Je m’en étais voulu, de balancer mon père. Moi, la petite fille modèle, celle qui n’avait jamais bronché, n’avait jamais exprimé son refus de voir en permanence son père au parloir depuis gamine… j’en avais eu assez. Et je ne comprenais pas pourquoi ; comment j’étais la seule à me révolter de cette situation, dans cette famille de détraqués. Il fallait que ça s’arrête, je ne voulais plus avoir à me cacher. Avoir honte de ma famille. Même ma mère prenait sa défense. Quant à mes frères, la question ne se posait même pas. Ils faisaient partie de l’histoire, dire qu’ils n’étaient pas d’accord aurait été mentir. A y penser, je soupirais. C’était stupide, le monde à l’envers. J’étais convaincue d’avoir fait ce qu’il fallait et voilà que, pourtant, je me retrouvais à devoir quitter mon appartement et me cacher : ne pas jouer avec le feu, ne pas faire de vagues pour ma propre sécurité. Aller de l’avant, me faire oublier. Il était là, le plan. Devoir laisser ma mère et mes frères de côté me fendait le coeur, mais comment vivre en tant que citoyenne sans ennuis en étant en permanence éclaboussée des idées de génie du paternel ? Nan. C’était assez. Tant pis si cela voulait dire : ne plus utiliser l’argent qu’il vous donnait – probablement sale, d’ailleurs. Ca ne me déplaisait pas de faire sans, mais il allait falloir gérer.

D’abord, j’avais pris quelques heures supp’ au bar où j’étais serveuse. Remplacements à la volée, arrangements avec le patron, ça faisait un peu de beurre dans les épinards. Mais j’étais bien loin du compte : mes factures seraient payées, certes, mais quid de mes repas ? Le délire « air et eau fraîche ? » trop peu pour moi, et pour les illuminés adeptes du pranisme, je répondrais d’aller se faire griller le boule à la flamme, façon steak house.

Je ne sais pas comment ce type m’avait trouvée ni ce qu’il me voulait vraiment. Un certain monsieur « Rivière ». T’étais pas experte en langues, mais t’étais presque sûre que c’était un nom français, ce qui, qui plus est, aurait matché avec son accent. A priori, c’était un ami du gérant du bar qui lui avait parlé de mes préoccupations du moment. Je m’en voulais un peu. Putain, pour quel genre de michto il allait me prendre ?

Enfin bref. Qui ne tentait rien n’avait rien, paraît-il. J’avais donc, sans m’attendre à quoi que ce soit, décidé de me rendre au rendez-vous. Patiemment, tu t’étais installée dans la salle d’attente, face à un jeune homme qui, si e l’avais croisé à l’extérieur, en soirée ou au bar ne m’aurait pas laissée indifférente. je lui adressais un sourire, et me levais lorsque j’entendis mon nom massacré par la secrétaire. Echange de quelques mots, on m’expliquait plus en détail les modalités de recrutement… mais toujours rien quant à ma mission. C’était quoi, ce bordel ?!!

Je retournais à ma place, mille questions en tête. Je commençais sévèrement à me demander ce que je foutais là, mais… me laissais prendre au jeu. Je sortais mon téléphone de ma poche et relevais les yeux, surprise, en voyant le jeune homme de tout à l’heure me questionner sur mon nom. Sourire mi-gêné mi-surpris sur le visage, je secouais la tête « non je… je m’appelle Cherry. Et vous ? Laissez moi deviner… » tu tentais de te souvenir des cours de français que t’avais bouffé, non sans dégoût, au lycée. « vous est… français ? » ouais. C’était presque bien. On repassera, pour la conjugaison. oupsi

Je ne compris pas tout de suite pourquoi sa grimace. Je mordillais ta lèvre inférieure et lui adressais un sourire, ma confiance en moi tout à coup ébranlée… « oui. Je sais. Ce n’est pas vraiment courant comme prénom. » et pour cause. C’était l’identité que je m’’étais choisie, bien loin de la « Janelle » que jusqu’ici mes proches avaient connue… Et qui, pour le coup, avait un nom beaucoup moins original qu’un pseudo à la limite du sobriquet de stripteaseuse. Je replaçais une mèche de mes cheveux derrière mon oreille, mon pouce rejoignant mes lèvres : nerveuse, j’avais jamais réussi à totalement stopper cette fâcheuse habitude que j’avais, de me ronger les ongles en situation d’inconfort.

Mon regard croisant le sien, je lui rendais son sourire, touchée, pour une raison qui m’était encore inconnue par le sien. Il y avait une forme d’innocence dans son regard, une malice dans son sourire qui me rappelaient soudain que tout n’était pas digne de figurer dans faites entrer l’accusé. Ca me donnait du baume au coeur. Une envie soudaine de légèreté. C’était de ça, dont j’avais besoin, avec le recul. Je secouais la tête « No, no ! It’s okay, no problem. It doesn’t matter. But… you seem quite… dissapointed. Is Charlie someone important ? » ok. Ca ne me regardait définitivement pas. Mais j’avais, je crois, besoin de comprendre pourquoi tout à coup ce regard s’était éteint à la seule mention de ce prénom. « été … ? What do you mean ? vous-êtes... nouveau ici ?»

« merci, c’est gentil. Et vous… ? Comment est-ce que vous vous appelez ? » avais-je réitéré dans un sourire, assez curieuse. Certains discutaient avec leur voisin par ennui, dans une salle d’attente, c’était d’ailleurs mon cas en temps normal, lorsque je ne décidais pas avoir une envie soudaine de me renfermer dans ma coquille, casque sur les oreilles. Mais cette fois-ci, j’avais réellement envie de discuter avec ce type. Lorsqu’il me reprit, j’ai détourné le regard, regrettant amèrement de n’avoir pas su me mêler de ce qui me regardait. Merde. Voilà que je lui rappelais quelqu’un de disparu, parti, peut-être même décédé. Ce sourire triste, bien que furtif sur son visage m’avait brisé le coeur. « je suis désolée. Je parle trop. » que j’avais lancé, un peu gênée, mordillant ma lèvre inférieure pour cacher cette gêne. Un quart de siècle ? J’ai souri. Je n’avais jamais été très bonne en maths, mais… « vingt-cinq ans ? Wow. Ça commence à faire long, pour des vacances. » je lui avais adressé un clin d’oeil amusée, tentant de détendre l’atmosphère de cette petit plaisanterie « ça n’a pas l’air de vous enchanter plus que ça… » avais-je constaté en grimaçant légèrement. En fait, j’étais navrée pour lui. Car si je ne me trompais pas, il traversait la même chose que moi : l’envie d’ailleurs. Être prisonnier de ces putain de rues, labyrinthe dont on ne trouvait la sortie que les pieds devant. C’était déprimant.

Il avait ce je ne sais quoi de désabusé dans le regard qui me pinçait le coeur. Qu’est ce qu’il avait bien pu vivre, pour que la lumière ne s’éteigne de la sorte, aussi soudainement ? Machinalement, ma main s’était posée sur la sienne, un vague sourire réconfortant se dessinant sur mon visage « je suis persuadée du contraire. » Ma main avait quitté la sienne, mon regard rivé sur mes chaussures, un peu gênée. C’est lorsque j’ai croisé celui de Ghislaine, que j’ai compris. Elle semblait attendre, presque impatiente mais pourtant, ne bronchait pas. J’ai mordu ma lèvre inférieure, amusée. « mon chou ». Je n’étais pas experte en surnoms débiles français, mais celui-ci me semblait gratiné. J’ai réprimé un rire.

« j’espère aussi. » avais-je répondu, un sourire idiot jusqu’aux oreilles : pourquoi étais-je tout à coup aussi niaise ? Je préférais ne pas y penser et m’enfonçais dans mon siège après avoir regardé le brun partir… et disparaître derrière cette porte qui se refermait sur lui. Pendant un temps, j’ai scrollé sur mon téléphone, attendant patiemment mon tour. « ton père t’attend ». Je faisais de mon mieux pour ne pas y penser, mais je ne pouvais m’empêcher de vouloir recoller les morceaux. Percer à jour les mystères de ce fameux Roman que je venais de rencontrer… le fils de monsieur Rivière ? À priori.

J’étais loin d’avoir reconstitué l’intégralité du puzzle, lorsque Ghislaine était venue me chercher. Sur instagram, j’avais cherché, trouvant deux, trois trucs, mais rien de bien intéressant. A priori, il était comédien, mais je ne trouvais aucun résultat quant à une pièce ou autre série dans laquelle il aurait joué. Dommage. Je crois que j’aurais adoré l’idée de le voir sur scène. Beaucoup de photos avec un certain « Elliott ». Son visage ne m’était pas inconnu mais impossible de me souvenir d’où. Pas le temps de chercher. J’ai vu la silhouette de Roman s’éloigner et j’avais fini par suivre la pauvre Ghislaine, qui commençait visiblement à perdre patience. « désolée. » avais-je lancé, perdant un peu patience envers ma lenteur à bouger mon derrière de ce foutu siège.

Une fois dans le bureau, je me suis présentée à monsieur Rivière. Enfin, j’ai compris. Quelques éléments supplémentaires à mon puzzle. L’explication, sans doute, de qui était la fameuse Charlie. Quand j’ai compris, j’ai pas pu faire autrement que de fixer cette maudite photo. Je pouvais imaginer la douleur que ça avait pu être. Pour lui, pour son père. A sa place, je ne sais pas comment j’aurais tenu. Tout le long de l’entretien, j’ai observé la jeune femme sur la photo. Solennelle… juste au cas où. J’ai fini par accepter ce qui m’était proposé. Surveiller celui qui se faisait appeler Roman et le protéger de lui même ? Si ça impliquait de recroiser sa route souvent, comment refuser ?

Un peu surprise par cette proposition, j’avais fini par sortir du bureau, pensive et rajustais mon sac sur mon épaule, vérifiant une dernière fois mon téléphone avant de me décider à partir… cherchant Roman du regard, mais en vain.

Romain était le genre de type qui retenait votre attention. Si je n’avais pas été engagée par son père, peut-être que dans un autre contexte, je me serais retournée. Pas parce qu’il était séduisant – bien qu’il le soit. Il avait ce je ne sais quoi d’étrange, quasi magnétique qui vous happait. Un charisme qui ne me laissait pas indifférente, qui m’intriguait. Depuis que tu étais à Fall River, tu ne lui avais jamais vu d’autre pareil. Toujours les mêmes types, les mêmes dragues lourdes, collantes, pas même légèrement marrantes. De celles qui faisaient que, souvent, je n’avais qu’une envie : celle de prendre la fuite et rentrer chez moi, me régaler d’un bon bouquin, calée au fond de ma baignoire : qui a dit que la lecture était un plaisir qui se prenait avec l’âge ? Moi, j’avais toujours adoré bouquiner.

L’espace d’un instant, je m’imagine la tête sur son épaule, à feuilleter les pages de mon roman préféré. Mes joues s’empourprent tandis que je m’efforce de chasser cette idée de mon esprit : putain faut vraiment que je dorme. J’ai relevé mon regard sur le sien, lui adressant un sourire, ma main se resserrant sur les anses de mon sac à main. « J’ai vu la photo sur son bureau. C’est votre père, n’est ce pas… ? » et la fille, sur la photo, c’est Charlie que je meurs d’envie d’ajouter, mais je ne le fais pas : visiblement, le dossier est sensible, à juste titre. Je ne vais tout de même pas retourner le couteau dans la plaie : curieuse, oui, mais pas cruelle.

Un sourire s’étirait sur mon visage et je me mis à le suivre. Tirant sur ma cigarette, j’ai hoché la tête, un sourire amusé face à sa réaction lorsque je mimais Ghislaine. Mon chou. Quelle horreur de surnom. J’avais vaguement compris l’idée, mais je trouvais ridicule. Tout aussi ridicule que les « sweatheart » appuyés de ma tante Jill, la bouche en coeur, qui tapait l’incruste chez maman, embaumant tout l’appartement de Pachouli. l’angoisse. « ça fait quelques années, maintenant. En fait… je suis ici depuis que je suis née. Je n’ai jamais bougé. Mais… je rêve de voir l’Europe ! » que j’avais finalement avoué, attrapant un récupérateur de mégots en forme de licorne dans mon sac ; où j’enfournais aussi sec ma cigarette consumée. En y réfléchissant, je regrettais presque de ne pas avoir rencontré Roman plus tôt.

Appuyer où ça faisait mal ? Très peu pour moi. Ca n’avait jamais été ton truc. Moi, je considérais qu’il fallait foutre la paix aux gens, les laisser vivre comme ils l’entendaient et surtout : se méler de ses propres affaires. Je n’aimais pas qu’on se mêle des miennes, pourquoi aurais-je été mettre mon grain de sel dans la vie de ce pauvre gars ? Bon, d’accord. En acceptant l’offre de son père, c’était exactement ce que j’étais en train de faire. Mais c’était pour son bien ? Du moins, c’était ainsi que je tentais de me rassurer, sans même vraiment comprendre comment un père pouvait faire une confiance si aveugle à une sombre inconnue pour assurer la sécurité de son fils de la trentaine passée. Peut-être que ce qu’on dit est vrai : dans les yeux de nos parents, on a toujours cinq ans. Sauf chez moi. Chez moi, les fils servent d’homme de main dès qu’ils le peuvent, et les femmes de boniche. Un système à l’italienne, du moins, à la mafieuse. Très drôle, lorsqu’on sait que notre famille vit à Fall Rivers depuis des générations. Mais la passion de mon paternel pour les films de gangsters -les affranchis, c’est son préféré- explique sans doute cette organisation, qu’on pourrait penser, et à raison, sortie tout droit d’un film tant elle est grandiloquente. Très peu pour moi. Je ne regrettais pas un seul instant d’être partie, quand bien même cela impliquait de rester pieds et poings liés avec Romain douce punition, que je me disais, bien au fond de moi, loin d’en être mécontente. A sa remarque, je m’étais mise à rire toutes dents dehors « exactement ! Tu fais de l’ombre à ton père ! » un clin d’oeil malicieux sur le visage , tu hochais la tête, comme si tu acquiesçais l’évidence même : il fallait dire que son père n’était pas très… enfin. Disons qu’il n’avait pas le charme du brun et que si on les mettait côte à côte, je n’aurais pas parié sur un lien de parenté. Bref : je m’égare. J’ai tiré sur ma cigarette, manquant de m’étouffer à sa proposition. Soit il avait des thunes à ne plus savoir quoi en faire, soit c’était la disquette la plus pétée que j’aie jamais entendue depuis un moment. J’ai arqué un sourcil et j’ai lancé « à se demander qui de nous deux sera le plus ravi de ce voyage... » je lui avais adressé un clin d’oeil amusé et enroulé mon bras autour du sien avant d’ajouter, un immense sourire moqueur sur les lèvres « mais dis moi, ton père il est pas voleur ? Il a mis toute la protéïne de la salle de sport dans tes bras et les étoiles du ciel dans tes yeux ! Que fait la police ! » j’ai pouffais de rire, lui adressant un sourire désolé « on est d’accord que… c’est moi qui gagne le round de disquettes explosées, hein ? » j’ai fini par jeter mon dévolu sur un bar que je lui signifiais du bout du doigt « ici, ça a l’air calme… ça te tente ? »

Dans son regard, il y avait un je ne sais quoi qui m’intriguait. Comme si son monde, bien longtemps auparavant s’était effondré, comme s’il avait vécu la guerre, le big bang ou un autre truc tout aussi énorme que je n’aurais pu imaginer. Ca m’intriguait. Pas seulement pour « bien faire mon taff » -- quelle idée de merde, lorsque j’y repensais ? Pourquoi avais-je accepté de permettre à un père en manque de contrôle ; d’assouvir sa main mise sur la vie de son fils ? Encore, si le fils en question avait eu 16 ans ; ç’aurait été limite, mais compréhensible. Mais Roman… Roman. Quel âge pouvait-il avoir, d’ailleurs ? J’étais presque certaine que son père m’avait glissé l’info. Mais il y avait eu tellement de choses à retenir – de ses petites manies à ses allergies éventuelles ; c’était troublant, quand on y pensait, de devoir jouer à la découverte de l’autre. Moi, j’en savais déjà bien plus sur lui que l’inverse, et le pire dans tout ça, c’était sans doute que je n’avais aucun droit de lui balancer. Et puis, ce serait sacrément bizarre, non ?

Petite blague pour détendre l’atmosphère, j’ai souri, satisfaite, en le voyant réprimer un rire « c’est bien ce que je me disais. Mais j’serais pas en reste, tu sais ? » sourire malicieux sur le visage, j’arquais un sourcil « mauvais perdant mais galant. On va p’t-être pouvoir faire quelque chose de toi, finalement ! » j’ai ricané, mordillant ma lèvre inférieure, et j’ai ouvert la porte que je lui tins « si monsieur veut bien se donner la peine... » une fois Roman à l’intérieur, tu t’engouffrais derrière lui, te frayant un passage jusqu’au bar « tu bois quoi ? » avais-tu demandé en essayant d’attirer l’attention du serveur

Pourquoi en reste ? J’ai hésité un instant, presque prise à ma propre bêtise. Tout à coup presque gênée par la disquette que je venais de lui mettre. Pas parce que je l’avais faite, non. Mais plutôt parce qu’il l’avait soulignée, et donc… qu’elle n’était pas passée dans l’oreille d’un sourd. Affligeante, Janelle ! que j’ai pensé intérieurement sans pour autant me débiner « qui te dit que ça ne me plairait pas ? » plus explicite, tu meurs. j’entrais dans le café tout sourire : je l’appréciais vraiment, Roman, du peu que j’avais pu le cotoyer. Et si mon rôle était de passer du temps avec lui de près ou de loin j’avais sans doute trouvé le job idéal. Simple, de ceux où je n’aurais pas à me forcer. Peut-être même que je ferais des heures supp’ sans rechigner. Cette pensée m’arrachait un sourire amusé : tu dérailles. m’étais-je rappelée à l’ordre avant de me glisser devant le zinc. « oh. Je comprends mieux. J’te rassure, je ne suis pas du genre à m’encombrer de normes sociales. Alors la galanterie... » j’ai haussé les épaules, moqueuse, avant de me tourner de nouveau vers lui « enfin, on risque de bien s’entendre, si je comprends bien. » je lui adressais un clin d’oeil et passais notre commande, que je récupérais quelques instants plus tard, posant sans attendre la monnaie sur le bar « est-ce que ça te dit qu’on sorte ? Au moins, on pourra respirer, sur la terrasse. On étouffe à l’intérieur. » autant de monde dans aussi peu de mètres carrés, je me demandais comment c’était possible. Ew. Décidément, je détestais les gens. Enfin… presque tous. Une fois dehors, je levais ton verre, fouillant dans mon sac de quoi me rouler une autre cigarette « eh bien… j’crois qu’on peut trinquer à notre rencontre. Et à ton père aussi. C’est un peu grâce à lui, qu’on s’est croisés après tout ! » je lui adressais un sourire amusé et fis tinter mon verre contre le sien, puis en prélevais une gorgée.

Regard malin qui se pose sur le brun qui semblait attendre confirmation. j’arquais un sourcil, un sourire en coin s’étirant sur mon visage tandis que je replaçais correctement sa veste, geste faussement innocent. Mon regard se relevant jusqu’au sien, j’haussais les épaules « dans ce cas… tu comprendras au moment venu ? » clin d’oeil amusé, je cachais à peine mes intentions, à la frontière entre indécence et ridicule ; sans même réfléchir aux répercussions que cela aurait éventuellement auprès de son père. Eh quoi ? Après tout, je faisais ton job, non ? Garde rapprochée, on a dit. Et quoi de mieux que d’être à son bras pour s’assurer qu’il aille bien ? Voilà. C’était ça, en fait. Rien de plus que du travail pris à coeur, j’ai pensé. Mais bien évidemment, je sais que cette pensée là est plus que fausse. Un foutage de gueule bien préparé au cas où mon petit jeu ne revienne un jour aux oreilles de Rivière Senior.

« Honnêtement je l’espère. », qu’il me lance. Il n’en fallut pas plus pour m’arracher un immense sourire, mordillant ma lèvre inférieure tandis que je récupérais nos verres puis filais à l’extérieur, lançant de temps à autres quelques œillades derrière moi pour être certaine qu’il me suive et nous trouvais une table à laquelle je m’installais en lui adressant un sourire, trinquais avec lui puis reposais mon verre après en avoir pris une gorgée. Ca me ressemble pas. En temps normal, j’aurais plutôt été du genre cul sec, mais je ne veux pas lui faire peur. « alors… monsieur Rivière. Vous faites quoi, dans la vie ? J’veux dire… a part être un maître en disquettes ? » je lui adressais un sourire amusé et un clin d’oeil moqueur : loin de moi l’idée de me moquer, simplement de le taquiner. Mais dans le fond, je réalisais que lui savait déjà beaucoup de choses de ma vie. Certes, moi aussi, mais je ne les ai pas entendues de sa bouche. Et étrangement, j’apportais plus de crédit à son discours qu’à celui d’un papa poule.

A y regarder de plus près, il y avait quelque chose d’assez enfantin, dans son regard et ça ne me laissait pas indifférente… loin de là. Mais il ne fallait pas être sorti de science Po pour se douter de la mauvaise idée que constituerait un rapprochement de ma part comme de la sienne. Je commençais à regretter d’avoir accepté ce contrat. M’enfin, c’était simplement pour un temps, non ? Ça ne pourrait pas faire de mal, il n’y avait pas d’engagement si lourd… c’est ce que j’espérais. A mon tour, je lui ai adressé un sourire essayant comme je le pouvais d’oublier toutes ces questions qui tournaient dans ma caboche : on verrait plus tard pour les remords, connaître Roman ne pouvait que m’être bénéfique, n’était-ce que pour répondre à la demande de son paternel… Je n’avouerais jamais l’aspect de l’attrait personnel. C’est sans doute ainsi,que j’ai commencé à lui poser des questions. En temps normal, j’aurais probablement eu du mal à le faire. Pas de nature timide, j’étais simplement de celles qui préféraient lorsque les gens se mêlaient de leurs affaires… et partais du principe que, par conséquent, je devais faire la même chose de mon côté. Logique, non ? J’ai prélevé une gorgée de mon verre et écoutais le brun m’expliquer ce qu’il faisait. J’ai froncé les sourcils « c’est dommage… j’aurais bien aimé, te voir sur scène. » avais-je avoué dans un sourire malicieux. Je me demandais si c’était parce qu’il avait préféré se consacrer au management de la carrière de son ami, qu’il avait arrêté, mais n’osais pas lui poser la question de peur de faire tourner la discussion à une psychanalyse de comptoir un peu gênante venant d’une sombre inconnue. A sa remarque, j’ai ri légèrement. Moi ? Un fruit ? Arquant un sourcil, j’ai lancé « quelle originalité, monsieur Riviere ! » et lui adressant un clin d’oeil moqueur, j’ai haussé les épaules. Lui dire la vérité ? Non. Pas certaine qu’une nana qui fait de la pole dance et enchaine les petits boulots pour survivre ne soit sa définition du sexy. Je pris le parti de lui donner une partie de la vérité « barmaid au centre ville. C’est temporaire, mais ça me plait bien, pour le moment. » avais-je conclu en remettant une mêche de mes cheveux derrière mon oreille avant de reprendre « tu sors souvent dans Fall River ? C’est étrange qu’on ne se soit jamais croisés ? » venais-tu d’avouer que tu passais tes soirées à sortir lorsque tu ne bossais pas ? A demi-mot. Et le pire, c’était que même en bossant, on pouvait te trouver en boite ou dans un bar… Ou SUR une barre. Mais c’était un autre sujet.