La nuit est tombée sur Fall River. L’vin dans mon verre a une couleur bordeaux, c’est mon deuxième, ou p’t’être bien mon troisième. Toujours est-il que l’buzz est agréable, réchauffant quand dehors, l’vent et la pluie s’entremêlent. L’automne a toujours été ma saison préférée. L’calme du dehors est étrangement apaisant, quand généralement, dans mon esprit ça tourbillonne. On n’peut pas dire que ce soit l’cas en ce moment, quand j’traîne en jogging et t-shirt sur l’canapé d’Ache, Rackham d’un côté, Achilles de l’autre. Qui aurait cru qu’la vie pouvait être aussi sereine ? Je retiens un bâillement quand la journée a été longue, qu’ça fait tout juste une heure qu’on est posés. Juste l’temps d’ouvrir une bouteille et de grignoter un truc. Ma main libre est posée sur sa nuque, caressante, et j’suis littéralement collé à lui, comme un chat un peu trop possessif. Si j’pouvais ronronner, je crois que je le ferais en c’moment même.
Ma vie a pris une tournure étrange d’puis cette fameuse nuit où Ache est v’nu sonner chez moi. Étrange, mais bien plus agréable. J’n’aurais jamais cru pouvoir aimer quelqu’un comme j’aime Ache. L’amour, dans ma famille, s’est toujours résumé à des parties d’jambes en l’air sans lendemain. J’suis pas persuadé qu’mon père ait un jour aimé ma mère, et inversement. C’qui est sûr c’est qu’aucun des deux n’m’a aimé, moi. J’ai toujours eu du mal à faire la part des choses, voir comment transformer toute ma rancœur en que’que chose de pragmatique. J’ai toujours été l’rejeton dont personne ne voulait et si ma mère a voulu ma garde, c’était bien pour faire chier l’daron. Pas sûr qu’ça l’ait vraiment atteint. Avait jamais prétendu vouloir faire d’moi son hériter, de quelque façon qu’ce soit. J’suis allé à son enterrement quand il a claqué. Sa nouvelle femme et leurs gamins étaient en larmes, ça m’a fait bizarre. J’me suis d’mandé si j’avais raté un truc important. Si, si j’étais resté, il aurait fini par m’aimer, moi aussi, bien qu’j’en doute. J’étais prêt à partir, quand sa femme m’a aperçu. Elle est v’nue m’voir, elle savait qui j’étais. Les gosses aussi. Ils ont insisté pour que j’reste manger, que j’puisse leur raconter des histoires du daron quand il était plus jeune. C’était gênant. Qu’est-c’que j’avais à leur raconter, sinon qu’il travaillait toujours l’jour d’mon anniversaire. Qu’il est jamais venu au moindre spectacle d’fin d’année. Qu’il a jamais passé une seule soirée avec moi et qu’quand ma daronne s’absentait pour s’faire refaire les ongles, c’était la fille du voisin qui v’nait m’garder. J’ai dit que j’pouvais pas, qu’on m’attendait ailleurs, et j’me suis tiré pour aller boire un verre au bistro du coin. J’ai appelé ma mère ce jour-là. Elle n’a pas répondu.
Mes doigts démêlent les ch’veux noirs d’Ache et je prends une gorgée d’vin avant d’lui demander :
« Tu veux bien m’parler un peu d’ta famille ? »
J’lui dis pas que j’me sens un peu morose, parce que la période des fêtes approche et qu’ma daronne l’passe avec son mec du moment. Qu’elle appellera pas. J’sais pas pourquoi ça m’fait ça. P’t’être parce que pour la première fois d’ma vie, j’me sens heureux avec quelqu’un, et qu’j’aurais voulu l’partager avec elle. Pas elle, en particulier, mais avec une mère, celle qu’j’aurais aimé qu’elle soit. J’aurais voulu lui présenter Ache. Qu’elle soit heureuse pour moi, qu’elle veuille lui faire découvrir les plats de la famille, qu’elle lui pose tout un tas d’questions et qu’en secret, elle m’demande d’le garder précieusement, qu’il est bien pour moi. Pourtant j’sais qu’j’aurais jamais droit à ça. Qu’dans la vie, à part Blue, j’ai toujours été seul. Jusqu’à aujourd’hui.
« Parle-moi d’ta mère, s’il te plaît… »
On avait jamais trop été dans la conversation, avant, Ache et moi. Mais maintenant j’veux tout savoir sur lui, tout apprendre, tout découvrir, connaître chaque parcelle d’son corps et d’son âme. J’suis avide, affamé d’une manière que j’me connaissais pas. Moi qui suis pourtant un fouineur de première, j’m’étais jamais inquiété d’savoir qui je mettais dans mon lit avant d’le rencontrer. Mais il faut croire qu’tout a changé d’puis qu’Achilles est entré dans ma vie.
Achilles Hightower
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Sujet: Re: espoir blues || Achilles Mar 21 Nov 2023 - 21:41
espoir blues
feat. Red
Il y a cinq ans à peine, si on m’avait demandé comment j’imaginais mes soirées une fois la trentaine passée, j’aurais répondu sans hésitation : sur scène. La soirée sur scène, le reste de la nuit à célébrer avec le reste du groupe pour finir par tomber de sommeil, potentiellement dans le lit de Heath ou plutôt à l’arrière du van de Jim avec Heath à côté et Zep de l’autre, à me reposer quelques heures avant que ce ne soit à mon tour de conduire vers notre prochain concert. Un rêve que j’avais dû apprendre à oublier et même si ça m’avait pris du temps, je ne le regrettais plus. Pour rien au monde, je n’aurais échangé ce que je vivais maintenant.
J’étais rentré du boulot il y a un peu plus d’une heure maintenant. J’étais fatigué, mais bien content de partager cette soirée avec une bonne bouteille de rouge et Red. J’avais mis un peu de musique en fond sur mon enceinte, une playlist tranquille, pas trop forte, par-dessus laquelle on pouvait entendre la pluie taper contre les carreaux. Rackham dormait paisiblement contre Red, je ne sais pas ce qu’il lui avait fait, mais visiblement ma chatte était fan de lui, quand il était là, je n’existais plus. Quoique, elle serait sûrement en train de dormir entre nous deux si nous n’étions pas l’un contre l’autre.
Mon verre dans une main, l’autre sur la taille de Red, je profitai volontiers de ses caresses que ma nuque. Putain, qui aurait cru qu’un jour je serais aussi tactile avec quelqu’un. Jim pourrait témoigner, je n’étais pas dû genre à faire facilement des câlins. Pourtant je passais volontiers des heures entières dans les bras de Red, sans forcément que ça aille plus loin. Juste, profiter du contact, de la chaleur de son corps, son odeur, ses caresses. Je n’avais pas l’intention de faire une croix sur ma carrière de chanteur, mais je ne comptais pas non plus me passer de ce genre de moments. Nous buvions notre vin dans le plus grand des calmes, chacun perdu dans ses pensées lorsque Red brisa le silence.
Ma famille ? Je levai un sourcil, surpris, c’était la première fois qu’il me faisait une telle demande. Je n’y voyais pas d’inconvénients, au contraire, j’aimais toujours parler de ma famille. Puis j’avais envie de partager ça avec Red. Maintenant que nous étions officiellement plus qu’un simple plan cul, je voulais vraiment lui parler, qu’il fasse partie de ma vie comme je voulais faire partie de la sienne.
- Ma mère ? Hm, tu veux déjà te préparer à la rencontrer ?
Cette idée me fit sourire, mais le ton de Red avait comme une sorte de mélancolie. Je retrouvai rapidement mon sérieux, pris quelques secondes pour réfléchir avant d’entamer :
- Hm… elle s’appelle Joséphine… Ancienne Hightower, maintenant Talis, mais tout le monde l’appelle Jo. Je lui ressemble pas mal. Tout du moins, c’est d’elle que je tiens mes yeux et mes cheveux blonds.
Ouais, je sais, c’était difficile à croire comme ça. Je me teignais les cheveux en noir depuis des années, même moi j’avais perdu le compte, depuis le lycée peut-être ? Voire même la fin du collège ? Il m’était arrivé de les décolorer pour retrouver du blond, mais je ne les gardais jamais très longtemps. Je sais pas si c’est mon côté émo qui veut ça, je les préférai en noir, c’est tout.
- Elle a un style très… Fleetwood Mac, si tu vois ce que je veux dire. Un peu hippie… Elle est géniale, vraiment, je suis pas objectif, mais, elle est une des meilleures personnes que je connaisse. Elle est attentionnée, drôle, intelligente, passionnée…
J’étais la pire personne à qui demander un avis objectif sur Jo. Ma mère représentait bien trop pour moi. Après tout, elle m’avait élevée seule pendant près de dix ans. Elle avait toujours été mon meilleur soutien, ma meilleure amie quand ça n’allait pas. Certes, j’avais eu tendance à la repousser pendant mon adolescence, à vouloir cacher de qui n’allait pas. Mais clairement, j’avais de la chance d’avoir une mère qui m’avait encouragé à poursuivre ma carrière musicale. Et aussi qui m’acceptait comme j’étais. J’aurais sans doute eu bien plus de mal à accepter ma sexualité si je n’avais pas eu une mère aussi ouverte d’esprit et ouverte à la discussion. Vraiment, je savais que je pouvais tout lui dire.
- Si jamais tu as peur de ne pas savoir quoi lui dire, lance la sur la mythologie grecque ou romaine. Ou sur n’importe quel philosophe de cette époque. Même pas la peine de t’y connaitre tu peux juste lui demander ce qu’elle pense de Socrate, et elle va te faire une conférence de trois heures sur le sujet. Elle est prof de lettres anciennes à la fac. Franchement, si j’avais été plus doué dans les études j’aurais adoré prendre son cours. Elle est si… Ouais passionnée et pédagogue aussi. Elle m’a donné tellement de bons conseils quand j’ai commencé à enseigner…
Déjà que je dois la vie à Josephine, je lui dois tellement plus encore. Je pense que ça devait s’entendre à ma façon de parler. J’en disais bien trop sur le sujet et en même temps, je voulais donner le plus de détail possible à Red. Je voulais qu’il la connaisse aussi et qu’il l’aime autant que je l’aimais parce que je n’avais pas envie de concevoir un monde où les personnes que j’aime le plus ne peuvent pas se voir en peinture. Après, je n’avais pas trop de doutes à ce sujet. Ma mère était une personne incroyable et Red l’était tout autant, il n’y avait pas de raison pour que le courant passe mal.
- Désolé, je m’emballe un peu, promis j’ai passé mon complexe d’Oedipe. C’est juste que… J’ai hâte que tu la rencontres et qu’elle te rencontre aussi. Sans vouloir te mettre la pression, hein.
Je tournai la tête pour déposer un baiser sur la tempe de Red. Ouais, c’était gratuit, quand je vous dit que cette relation n’avait rien à voir avec les autres. J’avais des élans de tendresse envers cet homme dont je ne me pensais pas possible avant.
- Et tes parents ? Ils sont comment ?
J’avais déjà parlé de ma famille à Red par le passé. Enfin, il savait que j’avais des frères et sœurs, que je tenais beaucoup à eux. Mais maintenant que j’y pensais, je ne savais rien de lui. Je me doutais que ce n’était pas un sujet facile à aborder. Parce que jusque-là, il me semblait avoir compris que la seule famille qui comptait réellement pour lui, c’était son partenaire d’enquête : Blue. Je n’étais pas sûr que Red accepte de me répondre s’il s’agissait de souvenirs trop difficiles à raconter, mais j’étais curieux d’en apprendre plus sur lui et je ne voulais pas que toute la conversation tourne uniquement autour de moi. Je n’étais pas égocentrique à ce point. En attendant sa réponse, je pris une gorgée de vin, tout en continuant de caresser la taille de Red du bout des doigts.
La présence d’Ache est réconfortante. Réconfortante… C’bien la première fois que j’qualifie l’étreinte de quelqu’un comme réconfortante, quand j’ai enchaîné pendant vingt ans les coups d’un soir, sans trop m’poser de questions. Pourquoi j’l’aurais fait ? Personne attendait rien d’moi, dès l’début. À croire qu’c’était marqué « CHIEN » sur mon front, placardé comme un bâtard qu’on invite pour une nuit et qu’on est content d’pas retrouver en s’réveillant. Bien qu’Ache pour vouloir me r’voir, jusqu’à venir sonner à ma porte. Moi d’me demander c’qu’il a bien pu voir en moi qu’les autres ont pas vu, à m’dire que p’t’être bien il s’est trompé, qu’il tardera pas à s’en rendre compte et à m’foutre dehors. Alors autant en profiter tant qu’ça dure, pas vrai ? La pluie dégouline sur les carreaux. J’ai envie d’tout vivre à 100 %. J’sais qu’si Ache s’en va, j’aimerais plus jamais personne d’la même façon, parce que c’est juste pas possible. Que j’en veux pas. Qu’c’est trop douloureux quand ça n’fonctionne pas, et qu’j’sais pas si j’m’en remettrais si Ache me tourne le dos. Que ça s’termine pas comme dans les films, où ils finissent dans le même lit, à s’regarder dans l’blanc des yeux, un sourire au coin des lèvres, de ceux qu’ont tout compris. J’commence seulement à m’faire à l’idée qu’il est là, qu’il va pas partir lui aussi. J’commence seulement à prendre confiance. J’commence seulement à lui ouvrir un peu qui j’suis vraiment. Au d’là du plan cul régulier. C’est tout d’suite beaucoup plus effrayant. Ça l’est pour moi en tout cas, quand y a qu’Blue qu’en sait autant sur moi et qu’sa présence dans ma vie est assurée par une espèce de co-dépendance un peu malsaine. Par l’boulot aussi, un peu. Et qu’après bien des années, j’en suis à m’demander si Blue n’a pas attendu qu’ça, que j’me tire, quand notre amitié était un point à problème avec sa meuf. A jamais pu supporter qu’quelqu’un d’autre soit important pour Blue, quand elle allait voir ailleurs et qu’c’était juste pas possible pour lui. Instinctivement, j’me rapproche d’Ache, comme si sa chaleur et sa lumière pouvaient déteindre un peu sur moi.
P’t’être bien aussi pour ça que j’lui d’mande de m’parler d’sa famille. Pour voir c’que ça fait, quand vos parents veulent de vous, au moins un peu, bien qu’la réalité soit plus compliquée qu’ça. J’me tourne légèrement, juste pour pouvoir Ache quand il me parle et sa réponse n’manque pas d’me faire rire doucement :
« J’suis pas sûr que ta mère serait ravi que tu sois en couple avec un quarantenaire… »
Première fois qu’on évoque cette question d’âge, qui m’semble pourtant importante maintenant. Quand on était qu’un plan cul, c’était tout d’suite plus simple, mais maintenant qu’je sais qu’Ache veut m’garder dans sa vie, j’en suis à m’demander si sa famille m’acceptera. Jo. Je place le nom dans mon esprit. Est-c’qu’elle s’ra heureuse pour Ache, ou bien est-c’qu’elle m’attirera dans la cuisine pour m’dire qu’si j’l’aime vraiment, j’partirais. Est-c’que j’arriverais à partir, si elle me l’demandait ? Si elle m’disait qu’j’suis nocif pour son fils ? J’voudrais croire que j’serais capable de tout affronter, mais au fond d’moi, j’sais que not’ relation est encore fragile, que j’ai peur de l’blesser. Ma main s’attarde dans les cheveux du chanteur et j’examine la couleur noir qui fond sur ceux-ci :
« T’aimes pas le blond ? »
Une partie d’moi s’dit qu’Ache ressemblerait encore plus à un ange avec des ch’veux blonds, et j’suis pas sûr d’pouvoir faire le poids. Sans un mot j’écoute Ache me raconter sa mère, dressant dans mon esprit un portrait un peu bancal et sûrement un peu idéalisé. Les adjectifs se pressent dans ma tête et s’accrochent à sa silhouette comme autant d’fils d’araignée. Attentionnée, drôle, intelligente, passionnée… Dans une autre vie, probablement qu’on se s’rait bien entendus, elle et moi. J’porte mon verre à mes lèvres, laissant mon imagination vagabonder au fil des descriptions. J’adresse un sourire à Ache :
« C’est donc d’elle que tu tiens ton côté prof… J’t’ai déjà dit qu’c’est incroyablement sexy ? »
J’le dis autant pour l’embêter que parce que j’le pense. J’ai toujours eu un problème avec les profs. Probablement l’même qui m’a fait douter d’l’autorité quand j’étais dans l’armée. Ache m’embrasse et un élan d’tendresse me submerge quand je réponds, doucement :
« Merci de m’avoir parlé d’elle. Elle a l’air d’une personne incroyable. Mais ça n’m’étonne pas quand j’vois son fils. »
Inévitablement, la question m’est r’tournée et j’m’enfonce un peu plus dans l’canapé, levant la tête vers le plafond quand j’réfléchis à c’que j’pourrais bien lui raconter.
« Mes parents eh ben… »
Eh bien quoi ? Vas y, dis-le, d’quoi t’as peur ? Que ça soit plus réel si tu l’dis ? Est-c’qu’on a pas dépassé ce stade d’puis longtemps ? Machinalement, je retire ma main d’la nuque d’Ache et je sens que j’me fais plus petit. Comme s’ils pouvaient encore m’atteindre jusqu’ici. Comme si leurs mots pouvaient encore tailler dans la chair. Je presse un instant l’arête de mon nez avant d’expliquer :
« Mes parents m’ont jamais aimé. Y s’sont mariés parce que ma daronne était enceinte et lui m’l’a jamais vraiment pardonné. »
J’dépose mon verre vide et vient caresser Rackham, d’une tendresse mélancolique qui n’me suit que quand j’ai bu.
« Z’ont divorcé quand j’avais dix ans. Mon père a jamais voulu m’revoir d’son vivant. Ça, il a payé c’est clair, mais il a r’fait sa vie sans jamais essayer d’me contacter. »
Pourtant, il a bien dû parler d’moi quand sa nouvelle femme me connaissait. Mes doigts s’entremêlent sans mal aux poils sombres de Rackham et j’continue, parce que j’dois bien la vérité à Ache :
« Ma daronne aime l’alcool plus que tout. Les seuls moments où on s’est compris, c’est quand on était bourrés tous les deux. »
Ma gorge s’noue et j’m’arrête quand j’ai l’souffle coupé, l’espace d’une seconde quand l’angoisse me submerge. Ressaisis-toi Red, elle est pas là. Elle s’ra jamais là. C’est sans doute là l’pire.
« J’pense pas que tu la rencontreras. Elle a un nouveau mec et j’crois pas que j’sois dans ses plans... »
J’garde les yeux baissés quand j’réalise que j’ai si peu à offrir à Ache. J’suis un déchet. J’ai toujours été un déchet. C’lui dont on voulait pas. J’m’éclaircis la gorge avant d’expliquer, plus légèrement :
« Mais Blue a hâte de t’rencontrer, et il est comme mon frère ! »
Achilles Hightower
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Sujet: Re: espoir blues || Achilles Dim 26 Nov 2023 - 22:56
espoir blues
feat. Red
Je pourrais parler de ma famille pendant des heures. Sans doute mon sujet préféré après la musique. J’étais tellement fier de mon frère et de mes sœurs, fier de ce qu’ils devenaient, de les voir grandir. Par moment, je regrettais d’avoir autant été un connard envers les jumeaux dans leur jeunesse. Mais je sais qu’ils ne m’en tenaient pas rigueur aujourd’hui. Ils étaient des enfants et j’étais un ado stupide qui se noyait dans son spleen. Si j’avais eu l’intelligence de m’ouvrir un peu, peut-être que cette période aurait été plus agréable à vivre pour tout le monde. Mais j’étais tellement persuadé que personne ne pourrait jamais comprendre mon mal-être et qu’il n’y avait que la musique pour me garder la tête hors de l’eau.
C’était peut-être encore un peu vrai aujourd’hui. A chaque drame, au moindre inconvénient qui ne pouvait se régler par un cassage de gueule en règle, j’allais me plonger dans la musique. Dans le travail maintenant. Vraiment, je pouvais passer des heures à bosser sur un morceau sans voir le temps défiler, sans penser à autre chose. C’était la solution facile pour ne pas avoir à réfléchir, à ressasser sans cesse. Ou essayer, parce que la technique n’était pas infaillible. Après le décès de Heath j’avais été complètement incapable de faire quoique ce soit et ça m’avait pris des mois, même des années avant de réussir à composer à nouveau. Ou tout du moins à composer quelque chose qui me semble assez bien pour que je le présente aux Scarlett.
Puis il y avait eu Red. Suite à cette affaire avec Maze, je n’étais pas dans une totale incapacité de travailler. Je veux dire, j’arrivais à quitter mon lit, à mener ma journée et même à me plonger dans ma musique. Mais il y avait toujours un moment où mes pensées finissaient par dériver par trouver quelque chose qui me rappelait Red. C’était presque devenu systématique et plus le temps passait, plus n’importe quoi me ramenaient à lui. Le soir de l’anniversaire de Heath avait été la goutte de trop, vous savez un cumule d’état. Bref, je digresse vachement non ? Pour dire que je n’étais pas un expert de la communication et j’en avais fait les frais. La musique ne pouvait définitivement pas tout régler et pour Red, bordel, je ferais n’importe quoi.
Après ce soir, ça va. Il n’y avait pas de malentendu, pas de colère, juste une soirée calme, lui et moi. Parler de ma famille était loin d’être un problème. Au contraire, j’avais envie de partager ça avec Red. Il était peut-être tôt dans notre relation pour que je le ramène chez ma mère, mais… en vrai, on s’en fout un peu du temps, non ? J’en sais rien, ce n’était pas comme si on en avait vraiment déjà discuté avant. Pour preuve, on avait même jamais évoqué notre différence d’âge. Je haussai les épaules avant de répondre :
- Pourquoi ça poserai problème ? On est deux adultes consentants, l’âge, on s’en fout non ? Ma mère a franchement rien à dire sur le sujet. Mon père devait bien avoir vingt piges de plus qu’elle.
Bon, c’était pas le type de l’année non plus. Il aurait sans doute été préférable pour ma mère qu’elle ne s’approche jamais de lui, puis elle était jeune, influençable. Ce n’était pas vraiment comparable à ma relation avec Red. J’étais tout de même intrigué, est-ce que cette histoire d’âge l’embêtait vraiment ? De mon côté j’en avais rien à foutre, genre, vraiment. Sûrement un des trucs que j’ai appris de ma mère que de vivre dans l’instant présent. Puis ce n’était pas vraiment comme si j’avais choisi Red ? Enfin si, mais j’avais pas forcément calculé en couchant avec lui la première fois qu’on finirait ensemble dans mon canapé dans les bras l’un de l’autre à se faire des confidences.
- Pas sûr moi. Enfin, c’est plus une question d’habitude maintenant. Ça m'est déjà arrivé de décolorer mes cheveux, mais jamais très longtemps. Paradoxalement, j’ai l’impression que c’est pas naturel quand je suis blond. C’est pas moi quoi… enfin plus…
J’étais au collège la première fois que je m’étais teint les cheveux. C’est ma mère qui me l’avait fait d’ailleurs. Et je sais pas, c’était resté, peut-être parce que pendant longtemps, c’était un peu comme une protection de pouvoir me cacher derrière mes longs cheveux noirs. Putain, ouais, j’avais eu les cheveux longs… J’espérais que Red ne verrait jamais ces photos, mais j’ai bien peur que Jim ne se fasse bien trop plaisir à lui en envoyer. Chaque chose en son temps hein. Après, est-ce que j’étais vraiment encore à ça près ? Red m’avait déjà vu en lutin, il m’avait vu pleurer toutes les larmes de mon corps, ce n’était pas vraiment pire qu’une coupe bien émo. Et à cette époque j’avais l’excuse d’être ado puis c’était un autre temps aussi, d’autres modes.
Si j’avais été en train de boire, je me serais sûrement étouffé avec mon vin à la réaction de Red. Au lieu de quoi, je lui jetais un regard dépité avant de lever les yeux. Il n’en ratait vraiment pas une. D’autant qu’il ne m’avait jamais vu donner un cours, comment pouvait-il déterminer si j’étais sexy quand j’enseignais ? Ou alors il m’avait vraiment imaginer dans des scénarios…. Ouais je sais pas si j’avais envie de savoir :
- Putain, mais what’s the fuck, Red? Compte pas sûr moi pour te donner un cours, je sais que tu serais un élève terrible, bien trop dissiper et… Putain, attend, tu fantasmes sur le prof ? C’est mort, jamais tu rencontres ma mère alors. Hors de question que t’essayes de te la taper.
Il y avait vraiment peu de chances, même aucune pour que ça arrive. Même si Red se retrouvait intéressé par ma mère et qu’il était un bon dragueur, elle ne cèderait pas. Elle aimait bien trop son mari pour ça. Putain, Red avait autant d’écart d’âge avec ma mère que moi avec lui. C’est chaud comme constat. Bordel, mais pourquoi on en avait parlé de ça aussi ? J’allais y penser toute la nuit maintenant ! Quoique, non, c’est peu probable, Red avait un certain talent pour me changer rapidement les idées. Cet homme était définitivement surprenant. Il y a cinq minute, il me faisait une réflexion beauf et là, j’avais le droit à un compliment si sincère que je savais pas quoi lui répondre. Par habitude, je grognais un :
- Mhh.. J’suis clairement pas sa plus belle réussite.
Il fallait voir le reste de la fratrie. J’étais le grand-frère fucked up. Clairement pas l’espoir de la famille et j’étais rien comparé à ma mère, ce qu’elle avait traversé pour que je grandisse bien… C’était la moindre des choses que j’essaye d’être un bon fils, mais j’étais loin d’être le meilleur.
L’attitude de Red changea totalement quand je l’interrogeais sur ses parents. Je m’attendais presque à ce qu’il élude la question. Il prit un instant pour réfléchir, enlevant sa main de ma nuque. J’essayais de ne pas paraître perplexe. Je sens que je n’allais pas aimer ce qu’il allait me raconter. Si sa position avait changé, je gardais mon bras autour de lui. Hors de question que je le lâche. Peut-être que je devrais lui laisser de l’espace, mais je crois que j’avais peur qu’il s’enfuit. Je n’aurais pas dû lui retourner la question. Et en même temps, je voulais tellement savoir, ne pas être le seul à monopoliser la conversation.
Je restais silencieux, attentif, sans l’interrompre. Je sentais Red se tendre pendant qu’il parlait. Ça me fendait le cœur de le voir comme ça. Même pendant notre dispute quelques semaines plus tôt, il ne m’avait pas paru si vulnérable. Lui qui était si confiant d’habitude. Sans m’en rendre compte, mes doigts autour de sa taille avaient commencé à le serrer plus fort. Ma mâchoire se serrait au fur et à mesure. La colère était un sentiment qui m’était trop familier pour que je ne la reconnaisse pas dès qu’elle commençait à monter. Quand je m’en rendis compte, je forçais mes doigts à se desserrer histoire de ne pas faire mal à Red, ce n’était pas le but.
- Pardon.
Ce n’était pas pour ses parents que je m’excusai, mais bien pour lui avoir enfoncé mes doigts dans la chair pendant quelques instants.
- Ces raclûres putain…
Je n’avais pas grand chose à dire de plus. Ca me faisait chier que Red ai dû subir ce genre de personnes alors que clairement, il avait pas demandé à naître, c’était qu’un gosse. Je n’allais pas me plaindre qu’il soit en vie aujourd’hui, mais il méritait d’avoir des parents qui l’aiment et qui se soucient un minimum de lui. C’était sans doute mieux, en effet, que je ne rencontre jamais la mère de Red. Je risquerais d’être violent bien trop rapidement. Mais en attendant, je fis le choix d’évacuer ma colère en changeant de position. Je me redressais pour passer une jambe par-dessus Red, assis à califourchon sur lui, mes bras autour de lui. Je vins lui embrasser la mâchoire, la joue, le front, littéralement tout le visage en lui murmurant, ou plutôt en râlant des “je t’aime”, “je t’aime tellement, putain” entre chaque baiser pour finir sur ses lèvres.
C’était sans doute la déclaration d’amour la moins douce de l’histoire, mais rien à foutre. Comme j’en avais rien à foutre de lui dire que je l’aimais alors qu’on était ensemble officiellement depuis quelques semaines, je crois ? Parce que c’est ce que je ressentais, et je n’allais pas attendre des mois avant de lui dire pour des questions de conventions à la con. Je donnais volontiers à Red tout l’amour dont je disposais. De toute façon, je l’avais prévenu que je ne ferais pas les choses à moitié. Et de savoir que ses parents avaient été incapable de l’aimer ? Putain, j’avais tellement envie de l’aimer encore plus pour leur foutre la haine et leur faire regretter de pas avoir aimé leur fils alors… Que merde, cet homme est tellement meilleur qu’eux. Il était hors de question que je laisse qui que ce soit mettre Red dans un tel état à nouveau. Il méritait bien mieux.
Je fini par me calmer. Il est vrai que, Red n’était pas totalement sans famille. Il avait Blue. C’était le seul proche dont j’avais déjà entendu parlé avant. Sans doute parce qu’il s’agissait aussi de son collègue, mais je me doutais qu’il était quelqu’un d’important pour Red. Avec un sourire je répondis :
- J’ai hâte de le rencontrer aussi. Quoique, il risque de me faire passer un interrogatoire, non ? Putain, j’ai pas envie d’échouer…
Il manquerait plus qu’à ce que je perde Red pour une histoire à la con avec son meilleur ami. D’ailleurs, ils étaient proches à quel point ? Pendant une seconde, j’eu un relent de jalousie. Ce n’était pas le premier à vrai dire. Sans doute parce que j’aimerai connaître Red comme Blue le connaît. Avoir cette complicité… Ce n’était qu’une question de temps, j’imagine. Et, non, je savais qu’il ne fallait pas que je cède à la jalousie envers Blue. Mais et si Red avait des sentiments pour lui qui dépassaient la fraternité ? J’étais presque sûr que si c’était le cas et si Blue en faisait quelque chose, Red n’hésiterai pas un instant à m’abandonner pour lui. Mais en même temps, est-ce que ce ne serait pas déjà arrivé s’ils s’aimaient de la sorte ? Putain, il fallait vraiment que j’arrête d’y penser.
- Tu l’as rencontré comment Blue ?
Après m’avoir écouté parler de ma mère, Red pouvait bien me parler de Blue, non ? Je vous jure, ce n’était pas par jalousie. Putain, j’avais pas envie d’être ce genre de mec. Mais j’avais bien envie d’entendre Red me rassurer à ce sujet aussi. C’est chiant d’être comme ça, je vous jure. Pourtant j’avais vraiment hâte de rencontrer Blue et faire en sorte de bien m’entendre avec lui. Parce que s’il était la seule famille de Red, alors je voulais faire en sorte que ça fonctionne. Rentrer dans leur cercle, considérer Blue comme un beau-frère ou j’en sais rien. Être ami avec lui parce qu’il était l’ami de Red et qu’on partageait cet amour pour lui. Bref. Encore un bordel sans nom plein de sentiments profondément différents les uns des autres.
C’est assez effrayant de se dire qu’les gens qui sont sensés nous aimer et nous protéger, sans conditions, peuvent être ceux qui vous foutent dans l’fossé. N’ai jamais su c’que ça faisait d’être aimé sans barrières ni limites. J’n’ai pu compter que sur moi dès le plus jeune et si ma mère a toujours veillé à c’que je n’manque physiquement de rien, ni nourriture ni vêtements ni toit n’ont su combler les lacunes d’mon éducation. Sans doute qu’elle dirait qu’j’suis ingrat, et elle n’aurait pas tout à fait tort. J’suis pas à plaindre, j’ai jamais été battu, m’suis jamais retrouvé à voler pour survivre, j’ai toujours eu un endroit où crécher. Mais c’était justement ça. Juste un endroit où crécher, pas chez moi. Bien qu’mon appartement à Boston pour répondre à cette description pendant des années. Aujourd’hui pourtant, contre Ache, j’me sens plus chez moi que j’l’ai jamais été. J’ai enfin l’impression qu’il n’me manque rien, et l’sentiment est aussi grisant qu’il est effrayant. Car soudain’ment, j’ai quelque chose à perdre. Ça m’faisait rien avant, d’être seul, tant qu’j’avais Blue, j’étais persuadé qu’personne ne m’ferait reconsidérer c’que j’avais appris jusque là. Les films d’amour et les histoires de Blue, juste ça, des histoires. L’amour, que’que chose qu’on s’raconte quand on s’attache et qu’on d’vient dépendant l’un de l’autre. Ça semblait être beaucoup trop problématique et j’ai jamais été du genre à m’prendre la tête. M’suis jamais dit qu’j’allais ram’ner quelqu’un à ma mère pour qu’elle nous donne sa bénédiction. En ai jamais eu besoin. Alors pourquoi maint’nant j’voudrais pouvoir lui présenter Ache ? Merde, j’ai jamais eu b’soin d’son approbation, et même si elle avait des choses à r’dire sur le chanteur, pour sûr que j’lui rirais au nez… P’t’être bien Ache pourtant qui m’fait r’mettre en question c’que j’pensais normal. Ou en tout cas, normal pour moi. Comme ma situation familiale.
Alors quand Ache m’parle de sa mère, j’peux pas m’empêcher d’me d’mander si elle m’acceptera. Si elle me trouv’ra assez bien pour son fils, quand moi j’ai l’impression qu’il mérite bien mieux qu’moi. Elle va forcément voir à travers moi, pas vrai ? C’est un truc de mère ça, d’savoir lire dans les âmes, non ? Pour tous ses défauts, la mienne a toujours su c’que j’pensais. À croire qu’elle avait une caméra dans mon cerveau pour deviner c’qui s’y passait avant qu’j’y pense moi-même. Elle en avait rien à foutre, clairement, mais ça l’empêchait pas d’savoir.
« Vingt piges putain… déjà là j’ai l’impression d’être un vieux con face à toi, j’imagine même pas si j’avais la cinquantaine… »
Si j’avais la cinquantaine, j’n’aurais juste pas couché avec Ache et encore moins accepté d’sortir avec lui. C’est déjà compliqué d’faire l’tri dans mes sentiments quand on a qu’une dizaine d’années d’écart, et même si Ache n’a pas l’air de voir le problème avec nos âges respectifs, j’pourrais pas en vouloir à sa mère si elle m’prend pour une vieux dégueu. Comment on appelle les vieux qui s’tapent des p’tits jeunes ? N’empêche qu’ça manque pas d’me faire me poser des questions sur l’père d’Ache. Ça a l’air d’être un sacré guignol pour aller draguer une nana de vingt ans d’moins qu’lui, surtout qu’vu l’âge de la sœur d’Ache, sa mère d’vait pas être bien vieille quand elle est tombée enceinte de lui.
Mon regard n’quitte pas Ache quand mes doigts caressent ses ch’veux noirs. J’me d’mande à quoi il ressemble en blond. Pour sûr qu’j’aimerais bien voir ça.
« Si tu les décolores, tu m’appelles. »
J’suis curieux. P’t’être bien aussi qu’j’ai envie d’connaître toutes les facettes de mon mec. Mon mec… C’est vraiment étrange de dire ça, j’suis pas encore habitué. J’dépose un baiser sur sa joue :
« Même si t’es vraiment canon avec les cheveux noirs. »
Bien pour ça qu’j’l’ai abordé la première fois. J’suis p’t’être un chien (enfin, j’étais?) mais j’suis plutôt regardant sur qui j’drague. Disons qu’j’ai des standards, même bourré. P’t’être que j’devrais d’mander à Jim s’il a des photos de l’époque. D’mon côté j’me rappelle pas avoir de périodes où mon apparence a drastiquement changé… P’t’être quand j’ai dû raser mes cheveux pour l’armée, et encore… Ai jamais teint mes cheveux, pourtant la provocation était juste là pour faire chier ma mère. Elle a toujours t’nu aux apparences. Ceci étant dit, j’aurais eu des problèmes avec mes supérieurs si j’étais sorti d’la normale. L’autorité, toussa toussa. Mon esprit vagabonde vers les cours d’Ache et j’peux pas m’empêcher de rire en voyant sa réaction. C’est si facile de susciter l’offuscation chez lui. Instinctivement j’me rapproche de lui, ronronnant :
« Y a qu’un seul prof qui m’intéresse, t’as même pas besoin de t’en faire. »
J’ai envie de l’embêter. C’est terrible, j’peux vraiment pas m’en empêcher, à croire qu’il réveille mon envie d’jouer sans même le vouloir. Je bois une gorgée de mon vin avant de reprendre, sans cacher mon amusement :
« Tu refuses de me faire un cours alors ? P’t’être que c’est moi qui d’vrais t’en donner un ?»
C’est trop facile, Ache a l’imagination beaucoup trop florissante pour que l’image n’naisse pas dans son esprit. J’sais que si on restait sur la question ça l’travaillerait et bien que la pensée n’soit pas désagréable, notre conversation est trop importante pour que j’la laisse passer. Quand on f’sait que coucher ensemble, j’me posais d’jà des questions, et maintenant que j’peux avoir les réponses, j’n’ai pas envie d’m’en priver. Avec tendresse, je caresse la nuque d’Ache avant qu’il ne marmonne pour m’contredire.
« J’crois pas qu’ta mère s’rait d’accord. »
Si sa mère est seulement 50 % aussi bien qu’il le dit, j’suis sûr qu’elle est affreusement fier d’son fils. Comment n’pas l’être ? Moi en tout cas j’le suis d’être son mec. J’ai un pincement au coeur quand j’me dis qu’l’inverse n’est probablement pas l’cas. Comment ça pourrait ? Même ma daronne a jamais été fier de moi. Alors quand Ache évoque mes parents, j’sens que j’me recroqueville un peu dans mon coin et j’peux pas m’empêcher d’mettre un peu d’distance entre nous quand j’essaie vainement d’me protéger. J’sais qu’Ache n’pense pas à mal, qu’c’est une question normal à poser à son partenaire. J’lui ai bien d’mandé moi. Les mots m’échappent et j’m’aperçois que trop tard que j’en dis probablement trop. C’est tout juste si j’remarque qu’les doigts d’Ache s’sont resserrés sur moi. Alors quand il prend mon parti, un p’tit sourire triste s’inscrit sur mes lèvres et j’réponds, doucement :
« T’inquiète. J’ai fait mon deuil. Mon père est mort y a quelques années. Et ça doit faire au moins autant qu’j’ai pas vu ma daronne. »
Est-c’qu’elle me manque ? Oui et non.
C’est compliqué.
Au fond d’moi, j’sais bien qu’j’lui dois rien, qu’elle m’a jamais aimé. Mais ça reste ma mère. Même si j’ai échoué, j’ai toujours essayé, un peu, d’faire en sorte qu’elle soit fière d’moi. J’sais qu’c’est raté quand j’me vois dans l’miroir et qu’le r’flet d’un alcoolo s’trouve en face de moi. Qui s’rait fier d’ça, franchement ? J’sens que je spirale, mon regard est bloqué sur la fourrure noire de Rackham quand j’n’arrive pas à faire face à Ache. C’est trop difficile. Avant que j’comprenne c’qui s’passe, Ache s’retrouve à califourchon sur moi. J’ai tout juste l’temps d’relever un regard surpris vers lui quand ses lèvres viennent se poser sur moi, encore et encore. Mes doigts viennent s’inscrire sur sa taille, quand je n’peux m’empêcher de rire doucement sous ses baisers. Et si j’ai les joues légèrement rougies quand il vient m’embrasser, qu’il en soit ainsi. Mes bras s’referment autour de lui et j’murmure contre ses lèvres :
« Moi aussi je t’aime Ache. »
Et quand j’le dis, je sais qu’c’est vrai. Avant Ache, j’avais jamais dit ça à personne. Qui aurait cru que ces quelques mots seraient si facile à prononcer. Qu’ils sonneraient si vrai ? Je resserre légèrement ma prise sur lui, croisant son regard, finalement. Le r’flet qu’je vois dans ses yeux est différent de celui qu’je vois dans l’miroir. Il y a d’l’amour dans celui-là. Peut-être qu’avec lui à mes côtés, j’arriverai à vivre, enfin. Mon sourire ne fait que s’agrandir quand je lui parle de Blue. Parce qu’il s’agit des deux personnes que j’aime le plus, et que je n’ai aucun doute sur le fait qu’ils vont s’entendre. Je ne peux pas m’empêcher de rire à la question d’Ache :
« Si tu pensais que j’étais curieux, t’as encore rien vu… Il va vouloir tout savoir sur toi. »
Blue est comme ça. Il a besoin d’tout contrôler. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Quand je l’ai rencontré, c’était l’gars avec le moins d’problèmes qu’j’ai pu rencontrer.
« Mais j’sais qu’il va t’adorer. »
J’vois même pas comment l’inverse s’rait possible. Blue me tanne d’puis des années pour que j’me pose et arrête de faire d’la merde. Ache sera la première personne que j’lui présenterai. À cette idée, j’ai un frisson d’appréhension. Pas que j’ai peur de leur rencontre mais… ça rend la chose très officielle de présenter mon mec à mon coéquipier. Y aura plus de marche arrière possible après ça. La question d’Ache me rappelle à la réalité et j’redescends sur Terre :
« On était dans la même squad pendant l’armée. »
J’m’aperçois qu’j’ai jamais parlé de l’armée à Ache. J’parle pas d’l’armée tout court, faut dire. La psy qu’on m’a forcé à voir a pourtant bien essayé. Mais avec Ache, je sais que j’peux tout dire. J’ai envie d’croire qu’il me quittera pas d’sitôt et j’ai envie qu’il me connaisse, et le connaître en retour. Je replace une de ses mèches noires derrière son oreille avant d’continuer :
« J’t’ai jamais dit que j’étais dans l’armée avant d’devenir détective, pas vrai ? C’était pas vraiment l’éclate, j’ai dû faire des trucs dont j’suis pas très fier… Mais avec Blue on s’soutenait dans notre galère. Il a toujours été très posé, du genre à réfléchir avant d’parler… ça m’rend dingue des fois, on peut pas dire qu’il soit très spontané comme gars. Mais au moins tu sais qu’si t’es dans la merde, Blue va t’trouver un plan pour t’en sortir. »
Je fronce les sourcils avant d’râler :
« Dit comme ça, on pourrait croire qu’Blue passait son temps à m’sortir de mes galères, mais la vérité c’est qu’ça dépendait des jours… Quand t’es sur le terrain, c’est hyper important d’pouvoir réagir au quart de tour sans trop prendre le temps de réfléchir. »
J’secoue la tête. Ouais, y a eu plusieurs fois où j’ai sauvé la mise à Blue. J’crois qu’on peut dire sans s’tromper, qu’c’est plutôt équilibré d’ce côté là. J’aurais jamais survécu sans Blue, et Blue aurait jamais survécu sans moi. Les choses sont un peu moins justes depuis qu’on est sortis de l’armée, et un brin nostalgique, je m’entends expliquer :
« Sans l’armée, j’suis presque sûr qu’on s’rait jamais devenus amis, lui et moi. »
Mon regard se repose sur Ache et j’me demande si j’ai répondu à sa question. Si c’était c’qu’il voulait savoir.
« Blue s’ra toujours mon frère… On a vécu trop d’trucs ensemble pour que c’genre de lien disparaisse… »
Mais c’est quand même toi qu’je préfère. Ces mots restent sur ma langue. J’ai pas envie d’faire peur à Ache en m’montrant trop démonstratif alors à la place, je viens nicher mon visage dans le creux de son cou, resserrant légèrement mon étreinte :
« C’est ton tour. Dis moi un truc que j’ignore sur toi. »
Achilles Hightower
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Sujet: Re: espoir blues || Achilles Dim 3 Déc 2023 - 23:19
espoir blues
feat. Red
Le temps qui passe est effrayant. Plus exactement, plus on vieillit, plus on voit notre compteur augmenter, plus on flippe. Pourtant quand on est gosse, on a hâte de grandir, on s’extasie à l’idée d’être grand, on s’imagine qu’être adulte c’est être libre. Libéré de l’école, de ses parents et de toute autorité. Mais c’est faux. En général, c’est à l’adolescence qu’on commence à comprendre la douille. Qu’on sera jamais vraiment libre. Que si c’est pas l’école, ce sera le travail ou l’argent général. Si c’est pas les parents, ce sera un patron ou juste la pression de la société. Faut avoir le coeur et l’esprit bien accorché pour vivre et vieillir sans préoccupations. Est-ce que j’avais peur de vieillir ? Oui et non. Ce n’était pas au coeur de mes préoccupations on va dire. Je crois que je m’en inquiéterai pas trop. Pas tant que je pourrais plus chanter sur scène pendant plus qu’une heure sans flanché. Pas tant que l’arthrose m’empêche d’appuyer sur les touches de mon piano.
Cependant, je pouvais comprendre que cette histoire d’âge préoccupait Red. Ca n’avait pas trop d’importance tant qu’on faisait que coucher ensemble. Mais maintenant qu’on envisageait d’aller plus loin, de se lancer sérieux dans un truc sur le long terme… Je pense qu’on avait encore quelques décénnies avant de se soucier du nombre d’années qui nous séparaient. Honnêtement, je préférai ne pas y penser, tout simplement. Je m’amusai de la réponse de Red :
- Hm, qu’est-ce que ça change de toute façon. Si t’avais vingt ans de moins que moi, tu serais juste un jeune con. Putain,.... Peut-être pas vingt ans de moins en fait, c’est chaud. Mais si t’en avais dix de moins…
La prochain fois, il serait peut-être plus intelligent de faire le calcul avant de parler, Ache. J’essayais de me rattraper, mais c’était trop tard, là. Puis vous savez dans le genre : “A touché le fond mais creuse toujours” :
- Ouais enfin t’as compris l’idée quoi, que tu sois vieux ou jeune, tu restes un con quoi.
On est pas censé dire ça aux gens qu’on aime. Après, c’est pas totalement faux. Il fallait être sacrément con pour s’enticher d’un type comme moi. Dans le domaine de la connerie, j’étais loin d’être mieux que lui.
- Putain, enfin… Je suis pas mieux, mais… Bordel, je m’enfonce, je vais arrêter de parler…
Il valait mieux pour tout le monde qu’on change de sujet. Ce serait plus sage. Là je savais plus quoi dire et, il y avait de quoi dire que j’étais con. En tout cas, je me sentais incroyablement con et stupide. Si Red décidait de choisir cet instant pour fuir, je le retiendrais pas. Ce serait totalement légitime. Quelque part, heureusement pour moi, il en fallait plus pour effrayer le détective. Quelque part, il avait sûrement déjà vu le pire de moi ou presque. Après il pourrait s’agir de la goutte d’eau… tu vois ce genre de truc à la con. Etonnamment, j’avais pas vraiment peur qu’il se casse, j’avais assez confiance en lui. J’avais même bien trop confiance en lui. En même temps, depuis la nuit où j’avais débarqué chez lui, il ne m’avait pas donné de raisons de douter.
Red était si attentif, si patient. Ca forçait le respect. Est-ce qu’il était toujours comme ça ? Ou est-ce que ce que je lui racontais l’intéressais réellement ? Sûrement. Il ne m’aurait pas demandé de parler sinon. Et moi qui pensait qu’à l’époque où on couchait ensemble que si j’alignais plus de quelques phrases, il allait se barrer. Maintenant, je lui faisais des monologues bien niais sur ma mère et il continuait de me caresser les cheveux, ses yeux bleus rivés sur moi comme un élève attentif. Un élève bien trop beau aussi, on va pas se le cacher. Heureusement que je ne devais pas donner des cours à Red, je risquerai de ne pas être très professionnel.
- Hm, si tu veux.
Je ne voyais pas trop l’intérêt de me voir en blond, mais pourquoi pas. Si ça faisait plaisir à Red, je l’appelerai pour qu’il vienne voir ma tête. Il trouverait sans doute quelque chose de stupide à dire qui me ferait partir au quart de tour. Mais bon, ça pourrait jamais être pire que le costume de lutin. Et cette histoire c’était pas trop mal finie donc, je n’avais rien à craindre, je pense. Pour preuve, le baiser de Red me fit sourire. Si en décembre dernier j’avais des raisons de me méfier, je savais à présent que Red ne me voulait aucun mal, que s’il se moquait ou me faisait des réflexions, c’était simplement pour m’embêter. Il n’y avait pas de réelle mauvaise intention de me faire du mal derrière. Donc certes, je continuais de m’énerver rapidement, parce que… J’ai le sang chaud, j’y peux pas grand chose. Mais il ne me viendrait pas à l’idée de me barrer ou de lui en coller une.
Pour preuve, j’étais toujours là et j’avais beau râler qu’il trouve les prof sexy, je n’étais pas mécontent de le sentir se blottir contre moi et assurer qu’il n’y avait qu’un seul prof qui l’intéressait. Il n’avait pas précisé lequel, mais je pense qu’il n’y avait pas trop de doute possible. Je retins tout de même le sourire niais qui voulait se pointer sur mon visage. Et Red me simplifiait la tâche en continuant sur sa lancée. Cette fois, c’est un air perplexe et intrigué que j’affichai :
- Ah ouais ? Et quel genre de cours tu voudrais me donner ? Tu trouves que j’ai des lacunes quelque part ?
Bon ok, c’était peut-être plus de la provocation qu’autre chose. Désolé, j’étais incapable de ne pas rentrer dans son jeu. Red arrivait toujours à me surprendre. Je ne doutais pas que sa prochaine réponse ait quelque chose de salace mais en même temps, est-ce que je ne serais pas un peu déçu du contraire ? Je sais pas à vrai dire. Il était plutôt clair que nous ne restions pas ensemble uniquement pour le sexe. Les jeux de provocations restaient tout de même un pilier de notre relation je pense. Un parmi tant d’autres maintenant. Je crois que la communication en faisait partie, même si on avait encore du travail à faire dessus. La tendresse en était un, clairement, j’aurais du mal à me passer de ces instants de calme contre Red et de ses caresses. Putain, je devenais ce genre de personne que je détestais dans les couples en général, bien trop accro à leur partenaire, qui pouvait pas s’empêcher d’avoir un contact physique quand ils étaient dans la même pièce.
Je me contentai de grogner pour répondre au détective. Évidemment que ma mère ne serait pas d’accord. Aux yeux de ma mère, j’étais le gosse parfait. Alors que putain, je lui en avais fait baver pendant l’adolescence. J’en avais fait baver à tout le monde je pense. J’essayais de me rattraper maintenant, mais ce n’était pas gagné d’avance. J’avais tendance à faire passer mon travail avant tout le reste ou tout du moins à oublier le reste du monde quand j’étais lancé. Parfois cela ne durait que quelque chose, mais ça pouvait aussi bien durer des mois où je ne répondais même pas aux appels. Aujourd’hui je faisais au mieux pour faire attention à ce genre de choses. Déjà, il y avait la balade du dimanche matin imposée avec la famille, ce qui permettait de se voir, de prendre des nouvelles et de passer du temps ensemble. Et puis, il y avait Red, on va pas se le cacher, il occupait une bonne partie de mes pensées, même quand je travaillais.
Putain, je tenais tellement à lui que j’arrivais à m’en vouloir que ses parents ne soient pas les meilleurs qui soient. Alors que concrètement, je ne pouvais rien y faire. D’autant que Red disait lui-même en avoir fait son deuil. Mais je sentais qu’il restait des séquelles que ce n’était pas si simple. A défaut de savoir quoi dire, je me laissais emporter par l’émotion en une sorte d’élan violent d’affection. Son rire ne fit que m’encourager à ne pas le lâcher. Rassuré qu’il ne se laisse pas aller à la déprime et retrouve sa confiance en lui. Je l’embrassais de plus belle après sa réponse à ma déclaration. A cet instant, je n’avais aucun doute qu’il disait vrai. Pourtant, j’étais un pro pour remettre la parole des autres en doute, y trouver des sous-entendus mesquins, me faire des idées sur ce qu’ils pensaient. Mais pas là. Pas dans un moment pareil. Red ne se serait pas confier s’il ne me faisait pas confiance et il ne m’aurait pas dit qu’il m’aimait aussi sincèrement, si ce n’était pas le cas.
Visiblement, c’était une bonne idée de parler de Blue. Red retrouva tout de suite son sourire et j’avais terriblement envie d’être jaloux. J’avais envie de savoir s’il parlait de moi à Blue en souriant aussi. Putain, il était tellement beau quand il souriait. Je restai silencieux, histoire de pas dire une connerie qui le couperai dans son élan. J’espérais aussi que Blue m’apprécie, mais si ce n’était pas le cas, je m’en foutais un peu, tant que j’avais l’amour de Red. Le reste du monde pouvait bien aller se faire voir. Je secouais la tête à sa question. Jamais je n’aurais imaginé Red dans l’armée. C’était un esprit libre, il était provocateur, comment aurait-il pu se conformer à un milieu si strict ? Mais c’est peut-être parce qu’il avait été trop longtemps cadré et forcé de rentrer dans le rang, qu’il faisait tout l’inverse aujourd’hui.
J’écoutais attentivement son histoire, assis sur ses genoux. Je crois que je m’étais imaginé Red avoir une vie assez banale, où après le lycée il aurait été à la fac, qu’il aurait rencontré Blue là-bas et ils auraient créé leur agence parce qu’on leur a dit que détective n’était pas un métier d’avenir, donc pour prouver à tout le monde qu’ils avaient tort… Mais en fait, j’avais peut-être juste transposer mon propre parcours en adaptant les domaines professionnels. Sans m’en rendre compte, j’étais en train de caresser le torse de Red pendant qu’il parlait, suivant les lignes de ses muscles alors que mon esprit essayait d’assimiler toutes ces nouvelles informations.
Ce parcours expliquait pas mal de choses sur Red et sur sa relation avec Blue. Ils partagaient un lien qui n’avait pas son pareil. Ils avaient survécu au pire ensemble et même moi je ne pourrais pas faire face à ça. Putain, quel audace j’avais eu de me comparer à Blue.
- Putain, je m’attendais pas à ça. Et dire que je considère Jim comme un frère depuis qu’il a passé une soirée à me tenir les cheveux pendant que je vomissais… C’est pas le même niveau.
On avait vécu beaucoup de choses avec les Scarlett, mais pas au point de pouvoir comparer ça avec l’armée et la réalité du terrain. Pendant quelques instants, je restai perdu dans mes pensées à fixer un point par-dessus l’épaule de Red sans vraiment voir ce que je regardais. Puis je revins à la réalité, assez brutalement, en espérant que j’étais pas resté silencieux trop longtemps. On est d’accord qu’il n’y avait pas grand chose que je puisse dire à toute cette histoire ? Pour le coup, j’en avais même oublié mon élan de jalousie.
- Merci de me raconter tout ça…
C’est moi qui l’avait demandé et je n’avais pas forcé à Red à le faire. C’était sûrement stupide de le remercier, mais j’étais vraiment reconnaissant qu’il accepte de s’ouvrir alors que clairement, cela devait le replonger dans des souvenirs compliqué. Bien que Red semble heureux de parler de son frère, il avait l’air plus sombre en évoquant l’armée. Quoiqu’il arrive, je ne pourrais jamais surpasser Blue. Je sais, j’ai dis que j’avais oublié ma jalousie, mais peut-être pas totalement, elle avait plus muté en un autre sentiment que j’avais encore du mal à comprendre. Puis comme Red venait de se rapprocher pour poser sa tête sur mon épaule, mon cerveau effaça tous ses doutes.
- Un truc que tu ignores ? C’est compliqué t’en sais déjà beaucoup hum…
Je parlais trop, c’est clair. Il faut dire je n’avais pas grand chose à cacher non plus. Puis ce que Red n’apprenait pas de moi, il le saurait sans aucun doute de Jim, d’un autre Scarlett ou d’un membre de ma famille quand il aura pris le temps de tous les connaître. Ne sachant pas trop quoi dire, je balançais la première chose qui me passait à l’esprit :
- J’ai commencé la musique en arrivant à Fall River. Ma mère m’avait prit des cours de piano, c’était plus un hasard qu’autre chose. Et j’adorais ça. Mais ce qui m’a poussé à monter sur scène et à chanter, c’est la comédie musicale.
Il allait tellement se foutre de ma gueule. Bon, il y avait de quoi en même temps.
- Du début du collège jusqu’à la fin du lycée, j’ai fait partie du club de comédie musicale. Et vraiment je les avais rejoint parce que j’étais obligé de rejoindre un club et c’était le seul en rapport avec la musique. Et j’avais le rôle principal quasiment tous les ans… Je crois que ma sœur, Astoria, a des vidéos de nos représentations.
Je savais que Red allait me dire qu’il voudrait voir ça. Il l’aurait très vite appris de toute façon. Comme il apprendrait très vite qu’il suffirait d’un paquet de bonbons pour convaincre Astoria de lui passer ces vidéos. Ma mère devait les avoir aussi, remarque. Putain, c’était tellement ridicule en plus, cette époque. Avec mes cheveux longs et noirs, mon maquillage bien trop extravagant, ma gueule d’ado blasé. Qui pourtant vit sa meilleure vie sur scène. Après Red savait pour Mason, pour les Scarlett, je n’avais pas grand chose à ajouter là-dessus.
- Hm, c’était pas incroyable comme information… Après, je vois pas trop, je peux te parler de Heath aussi, mais t’as peut-être pas envie d’entendre parler de mon ex…
Pourtant, j’avais envie de lui en parler. Pas pour lui foutre la haine ou quoique ce soit. Mais pour que Red sache ce qu’il s’était passé. Parce que je pense que ça expliquait aussi pas mal mon rapport à notre relation à présent. Quoique, elle était déjà bien différente de celle que j’avais eu avec Heath. Les deux étaient difficilement comparables, mais je ne pouvais nier que le bassiste m’avait marqué et je garderais à jamais des séquelles de cette relation.
- T’as eu d’autre relation avant ?
Evidemment quand je parlais de relation, je parlais de couple. Jusque là, je savais que Red avait beaucoup de coup d’un soir, mais je n’avais pas l’impression de lui connaître quoique ce soit de sérieux. J’étais curieux de savoir qui était passé avant. Puis sait-on jamais, il se traînait sûrement aussi des casseroles qui avaient laissé une marque.
Mon père n’était pas quelqu’un d’bien. J’l’ai peu connu et pourtant, j’sais bien qu’c’était qu’un chien, qui baisait tout c’qui bouge. Faut croire que j’tiens d’lui finalement. J’sais bien qu’ma mère et lui, ça a jamais été fait pour durer, et au fond j’lui en veux pas d’s’être tiré. Qu’est-c’qu’il aurait pu faire d’autre, alors qu’on v’nait d’le coincer avec un lardon et une connasse qu’il pensait jamais r’voir ? Nan, j’lui en veux pas vraiment d’être parti. D’avoir jamais voulu m’connaître, ça par contre un peu plus. J’sais qu’il regrettait sur la fin, après tout cet abruti m’a mis dans son testament et parlait d’moi à sa nouvelle famille. Mais ça n’empêche pas qu’il soit jamais r’venu me chercher, ou même juste passé me voir, passer un peu d’temps avec moi. C’est ma mère qui m’a élevé, du mieux qu’elle a pu, du haut d’son addiction au Xanax et à l’alcool. Ça a pas été très glorieux et y suffit d’regarder c’que j’suis d’venu pour s’apercevoir qu’l’éducation dans les années 80 sentait la mort. Faut dire aussi qu’ma mère passait plus de temps à boire du vin avec nos voisines qu’à m’aider à faire mes d’voirs. Ai jamais eu besoin d’elle dans c’domaine, j’ai jamais été trop con, et d’toute façon, j’m’attendais pas à c’qu’elle vienne me donner un coup d’main. Au fond, j’suis trop vieux pour encore porter rigueur à c’genre de choses. Ma daronne m’appelle pas, j’l’appelle pas. Mon vieux est décédé. On s’ra tous morts avant qu’y en ai un qui fasse l’premier pas pour réparer c’qui n’a jamais été. L’temps qui passe, c’est bien une des pires conneries qu’ce monde porte.
Preuve en est qu’quand Ache m’parle d’si j’avais vingt ou dix ans d’moins, un frisson glacial m’parcourt l’échine. Y a vingt ans, j’étais dans l’armée. On n’se serait jamais connu Ache et moi, quand bien même on aurait essayé. Nos ch’mins n’auraient pas été faits pour se croiser. D’la même manière que j’n’aurais jamais rencontré Blue en dehors de l’armée, j’n’aurais jamais rencontré Ache à l’époque où j’y étais. J’étais trop différent, trop bien dans les rangs, pas un pas de travers, pas un mot au d’ssus d’l’autre. Je fais la moue :
« Un con p’t’être mais je trainais pas beaucoup dans les bars y a vingt ans d’ça. J’suis même pas sûr qu’on aurait réussi à s’croiser. »
J’habitais à Boston après tout, sans intention d’m’évanouir ailleurs quand c’était tout c’que j’avais connu. Qu’est-c’que j’serais aller m’perdre dans une ville comme Fall River franchement ? Y avait bien que l’cas de Stacy pour m’y traîner et un sens j’devrais la remercier, parce que sans elle, Ache ne s’rait jamais entré en collision avec mon existence. Mais ouais, con j’l’ai toujours été et j’le serais probablement jusqu’à la fin d’mes jours. C’pas vraiment l’genre de trucs qui s’oublie. Comme le vélo. Heureusement la conversation dérive bientôt et j’écoute Ache me parle d’sa mère. Et moi d’me demander c’que ça fait, d’en avoir une vraie, une qui vous aime d’puis l’début, jusqu’à la fin. J’sais bien pourtant, qu’ça sert à rien d’l’imaginer quand c’est beaucoup trop tard pour r’faire le monde comme je le voudrais. J’examine les mèches noires d’Ache en me demandant à quoi il ressemblerait avec les cheveux blonds. J’avoue qu’j’ai du mal à m’faire une idée quand l’noir lui colle aux traits, aiguise son r’gard.
« T’as intérêt, j’compte sur toi. »
Hors de question que j’rate ça. J’sais même pas pourquoi ça m’tient tant à cœur, j’peux même pas dire que j’ai un truc pour les blonds quand on pourrait pas être plus loin d’la réalité. J’peux pas vraiment dire qu’j’ai des critères de c’genre là, tant qu’les gens sont beaux, ils ont toujours eu une chance d’finir dans mon lit. J’connais des mecs qui pouvaient pas s’faire une nana si elle avait pas la bonne lettre d’soutif. Faut dire aussi qu’ces mecs là s’prenaient pas pour d’la merde, toujours à rouler des mécaniques et à pas faire la bise à leur daronne, parce que c’est gay. Alors quand on commence à parler d’profs, j’avoue qu’la tentation est trop belle pour pas faire chier Ache. J’peux pas m’empêcher d’rire quand il me d’mande sur quoi j’voudrais lui faire cours. J’avoue qu’j’avais pas réfléchi à la question, et n’ai de toute façon pas l’intention d’le faire. J’serai un putain d’mauvais prof, et puis qu’est-c’que j’pourrais bien apprendre à qui que ce soit ? J’suis un raté avec des compétences de raté et la seule raison pour laquelle j’suis pas dehors à c’te heure-ci, c’est bien qu’Blue a été plus que patient avec moi.
« Ok, ok, les profs n’t’intéressent pas, j’ai compris. »
J’avoue qu’le contraire m’aurait pas surpris plus que ça. Déjà qu’il a un truc pour les vieux cons, y a d’quoi s’poser des questions. On peut dire qu’y a des trucs qui tournent pas tout à fait rond chez Ache, mais c’est aussi c’qui fait son charme, pas vrai ? Moi en tout cas, j’aurais jamais voulu qu’quoi que ce soit soit changé chez lui, et j’suis sûr qu’sa mère est d’accord avec moi sur c’point là. On s’connaît pas encore mais pour c’que l’chanteur m’en a parlé, je peux pas douter d’son amour pour lui. Rien qu’pour ça, j’l’aime déjà. C’qui est plus que c’qu’on peut dire de mes parents. J’peux pas dire que parler d’eux m’fait trop plaisir, mais Ache a l’droit d’avoir des réponses à ses questions, puis mieux vaut maintenant qu’dans trois mois quand y d’mandera d’rencontrer ma mère. Mieux vaut qu’il soit prévenu qu’ma mère est la dernière personne sur cette terre qu’j’ai envie d’voir. La dernière et la première. Si j’étais sûr qu’elle voulait m’voir, j’sais bien qu’une part de moi prendrait l’premier avion à destination d’la Floride. Que j’ferais toutes les routes, qu’j’irais à l’autre bout du monde pour la r’trouver. Ouais, une partie d’moi f’ra jamais son deuil, pourtant quand j’essaie d’me rappeler à quoi ressemblent ses yeux, tout c’que j’vois c’est la déception qu’il y avait d’dans quand elle me r’gardait. Avant que j’puisse m’apitoyer un peu plus sur mon sort, Ache vient trouver sa place sur mes genoux en des baisers qui chassent toutes les pensées qui m’occupaient. Mes bras se r’ferment autour de lui, aussi protecteurs qu’possessifs. J’voudrais qu’on puisse rester là pour toujours. Ache me lance sur Blue et j’ai du mal à m’taire une fois qu’j’ai commencé. L’armée, l’agence, Blue… Tant d’années d’partage et d’coéxistence. Il y aurait tellement d’choses à raconter, tellement d’points à expliquer pour qu’Ache puisse comprendre à quel point c’type a la main sur ma vie, qu’s’il y a bien une personne pour qui j’ferais tout, Ache mis à part, y s’agit bien d’Blue. C’connard m’a sauvé la vie plus de fois que j’peux m’en rappeler, et inversement. Les mains d’Ache sur moi m’font frissonner et j’fais d’mon mieux pour pas m’laisser distraire. Je hausse les épaules :
« L’armée, ça crée des liens parce que t’as la vie d’autres personnes entre tes mains… Mais Blue est la seule personne qu’j’ai gardé d’cette époque-là. »
C’était tout c’dont j’avais besoin. Juste Blue. Ouais, j’suis p’t’être un peu codépendant…Ache reste silencieux, et j’me d’mande si j’en ai pas trop dit. Est-c’que c’était flippant ? J’espère qu’il va pas croire qu’y a jamais eu que’que chose entre Blue et moi. On est comme les deux couleurs. Ouais m’demandez pas c’que j’entends par là. J’suis pas un putain d’artiste, j’ai pas fait d’l’histoire des couleurs. Ache reprend la parole et j’l’écoute avec un brin de stress quand j’sais pas quels sont les mots qui vont sortir d’sa bouche. J’viens finalement enfouir mon visage contre son cou. Sa chaleur et son odeur sont réconfortants.
« Pas b’soin d’me remercier. T’as l’droit d’tout savoir. »
J’ai rien à cacher à Ache. Peu importe la question, j’y répondrai toujours et j’ose espère qu’l’inverse est aussi vraie. P’t’être pour ça que j’lui demande de m’raconter un truc. Histoire d’voir c’que j’ignore encore. Et j’écoute, l’oreille tendue, attentive. J’imagine Ache petit, en train d’prendre ses cours de piano, la flamme d’une vocation naissant au bout d’ses petits doigts. J’avoue qu’je suis impressionné, quand j’ai jamais eu c’genre de passion dans la vie. J’me suis toujours contenté d’survivre au jour le jour.
« La comédie musicale ? »
Honnêtement ça m’étonne pas outre mesure. Que’que part, au fond j’me disais bien qu’Ache avait l’âme pour jouer sur scène les rôles principaux. J’m’écarte un peu pour pouvoir le r’garder, la prunelle sérieuse :
« Comment tu peux m’dire ça et même pas avoir une vidéo à m’montrer là tout de suite ? Tu t’rends compte que c’est d’la torture quand même ? »
Y a pas idée d’teaser les gens comme ça.
« Quels rôles t’as joué ? »
J’ai besoin d’me faire une image plus précise de c’que les vidéos vont m’montrer. J’ai pas oublié l’coup du lutin et j’commence à m’dire qu’c’était pas un accident. Achilles, ma diva, dans ses costumes improbables. C’est beaucoup trop bon pour être oublié. J’espère qu’y s’rend compte que j’vais jamais l’lâcher avec ça. JAMAIS. Ache passe bien vite sur le sujet et avant qu’j’ai pu rétorquer, l’nom d’son ex est glissé dans la conversation. Ça pour l’coup ça m’fait taire. J’connais très mal c’qui s’est passé avec Heath. Pourtant vu comment j’ai récupéré Ache, j’peux pas imaginer qu’ça se soit bien passé. Est-c’que j’ai vraiment envie d’savoir ? J’sais qu’la période est passée, mais l’idée qu’on ait pu faire du mal à Ache m’fout la haine. C’qui est assez ironique quand on sait qu’moi-même avec mes manières de goujat, j’ai été l’premier à l’blesser. J’m’apprête à répondre, quand Ache reprend et j’l’observe d’un air un peu perplexe.
« Hmmm… J’ai jamais eu d’trucs vraiment sérieux… »
J’me renfonce dans l’canapé, réfléchissant à si j’ai une réponse plus approfondie à lui sortir. Des one night stands, j’en ai plus que j’peux compter, surtout quand ma vie partait en vrille après l’armée. Avant ça…
« Y avait bien cette nana au lycée. Elle s’appelait Lucy et on est sortis ensemble deux mois.. »
Lucy, v’la bien longtemps qu’j’avais pas pensé à toi.
« L’truc c’est qu’moi j’étais pas au courant. C’est ses copines qui sont v’nus m’cracher d’ssus quand elles ont appris que j’avais couché avec un mec de l’équipe de foot. »
J’me demande c’qu’elle est dev’nue. J’devrais peut-être aller la stalker sur les réseaux, juste pour voir si elle est heureuse maintenant. Elle le mérite bien. J’porte mon verre à mes lèvres pour une gorgée avant d’expliquer :
« Pour ma défense, on a couché ensemble qu’une seule fois et elle a passé les s’maines suivantes à m’ignorer quand j’essayais d’lui parler. J’m’étais dit qu’elle regrettait, mais j’ai jamais eu confirmation. Juste ses potes qui m’ont engueulé à la sortie parce que j’l’aurais trompé. »
C’tait vraiment une sacrée affaire. Surtout qu’c’est moi qui avais couru après Lucy parce qu’elle était une cheerleader et absolument beautiful. J’suppose qu’elle m’considérait comme son mec, mais j’aurais bien aimé qu’elle me l’dise avant qu’je couche avec Tom, parce que clairement, ses pipes valaient pas du tout celles de Lucy. Mon r’gard croise celui d’Ache et j’me rends compte que j’suis resté silencieux un moment :
« Ca répond à ta question ? T’es vraiment la seule personne avec qui j’ai été sérieux. J’ai toujours été un coup d’un soir, pas vraiment l’gars à qui on a envie d’s’attacher. »
Je hausse les épaules :
« J’sais même pas c’que tu m’trouves, honnêtement. »
J’vais clairement pas m’en plaindre, parce que j’suis presque sûr qu’Ache est l’amour de ma vie. Mais honnêtement, il mérite largement mieux qu’moi.
Achilles Hightower
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Sujet: Re: espoir blues || Achilles Mer 3 Juil 2024 - 14:01
espoir blues
feat. Red
La conversation s’empreinte de nostalgie. Je lis peut lire dans le regard de Red qu’il se perd dans ses souvenirs et pendant un instant je me perd dans les miens aussi. Il y a vingt ans. J’étais un gosse, j’avais dix ans et ma vie prenait un premier tournant en me faisant arriver à Fall River. Nouvelle ville, nouvelle maison, nouvelle famille aussi. On vivait avec Terrence et maman était enceinte des jumeaux. Beaucoup de mouvement en peu de temps. Pas en mal jusque là. C’est l’école qui a été compliquée après. Puis l’adolescence, ce bordel d’hormone universel. J’aurais bien skip cette partie de ma vie si j’avais pu, passer directement à la fac.
Je doute qu’on en serait là avec Red si on s’était rencontré vingt ans auparavant. Et même si on s’était rencontré il y a dix ans en fait. Ça dépendait de trop de paramètres. J’imagine que ça servait à rien de se prendre la tête sur ce qui aurait pu arriver. Autant se contenter de ce qu’on avait maintenant. Une situation que je n’échangerais avec une autre pour rien au monde.
- J’en doute aussi. Il y a vingt ans, je trainais pas dans les bars non plus.
Je veux bien admettre avoir commencé à boire tôt, mais il faut pas abuser non plus. Je lance un regard amusé à Red, en espérant que ça suffise à balayer la tristesse dans son regard. Je lui parle alors de ma mère. Je sens bien que c’est un sujet qui l’intéresse et qui le touche. Je pense que je le comprends, je sais pas ce que j’aurais fait sans le soutien de ma famille. J’aurais sans doute mal tourné. Puis une chose en amenant une autre, me voilà à promettre à Red de le prévenir quand je décolorerai mes cheveux. Pas sûr que je le fasse de sitôt, ce sera sans doute une fois pour les dix années à venir vu comment ça nique les cheveux de faire ça. Mais il y a peu de chance qu’il manque un tel événement. Quitte à redevenir blond, je le resterai sûrement quelques jours avant de céder et retrouver ma teinture noire.
Étonnamment ma provocation ne prend pas avec Red. Il est toujours le premier à saisir les perches pourtant. A croire que c’est pas le bon moment. Je m’en formalise pas. Après toutes les conversations qu’on vient d’avoir. Puis, si on commençait à se provoquer, ce serait fini pour la soirée. Et je dois bien avouer que j’étais content de discuter avec lui, d’en apprendre sur Red alors qu’il faisait tout pour éviter ce genre de conversation le reste du temps. Après j’irais pas jusqu’à dire que je n’étais pas attiré par les profs. J’eu une brève pensée pour Lion Lovelace, mon ancien prof de littérature qui avait été mon collègue pendant quelques semaines. Mais je pense pas que ce soit tant le rang de prof qui m’attire. Clairement, au lycée, je pouvais pas les voir en peinture. A la fac ? Je m’en foutais pas mal, j’étais trop focus sur mes études et le groupe.
Je regrette déjà d’avoir parlé de mes années sur les planches à Red. Bien sûr qu’il veut voir le carnage. Je soupire, je sais pas si je suis prêt à revoir ces vidéos. Pourtant, je sais qu’elles existent, je ne les ai pas, mais ma mère si et Astoria sûrement.
- Désolé, tu vas devoir aller négocier avec ma mère ou avec Astoria pour les avoir.
Ca m’arrange bien que ça se passe comme ça. Vraiment pas envie de subir mes performances pitoyables. Elles ne l’étaient sûrement pas tant que ça, vu que j’avais le rôle principal chaque année, mais j’avais fait beaucoup de progrès en chant depuis le lycée quand même. L’inverse serait triste.
- Hm, alors, en seconde, j’ai joué Roméo, de Roméo et Juliette, une version musical, bref…. on avait une metteuse en scène qui aimait bien les adaptations du genre. Première fois que j’ai embrassé une meuf dans ma vie d’ailleurs.
Mais pas la dernière malheureusement. Que voulez-vous, j’ai toujours su que j’étais gay, le lycée avait tout de même réussi à me faire douter. J’avais essayé de rentrer dans la norme, avec un brin d’espoir. Spoiler alert : j’ai échoué.
- En première j’ai joué Elphaba dans Wicked. Encore une adaptation à la sauce de la metteuse en scène. Elle m’a quand même fait porter des talons et des robes de sorcière. Mais je pense que c’est le rôle que j’ai préféré. Et en terminal…
Un nouveau soupire :
- J’ai joué Rahul Khanna. Une adaptation de Kuch Kuch Hota Hai. Ouais, Bollywood. On a apprit les chansons en hindi et tout. Le carnage, je te jure.
En vrai, ça avait été super fun. Le club de comédie musicale c’est bien les seuls bons souvenirs que je garde du lycée. On était un bon groupe, une troupe de weirdo qui se parlait jamais en dehors du club. Tout du moins, je leur parlais pas en dehors. J’étais peut-être trop émo pour me joindre à un groupe. Mais j’ai pas trop de mal à imaginer Red comme un tombeur. Comme quoi, il a commencé tôt. C’est aussi un peu triste de se dire que la dernière relation qu’il considère comme sérieuse remonte à aussi longtemps. Une petite partie de moi est quand même rassuré et un peu fier d’être le premier.
- Han, ce lover. T’as dû en briser des cœurs… Mais ouais, ça répond à ma question.
Puis il enchaîne et c’est mon coeur qui se brise un peu en entendant ça. Derrière ses airs de mecs sûr de lui Red est aussi blessé et écorché de la vie que les autres. Si ce n’est plus. Je fronce les sourcils et lui attrape la mâchoire d’un main pour le forcer à me regarder dans les yeux.
- Tu déconnes j’espère ? Red. T’es plus beau qu’Apollon lui-même, que tout le panthéon réuni même. Définitivement le meilleur coup de ma vie et… Et putain, ton charisme, t’as une présence incroyable, un humour mordant. Qui me fait chier, mais j’ai pas envie que t’arrête.
Mon visage se rapproche du sien et je rajoute plus doucement :
- Et plus je passe de temps avec toi, plus je vois à quel point tu es attentionné, passionné, intelligent, dévoué. J’ai pas besoin de te trouver quoique ce soit Red. Tu es tout ce dont j’ai toujours rêvé d’avoir sans même le savoir.
Putain, j’ai presque envie d’en faire une chanson. Dans un souffle je rajoute :
- Je t’aime.
Sans attendre je pose mes lèvres sur les siennes et l’embrasse dans un baiser tendre et passionné. Hors de question que Red doute un jour de ce qu’il représente pour moi, de ce qu’il m’apporte. Il a pas besoin d’être qui ou quoi que ce soit d’autre pour que je l’aime. C’est lui et personne d’autre.
Comment n’pas s’sentir minable quand, en r’gardant en arrière, on s’aperçoit qu’on est dev’nus une image bancale de c’qu’on voulait être. Quand tout c’qu’on pensait avoir accompli s’résume pourtant à pas grand-chose. J’ai jamais été du genre à rêver du futur en m’disant qu’ça irait mieux. Si j’me plais à dire qu’ma mère et mon daron étaient le problème, force est d’reconnaître que c’est moi qui m’suis construit. En leur absence, y a bien fallu que j’me trouve une orientation. Ai jamais su vivre, tout simplement. Chez moi c’était survis aujourd’hui, on verra demain. J’ai jamais pensé que quiconque m’aimerait et ça s’voit encore aujourd’hui dans mes relations, quand Blue est mon seul ami, qu’tous les autres se sont barrés… ou bien est-ce que c’est moi qui m’suis barré ? Dans tous les cas, sans Ache, sans Blue, j’aurais personne sinon moi-même. Pourtant j’reste un connard, tous les jours, forcé d’vivre avec moi-même, çui que j’suis devenu pour survivre, une petite merde sans scrupules. Bien conscient de c’que j’apporte, ou plutôt c’que j’apporte pas. Difficile de s’regarder dans l’miroir et plus difficile encore, d’combler l’vide que j’ressens comme si c’était normal. Comme si tous les gens avaient des trous noirs en eux,
« T’as pas commencé à boire à dix ans ? »
La moquerie dans l’ton, un sale goût sur la langue qui m’dit qu’je suis qu’un con, parce que j’ai peur qu’Ache atteigne certaines zones sombres de moi. Y connaît bien ma dépendance à l’alcool mais c’est dur d’exprimer c’qui m’a fait sombrer de ce côté. Si y avait ça en moi, parce que ma daronne est comme moi, si j’ai pris exemple sur elle, ou si je suis juste une merde qui n’s’est jamais donné une chance de réussir. L’genre de gars qui finit toujours par fuir par peur d’être blessé. Qui blesse avant qu’l’autre en ait l’occasion. Et si c’est l’cas, qu’est-c’que ça fait d’moi ? Pourquoi j’continue ? Ma daronne, est-ce qu’elle m’aimait ? À sa façon ? Est-c’qu’elle se sent comme moi quand elle boit ? Est-ce qu’elle fuit, elle aussi ? J’écoute Ache me parler de sa mère et ça m’pose des questions qu’j’ai du mal à admettre. La voir sous un angle différent m’force à r’voir mon enfance sous une lentille particulière que j’ai encore du mal à concevoir. Me fais m’dire que j’suis qu’un relent raté d’une soirée d’un soir, d’une nuit de passion vite oubliée. Si une de mes conquêtes m’avait annoncé être enceinte de moi, malgré mes précautions, qu’est-c’que j’aurais fait ? Aurais probablement conseillé un avortement, mais si elle avait refusé ? Est-c’que j’aurais été capable d’être là pour un enfant ou bien est-c’que j’n’aurais été qu’une pâle copie d’ma daronne, un fantôme alcoolisé, un spectre qui fuit, encore et encore ? Qui n’aurait été là qu’dans des paiements mensuels ? Est-c’qu’j’aurais été mon daron ? Juste l’absence, et les dollars, une présence invisible, un poids sur les épaules, un aveu silencieux d’pas être assez, d’pas savoir donner ?
Mine de rien, ça m’fait penser au père d’Ache et mes questions se taisent derrière mes lèvres, un goût acide sur le palais. Si j’ai bien compris quelque chose, c’est qu’il s’agit d’un sujet épineux. Au moins avait-il sa mère pour être fière d’lui, pour s’présenter à tous ses spectacles, pour filmer ses exploits, soutenir ses rêves et ses ambitions. J’me demande c’que ça fait. C’que ça fait aussi d’avoir des frères et sœurs. Bien sûr, j’ai Blue, mais j’n’ai pas grandi avec lui, et aucun lien du sang entre nous. J’peux pas m’empêcher d’me dire que ça n’peut pas ressembler à c’qu’Ache a vécu avec ses sœurs et son frère. Qu’personne était là pour m’motiver à m’dresser contre les parents pour l’bien commun. Quand y avait qu’moi, c’était facile de détourner l’regard et d’faire semblant de rien.
J’écoute Achilles me parler d’ses performances, sans un mot. J’l’imagine dans ces différents rôles, toujours aussi passionné, l’rêve au creux des lèvres, dans les mots et les gestes. Ache a toujours choisi, fait c’qu’il fallait pour prendre son envol. Je n’sais pas si j’suis jaloux ou impressionné. Qu’est-c’que ça peut faire, d’être aussi attaché à quelque chose ? J’aime mon métier, mais si on m’disait demain que j’n’ai plus besoin d’travailler, j’arrêterais si sec. Je sais qu’ce serait pas le cas pour Ache. Qu’il y a quelque chose en lui qui demande à être exprimé. J’suis beau parleur mais mes mots à moi n’ont aucun sens, aucune profondeur. J’laisse planer un silence quand j’imagine les costumes dans lesquels Ache s’est glissé. Une part de moi voudrait l’provoquer, mais l’autre la fait taire. Il y a quelque chose chez lui, qui force l’admiration. J’m’entends finalement dire, doucement :
« C’est beau, chez toi, cette passion. »
J’en dis pas plus, parce qu’au fond, y a rien d’plus à dire. L’compliment est vrai, quand c’est sans doute c’qui m’a fait l’aimer en premier lieu. Ache est tout c’que j’serai jamais.
« J’ai hâte de voir tes performances. »
Car y aucun doute que j’finirais par les voir, même si j’dois soudoyer sa mère ou sa sœur. Et moi, de m’demander comment les personnes d’son lycée ont pas pu s’rendre compte du talent qu’ils avaient sous leurs yeux. J’pense d’autant plus à ça quand Ache m’demande de lui parler d’amour. Pas vraiment d’amour au fond, L’amour n’fait pas vraiment partie d’mon circuit. On en revient toujours là. Je ris :
« Moi j’ai brisé des coeurs ? Tu t’es vu ? »
Ouais j’en ai sans doute brisé, dans ma déférence à n’jamais rester. Y avait rien pour moi qu’des attentes surdimensionnés de c’que j’étais capable de donner. J’ai fait que faire des déçus. Des déçues. Un peu d’tout. Très beau garçon. Caractère de merde et manière encore plus que détestables. Même avec Ache, j’ai pris la fuite. J’pourrais plus l’faire maintenant, mais j’avais pas l’intention de m’attacher autant. J’regrette rien, quand c’est la plus belle relation d’ma vie, mais faute est d’me demander c’que j’ai loupé depuis, si ça aurait fini en désastre, probablement. J’suis un sac à merde. J’sais pas pourquoi j’le dis à Ache, p’t’être parce que j’ose rien lui cacher depuis qu’on s’est mis ensemble. Ma vulnérabilité sur le plateau. À m’laisser bouffer. Ache relève mon menton et nos regards s’croisent. Est-ce que tu vois, dans mes yeux, la blessure encore ouverte ? Celle qu’on panse avec du scotch en s’disant que ça va suffire quand on sait très bien qu’c’est pas l’cas. Et Ache continue, de mots qui m’écharpent et m’égratignent quand j’ai du mal à les concilier avec l’image que j’ai d’moi. Comment tu peux seulement penser tout ça d’moi ? Ses lèvres se posent sur les miens et j’réponds au baiser avec une espèce de détresse intrinsèque, qui m’serre à la gorge et au cœur. Mes doigts s’enfoncent doucement dans son dos et j’m’éloigne juste assez pour enfouir mon visage contre sa clavicule.
« Je t’aime aussi. »
Et il n’y a plus d’échappatoire possible. Même si j’le voulais, j’pourrais aller nulle part. Être avec Ache est la seule chose qui m’permette de m’sentir bien. Si bien qu’j’oserais croire que ça va aller mieux. Que j’serais pas toujours une merde. Difficile à croire. Difficile à croire… Je sens qu’j’ai les larmes aux yeux et p’t’être bien qu’c’est l’alcool qui fait ça, alors j’reste contre lui, attends sagement qu’ça passe. J’sais pourtant que j’pourrais pas rester là éternellement, mais mes doigts restent ancrés dans sa chaire. J’voudrais pouvoir tout lui dire mais les mots sont comme une boule dans ma gorge. Je n’sais pas dire à quel point je souffre. Est-c’qu’ça aurait seulement l’moindre sens ? Tout va bien, et j’suis en sécurité, pourtant j’ai l’impression d’être dans l’noir et enchaîné.
« J’suis désolé. »
Désolé d’quoi, Red ? Si tu f’sais la liste, on y s’rait encore demain. Qu’est-c’que tu cherches, finalement ? Est-c’que c’était pas plus facile d’être le plan cul, quand t’avais pas b’soin de t’interroger ? Qu’tu pouvais faire semblant ? Et je t’aime, je t’aime, mais qu’est-c’que ça vaut, l’amour d’un moins que rien ? D’un type comme toi ? Un sanglot. Un seul. J’me trahis. J’sais plus quoi dire, sinon pardon. Pour tout c’que j’ai fait, pour tout c’que j’suis.
« Tu mérites tellement mieux que ça. »
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Sujet: Re: espoir blues || Achilles Mer 18 Sep 2024 - 13:24
espoir blues
feat. Red
A dix ans je venais d’arriver à Fall River. Ca me semble si loin maintenant. Je peux pas dire que je regrette aujourd’hui, mais clairement, j’en garde pas un bon souvenir non plus. Peut-être que si j’avais eu accès à de l’alcool à cet âge là, je me serais enfoui dedans. Heureusement, j’ai une mère responsable. Puis j’étais un gamin paumé à cette époque. Tout nouveau en ville avec aucune putain d’idée de pourquoi il est là, bientôt plus fils unique, une nouvelle famille qui se construit. Il y a de quoi paniquer. Je sais pas comment ma mère a eu le flair de m’inscrire à ces cours de piano. Peut-être juste un coup de chance. C’est fou de se dire que tout le restant de ma vie s’est construit là dessus.
- Ouais nan, j’avais pas assez de mauvaises fréquentation pour ça.
J’avais pas d’amis à dix ans. J’avais que ma mère. Après je peux pas dire que j’ai été un ado sage et responsable. Peut-être que j’ai chipé mes premières bières avant le lycée. Mais c’était plus pour jouer les rebelles qu’autre chose, comme si j’avais quelque chose à prouver. J’ai bien conscience que c’est facile de tomber dans le vice, surtout quand on a beaucoup à oublier ou un vide à combler. Je continue de parler de ma famille, ça me fait penser à autre chose. J’avoue, j’ai pas très envie de parler d’addiction avec Red. Je sais qu’il en a une aussi, même plusieurs aussi mais j’ai assez donné dans le domaine. Pour le moment je préfère fermer les yeux dessus et juste profiter de l’instant.
Ça me fait bizarre de remonter dans les souvenirs comme ça. Il n’y a qu’Astoria pour me parler encore de comédies musicales. C’est un peu notre truc. Il faut dire que c’est pas la partie de ma carrière dont je me vante le plus. Pas sûr que ça rende bien de révéler un truc pareil en interview. Quoique, ça motiverai peut-être les gamins paumé comme je l’étais à l’époque. Et même si c’était mes seuls bons souvenirs du lycée, aujourd’hui, j’aurais pas envie de retourner sur les planches. Quitte à monter sur scène, je préfère que ce soit avec les Scarlet. Ou derrière un piano à la limite. La vie d’acteur est trop contraignante. Ils m’auraient fait chier avec mes tatouages, mes piercings, mes teintures et mon style, tout ce qui me faisait moi quoi.
Hm. Je hausse les épaules, je sais pas si c’est beau. Ca me semble tellement… Logique, essentiel, genre, je sais pas ce que je serais sans ça. A ce stade ça relève presque de l’obsession, voire de l’addiction mais bon, comme c’est pas une substance qui détruit mon corps, j’imagine que c’est ok aux yeux de la société.
- Beau ? Nan, j’ai rien d’autre.
Faut être réaliste, si on me considère pas comme un raté, c’est parce que j’inonde les autres avec mes projets artistiques avant qu’ils aient le temps de prononcer le mot. Mais on sait bien dans cette industrie que c’est pas parce qu’on réussit qu’on peut pas être un raté. La passion fait pas tout. C’est pas pour autant que j’vais la lâcher. Je sais rien faire d’autre de toute façon. Il faut bien gagner sa vie. Puis mon cerveau est trop câblé musique pour que je réussisse à tirer autre chose de lui à présent. Je soupire, j’imagine déjà la gueule de cette soirée où on va regarder mes performances d’ado gênantes là…
- Pas moi…
Je sais que Red se foutra de ma gueule en plus et qu’il continuera pendant les semaines à venir. C’est une sorte de point de non-retour, il y aura clairement un avant et après. Comment voulez-vous que j’arrive à faire croire que j’ai encore une dignité. J’aurais peut-être dû y penser avant. Putain, pourquoi je pense jamais aux conséquences avant de dire des conneries pareil ? Tu me diras, Red aurait bien fini par l’apprendre d’une façon ou d’une autre. Disons que c’était l’avantage quand on était que plan cul, on pouvait s’inventer des vies sans que l’autre ne sache jamais la vérité, mais maintenant qu’on était ensemble et qu’on comptait le rester bah… les mensonges tiendraient pas longtemps et à quoi bon se mentir ?
J’peux pas m’empêcher de rire. C’est vrai qu’en termes de cœurs brisés, j’ai apporté mon lot aussi.
- Ah ça, c’est le terrible poids des chanteurs de rock, notre carrière se construit sur les larmes et les cœurs brisés de fan qui n’arriveront jamais à surpasser notre amour pour la musique.
Ya un tas de gens qui te diront qu’un musicien ça fait pas un bon amant. Que tu passeras toujours après son amour pour la musique. A croire qu’on a un lien sacré avec le rock’n’roll tu sais. Il y a bien des illuminés pour penser qu’on fait des rituels à Satan après chaque concert… A ce stade j’aimerai penser que plus rien ne m’étonne. Pourtant, entendre Red se livrer, ouais, c’est assez inattendu. On a jamais autant parlé de ce qu’on ressent que ce soir je crois. Est-ce que c’est une mauvaise chose ? Je crois pas. Je pense même que les spécialistes seraient fiers de nous et nous pousseraient à continuer. Mais je me fais pas trop d’illusion, on a jamais été très bons en communication. Il va nous falloir plus d’une soirée pour arriver à se livrer honnêtement sans éluder le sujet à un moment donné.
Je dis ce que je pense à Red et je le pousse pas à m’en dire plus non plus. Sans doute parce que je saurais pas quoi lui dire. J’ai pas de solution miracle à tout ça. Je peux que l’embrasser encore, lui dire que je l’aime, je sais pas si ça aide. Mon remède ça aurait été d’en faire une chanson je pense et d’aller la hurler sur scène, mais pas sûr que Red apprécie ce genre de catharsis. Puis c’est pas ce soir qu’on pourra réaliser tout ça. Alors ouais, je reste avec lui, j’essaye de lire dans son regard toutes les blessures qu’il n’arrive pas à exprimer avec ses mots. Tout ce qui reste coincé dans sa gorge parce qu’il y a trop de choses et qu’il sait pas ce qu’il peut dire sans prendre le risque de me faire fuir. Et finalement, il combine tout ça, pour juste s’excuser.
C’est étrange, je sais qu’on a pas du tout le même vécu avec Red. Pourtant, j’ai la sensation que je comprend ce qu’il ressent ? Il a rien fait de mal ce soir, mais je comprend pourquoi il s’excuse. Enfin, je crois.
- Moi aussi.
Moi aussi je suis désolé. Je suis désolé qu’il arrive pas à surmonter tout ça. Qu’il ai vécu tout ça, que je lui soit d’aucune utilité. J’suis sans doute un problème de plus qu’il a à gérer. J’avais jamais vu Red comme ça. Je l’avais jamais vu pleurer je crois. Pourtant, putain, le nombre de fois où il m’a ramassé. Je resserre mon emprise sur lui, vient coller mon front au sien.
- Non.
Je mérite pas mieux. Je mérite rien. Et je pense pas que quique ce soit mérite quoique ce soit. Si ça fait du sens. Je pourrais sûrement philosopher longtemps sur le sujet. Je crois pas au destin, au karma et toutes ces conneries. Si tu veux quelque chose, tu bosses pour l’obtenir. Si t’as pas envie de quelqu’un dans ta vie, tu le tej. C’est aussi simple que ça. Ya pas de mérite.
- Je mérite rien. Je te veux. C’est toi que je veux, Red. Rien d’autre.
Il a pas intérêt de protester. De toute façon, il peut pas, je lui en laisse pas le temps. Je fond sur lui. Je sais pas si on peut parler d’un baiser passionné ou désespéré. Dans doute un mix des deux. Je le pousse pour l’allonger sur le canapé. On a assez parlé. J’ai pas besoin de le demander à Red pour comprendre qu’il est d’accord avec moi. Qu’on a envie de se vider la tête. Comme je sais que je ne vais pas rester longtemps au-dessus de lui. Comme je sais qu’on ne va pas rester longtemps habillés dans le canapé.