son livre. Il y avait de quoi hésiter dans son écriture... « Dans ces moments là j’envie ton anonymat », reconnut-il.
La vie d’auteur était loin d’être de tout repos contrairement à ce qu’on pourrait penser. Quand on était publié par une maison d’édition comme Brontë, il y avait des deadlines à respecter et ça pouvait être des plus stressant quand on avait un blocage. Je ne pouvais que comprendre la situation dans laquelle était Owen. J’étais passé par là aussi et ça m’arrivait encore de m’y retrouver malgré les années d’expérience dans le métier. Si l’imagination était un muscle, il y avait un fossé entre les idées et les mettre à l’écrit.
- Hm, je vois, te met pas trop la pression non plus, ça ne fait qu’empirer la chose. Si t’as besoin d’un avis autre que celui de éditrice, tu peux toujours m’envoyer ce que t’écris, je suis sûr que toute tes idées ne sont pas à jeter.
Je sais, j’étais censé être en vacances et ne pas travailler, mais je ne pouvais pas laisser un compère dans une galère pareil. Et parfois il suffisait d’avoir un autre avis, un autre regard pour se relancer. Parce que par moment on se retrouvait dans une boucle infernale où on n'était jamais satisfait de la moindre phrase. La meilleure solution que j’avais trouvé c’était de faire lire mes textes par quelqu’un d’autre.
- Hm, pourquoi ? L’anonymat n’a pas que des avantages. Je pense même qu’en cas de blocage c’est plus un frein qu’autre chose. Je ne peux pas demander de l’aide à n’importe qui.
Souvent c’est mes filles et surtout Frankie que j’embêtais avec mes livres quand je faisais face à un blocage. Parfois Eve aussi, mais moins depuis que nous étions divorcés. Et en dehors d’elles et mon éditeur, personne ne savait quel était mon nom d’auteur, quels étaient mes romans. Je ne pouvais pas prendre de risques.
Dernière édition par Rowan Alvarez le Mar 2 Avr 2024 - 20:02, édité 1 fois
Sujet: Re: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Mer 14 Fév 2024 - 22:06
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Finalement, peu de gens connaissaient ce que pouvait vivre Owen dans les phases difficiles de l’écriture. Seul un autre écrivain pouvait vraiment comprendre de quoi il parlait. La proposition de Rowan de relire son texte fût tentante, même si cela revenait à confier son histoire à un autre, une histoire très personnelle qu’il cachait sous le qualificatif de « roman » pour faire croire à une fiction alors que son manuscrit ressemblait davantage à une biographie, comme les deux tomes précédents. Il sembla hésiter un instant, mais après tout, il écrivait pour être publié et pour être lu, il allait donc falloir qu’il apprenne à partager la fin de son histoire, dont il n’était pas encore certain. Le regard frais et aiguisé de Rowan serait sans nul doute une aide précieuse. Le faire lire avant de le remettre à Nova, son éditrice et aussi la femme dont il était en train de tomber amoureux, permettrait peut-être quelques améliorations, voir de lui donner un signal d’alerte s’il n’allait pas du tout dans la bonne direction. La solitude et l’absence de retours commençait à lui peser, avoir un regard d’un ami et d’écrivain sur ses écrits lui permettrait de cesser d’avoir l’impression de tourner en rond, et peut être d’enfin avancer. « J’espère que toutes mes idées ne sont pas à jeter sinon je ferais un bien piètre écrivain ! », répondit-il en riant avant de porter sa tasse de café à ses lèvres pour boire une gorgée du liquide noir. « D’accord, je t’enverrai mon manuscrit, tu me diras ce que tu en penses. Tu as lu les tomes précédents qui ont été publiés ou non ? C’est la suite, le tome 3. Non pas que tu aies besoin d’avoir lu les deux tomes précédents pour me donner ton avis, ça serait cruel de ma part de t’imposer ça… mais juste pour que tu ne sois pas étonné si jamais tu as l’impression de prendre le train en marche », reprit-il. Il comprenait le point de vue de Rowan au sujet de l’anonymat mais il ne le partageait pas pour autant. « Quand tu publies à ton nom, tu sais que les critiques n’épargneront pas ta personne si ton roman n’est pas bon. Elles te seront directement adressées, ça a de quoi faire douter crois-moi. L’anonymat permet de te protéger si les critiques sont mauvaises, tu peux toujours souffrir des critiques mais au moins personne ne sais qui tu es… ça rend les choses plus faciles je trouve ».
Toutes les idées ne sont pas bonnes à jeter. Cependant, je pense que j’avais dû jeter bien plus d’idées que j’en avais écrit. Après, il y en avait certaines qui avaient tellement muté qu’elles ne ressemblaient plus du tout l’idée d’origine, donc est-ce qu’on considère que l’originale était bonne à jeter ? Il valait mieux ne pas regarder trop en arrière dans cette carrière et ne pas voir les piles de projets abandonnés. C’était bien parfois d’y remettre le nez, mais pas trop non plus, c’était un coup à se déprimer plus qu’autre chose et je sais de quoi je parle. Je ris volontiers avec Owen.
- Avec plaisir. Et oui, j’avais lu tes deux premiers tomes à leur sortie, ça commence à faire loin. Mais ça devrait me revenir en lisant ton nouveau manuscrit, je pense.
Les écrivains étaient avant tout des passionnés de lecture pour la plupart. Je ne faisais pas exception. Même si je lisais moins depuis que j’étais publié, mais il y avait des périodes comme celle-ci où j’avais du temps pour. Je ne lisais pas non plus tous les auteurs de Brontë édition, mais Owen était un ami. Puis j’aimais bien ses ouvrages.
- Hm, je sais pas, parce que je pense que justement les critiques ont moins peur de te tailler quand ils ne savent pas qui tu es parce qu’en quelque sorte, tu n’existes pas. Après, je vois ce que tu veux dire, il y a moins de chance pour qu’ils trouvent exactement où appuyer pour faire mal. Mais les critiques restent des critiques. Il y aura toujours des insatisfaits.
C’était assez hypocrite de ma part d’avoir des discours pareil alors que j’étais le premier à lire les mauvaises critiques de mes romans et à les prendre trop personnellement. Il fallait réussir à dissocier les choses, c’était notre travail qui était critiqué, par notre personne. Mais les auteurs mettent tellement d’eux dans leur œuvre, il était difficile de faire la part des choses. Et si je disais tout ça à Owen, c’était aussi parce que ça me faisait du bien de le dire et de me le rappeler à moi-même. Surtout qu’avec mon prochain roman en cours de publication, j’allais bientôt arriver dans cette période où les critiques bonnes et mauvaises allaient pleuvoir.
Sujet: Re: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Jeu 11 Avr 2024 - 21:47
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Rowan & OWEN
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Il fût difficile pour Owen de retenir un soupir de soulagement lorsque Rowan accepta sa proposition de lire son manuscrit. L’écrivain était du genre a vouloir un maximum de retours avant de se jeter dans le grand bain de la publication et de toutes les angoisses que cela pouvait générer. Il savait son ami honnête et rigoureux dans l’écriture, Rowan n’hésiterait pas à lui faire des remarques honnêtes pour lui permettre d’améliorer son livre, même si la critique ne serait pas facile à accepter. Rowan avait la critique constructive et il le ferait pour l’aider, avec honnêteté et bienveillance. « Merci », répondit-il simplement sans plus de fioritures. La discussion se poursuit autour de leur manière respective de gérer la critique et de l’impact que pouvait avoir l’anonymat sur son acceptation de celle-ci. Rowan n’était pas d’accord avec Owen, pour lui, les critiques avaient tendance à être beaucoup plus sévères et durs dans leur critique lorsqu’ils n’avaient aucun visage, aucune identité à laquelle se rattacher parce que l’anonymat dépersonnalisait totalement, faisant de l’auteur une sorte de mythe qui n’existerait pas de chaire et d’os et qui n’aurait aucun sentiment humain. « Je comprends ton point de vue, on a tendance à ne pas voir de réelle personne derrière une publication anonyme alors que la critique fait aussi mal parce que c’est un être humain qui se cache derrière… ce que je veux dire, c’est que personne dans la rue ne se retournera en ricanant sur ton chemin parce que tu as été tourné en ridicule dans une critique...alors que si ton visage est en quatrième de couverture de ton bouquin, tout le monde connaît ta tête », répondit-il avant d’afficher un sourire »[/color] Bon d’accord, souvent ça me rapporte des cafés et des viennoiseries gratuites quand on me reconnaît...ça n’a pas que des inconvénients », reconnut-il en riant pour redonner un peu de légèreté à la conversation. « Quoi qu’il en soit, si un jour tu lis une mauvaise critique, ce que je ne te souhaite pas évidemment...mais on ne peut pas plaire à tout le monde, je connais une super salle pas très loin où tu peux faire du lancer de hache. Ça défoule crois-moi, et même moi avec mes petits bras de poulet j’arrive à les lancer donc tu n’as rien à craindre. Je crois même qu’ils t’autorisent à venir avec un portrait si jamais tu veux viser la tête de quelqu’un en particulier », acheva t-il dans un demi sourire, en avalant la dernière gorgée de son café.
Je hochai la tête en souriant au remerciement d’Owen. Lui faire un retour sur son manuscrit était la moindre des choses. Il fallait se serrer les coudes entre auteurs. Je n’étais pas souvent proche de mes compères, mais le courant passait bien avec Owen, alors je n’allais pas gâcher ça. C’était plutôt agréable d’avoir quelqu’un avec qui parler littérature et écriture sans les préjugés qui circulaient sur la vie d’écrivain et sans la pression de l’éditeur. Quoique cette dernière n’était jamais très loin. Même après plusieurs best-seller à mon actif, je craignais toujours les retours de mon éditeur et je craignais toujours la réaction du public face à ma nouvelle œuvre. Mais chaque chose en son temps, tout de suite, j’étais en vacances et j’étais là pour donner un coup de main à Owen.
Attentif au discours de mon compère je n’osais pas l’interrompre. Je ne m’attendais pas à ce qu’il me propose du lancé de hache pour se calmer avec une mauvaise critique. Cela me fit bien rire. Pas aux éclats non plus, mais rire quand même.
- Je vois ce que tu veux dire. Les critiques sont moins ciblées et tu risques moins de t’en prendre en plein figure quand tu t’y attends le moins. C’est en partie pour ça que je tiens à mon anonymat. Même si je ne serais pas contre quelques cafés gratuits.
Je fini en souriant. Mes livres se vendaient assez bien pour que je n’ai pas besoin qu’on me paye mes petits-déjeuner, on ne va pas se le cacher. Mais comme le disait Owen, il n’y avait pas que des inconvénients et s’il y aurait sans doute des personnes pour se moquer de moi dans la rue, il y en aurait sans doute d’autres pour venir me témoigner leur admiration. C’était très gentil de leur part, mais j’étais trop anxieux pour pouvoir supporter n’importe quelle interaction sociale surprise, qu’elle soit bonne ou non. L’anonymat ne devait pas aider, j’avais bien conscience que plus je me renfermais, moins ce serait facile de sortir. Mais regardez ! J’étais déjà là au café à discuter avec un ami. C’est mieux que rien.
- Le lancer de haches ? Je n’y aurais pas pensé, haha ! Je note la proposition. Je n’ai personne qui me vient à l’esprit en terme de tête à viser mais j’imagine que si je viens avec une impression du commentaire haineux en question…
Il y avait peu de chance que je le fasse un jour. Sauf si Owen me motivait à venir avec lui. Sinon je ne sortais jamais seul. Quoique, c’était peut-être le genre d’activité qui pourrait plaire à Anya et à Frankie. Mh, mais avec mes deux tornades, je ne sais pas si ce serait très responsable de les emmener là bas. Il y avait de forts risques que ça tourne mal.
- Ça t'arrive souvent de te faire reconnaître ?
Cette question m’intriguait. Il m’arrivait parfois de regretter mon anonymat. De ne pas pouvoir échanger avec mes fans autrement qu’à travers un écran. Pour compenser mon absence physique aux conventions et festivals, j’essayais de répondre à un maximum de lettres et de mails que je recevais.
Sujet: Re: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Mer 8 Mai 2024 - 10:17
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Publier un nouveau roman c’était à chaque fois remettre son titre en jeu. Ce n’était pas parce que notre précédent ouvrage avait bien fonctionné qu’il en serait forcément de même pour le suivant. Si «écrire un livre relevait de la simple application d’une recette magique qui fonctionnait à tous les coups, aucun auteur ne connaîtrait de côté de popularité et de mauvaise critique après avoir publié un livre à succès. Cela dépendant de tellement de facteurs : l’histoire bien sûr, la qualité des personnages mais aussi quelque chose de plus impalpables liés à l’« air du temps » ou l’actualité. Le roman était lui aussi soumis à des phénomènes de mode, parfois la mode était au romantisme, parfois aux histoires de survivants, parfois encore dans des épopées à travers le temps. C’était sans doute ce qu’il était de plus difficile à capter pour un auteur qui partait souvent d’une idée et de son vécu, et c’était aussi pour cela que d’être épaulé qu’un éditeur dont s’était le métier que de voir ces phénomènes se mettre en place était crucial. Parfois cela ne suffisait pas et les critiques étaient tout de même là pour leur rappeler qu’elles viennent pouvoir de vie et de mort sur eux. Dans ces moments-là, Owen avait son petit secret, sa zone de défouloir, la salle de lancer où était notamment proposée une activité de lancer de hache qu’il porta à connaissance de son ami, par plaisanterie plus qu’autre chose. Rowan s’en amusa et évoqua la possibilité d’amener un commentaire anonyme haineux en guise de portrait. « Hum...je pense que ça a moins d’impact de lancer une hache sur un commentaire plutôt que sur le visage d’une personne détestée mais l’essentiel c’est que ça te fasse du bien. La dernière fois j’avais amené une photo de Zachary Altman, il avait dit de mon roman que c’était, je cite « un torche-cul à l’eau de rose »... passer mon après-midi à lui envoyer des haches à la figure ça a eut un effet cathartique », répondit l’écrivain en riant. Leur conversation jusqu’ présent avait plutôt été sérieuse, ça faisant du bien de se détendre et de rire avec son ami un moment. Il reprit son sérieux lorsque Rowan lui demanda s’il lui arrivait souvent de se faire reconnaître dans la rue. « Ça dépend, ici pas mal parce que les gens savent que je suis un enfant du pays. J’ai grandi ici, j’ai fait ma scolarité ici jusqu’au lycée et Fall River reste une petite ville. Donc ici et dans les environs ça m’arrive assez régulièrement mais les gens se sont habitués à ma présence donc ils ne me sautent pas dessus à la moindre occasion. Quand je repars à New-York pour des séances de dédicace, je suis beaucoup plus anonyme, noyé dans la masse des autres auteurs et des autres célébrités de la ville. Je n’ai pas la popularité d’une star de cinéma ou de série télé et heureusement d’ailleurs parce que je crois que je supporterai mal de me sentir épié de partout et de ne pas pouvoir faire ce que j’ai envie de faire. Les gens sont gentils en général, ils viennent faire des compliments mais c’est étouffant parfois », reprit-il en se reposant sur son siège. « Toi les grandes villes c’est pas spécialement ce que tu préfères non ? »
La conversation prenait un ton plus léger qui était loin d’être désagréable. J’adorais mon travail et je savais qu’Owen partageait cette passion, mais il était parfois sympathique de s’éloigner de ce sujet. J’imaginais mon collègue en train de lancer des haches et je devais admettre que l’activité semblait être un bon défouloir. J’en avais entendu parlé sans jamais pratiquer. Il faut dire que je sortais peu de chez moi, en dehors de mes quelques visites à mon éditrice et encore, nous discutions beaucoup par mail et en visio. C’est peut-être pour ça que l’idée d’afficher juste le commentaire haineux me paraissait tout aussi bonne que celle d’une photo. Je ne connaissais pas la tête des gens qui me lisaient.
- Torche-cul à l’eau de rose ? Il ne manque pas de vocabulaire, je l’avais jamais entendu celle-là, riais-je.
Il faut dire qu’on disait rarement de mes livres qu’ils étaient à “l’eau de rose”. Je recevais bien des critiques salées aussi, mais n’écrivant pas de romance, j’imagine que j’avais le droit à un autre registre d’insultes.
- Je connais pas très les têtes de mes détracteurs, mais j’ai bien envie de faire des recherches pour tenter le lancer de hache à présent. Si jamais un peu de compagnie t’intéresse la prochaine fois…
Je ne sais pas si j’aurais le temps d’accompagner Owen, mais je me disais que ça pourrait être un bon moment. Ça nous changerait de l’écriture et des discussions autour d’un café. Mais est-ce que les gens finiront pas par faire le lien entre lui et moi et m’identifier comme un auteur, faire des recherches et percer le mystère de mon anonymat ? Non. Il y avait peu de chance, je le savais. Mais j’avais toujours cette petite appréhension, cette pensée coincée dans un coin de ma tête qui me disait que, peut-être…
L’expérience d’Owen était plutôt rassurante. Il est vrai qu’un auteur a moins de chance de se faire reconnaître qu’un acteur ou qu’une célébrité qui montre son visage à l’écran d’une façon ou d’une autre. Notre métier était plus discret, on va dire. Je secouai la tête :
- Pas trop. Pourtant j’ai grandi à Londres, mais je n’y suis pas plus attaché que ça. Je… Je sors pas beaucoup. Mais je dois dire que le calme de Fall River est agréable. Même si je ne sors pas beaucoup plus. J’imagine que c’est aussi une question d’habitude.
Pourtant, il y avait moins de chance pour qu’on me découvre ici qu’à Londres. Même si mes lecteurs allaient vite remarquer que je n’étais plus publié depuis l’Angleterre, mais depuis les States. C’était un grand pays. Personne ne viendrait me chercher au fin fond du Massachusetts.
- Tu sors souvent ?
Que ce soit pour se divertir ou pour écrire, j’étais curieux des habitudes d’Owen. Il n’était peut-être pas plus extraverti que moi, mais il avait grandi ici, alors il devait au moins avoir plus de connaissance et mieux connaître la ville que moi.
Sujet: Re: Rowen - If writing is easy you're doing it wrong Ven 26 Juil 2024 - 18:46
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Un certain amusement gagna Owen lorsque Rowan envisagea de l’accompagner un jour dans une salle de lancer de hache. Il avait peut-être fini par se dire que si ça ne faisait pas nécessairement du bien, ça ne pouvait pas faire de mal. De manière générale tout ce qui pouvait permettre d’aller mieux, même de manière temporaire, de relâcher la tension accumulée, ne pouvait faire que plus de bien que de mal. Certes, ça n’effaçait aucune critique négative, mais ça permettait de mieux l’accepter et de se défouler au passage. Si Owen était plutôt introverti, il se sentait à l’aise avec le faible nombre de personnes avec qui il partageait des valeurs ou un certain nombre de points communs, avoir la compagnie de Rowan n’allait pas pour lui déplaire. « Avec plaisir, si jamais tu leur trouves des visages, ça nous fera passer un bon après-midi ! répondit-il avec un certain enthousiasme.
Rowan et lui se ressemblaient beaucoup : ils étaient introvertis tous les deux, auteurs parce qu’ils se sentaient bien plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral pour faire passer leurs messages et que la fiction était aussi pour un moyen de s’évader. Owen comprenait donc parfaitement la préférence qu’avait Rowan pour la calme et la tranquillité d’une petite ville du Massachusetts face au stress et à l’agitation d ela grande ville. « J’ai vécu à New-York pendant mes études, ce qui est chouette c’est l’offre culturelle, on ne trouve rien de mieux en matière de musées, théâtre, conférences et cinémas que ce qu’il y a là-bas. Mais je suis comme toi, je préfère le calme de la petite ville et dès que j’ai terminé mes études, je suis vite venu me réinstaller à Fall River ». Il prit le temps de réfléchir lorsque son ami lui demanda ensuite s’il sortait beaucoup. « Pas forcément, à l’époque de New-York oui, parce que quitte à vivre dans une ville autant profiter de ce qu’elle peut offrir. Surtout lorsqu’on paye les yeux de la tête pour un studio de 17mètre carrés... mais je sortais surtout seul pour faire des balades à Central Park, des expos ou des spectacles...je n’avais pas beaucoup d’amis », reconnut-il. Il avait toujours du mal à aller vers les autres, sa timidité avait toujours été un obstacle à des rencontres. « Je connais un peu plus de monde ici parce que j’ai fait toute ma scolarité dans cette ville jusqu’au lycée, mais j’ai perdu pas mal de gens de vue et au risque de sembler un peu prétentieux, je me suis aperçu que je partageais peu de choses avec mes anciens camarades qui s’interessent plus aux matchs de foot ou de baseball du week-end qu’à la littérature ou à la culture », poursuivit-il. Il espérait ne pas avoir donné l’impression à son interlocuteur d’être un de ces écrivains pompeux qui se croient supérieurs aux autres. Il était plus cultivé que la plupart de ses anciens camarades de classes parce que c’est ce qui l’intéressait, ça n’en faisait pas pour autant un meilleur être humain. Bon nombre de personnes au cerveau bien plein avait fini par se vider de leur humanité. « Je préfère passer du temps de qualité avec le peu de personne que je connais que de sortir beaucoup sans prendre le temps d’avoir des discussions un peu plus profonde comme ce qu’on est en train d e faire. Tiens à propos , ils passent le nouveau film de Ken Loach au cinéma tout à l’heure et je comptais y aller seul, mais ça te dit de venir avec moi ? »