Tu regrettais que la soirée ne doive prendre fin. Enfin, était-ce vraiment une obligation ? Dans l’absolu ? Oui. Parce que tu n’allais pas tarder à aller danser, retrouver ce bar où tu agissais en tant que barmaid, et où tu faisais de la pole dance, aussi. Tellement maquillée que seuls les habitués te reconnaissaient. Les habitués, et les autres filles, qui connaissaient ta situation. Parfois, tu regrettais, allant même jusqu’à te dire que tu partirais bien de cette maudite ville. Mais Fall River, c’était toute ta vie. Elle avait vu tes premiers pas, t’avait soutenue chaque seconde et il n’y avait que dans ses rues que tu te sentais bien, même si ces derniers temps, t’étais beaucoup plus sur le qui-vive ; beaucoup moins en sécurité à traîner à l’aurore. merci papa ; t’aurais probablement pas eu ce ressenti, si t’avais pas dit merde à ta famille et t’étais plié au patriarcat qui t’avait toujours pesé. Bref. Tu te focalisais sur ce que Roman te racontait, bien plus intéressant que tes petits soucis familiaux, et grimaçais, presque surprise par sa réaction « dommage… j’espère que je pourrai peut-être te faire changer d’avis, un jour ! » tu l’observais, sourire en oblique sur le visage et lui adressais un clin d’oeil, ta main se glissant sur ta joue pour maintenir ta tête. Dans un sourire, tu hochais la tête « je vois. Dans ce cas… on a peut-être du se croiser il y a quelques temps ! » tu ricanes et prends une gorgée de ton verre « et j’espère d’ailleurs… qu’on se recroisera ? » technique de drague à peine dissimulée et clairement claquée au sol, tu mordillais ta lèvre inférieure : c’était maladroit mais c’était vrai : t’avais pas envie de perdre contact.

"On verra". Ce n'était pas un non, et ça, ça te laissait entrevoir à peu près tout. Oui, bon, d'accord. Tout et son contraire, sans doute. Mais lorsque vous aviez commencé à parler théâtre, tu avais remarqué cette petite lueur, dans son regard tout à coup plus si triste. Ca devait compter plus qu'il ne paraissait l'insinuer, non ? Un sourire amusé se dessina sur ton visage et tu arquais un sourcil "je prends ça pour un oui. Je peux ?" tu lui adressais un clin d'oeil taquin mais pas moqueur, et ton regard se baissait sur ton sac duquel tu sortais ton carnet, dans lequel tu notais les moindres choses que tu jugeais importantes: des demandes, qu'on aurait pu te faire dans la journée. Des rendez-vous... Des numéros de téléphone ? oui, ça aussi. Mais ils n'étaient pas foule, dans ton carnet de lutte contre ton TDA. Et tout à coup, t'avais plus envie de jouer les buldozers: vos petites suppositions t'avaient plu, mais tu ne voulais pas lui faire peur, non plus. Tu déchirais une page et griffonnais ton numéro que tu lui tendais avec la seconde moitié de ta page "tu crois... que tu me ferais l'honneur ?" tu lui adressais un sourire et lui tendais le stylo, attendant sa décision qui te soulagea, quand tu le vis inscrire à son tour ces quelques précieux chiffres. Tu lui adressais un sourire, rangeant précieusement la moitié de feuille dans ton carnet, carnet et stylo dans ton sac, puis tu t'approchais, déposant un baiser sur sa joue et tu murmurais à son oreille "faut vraiment que je part... mais ce fut un pleasure... mister Rivière..." . Et sans attendre, tu t'en allais à ton triste sort : t'avais pas si envie de faire ton show, ce soir.