Nos lèvres se frôlent dans un baiser d'une tendresse infinie, mais Cassia réagit presque immédiatement en se raidissant. C'est la première fois depuis notre rupture qu'un tel geste intime se produit entre nous, et l'intensité dévorante de ce moment semble tout à coup la submerger. D'un geste presque craintif, elle pose ses paumes à plat sur mon torse et me repousse doucement, bien que ses forces semblent aussi fragiles que celles d'un chaton. Pourtant, son geste demeure résolu. Ses yeux d'un brun profond se plantent dans les miens, emplis d'une tristesse insondable et d'un conflit intérieur qui me foudroie sur place. « Tu... tu devrais partir avant que je ne te rende encore plus malheureux... » Sa voix n'est qu'un murmure tremblant, teinté d'un désespoir et d'une résignation qui me glacent le sang. Je secoue la tête avec une lenteur calculée, refusant catégoriquement d'accepter ses paroles. « Si tu crois une seule seconde que je vais partir alors que tu as clairement besoin de moi, Cassia... » Je réponds d'une voix douce mais ferme, essayant de masquer au mieux la douleur fulgurante que ses mots ont fait naître en moi. Ma présence à ses côtés n'est tout simplement pas négociable, pas après la soirée terrifiante qu'elle vient de vivre. Ces hommes... J'ose à peine imaginer ce qui aurait pu se produire si je n'étais pas arrivé à temps. L'angoisse tout juste refoulée par les événements récents remonte en moi comme un raz-de-marée. Qui étaient ces individus? Que lui voulaient-ils au juste? L'image de Cassia, frêle et vulnérable face à leur nombre et leur carrure me glace d'effroi. J'ai eu si peur en recevant l'appel paniqué d'Anna... L'idée que quelque chose de grave puisse arriver à la femme que j'aime me tétanise de terreur. Jamais je ne me le pardonnerais si le pire était survenu par ma faute.

À ces mots, elle baisse piteusement le regard, comme une enfant prise en faute, évitant désormais soigneusement de croiser le mien. « Ce qui me rend véritablement malheureux, c'est de te voir dans cet état, c'est de...de ne plus être avec toi comme avant. Ce n'est pas toi la source de mon malheur... » J'insiste avec une sincérité brûlante, espérant qu'elle comprenne enfin la profondeur de mes sentiments. Alors que Cassia recule d'un pas peu assuré, visiblement déstabilisée par l'intensité de nos échanges, son pied heurte maladroitement une chaise qui traîne  derrière elle. Perdant l'équilibre, elle vacille dangereusement sur ses jambes mal assurées. Réagissant au quart de tour, mon bras se tend vivement vers elle d'un geste protecteur tandis que mon corps entier se prépare à la réceptionner. Mes mains entourent délicatement ses frêles bras pour amortir sa chute, m'assurant qu'elle ne risque rien. « Tu l'as dit toi-même, on n'a plus rien à se dire... Alors tu peux partir... » renchérit Cassia d'une voix éteinte lorsque je m'approche à nouveau d'elle.

Dans un geste teinté d'une once de défi ou de pure résignation, elle retire maladroitement sa veste avec des mouvements rendus gauches par l'alcool. L'étoffe glisse de ses doigts tremblants pour finir par choir au sol dans un froissement de tissu. Je m'empresse aussitôt de la ramasser et la dépose soigneusement sur le dossier d'une des chaises, essayant tant bien que mal de maintenir un semblant d'ordre au milieu de cette tension palpable. Cassia persiste à affirmer qu'elle est parfaitement capable de se débrouiller seule désormais. Un sourire à la fois nerveux et incrédule étire brièvement mes lèvres. « Excuse-moi, mais j'en doute fortement Cassia... Tu ne tiens même pas debout à l'heure actuelle. » Sa fragilité est évidente et malgré les efforts qu'elle déploie pour sauver les apparences, elle peine visiblement à garder l'équilibre. Je la suis du regard alors qu'elle se dirige d'un pas mal assuré vers la cuisine attenante. Elle s'appuie lourdement de tout son poids sur le comptoir pour se saisir d'un verre qu'elle remplit d'eau. Mais ses mains sont si tremblantes qu'elle n'arrive pas à en conserver la prise correctement. Le verre lui échappe finalement pour se fracasser au sol dans un petit éclair de verre brisé. Sans réfléchir, Cassia s'abaisse péniblement dans l'espoir de ramasser les débris, mais son geste est hésitant, risqué. Un lourd soupir m'échappe et je secoue la tête, m'agenouillant à mon tour à ses côtés. Doucement mais fermement, mes mains se posent par-dessus les siennes avec une infinie précaution pour arrêter son geste imprudent. « Arrête... Laisse-moi t'aider Cassia… » Sans même attendre son aval, je retire délicatement un à un les morceaux de verre de ses paumes pour m'assurer qu'elle ne se coupe pas. Elle se redresse finalement, avec une lenteur qui en dit long sur son état de fatigue extrême. La résistance et l'épuisement se lisent au fond de son regard fiévreux. « Cassia... S'il te plaît... » J'insiste une dernière fois avant de la soulever tout contre moi presque malgré elle pour l'emmener jusqu'à sa chambre à coucher. Je sais pertinemment qu'elle va protester et râler, mais ma préoccupation pour sa sécurité l'emporte sur tout le reste en cet instant.

Avec des gestes empreints de tendresse et de soin, je guide Cassia pour l’aider à se dévêtir, retirant délicatement son tee-shirt, son pantalon, et sa lingerie. Chaque mouvement est pensé pour assurer son confort, pour la rassurer de ma présence protectrice. Je lui passe ensuite une nuisette ample et douce, veillant à ce que le tissu caresse agréablement sa peau, lui offrant une sensation de réconfort et de sécurité. « Allonge-toi... Je m'occupe de tout et surtout, dors, » je murmure d'une voix apaisante en arrangeant soigneusement les couvertures autour d'elle comme on borderait un enfant.

Une fois assurée qu'elle est confortablement installée, je retourne dans la cuisine où les vestiges du désordre attendent encore. Je m'attaque aux derniers morceaux de verre au sol, prenant soin de ramasser chaque éclat pour éliminer tout risque de blessure future. Je passe ensuite rapidement l'aspirateur, éliminant les plus petits débris invisibles à l'œil nu. Les tasses utilisées plus tôt par Cassia et ma mère sont encore dans l’évier ; je les nettoie minutieusement, lavant et rinçant chaque pièce avant de les replacer dans les armoires. Toutes ces tâches domestiques m’offrent un moment de réflexion, un répit pour rassembler mes pensées et préparer mentalement la nuit à venir. Une fois que tout est en ordre, je reviens dans la chambre de Cassia à pas feutrés. Elle semble déjà profondément endormie, sa respiration lente et régulière témoignant de son épuisement. L’observation de son visage paisible dans le faible éclat de la veilleuse me soulage quelque peu, bien que la tension de la soirée pèse encore lourdement sur mes épaules. Discrètement, je me dirige vers le placard pour en ressortir une bassine, au cas où la nuit révélerait des complications imprévues. Puis, prenant une chaise du salon, je la place délicatement à côté de son lit. M'y asseyant, je m'installe pour la veille, prêt à intervenir à la moindre alerte. La nuit s'annonce longue, mais je suis résolu à rester à ses côtés, à veiller sur son sommeil. Assurer ma présence vigilante est la moindre des choses que je puisse faire pour elle après une soirée aussi terrifiante et éprouvante.

Arrivés chez moi, Nos corps ainsi que nos lèvres s’étaient dangereusement rapprochés. Si bien que dans une moment de panique et surtout d’incompréhension la plus totale, décuplé par les effets de l’alcool, j’avais repoussé Milo. Ses paroles de tout à l’heure tournaient en boucle dans mon esprit, comment donc pouvait-il agir ainsi à présent ? Je recule, lui conseille de partir avant que je ne le rende encore plus malheureux, je lui rappelle alors amèrement ses propres paroles soulignant le fait que j’étais très bien toute seule. Mensonge, mais qu’importe. Milo ne semblait pas avoir l'intention de partir. Le jeune homme me fait comprendre qu'il ne comptait pas partir alors que j'avais clairement besoin de lui. « Tu devrais pourtant. Comme tu l'as dis toi même, tu as déjà fait tellement pour moi, tu as fait tant de sacrifices... » Mes paroles ne sont que l'écho de ses propres mots qu'il avait eu tout à l'heure à mon égard. Milo me dit que ce qui le rendait véritablement malheureux c'était de me voir dans cet état, de ne plus être avec moi comme avant. Il finit par me dire que je n'étais pas la source de son malheur. « Ce n'est pourtant pas ce que tu as dit tout à l'heure ... » dis-je simplement d'une voix lasse.

Bien déterminée à passer le reste de la soirée seule, je souligne à Milo que j'étais très bien toute seule. Le pilote de ligne se permet d'en douter me faisant remarquer je tenais à peine debout actuellement. Je me dirige ensuite dans la cuisine afin de boire un peu d’eau fraîche. Mais dans un geste maladroit je fais tomber le verre à terre. C’est non sans mal que je m’agenouille pour venir ramassé les débris de verre par terre. Milo s'agenouille à mes côtés et ses mains viennent se poser sur les miennes afin d'arrêter mes gestes. Le pilote de ligne me demande d'arrêter et de le laisser m'aider. Il retire alors les morceaux de verres que j'avais en main. Je ne proteste pas, je crois bien que je n'en avais plus la force. Je me relève alors doucement. Milo fait de même et sans attendre il m'emmène jusqu'à la chambre à coucher. « Arrête, je n’ai besoin de personne pour aller au lit... » dis-je d’une voix à peine audible mais malgré tout je n’avais pas la force de protester. Une fois dans la chambre, Milo prend le soin de me dévêtir. Étrangement je ne dis rien, je n’en avais plus la force et j’étais bien trop fatiguée. Je le laisse alors m’enfiler une nuisette avant de laisser le reste de mon corps venir s’allonger sur le lit. Je sens la couette se poser sur moi et quelques mots prononcés par Milo. Rapidement, je rejoins les bras de Morphée.

Un moment plus tard, je rêve beaucoup. Un mauvais rêve, je revois cet homme de tout à l’heure, je vois aussi Milo. Tout se mélange et les scènes qui défilent sont oppressantes. Si bien que je remue quelque peu, cela me tire doucement de mon réveil. Je suis soulagée de voir que je suis dans ma chambre et bien vite j’aperçois Milo sur la chaise. Je passe une main sur mon visage puis sur mes cheveux, j’avais chaud. Avec la soirée que je venais de passer je n'avais vraiment pas besoin de faire de mauvais rêve comme je venais de le faire.  « Tu aurais pu rentrer chez toi... Tu aurais sans doute été mieux installé que sur cette chaise... » dis-je simplement d'une petite voix, un peu perdue malgré tout. Je me redresse légèrement dans le lit, passant une main dans mes cheveux puis sur manque pour masser délicatement celle ci. J'étais clairement mal fichue.

Je n'ai ni le temps ni l'envie de me disputer de nouveau avec Cassia. Alors lorsqu'elle reprend certaines de mes paroles de façon dubitative, je n'ai même pas la force de la contredire. Nous verrons cela plus tard, quand les choses se seront un peu calmées. À demi assoupi sur la chaise inconfortable près de son lit, je tente vainement de ne pas m'endormir en lisant un livre, mais c'est peine perdue. Mes paupières deviennent de plus en plus lourdes, et le texte se brouille inexorablement devant mes yeux fatigués, rendant la tâche presque impossible. Réalisant que je suis sur le point de succomber au sommeil malgré moi, je me lève discrètement et me dirige d'un pas lourd vers la cuisine attenante. L'idée de me préparer un café noir, bien serré, me traverse l'esprit dans une ultime tentative de combattre l'épuisement grandissant qui s'installe. Je m'efforce de rester le plus silencieux possible afin de ne pas troubler le sommeil tant mérité de Cassia. En quelques instants à peine, le doux arôme réconfortant du café fraîchement moulu vient embaumer délicieusement la pièce, apportant une note de chaleur bienvenue dans cette nuit glaciale. Alors que j'attends patiemment que le précieux breuvage soit prêt, mon téléphone vibre soudain sur la table de la cuisine dans un soubresaut métallique.

C'est un e-mail du colonel qui me ramène brutalement à une réalité qui me semble désormais si lointaine. Il m'envoie le dossier complet à remplir pour ma demande de départ en mission au Moyen-Orient et me demande si je souhaite toujours partir. Je parcours rapidement le document sur l'écran de mon téléphone, les lignes de textes administratifs défilant sous mes yeux fatigués. Je prends une grande inspiration pour essayer de me remettre les idées en place avant de décider d'imprimer le dossier. Le bourdonnement sourd de l'imprimante résonne doucement dans la cuisine, se mêlant au chuintement régulier de la cafetière sur le point d'être prête. Une fois le document en main, je m'assieds lourdement à la table de la cuisine, une tasse de café brûlant déjà fumante devant moi. Je bois quelques gorgées âpres, espérant que la caféine fasse rapidement effet sur mon corps engourdi. Les pages du dossier s'étalent crûment devant moi, un rappel tangible de l'engagement que j'ai pris il y a encore peu et des sacrifices qu'il va impliquer. Pourtant, ce soir, avec Cassia endormie à quelques mètres à peine de moi, l'idée même de remplir ce maudit document me semble soudain insurmontable. La réalité brutale de ma décision de partir me pèse d'un poids plus lourd que jamais. Le futur qui se profilait s'assombrit et devient incertain, menaçant, contrastant violemment avec le désir charnel et immédiat de rester ici, de continuer à veiller sur Cassia et de m'assurer qu'elle est définitivement en sécurité. Je feuillette distraitement le dossier d'un geste las, les mots se perdant dans un brouillard de pensées confuses et contradictoires. Je bois une autre longue gorgée de café désormais à peine tièdepour essayer de me revigorer, avant de finalement repousser les pages sur la table avec un soupir. Je n'ai tout simplement pas le cœur à lire en intégralité ni à remplir ce fichu document ce soir.

Je retourne silencieusement dans la chambre à coucher, la fatigue pesant lourdement sur mes épaules. Cassia est toujours profondément endormie, sa poitrine se soulevant au rythme lent et régulier de sa respiration apaisée. Je m'assieds à nouveau sur la chaise inconfortable près de son lit, cette fois avec une détermination renouvelée. Je passerai cette nuit entière à veiller sur elle, bercé par le son délicat de ses respirations, m'assurant qu'elle est enfin parfaitement en sécurité, quoi qu'il puisse arriver ensuite. Les décisions sur le Moyen-Orient et le reste pourront bien attendre quelques heures de plus. Pour l'instant, la seule chose qui importe vraiment est qu'elle soit ici, avec moi, en sûreté, et que je sois là pour elle, quoi qu'il m'en coûte.

Cassia continue de dormir et j’en suis heureux pour elle. Je jette un coup d'œil à mon téléphone portable pour passer le temps pendant qu'elle dort toujours profondément. La lumière de l'écran éclaire faiblement mon visage dans la pénombre de la chambre. En flânant sur mon téléphone, je décide de répondre à quelques messages de Léa dont les conversations ont toujours su égayer mes journées. Le premier message de Léa me fait sourire. Je lui réponds rapidement, esquissant un sourire sincère, malgré la situation difficile de la soirée. Les échanges continuent, légers et plaisants, offrant une distraction bienvenue à la veille silencieuse. Ses anecdotes sur ses dernières aventures et les petites péripéties de sa vie quotidienne réussissent à me détendre quelque peu, m'arrachant même quelques rires silencieux. Après quelques messages échangés, Léa propose de manière spontanée : « Ça te dirait de venir prendre un café chez mes parents demain ? Ça serait sympa de se revoir et de discuter un peu en tête à tête. »  Je réfléchis un instant, mes yeux se posant sur Cassia qui dort paisiblement. L'idée de passer un moment agréable avec Léa, de retrouver un peu de normalité et de légèreté, me semble particulièrement attirante. Je tape rapidement ma réponse, ressentant une vague de joie à l'idée de cette invitation. « Avec plaisir ! Ça me fera du bien de te revoir. Dis-moi à quelle heure et je serai là. » Léa me répond presque immédiatement : « Super ! Viens vers 15h. Mes parents seront ravis de te voir aussi. » Je souris, la perspective de ces retrouvailles plus intimistes que la soirée des anciens étudiants éclaire ma sombre soirée d'un éclat d'optimisme. Je repose mon téléphone sur la table de chevet, me sentant un peu plus léger, malgré l'épuisement et les préoccupations. La veille continue, mais maintenant, je sais que demain apportera un moment de répit et de bonheur en compagnie d'une amie chère à mes yeux tout comme à mon cœur. En attendant, je me concentre de nouveau sur Cassia, veillant sur elle jusqu'à ce que le jour se lève.

Un moment plus tard, le bruit des draps froissés et une respiration plus soutenue me tirent de mon demi-sommeil. Je lève la tête et vois Cassia s'agiter et s'éveiller doucement. Elle passe une main sur son visage, puis dans ses cheveux. La première phrase qu'elle prononce me pince le cœur.  « Tu aurais pu rentrer chez toi... Tu aurais sans doute été mieux installé que sur cette chaise... » Je la regarde se redresser légèrement dans le lit, passant de nouveau une main dans ses cheveux comme pour masser délicatement son crâne. J'hésite un instant, ne sachant pas si je dois rester immobile et simplement répondre comme d'habitude, en râlant, ou si je devrais m'approcher d'elle, m'asseoir à ses côtés et faire ce que je sais faire de mieux : prendre soin d'elle. Finalement, la décision se prend d'elle-même. Mon corps réagit avant même que mon esprit ne le décide, et je me lève doucement de la chaise pour m'asseoir sur le bord du lit, près d'elle. « Cassia…» murmurai-je doucement, posant une main rassurante sur son épaule. « Je ne pouvais pas partir. Pas après tout ce qui s'est passé ce soir. » Mes doigts effleurent ses cheveux avec une tendresse infinie. « Je voulais être sûr que tu allais bien. » Je lui souris, m'installant plus confortablement à ses côtés. « Tu as eu un mauvais rêve ? » demandai-je, essayant de comprendre ce qui l’a réveillée. Je continue de la tenir près de moi, espérant qu'elle trouve un peu de paix dans mes paroles. « Tu n'es pas seule, Cassia. Je suis là, et je resterai aussi longtemps que tu auras besoin de moi. »

Les scènes qui défilaient dans mon esprit depuis un petit moment déjà étaient très désagréables, oppressantes même. Je revoyais cet homme de tout à l'heure, son sourire ainsi que cet étrange regard qu'il posait sur moi. J'avais l'impression de revivre la scène de tout à l'heure, que tout cela était bel et bien réel. Je pouvais également voir Milo, je le voyais tantôt proche de moi et tantôt en train de s'éloigner avec hâte. Des scènes qui m'avait tant angoissé qu'elles m'avait sorti de mon sommeil.

Après avoir ouvert les yeux, j'avais rapidement pris conscience que j’étais dans mon lit et donc en sécurité. J'avais aussi remarqué la présence de Milo non loin de moi, assis et sans doute mal installé, sur une chaise près du lit. Reprenant mes esprits je fais remarquer au pilote de ligne qu'il aurait pu rentrer chez lui. Il n'était en rien obligé de rester ici, auprès de moi. Après ma remarque, Milo se lève de la chaise et vient s'asseoir sur le bord du lit, près de moi. Le pilote de ligne pose une main rassurante sur mon épaule. Il me confie alors qu'il ne pouvait pas partir, pas après ce qui s'était passé ce soir. À ces mots je repense instinctivement à cette fois de soirée. Tendrement, ses doigts viennent effleurer mes cheveux. Milo ajoute qu'il voulait être certain que j'aille bien. « Je vais bien... » J'allais sans doute avoir un bon mal de tête, c'est tout. Je commençais à me rendre compte que la soirée aurait pu se terminer d'une toute autre manière si Milo n'était pas arrivé. Le jeune homme s'installe alors plus confortablement à mes côtés et me demande si j'avais fais un mauvais rêve. « Oui... » dis-je simplement dans un premier temps. « J'ai... J'ai cru à un moment que j'étais encore dans le bar... »  A un moment j'avais même cru pouvoir sentir à nouveau la main de l'homme glisser sous mon haut comme il avait essayé de le faire tout à l'heure. Milo m'affirme que je n'étais pas seule, qu'il était la et qu'il resterait aussi longtemps que j'aurais besoin de lui. Mon regard se pose alors sur lui. À cet instant j'ai aussi de questions à ce sujet que d'arguments qui pourraient contredire ce qu'il venait de dire. Je me redresse légèrement pour m'asseoir en tailleur, non sans grimacer un peu, je sentais la mal de tête arriver à grande vitesse et cette sensation de tête qui tourne ne l'avait toujours pas quitter en plus. Mes yeux finissent par se reposer à nouveau sur Milo. « Ah oui, vraiment ? Tu n'avais pas le même discours tout à l'heure... » dis-je d'une petite voix. Je ne lui reprochait rien, d'ailleurs ma voix était calme sans amertume, aucune. Sans oublier le fait que Milo allait sans doute partir au Moyen Orient afin de travailler pour l'armée. Comment pourrait-il donc être à la fois là bas et ici. La vérité c'était que j'avais toujours besoin de lui. Milo était tout simplement essentiel à ma vie. Je soupire légèrement, à quoi bon reparler de tout ceci. Surtout maintenant. « Oublie ce que je viens de dire... Et puis ce n'est sans doute pas le bon moment pour parler de cela... » La nuit était déjà bien avancée. Milo devait sans nul doute être exténué et je l'étais aussi sans oublier les effets secondaires de l'alcool. Je passe, dans un geste furtif, mes mains sur mon visage « Je n’aurais pas dû sortir ce soir, encore moins aller dans ce bar... » dis-je presque à moi même. Oui je regrettais d’être sorti sur un coup de tête, sur le coup de la colère et de la tristesse.

Cassia s'assoit en tailleur sur le lit, son visage émacié exprimant une profonde fatigue mêlée d'un inconfort manifeste. Je l'observe en silence d'un air grave, décidé à ne pas réagir à la petite pique acerbe qu'elle me lance d'une voix rendue rauque par les événements et son sommeil. Je n'ai aucune envie de me lancer dans une nouvelle dispute stérile avec elle, surtout pas après la soirée d'une violence insoutenable qu'elle vient de traverser. Cassia grimace soudain, une ride de souffrance barrant son front, probablement encore sous les effets délétères de l'alcool qu'elle a dû ingurgiter. Je me demande avec une pointe d'amertume combien de verres elle a bien pu avaler pour en arriver à un tel état de détresse physique et morale. La nuit est déjà bien avancée mais ne semble pas vouloir en finir. Cassia passe furtivement ses mains fatiguées sur son visage aux traits tirés, dans un geste empreint de lassitude résignée. « Je n’aurais pas dû sortir ce soir, encore moins aller dans ce bar... » murmure-t-elle d'une voix lourde de regrets. Un simple sourire triste étire la commissure de mes lèvres alors que je me lève pour me glisser précautionneusement derrière elle dans un geste d'une infinie douceur. Mes bras musclés se faufilent lentement autour de sa taille menue, et mes mains se rejoignent sur son ventre, l'enveloppant dans une étreinte à la fois protectrice et rassurante. Mes lèvres se posent délicatement sur le sommet de son crâne, embrassant ses cheveux avec une tendresse infinie. « Ce n'est pas de ta faute, Cassia... Ces hommes n'avaient absolument aucun droit d'agir d'une manière aussi abjecte et violente » soufflai-je doucement à son oreille en déposant un nouveau baiser dans sa chevelure soyeuse. « Le plus important, c'est que tu sois enfin en sécurité ici avec moi... Ils ne t'ont pas... touchée, j'espère ? » lui demandai-je d'une voix empreinte d'une inquiétude déchirante en me penchant légèrement pour observer sa réaction.

Nous demeurons ainsi un long moment, l'un contre l'autre dans un silence apaisant, profitant de la proximité réconfortante de nos deux corps à l'unisson et du réconfort mutuel que procure notre étreinte. Le calme de la nuit nous enveloppe peu à peu, créant une bulle protectrice de quiétude après le tumulte et le chaos de la soirée.  Je sens Cassia se détendre progressivement contre moi, sa respiration se calquant sur le rythme lent et régulier de la mienne. Son corps encore tendu semble peu à peu se délier, retrouvant une forme de sérénité fragile. Soudain, la vibration cristalline de mon téléphone vient briser ce moment de paix, illuminant la pièce d'une lueur bleutée artificielle. La photographie de Léa apparaît sur l'écran dans un rappel impitoyable du monde extérieur. Je décide sans hésiter de ne pas répondre, sachant que son message, aussi urgent puisse-t-il être, peut bien attendre encore quelques instants. Ce soir, ma seule et unique priorité est Cassia. Tout le reste peut s'effacer devant son bien-être. « Je vais te préparer une tasse de thé bien chaud et un cachet pour soulager ton mal de tête. Tu pourras te recoucher après et essayer de te reposer... Je ne quitterai pas cet appartement, je resterai à tes côtés, ne t'inquiète pas » murmurai-je d'une voix apaisante en délaissant à regret notre étreinte réconfortante. J'embrasse une dernière fois le crâne de Cassia avec une infinie douceur avant de filer à pas feutrés jusqu'à la cuisine attenante.

Une fois dans la pièce baignée de pénombres, je me mets immédiatement au travail avec des gestes si familier que je pourrai les effectuer les yeux fermés. Je fais bouillir de l'eau dans la bouilloire en sifflant doucement un air dont j'ai oublié les paroles, choisissant une infusion de plantes apaisantes pour aider Cassia à se détendre et retrouver un semblant de calme intérieur. Je sors un cachet contre le mal de tête et le pose à côté de la tasse sur le plan de travail, prêt à être dissous dans le breuvage réconfortant. Pendant que l'eau se réchauffe en bouillonnant dans un bruit devenu familier, je jette un rapide coup d'œil machinal au dossier de l’armée fraîchement imprimé, mais je me détourne presque aussitôt, concentré sur ma tâche première auprès de Cassia. Le sifflement aigu de la bouilloire vient bientôt percer le silence monacal qui s'est à nouveau installé. Je verse précautionneusement l'eau brûlante sur le petit sachet de thé, regardant les feuilles se déployer lentement et diffuser leur arôme envoûtant. Je prends quelques secondes pour respirer profondément, essayant vainement de chasser la lourde fatigue qui pèse sur mes épaules alourdies par les tensions de la nuit.

Une fois le thé bien infusé, je retourne d'un pas mesuré dans la chambre à coucher aux couleurs tamisées, la tasse fumante dans une main, le cachet dans l'autre paume ouverte en une offrande de réconfort. « Voilà, bois doucement, ça va te faire du bien » dis-je d'une voix douce en lui tendant la tasse et le cachet avec une infinie précaution, comme s'il s'agissait d'objets d'une fragilité extrême. Je m'assieds à nouveau lentement sur le rebord du lit, tout près d'elle, observant ses mouvements lents mais déterminés d'un regard empreint de sollicitude et de tendresse. Le silence s'installe à nouveau, mais cette fois, il est rempli de promesses de réconfort. Je suis déterminé à veiller sur Cassia jusqu'à ce que le jour se lève enfin, apportant avec lui un espoir renouvelé et le réconfort d'une nouvelle aube toute chargée de promesses de paix intérieure.

Même si nous ne sommes désormais plus ensemble, je suis bien incapable d'agir froidement comme si nous n'étions plus que deux étrangers indifférents l'un à l'autre. Chaque fibre de mon être se refuse avec force à ignorer ses besoins essentiels, sa santé fragile, son confort le plus élémentaire. Pendant que Cassia boit son thé à petites gorgées prudentes, je l'observe avec une attention de tous les instants, guettant le moindre de ses mouvements, chaque petite expression fugace de son visage meurtri gravée à jamais dans les replis les plus intimes de ma mémoire aimante. D'un geste qui m'est devenu naturel, presque ritualisé, je pose ma main large sur sa cuisse frêle, dans un contact à la fois rassurant et apaisant. « Je vais rester avec toi pour la nuit entière, et demain, lorsque tu te réveilleras enfin, je serai toujours là, présent à tes côtés, à veiller sur toi comme je l'ai toujours fait... » lui confiai-je dans un murmure rauque à peine audible, replaçant délicatement une mèche de ses cheveux en désordre derrière son oreille avec une infinie douceur. « On reparlera de tout ceci demain à la lueur du jour... Il faut que tu te reposes maintenant Cassia, sans te faire de souci. C'est la seule chose importante pour l'instant. » Je lui offre un sourire réconfortant de douces lèvres, avant de m'allonger avec d'infinies précautions auprès d'elle sur le lit aux draps défaits. Le lit est heureusement assez large pour que je puisse trouver une position où me blottir contre elle sans la déranger, nos deux corps encore brûlants se frôlant par instants. Je suis pleinement conscient que ses terribles cauchemars pourraient bien revenir la hanter d'une minute à l'autre, alors je veux être présent à ses côtés, prêt à la rassurer, à apaiser ses tourments, à la protéger de tous les dangers, qu'ils soient réels ou chimériques.

Le silence un peu figé de la chambre n'est à présent interrompu que par le souffle régulier de Cassia enfin assoupie et le bruit lointain de la ville encore à demi endormie, comme une respiration confuse et sourde. Une étrange sérénité m'envahit, presque à mon corps défendant, en étant ainsi tout contre elle, une forme de paix intérieure apaisée malgré la fatigue dévorante qui tiraille mes membres. Presque inconsciemment, mon bras se glisse avec une douceur infinie autour de sa taille si menue, comme pour mieux l'envelopper, sa chaleur réconfortante réchauffant mon cœur affamé d'amour. Je me mets à repenser à notre relation tourmentée, aux moments d'insouciance félicité comme aux cruelles épreuves que nous avons dû traverser ensemble, côte à côte.

Assise en tailleur sur le lit, je regrette toujours autant d'avoir trop bu ce soir. Je regrette même tour court d'être sortie sur un coup de tête et d'avoir été dans ce bar avec Anna. Malheureusement je ne pouvais pas revenir en arrière. J'exprime malgré tout à voix haute mes regrets concernant la soirée que je venais de passer. C'est à ce moment là que Milo se lève pour venir le se glisser derrière moi. Ses bras se faufilent autour de ma taille et ses lèvres dépose un baiser sur le haut de mon crâne. Le jeune homme m'affirme alors que ce n'était pas de ma faute et que ces hommes n'avaient pas le droit d'agir comme ils l'avaient fait. Milo souligne le fait que le plus important était que je sois enfin en sécurité avec lui avant de me demander si les hommes en question ne m'avaient pas touché. Je sens le visage de Milo se pencher légèrement pour me regarder. Je hoche la tête légèrement de gauche à droite « Non, il a essayé mais je l'ai repoussé... » dis-je en faisant référence à l'homme qui était venu me rejoindre dans les toilettes.

Nous restons ainsi un long moment. La proximité avec Milo avait toujours eu le don de m'apaiser. Parfois, mes yeux se ferment tous seuls profitent de ce moment de quiétude. Soudain, une vibration vient brisée ce moment de calme. Instinctivement je tourne mon visage vers la source de ce dérangement. Il s'agissait du téléphone de Milo. En soit rien de très étonnant mais ce qui me surpris c'est de voir la photographie de Léa apparaître sur l'écran de l'appareil téléphonique. Milo avait donc gardé contact avec elle. Était ce si surprenant que cela ? Pas vraiment sinon repense au fait qu'ils avaient même prévu de partir en weekend tous les deux. « C'est un peu tard pour un simple message de courtoisie... » dis-je simplement. Une simple remarque, rien de plus. Puis Milo me propose de me préparer une tasse de thé ainsi qu'un cachet pour le mal de tête. Incroyable je n'avais pourtant rien dit sur la douleur que je commençais à ressentir. Il n'y a vraiment que Milo pour me connaître si bien à ce point et anticiper mes besoins. Et après avoir dépose un dernier baiser sur mes cheveux, Milo se lève et quitte la chambre silencieusement.

Un court instant plus tard , Milo revient dans la chambre. Une tasse de thé dans une main et un cachet contre la douleur dans l'autre. Je m'empare alors du cachet dans un premier temps puis je lui prends délicatement la tasse des mains ensuite « Merci beaucoup... » dis-je avant de prendre une première gorgée et d'avaler le cachet qui je l'espérait allait me faire du bien rapidement. Milo me réaffirme ensuite sa volonté de rester avec moi toute la nuit ainsi que sa volonté d'être là demain matin quand je me réveillerais, et de veiller sur moi comme il l'avait toujours fait. Mon regard se pose sur Milo et malgré tout un léger sourire se dessine sur mes lèvres. « C'est très gentil à toi Milo. Vraiment... » dis-je le plus sincèrement du monde. Puis le pilote de ligne suggère que l'on reparle de tout cela demain matin car je devais me reposer. « Et toi aussi tu dois dormir un peu... » dis-je simplement. Milo finit alors par s'allonger sur le lit. Je fais de même après avoir terminé de boire mon thé. Je viens remonter la couette sur moi et blottir mon visage contre mon oreiller. « Bonne nuit... » Murmurai-je au jeune homme.

Le lendemain matin, je me réveille doucement. En me retournant je constate que Milo est toujours là, comme il me l’avait promis. Le pilote de ligne est encore endormi. Je reste allongée encore un petit moment mais je décide finalement de me lever en faisant le moindre de bruit possible pour me rendre à la cuisine. J’avais très soif, pas étonnant vu mon état d’hier. Je me sers donc un grand verre de jus de fruits bien frais et prend place sur une chaise à côté de la table de la cuisine. Des papiers présents sur cette dernière attire mon regard. Il ne me semblait pas avoir laissé traîner quelque chose la veille. Je prends les feuilles en main et constate avec étonnement, voir même effroi, qu’il s’agit du dossier à compléter pour l’armée. Mes yeux parcourent rapidement les différentes feuilles. Milo avait donc pris sa décision et il ne reviendrait pas dessus. Je sens un immense pincement au cœur face à ce constat. Soudain, j’entends un bruits dans le couloir. Mes yeux quittent alors le dossier pour venir se poser sur Milo qui venait tout juste de se lever. Il s’avançait vers moi. Mes mains légèrement tremblantes reposent les feuilles sur la table « Alors comme ça, tu as pris ta décision… Tu vas vraiment accepter cette proposition ? Tu vas réellement partir ? » demandai-je curieuse mais aussi très soucieuse.

La nuit s'écoule avec une lenteur presque insoutenable pour moi. À plusieurs reprises, je me redresse légèrement sur un coude, repoussant les couvertures d'un geste machinal pour jeter un regard inquiet sur le visage de Cassia, enfin assoupie. Comme pour m'assurer qu'elle est bel et bien présente et en sécurité à mes côtés, et non menacée par un danger insidieux prêt à la lui ravir. Presque inconsciemment, mon torse se presse alors contre son dos avec une douce insistance, et ma main tâtonne pour retrouver la sienne dans un geste apaisant de réconfort mutuel. Nos doigts s'enlacent un bref instant, comme pour mieux sceller notre union au-delà des mots devenus superflus. Finalement, après ce qui me semble une éternité de veille angoissée, le sommeil finit par me gagner à son tour dans cette position devenue familière. Au petit matin, j'émerge brièvement dans un état de semi-conscience, percevant encore confusément la chaleur rassurante de son étreinte contre ma poitrine nue. Même dans mon demi-sommeil, je ressens un bonheur profond à avoir Cassia là, en sécurité lovée dans le cocon protecteur de mes bras musclés. Cette simple pensée m'apaise sur un plan presque viscéral. Cependant, à un moment, je sens brutalement la chaleur réconfortante de son corps me quitter. Je grogne légèrement dans mon sommeil en me tournant de l'autre côté avec une moue contrariée, cherchant presque instinctivement à prolonger ce précieux contact rassurant.  

Quelques minutes plus tard, je me réveille complètement, la place dans le lit à côté de moi désormais cruellement vide. Un rapide coup d'œil circulaire me suffit pour constater l'absence de Cassia dans la chambre. Je me lève d'un bond, repoussant les couvertures d'un geste brusque, et me dirige d'un pas mal assuré vers la cuisine attenante.  C'est là que je la retrouve enfin, les yeux rivés sur le dossier confidentiel de l'armée que j'avais imprudemment laissé traîner sur la table la veille au soir. Un élan de regret cuisant me traverse, cela aurait pu mal tourner si elle avait été surprise par son contenu sensible dans son état de vulnérabilité... Pourquoi ai-je laissé ce document hautement secret à sa portée ? Je m'approche d'elle à pas prudents et lui retire précautionneusement le dossier des mains avant de le reposer sur la table, hors de son champ de vision. « Je suis un peu perdu... Je ne sais plus trop comment agir pour le mieux... » avouai-je dans un souffle, sentant le poids de l'incertitude et du doute m'envahir soudain. Sans résister à l'envie pressante de la prendre dans mes bras, je la serre contre moi avec douceur mais fermeté, cherchant à lui offrir le réconfort de mon étreinte rassurante autant qu'à me rassurer moi-même sur sa présence si précieuse à mes côtés. « Pour le moment, je suis avec toi, et c'est tout ce qui compte, non ? » murmurai-je d'une voix rauque en caressant tendrement ses cheveux défaits. Je veux qu'elle sente au plus profond d'elle-même combien sa présence m'est devenue essentielle en ces heures troubles où je ne sais plus trop où j'en suis. Je la regarde attentivement, comme pour l'ausculter du regard et évaluer au mieux son état physique et moral après les événements éprouvants de la nuit. « Comment te sens-tu ce matin ? Tu veux que je te donne un cachet contre la migraine qui doit te martyriser le crâne ? » demandai-je avec sollicitude tout en embrassant tendrement son front. Je m'éloigne brièvement pour aller chercher un cachet contre la douleur et un grand verre d'eau fraîche dans le réfrigérateur, avant de revenir rapidement me poster devant elle. Je lui tends le verre et le cachet d'un geste lent et prudent, veillant à ce qu'elle soit bien installée confortablement. « Nous parlerons de tout cela un peu plus tard, quand tu te sentiras un peu mieux et reposée, » dis-je doucement en caressant sa joue. « Pour l'instant, détends-toi et laisse-moi prendre soin de toi comme je le dois. » Je reste près d'elle, mon bras passé autour de ses épaules frêles et tremblantes, espérant que ma simple présence physique pourra alléger un peu le poids de ses noires inquiétudes trop longtemps contenues. La lumière chaude du petit matin commence à inonder doucement la cuisine de ses rayons d'or pâle, apportant avec elle une promesse de renouveau et d'infinies possibilités. Pour l'heure, nous avons juste besoin de ce moment suspendu, de cette relation unique, et de la certitude inébranlable que malgré toutes les incertitudes de l'avenir, nous pouvons toujours compter l'un sur l'autre dans les pires tempêtes.

La lumière douce du matin filtre à travers les rideaux de la cuisine, apportant une ambiance apaisante. Je regarde Cassia, encore perturbée par les événements de la nuit. « Viens, je vais te préparer un bon bain chaud, » dis-je doucement, espérant lui offrir un moment de répit et de détente. Je l’emmène doucement vers la salle de bain, la soutenant au besoin. En arrivant, j'allume la lumière tamisée et commence à faire couler l'eau chaude dans la baignoire. Je choisis soigneusement un bain moussant à la lavande, réputé pour ses propriétés apaisantes, et verse une généreuse quantité sous le jet d'eau. La mousse commence à se former rapidement, emplissant la pièce d'un parfum relaxant. « Assieds-toi là, je m’occupe de tout, » lui dis-je en désignant le bord de la baignoire. Elle s’assoit, observant mes gestes attentifs. Je règle la température de l'eau pour qu'elle soit parfaite, ni trop chaude ni trop froide. Lorsque la baignoire est presque pleine, je ferme le robinet et me tourne vers Cassia. « Le bain est prêt. »  Je l’aide doucement à se déshabiller, veillant à ce qu’elle soit à l’aise à chaque étape. Puis, je l’assiste pour entrer dans la baignoire, la mousse enveloppant immédiatement son corps. Elle s'immerge lentement, un soupir de soulagement s’échappant de ses lèvres. « Détends-toi, » murmurai-je en lui passant une serviette roulée pour qu’elle puisse reposer sa tête confortablement. « Je vais rester là, juste à côté, si tu as besoin de quelque chose. » Je m’assois sur le tabouret à côté de la baignoire, observant Cassia se détendre peu à peu. Ses muscles se décontractent, et ses traits se détendent enfin après la tension de la nuit. Je prends un gant de toilette et le trempe dans l’eau chaude, le pressant doucement contre ses épaules pour apaiser les dernières traces de stress. « Ça va mieux ? » demandai-je doucement, caressant tendrement son bras. Le parfum apaisant de la lavande emplit l'air, et le calme de la pièce semble offrir une promesse de renouveau et de guérison. « Prends tout le temps dont tu as besoin, » murmurai-je, mon cœur se remplissant de soulagement à la voir enfin trouver un peu de paix. Pour l’instant, rien d'autre n'a d'importance que ce moment de réconfort et de soutien.

Je venais de me lever. Et à peine arrivée à la cuisine, j’étais tombé sur un petits tas de feuille qui composait le dossier confidentiel que devais remplir Milo. Ces papiers en main, je regarde vaguement le contenu mais mon esprit est bien trop préoccupé pour lire réellement quoi que ce soit. A ce moment là, Milo arrive près de moi. Impossible de ne pas lui poser des questions. Allait-il réellement remplir ce dossier ? Sa décision était-elle prise et définitive ? Le pilote ligne me retire doucement le dossier des mains avant de le poser un peu plus loin sur la table. Il m’avoue être un peu perdu et ne plus trop savoir agir pour le mieux. Le jeune homme vient me prendre dans ses bras et souligne le fait que pour le moment il était avec moi et que c’est tout ce qui comptait. Sa question était assez rhétorique, je pouvais aisément le ressentir. « Oui mais pour combien de temps... » dis-je malgré tout un peu anxieuse des décisions que Milo allait prendre dans les jours à venir.

Puis Milo change de sujet, me demandant comment je me sentais ce matin et si je souhaitais un cachet contre la migraine. « Ça va mieux. Mais je ne dirais pas non pour un cachet contre la migraine... » dis-je simplement. Et sans attendre Milo part me chercher le nécessaire. Une fois revenu vers moi je m’empare du verre d’eau et du cachet « Merci. » dis-je simplement avant d’avaler l’antidouleur. Milo suggère que l’on reparle de tout cela un peu plus tard, quand je me sentirais mieux et reposée. Il me demande de me détendre et de le laisser prendre soin de moi comme il le devait. « Je vais bien... » dis-je pour le rassurer quelque peu. Et puis, je commençais à croire que Milo retardait tout simplement le moment où nous allions nous expliquer. Sur notre dispute de hier mais aussi et surtout sur son potentiel départ. Finalement, Milo décide d’aller me préparer un bon bain chaud. Nous nous dirigeons donc à la salle de bain. Je m’assois sur le rebord de la baignoire et observe Milo s’affairer à tout préparer. Lorsque le bain est prêt Milo m’aide à me dévêtir et à entrer dans l’eau. Une fois mon corps dans l’eau, je laisse échapper un léger soupire de soulagement et de satisfaction. La sensation de l’eau chaude sur mon corps quelque peu endolori me faisait un bien fou. Tout comme l’odeur de la lavande. Milo est aux petits soins pour moi, j’en suis presque gênée. Milo me fait part de sa volonté de rester juste à côté si j’avais besoin de quelque chose « Merci beaucoup, pour tout ce que tu fais... » Milo s’empare d’un gant de toilette qu’il vient presser doucement contre mes épaules. Je profite de ce moment de détente, je pouvais sentir tous mes muscles se décontracter petit à petit. « Oui, beaucoup mieux... » dis-je pour répondre à la question de Milo.

Je reste un bon moment dans la baignoire. Puis quand l’eau commence à devenir froide, je décide de quitter le bain. Je m’enroule dans une serviette sèche et légèrement chauffée grâce au porte serviette chauffant présent dans la pièce. Puis je vais enfiler une tenue pour la journée. Je rejoins ensuite Milo au salon. Je prend place sur le canapé. Mon regard se pose sur lui. « Milo, tu sais je suis apte à discuter… Il va bien falloir qu’on le fasse de toute manière, non ? » dis-je en l’invitant à prendre place près de moi.

Je laisse Cassia dans la salle de bain, refermant doucement la porte derrière elle pour lui offrir un moment de tranquillité et de détente. Je me tourne alors vers le désordre léger qui règne dans l'appartement. Je commence à ranger quelques affaires ici et là, essayant de remettre un peu d'ordre dans cet espace partagé. Alors que je m’affaire, mon regard se pose sur le dossier de l’armée posé sur la table. Je m’arrête, le prends en main et le parcours de nouveau des yeux. Chaque ligne de texte semble peser plus lourd que la précédente. Je n’ai pas le cœur à le remplir. En vérité, je suis totalement perdu. Les décisions à prendre me paraissent insurmontables. Partir n’est pas une bonne idée, je le sais au fond de moi. Mais que faire alors ? Je m'assois à la table, le dossier ouvert devant moi. Les pages semblent interminables, remplies de formulaires, de questions, de détails à remplir. Chaque mot me semble étranger, chaque ligne une barrière infranchissable. Je passe une main tremblante dans mes cheveux, soupirant profondément. Les doutes s'amoncellent dans mon esprit. Suis-je vraiment prêt à m'engager dans cette voie ? À laisser derrière moi tout ce que je connais, tout ce qui m'est cher, pour une vie d'incertitudes et de dangers ? Les visages de mes proches défilent devant mes yeux, et je ressens une boule d'angoisse se former dans mon estomac. Je pense à Cassia, à la soirée éprouvante que nous venons de traverser, à la vulnérabilité que j'ai vue dans ses yeux. Comment pourrais-je la laisser, sachant qu'elle a encore besoin de moi, que notre histoire est loin d'être terminée ? Le sentiment de responsabilité me pèse lourdement. Je feuillette les pages du dossier sans réellement lire ce qui est écrit, mon esprit ailleurs. Les mots se brouillent, les phrases se mélangent, et je me retrouve à fixer les lignes sans les comprendre. Je suis envahi par une sensation de vertige, d'incertitude totale. Le bruit de l'eau qui coule dans la salle de bain me ramène momentanément à la réalité. Cassia est là, juste derrière cette porte, cherchant à se reconstruire après la nuit difficile qu'elle a vécue. Comment pourrais-je la laisser seule dans un moment pareil ? Je ferme le dossier avec un soupir, le laissant retomber sur la table. Je me sens pris au piège entre deux mondes, incapable de choisir une voie claire. Mes pensées tourbillonnent, et je me rends compte que je n'ai pas toutes les réponses. Je me lève finalement, me dirigeant vers la cuisine pour me préparer un café. J'espère que la caféine m'aidera à y voir plus clair, à apaiser le chaos dans mon esprit. Alors que je verse l'eau chaude dans la tasse, mes pensées reviennent sans cesse à Cassia, à notre situation, et à ce fichu dossier de l'armée. Pour l'instant, je décide de laisser le dossier de côté. J'ai besoin de temps pour réfléchir, de temps pour comprendre ce que je veux vraiment. Et plus que tout, j'ai besoin d'être là pour Cassia, de m'assurer qu'elle va bien, de la soutenir dans cette période difficile. Je retourne à la table avec ma tasse de café, essayant de calmer mes pensées tumultueuses. La décision finale viendra en temps voulu, mais pour l'instant, ma priorité est ici, dans cet appartement, avec Cassia.

Soudain, je perçois l’écho de la voix de Cassia depuis le salon. Elle m’invite à prendre place près d’elle sur le canapé. Une part de moi redoute cette conversation, mais je sais qu’il est nécessaire d’affronter nos sentiments et nos doutes. Peut-être ai-je involontairement repoussé ce moment ? J’acquiesce d’un mouvement de tête, prenant une profonde inspiration avant de rejoindre Cassia. Je m’assieds à ses côtés, ressentant une certaine tension dans l'air. Les secondes s’égrènent lentement, et je me décide enfin à la regarder dans les yeux. « Je suis désolé pour hier soir, Cassia… Je… J’étais en colère et… J’ai dit des choses que je regrette… » Ma voix est basse, teintée de remords. « Je m’excuse pour… pour toutes les horreurs que j’ai pu te dire… » Je vois l'ombre de la tristesse passer dans ses yeux, mais elle reste silencieuse, m'écoutant attentivement. « Je sais que les choses ont été difficiles entre nous, » continuai-je, essayant de mettre de l’ordre dans mes pensées. « Je me suis laissé emporter par la colère et la frustration, et je n’aurais jamais dû te parler ainsi. » Je prends une profonde inspiration, sentant le poids de mes paroles. « Ces derniers mois ont été éprouvants, et je suis désolé d’avoir laissé ma colère prendre le dessus. Ce que je veux vraiment, c’est être là pour toi, te soutenir et te protéger. » Mes mots semblent résonner dans le silence qui nous entoure, et je continue, espérant que ma sincérité atteindra son cœur. « En ce qui concerne ce dossier, » dis-je en désignant le document de l’armée, « je suis perdu, Cassia. Je ne sais plus quoi faire ni quoi penser. Partir semble une mauvaise idée, mais rester sans un plan clair m’angoisse aussi. » Je pose ma main sur la sienne, cherchant un contact rassurant. « Pour l’instant, je veux juste être ici avec toi, et faire ce qu’il faut pour que tu ailles mieux. » Je prends une pause, la regardant dans les yeux. « Qu’est ce que je peux faire pour toi ? » demandai-je doucement, en replaçant l’une de ses mèches de cheveux derrière le creux de son oreille.

A présent installée sur le canapé du salon, je fais comprendre à Milo que le temps de discuter était venu. Depuis hier soir, j’avais l’impression que le pilote de ligne souhaitait repousser ce moment. Maintenant, malgré une soirée et une nuit mouvementée, j’étais tout à fait apte à avoir une conversation avec lui. Milo vient donc prendre place à mes cotés. Et sans que j’ai le temps de dire quoi que ce soit, Milo commence d’abord à s’excuser, m’avouant qu’il était en colère et qu’il avait dit des choses qu’il regrettait. Je suis tout de même soulagée de l’entendre dire par lui même qu’il regrettait ses paroles. Depuis hier je ne cessais de me demander si vraiment il pensait tout ce qu’il avait pu dire ou non. Milo continue à s’excuser. « Tu es tout excusé... » dis-je le plus sincèrement du monde. « Je suis soulagée de t’entendre dire que tu ne pensais pas ce que tu as dit... » avouai-je malgré tout au jeune homme. Milo évoque des mois qui se sont écoulés assez éprouvants, et m’avoue que ce qu’il voulait vraiment c’était être là pour moi, pour me soutenir et me protéger. Un léger sourire se dessine alors sur mes lèvres. Cela faisait un bien fou de l’entendre parler ainsi et de constater que notre relation était toujours la même du moins, notre amitié. « Et moi, je suis désolée de t’avoir blessé en songeant à partir d’ici. Ce n’était vraiment pas l’objectif Milo, crois moi… C’est juste que j’étais désemparée face à ta décision de partir et c’est la seule idée que j’ai eu pour essayer de t’empêcher d’accepter la proposition du colonel... » Dans le fond je n’avais aucune envie de quitter Fall River, sauf si cela pouvait faire changer d’avis Milo. Puis le pilote de ligne évoque le dossier de l’armée, il m’avoue être perdu et ne plus savoir quoi faire ni même penser. Je suis quelque peu soulagée de l’entendre dire que partir lui semble être une mauvaise idée. Toutefois rester l’angoissait également. Milo pose alors sa main sur la mienne, un geste que je n’esquive pas, au contraire. Le jeune homme me dit que pour le moment il voulait juste être ici avec moi et faire ce qu’il fallait pour que j’aille mieux. Il replace une mèche derrière mon oreille en me demandant ce qu’il pouvait faire pour moi. « Tu n'as pas besoin de faire quelque chose. Je vais bien, je te le promets... » dis-je simplement. Puis je rebondis sur ce qu’il venait de dire au sujet de son choix de partir ou non « Passe la journée avec moi. Laisse moi essayer une dernière fois de te convaincre de rester et de refuser la proposition de l’armée... » dis-je tout simplement à Milo. Peut-être que passer la journée ensemble et aller se balader dans des lieux symboliques pour lui, pour nous, l’aiderait à prendre sa décision. Bien que dans le fond j’espérais surtout qu’il décide de rester.

Je suis profondément heureux d'être ici, en ce lieu précis, avec Cassia à mes côtés, et nulle part ailleurs. C'est avec elle, et elle seule, que je veux désormais être, partager mon existence, mon quotidien, mes pensées les plus intimes. Chaque instant fugace passé près d'elle, malgré les inévitables tempêtes et les difficultés traversées, me rappelle avec une force saisissante à quel point notre connexion, notre symbiose est essentielle, vitale pour mon équilibre. La voir là, accablée mais forte dans l'adversité, vulnérable mais digne, me remplit d'une détermination renouvelée, inébranlable. « Je suis vraiment navré pour toutes les paroles blessantes que je t'ai maladroitement lancées hier soir, Cassia... »murmurai-je d'une voix enrouée par l'émotion, cherchant avidement à croiser son regard limpide. « J'étais en proie à une colère irrationnelle et apprendre que tu envisageais sérieusement de tout quitter et de fuir loin de Fall River par ma faute m'était tout simplement insupportable. » Les mots sortent avec une certaine difficulté de ma gorge serrée, mais ils n'en sont que plus sincères, chargés de tout le remords cuisant que je ressens au plus profond de mes tripes. Elle me regarde avec intensité, et je poursuis, sentant les battements de mon cœur s'emballer. « C'est avec toi que j'ai envie d'être, uniquement avec toi et personne d'autre... » Cette simple et indéniable vérité flotte entre nous, presque palpable, résonnant dans le silence subitement lourd de la pièce devenue notre refuge.

Alors que Cassia s'excuse à son tour, je ne peux pas résister plus longtemps à l'envie dévorante de la prendre dans mes bras musclés, de la serrer fort, très fort contre mon torse frémissant. La chaleur de son corps souple contre le mien est réconfortante à un point inimaginable, et je ressens une vague de soulagement presque physique m'envahir des pieds à la tête. « Tu n'as pas à t'excuser Cassia... C'est moi, et moi seul, qui ai affreusement mal agi... » Mes lèvres se posent alors en un geste tendre mais ferme sur son front brûlant, un geste d'apaisement et de protection muette. Je prends une profonde inspiration saccadée, cherchant à lui faire ressentir par ce seul contact combien je tiens désespérément à elle, à son bien-être, sa tranquillité d'esprit. « J'ai eu tellement peur pour toi hier soir, tu n'imagines même pas à quel point j'ai été terrassé par l'angoisse. Quand Anna m'a appelé, affolée, pour me dire que tu avais disparu, j'ai fait absolument tous les bars crasseux de la rue à ta recherche ! » Ma voix est subitement teintée de l'inquiétude dévorante qui m'avait alors submergé, envahi jusqu'à la dernière parcelle de mon être. « Je me suis même fait sèchement incendier et rembarrer par une jeune femme alors que je te cherchais dans les toilettes d'un énième bar miteux à l'hygiène plus que douteuse. Elle m'a crié dessus comme si j'étais un vulgaire intrus, ce que j'étais certes un peu techniquement à cet endroit ! » Un sourire léger, presque gêné, étire brièvement mes lèvres à cette anecdote pour essayer de détendre quelque peu l'atmosphère devenue lourde comme du plomb. Je poursuis d'un ton plus enjoué. « Oui, cette espèce de folle furieuse m'a copieusement insulté et disputé comme si je voulais l'agresser, alors que je n'avais qu'une seule obsession en tête : te retrouver enfin, quitte à me faire arrêter pour atteinte à l'ordre public ! Mais je m'en moquais bien à cet instant précis, tu étais ma seule priorité... »

Nous restons un long moment ainsi enlacés, trouvant un certain réconfort dans cette proximité charnelle, cette étreinte brûlante scellant notre union au-delà des mots devenus presque superflus. La douleur, la colère et l'incompréhension résiduelle de la veille commencent peu à peu à s'estomper, remplacées par une authentique compréhension mutuelle et une volonté farouche, inébranlable, de reconstruire pierre par pierre ce qui a été brisé entre nous. « Je suis là pour toi, Cassia. Je le serai toujours, quoiqu'il puisse arriver, quelles que soient les épreuves que nous aurons à traverser côte à côte ou les gens qui chercheront à nous séparer. » murmurai-je d'une voix rauque mais apaisée, mon front reposant contre le sien dans un geste d'affection muette.

Nous avons encore tant de choses à nous dire, tant d'incompréhensions à dissiper, de non-dits à explorer, mais pour l'instant, la seule chose qui importe réellement est d'être pleinement réunis, ensemble. Lorsque Cassia me demande d'une voix légèrement hésitante de rester près d'elle pour la journée, afin qu'elle puisse saisir cette opportunité pour me convaincre d'abandonner une bonne fois pour toutes cette fichue idée devenue obsédante de m'engager dans l'armée, un sourire instinctif, lumineux s'étire sur mes lèvres. L'idée rassurante de passer l'intégralité de cette journée tant attendue avec elle, dans l'intimité apaisante de notre cocon, me remplit d'une joie indicible, presque palpable.

Mais soudain, le souvenir de ma conversation de la veille avec Léa me revient en pleine figure. Elle m'avait gentiment invité à passer l'après-midi chez ses parents pour un moment de détente en famille. Pendant un bref instant, je réfléchis à toute vitesse à la meilleure manière de décliner son invitation à la dernière minute sans paraître trop discourtois. « Tu sais pertinemment que je suis tout simplement incapable de te résister quand tu me regardes ainsi... » Je marque une courte pause, plongeant mon regard rieur dans ses prunelles envoûtantes. « C'est d'accord, je vais rester auprès de toi aujourd'hui comme tu me le demandes. Et ce soir, je te propose que l'on passe la soirée encore tous les deux, rien que nous deux, à faire ce que bon nous semblera ! » Je lui adresse un clin d'œil complice avant de poursuivre sur un ton volontairement provocateur et taquin, un sourire mutin au coin des lèvres. « [color=#000099] Sauf bien sûr si tu en as déjà marre de moi d'ici là et que tu souhaites que je m'en aille pour aller rejoindre Erin, Lou ou Léa si tu le préfères ? Cassia lève les yeux au ciel d'un air faussement exaspéré, un léger sourire flottant sur ses lèvres, et je sens son profond soulagement à l'idée réconfortante de ne pas avoir à m'affronter seule pour les prochaines heures. « Mais avant de me consacrer pleinement à toi... j'ai une dernière petite chose à régler, et après je ne suis plus qu'à toi pour le reste de cette merveilleuse journée ! » Sans perdre une seconde de plus, je prends rapidement mon téléphone portable pour prévenir Léa de mon contre-temps. Je l'appelle prestement, tenant toujours Cassia lovée contre moi d'un bras protecteur. « Allô Léa ? Ouais, c'est Milo... Je suis vraiment navré, mais je ne vais pas pouvoir venir cet après-midi comme prévu. » Rapidement, Léa semble parfaitement comprendre la situation et me propose avec bienveillance une alternative, un dîner avec sa famille dans un restaurant agréable la semaine suivante. J'accepte sa proposition avec reconnaissance, remerciant chaleureusement Léa pour sa grande compréhension, avant de raccrocher et de ranger définitivement mon téléphone.

Je me tourne à nouveau vers Cassia, mon sourire s'élargissant jusqu'aux oreilles, rayonnant de bonheur à l'idée de cette journée rien qu'à nous. « Voilà, je suis définitivement tout à toi pour le reste de cette merveilleuse journée qui s'annonce ! » Je passe aussitôt mon bras musclé autour de ses épaules, la tenant fermement mais avec douceur tout contre moi. « Alors, par quoi veux-tu commencer cette journée qui nous appartient ? Que dirais-tu d'un succulent brunch pour bien démarrer ? Ou peut-être préfères-tu qu'on aille se promener un peu dans le parc pour prendre l'air frais ? Je suis à ton entière disposition, prêt à exaucer le moindre de tes désirs ! »

Cette conversation tant repoussée avait enfin lieu. Et chacun notre tour nous prenions le temps de nous exprimer. J’étais soulagée d’entendre Milo me dire qu’il ne pensait pas ce qu’il m’avait dit la veille. Il s’excusa encore. Mais comme je venais de le dire, il était tout excusé. La colère avait parlé à sa place hier. C’était sans nul doute des choses qui arrivaient. Milo m’avoue que m’entendre dire que je voulais quitter Fall River lui avait été insupportable. « Je le sais Milo, je le sais... » Je regrettais d’ailleurs d’avoir proposé cette solution. J’aurais sans doute dû réfléchir un peu plus avant de faire une telle proposition. Le pilote de ligne m’annonce que c’est avec moi qu’il avait envie d’être, uniquement avec moi et personne d’autre. « Et c’est avec toi que j’ai envie d’être aussi. Toi et personne d’autre... » avouai-je le plus sincèrement du monde. Finalement, cette discussion avait du bon, je me sentais déjà plus apaisée. Puis Milo m’avoue avoir eu peur pour moi hier soir. Il me raconte alors l’appel d’Anna et puis ses allers et venues dans de nombreux bars de la ville. Il me raconte même une mésaventure qu’il avait eu avec une femme qui pensait que Milo était un homme malintentionné venu chercher je ne sais quoi dans les toilettes des femmes. J’ai malgré tout un pincement au cœur en imaginant le jeune homme à ma recherche « Je suis vraiment désolée… Je suis sortie sur un coup de tête. Après notre dispute, j’ai… j’ai voulu me changer les idées… J’aurais du faire plus attention... » dis-je en le rendant compte que cela n’avait pas été la meilleure des idées. Je reste là, blottie contre son torse. Milo a des paroles rassurantes, apaisantes. Malgré tout la peur qu’il décide d’accepter la proposition de l’armée reste bien présente. Alors je propose à Milo de passer le reste de la journée avec moi, afin d’avoir une dernière chance pour le convaincre de rester ici, à Fall River. Un léger sourire apparaît de nouveau sur mon visage quand Milo m’annonce qu’il était incapable de me résister quand je le regardais ainsi. Finalement, le jeune homme accepte ma proposition. Il me propose même de passer également la soirée tous les deux. « Comme avant... » dis-je ravie et aussi presque nostalgique de savoir que nous allions passer la journée et la soirée ensemble. Notre lien si unique était donc toujours intact. Et comme avant, Milo me taquine un peu en évoquant d’ancienne conquêtes à lui « H’m… toujours aussi drôle... » dis-je simplement en faisant une légèrement moue.

Toutefois, avant d’entamer une quelconque activité Milo m’annonce qu’il avait une dernière petite chose à régler. Il prendre alors son téléphone en main. Je suis surprise du destinataire de son appel. C’est Léa. Apparemment il avait prévu de passer l’après-midi avec elle. Mais pour quelle raison exactement ? Elle lui avait déjà envoyé un message très tard hier soir. A quelle fréquence se voyait-il exactement ? Tous un tas de questions traversaient mon esprit. La conversation ne dure pas très longtemps. Une fois raccroché, Milo m’annonce être définitivement tout à moi. Un large sourire se dessine alors sur mon visage « Génial, ça me fait plaisir. Vraiment... »  Milo me demande alors ce par quoi je souhaitais commencer, il propose un brunch oume demande si je ne préférerais pas commencer par une promenade dans le parc pour prendre un peu l’air frais. « L’idée d’aller marcher un peu me plaît bien. Et puis, ça nous ouvrira peut-être l’appétit pour ensuite déguster un bon brunch... » dis-je assez enthousiaste. Sur ces mots, je me lève entrainant avec Moi Milo afin de nous préparer pour sortir.

Une fois prêts et décidés à profiter pleinement de cette journée rien que tous les deux, nous partons d'un pas léger nous promener dans les rues encore fraîches de Fall River. Le soleil matinal, encore bas à l'horizon, projette ses rayons chaleureux sur les pavés et les façades, baignant notre ville d'une douce lumière dorée quasi irréelle. L'air frais et vivifiant du petit matin nous entoure de sa caresse vivifiante, balayant les derniers relents de la nuit tourmentée. Je ressens une nouvelle vague d'énergie positive m'envahir, comme une envie soudaine de pleinement profiter de ces instants précieux en compagnie de Cassia. Tandis que nous cheminons côte à côte, nos pas se calquant naturellement, je ne peux résister à l'envie de la taquiner. « Tu sais, tu marches toujours aussi lentement que dans mes souvenirs ! » lui lançai-je d'un ton espiègle, un sourire mutin étirant mes lèvres. Je ris de bon cœur lorsqu'elle me donne un léger coup de coude malicieux en retour, une étincelle rieuse dansant au fond de ses prunelles éclatantes. « Avoue que tu fais exprès de me ralentir pour qu’on passe plus de temps ensemble, » continuai-je, mon ton léger et taquin.

Nous poursuivons ainsi notre promenade, échangeant taquineries affectueuses et rires complices, savourant chaque instant. À un moment, nous marquons une pause près des grilles d'un petit parc désert. J'attire tendrement Cassia contre moi, serrant son corps souple tout contre le mien avec une infinie douceur. Je caresse délicatement son visage de ma main libre, mes doigts effleurant la courbe satinée de sa joue dans un geste empreint de tendresse absolue. Mon pouce vient lentement redessiner le contour velouté de ses lèvres entrouvertes, appréciant la douceur incomparable sous mon toucher délicat. « Tu es tellement, tellement importante pour moi, Cassia... » murmurai-je d'une voix grave chargée de profonde sincérité. « Je ne veux plus jamais te perdre, plus jamais risquer de te voir t'éloigner de moi... » Je baisse alors la tête pour presser mes lèvres avec une infinie tendresse contre son front brûlant, savourant de toutes mes forces ce moment d'intimité intense et de proximité totale. Après un long moment ainsi enlacés, je lui propose de reprendre notre promenade d'un pas tranquille, sentant que l'atmosphère entre nous deux est devenue plus sereine et profonde.

Alors que nous poursuivons notre marche d'un pas tranquille au cœur de ce matin paisible, je ne peux m'empêcher d'être soudainement assailli par quelques souvenirs foutraques mais ô combien savoureux de notre passé commun. Le souvenir d'une nuit de camping mouvementée me revient en pleine figure, et je commence aussitôt à le raconter d'un ton railleur, un sourire déjà étiré sur mes lèvres. « Tu te souviens de la fois où nous avions décidé de faire du camping sauvage et où notre tente s'est littéralement effondrée sur nous en pleine nuit ? » Je ris de bon cœur à l'évocation gravée de ce moment devenu presque mythique, mon rire cristallin résonnant avec une insouciance réjouissante dans l'air frais du petit matin. « C'était une de ces nuits complètement dingues où absolument tout semblait aller de travers ! » Je vois un sourire éclatant, presque ravi, se dessiner aussitôt sur le ravissant visage de Cassia, ses yeux s'illuminant de l'éclat vif de ce souvenir partagé. Les images de cette soirée chaotique me reviennent effectivement en pleine figure avec une clarté saisissante. « Tu te rappelles comme nous avions monté ce fichu campement à la va-vite en arrivant tardivement, luttant comme des beaux diables contre le vent soutenu et la faible lumière tremblotante de nos lampes de poche ? » À mon tour, j'acquiesce d'un air faussement accablé, mime à l'appui. « Tu tentais tant bien que mal de la retenir en criant des instructions complètement incompréhensibles, pour moi, les yeux révulsés ! » Je m'applique à singer de mon mieux la gestuelle quelque peu grotesque qu'elle se remémore, exagérant presque outrancieusement les mouvements et les expressions de cette nuit survoltée. « Attrape ce piquet ! Non, pas celui-là à gauche, l’autre gauche ! » criai-je en imitant de mon mieux ma propre voix paniquée de l'époque. « Et puis, quand nous avons enfin réussi à la stabiliser après moult efforts, tu as subitement découvert que nous avions tout bêtement monté la tente à l'envers, et que l'entrée se trouvait désormais face à l'endroit d'où le vent soufflait le plus violemment ! » ajoutai-je en secouant la tête, à la fois amusé et presque émerveillé par notre remarquable talent pour la maladresse.

Je ne peux m’empêcher de surenchérir « Je crois que j'ai ri si fort à ce moment-là que j'ai fini par réveiller tous les campeurs des tentes environnantes à des centaines de mètres à la ronde ! » lançai-je en riant en me remémorant ce souvenir. « Et l'un des campeurs les plus proches est même venu nous voir dehors, vêtu de son seul caleçon et armé d'une lampe-torche, pour nous demander d'une voix pleine de sollicitude si nous avions besoin d'aide ou si nous nous étions lancés dans une sorte de spectacle comique improvisé. »

Nous poursuivons notre route d'un pas guilleret, nos éclats de rire se mêlant joyeusement aux doux pépiements des oiseaux et au bruissement apaisant des frondaisons alentour. Chacune de ces anecdotes réjouissantes contribue à renforcer un peu plus les liens déjà si puissants qui nous unissent, nous rappelant à quel point nous avons partagé tant de moments complices ensemble, et combien même les souvenirs les plus chaotiques ont contribué à forger la solidité de notre relation unique. « Tu sais, malgré tous les incroyables problèmes que nous avons rencontrés cette fameuse nuit-là, il reste l’un de mes souvenirs préférés », déclarai-je d'une voix soudain plus douce en plongeant mon regard débordant d'amour dans les prunelles de Cassia. « Parce que même dans le chaos le plus total, nous étions ensemble, soudés, et nous avons su trouver le moyen de rire et de profiter malgré tout de chaque instant. »

Je marque une brève pause pour reprendre mon souffle alors que je continue de rire aux éclats, les souvenirs se bousculant avec une vigueur réjouissante. « Et tu te souviens de ce soir-là ? Après tous ces imprévus cocasses, il faisait tellement froid que nous nous sommes finalement endormis l'un contre l'autre, tous deux pelotonnés pour tenter de conserver un peu de chaleur ? » Je poursuis d'un ton plus calme, mes yeux rivés aux siens avec une intensité nouvelle. « Le lendemain matin, je me suis réveillé avant toi et je dois dire que c'est probablement l'un des plus beaux spectacles qu'il m'ait été donné de contempler... » Je me tais un instant, savourant la plénitude du souvenir tandis qu'il afflue à ma mémoire avec une netteté saisissante. « Malgré le froid mordant de la nuit, le lever du soleil se reflétait sur ton visage avec une infinie douceur, parant tes traits délicats d'une lueur presque irréelle. Un rayon d'or liquide courrait le long de tes cheveux, les auréolant d'un scintillement féerique. Tes cils projetaient de fines ombres sur tes pommettes, pareilles à de fragiles arabesques de dentelle... »

Ma voix n'est désormais plus qu'un murmure rauque, empreint d'une profonde émotion alors que je caresse tendrement la joue de Cassia du bout des doigts, m'attardant sur chaque détail gravé dans ma mémoire. « Et tes lèvres entrouvertes, si douces, si tentantes... Je me souviens avoir senti mon cœur rater un battement tant tu me semblais magnifique et fragile dans cette aube naissante. » Le revers de mon pouce ébauche sa joue, puis sa lèvre. « Et quand j'ai croisé ton regard, voilé d'un émerveillement sans bornes, j'ai su que cet instant resterait gravé en moi jusqu'à la fin de mes jours. » Je hoche la tête, ému au plus profond de moi-même par l'évidence de nos mots et de nos émotions partagées. Délicatement, presque révérencieusement, je dépose un léger baiser sur le front de Cassia avant de reprendre d'une voix plus leste. « Bon, après cette contemplation idyllique, il était grand temps de se remettre au travail et de démonter ce campement de malheur ! Et si ma mémoire est bonne, nous avons mis encore deux bonnes heures avant de réussir à ranger correctement cette tente capricieuse. » Un petit rire s'échappe de mes lèvres à ce rappel de nos mésaventures. « Et n'oublions pas non plus comment nous avons fini par glisser et tomber de tout notre long au moment de la plier, se couvrant de boue de la tête aux pieds ! »

 Milo avait accepté  de passer le reste de la journée avec moi. Il avait même proposé que l’on passe également la soirée ensemble. Je suggère alors de sortir un peu pour prendre l’air et cela nous ouvrira sans doute l’appétit. Une fois prêts, nous quittons alors l’appartement pour nous diriger dans les rues de Fall River. Nous marchons côté à côte et Milo ne peut s’empêcher de me taquiner un peu prétextant que je marchais lentement. Je souris amusée et lui donne un léger coup de coude amical et malicieux. Et lorsque Milo me demande d’avouer que je faisais exprès d’avoir une allure lente pour passer plus de temps avec lui je réponds en riant légèrement « Mais oui bien sûr... » Je lui lance un regard amusé. Cela faisait du bien de plaisanter ainsi, comme avant. Nous continuons alors notre promenade sereinement. Nous marquons une pause, et Milo vient doucement m’attirer contre lui avant d’avoir quelques gestes tendres à mon égard. Le pilote de ligne vient ensuite m’avouer que j’étais très importante pour lui et qu’il ne voulait plus jamais me perdre n risquer de me voir s’éloigner de lui. « Et toi tu es bien trop important pour moi pour que j’accepte de te voir partir, surtout à l’autre bout du monde... » dis-je le plus sincèrement possible.

Continuant notre petite marche matinale, Milo se met à évoquer l’un des nombreux souvenirs que nous avions en commun. Le pilote de ligne se met alors à évoquer un souvenir bien particulier. Le souvenir d’une soirée, d’une nuit où nous avions décidé de faire du camping sauvage. La nuit ne s’était en effet pas déroulée comme prévu. Nous étions déjà arrivés assez tard et avions sans nul doute monté le campement un peu trop vite à cause du vent qui était très présent ce soir là. Et en plus d’avoir monté à la tente à l’envers, l’entrée se trouvant face à l’arrivée du vent, cette dernière s’était effondrée sur nous en pleine nuit. Je ris de bon cœur face à ce souvenir. « Comment oublier ce moment ? C’était tellement chaotique mais en même temps si… authentique. » dis-je en souriant de bon cœur. C’est incroyable tous les détails qui nous revenait en tête. C’est comme si cette soirée avait eu lieu hier. Milo m’avoue que malgré tous les incroyables problèmes que nous avions rencontrés cette fameuse nuit, cela restait l’un de ses plus beaux souvenirs. Il souligne le fait que même dans le chaos nous étions ensemble et soudés et que malgré toutes ces péripéties nous avions profité de ce moment. « C’est vrai. Cela reste aussi un de mes meilleurs souvenirs. » Il y en avait tellement, mais celui la restait mémorable.

Milo continue alors de se remémorer cette fameuse nuit de camping sauvage, me rappelant le froid très présent et le fait que nous nous étions endormis l’un contre l’autre pour essayer de garder un peu de chaleur. « Bien sûr que je m’en souviens. Malgré tous ces imprévus, j’avais passé une excellente nuit à tes côtés... » avouai-je le plus sincèrement du monde. Ce qu’ajoute ensuite Milo sur le lendemain matin et sur son ressenti en me voyant au petit matin me touche énormément. « Milo, tu vas finir par me faire rougir... » dis-je un peu amusée mais aussi sincère. Je ris légèrement quand Milo raconte aussi la manière dont avait terminé notre rangement de tente. La fin de notre escapade n’avait pas été mieux que le début. « Oui, heureusement que c’était la fin de cette petite escapade et qu’on était sur le point de rentrer. Je me souviens que la douche fut la bienvenue en rentrant... » dis-je en souriant de bon cœur. « Ce serait amusant de tenter à nouveau l’expérience, non ? En s’y préparant un peu mieux bien évidemment... » proposai-je au jeune homme.

J'accueille l'idée de Cassia avec un enthousiasme non dissimulé. Renouveler cette aventure de camping, mais en étant cette fois parfaitement préparés, voilà qui semble être un projet des plus attrayants. Cela nous offrirait surtout l'opportunité de nous accorder un peu de temps rien que tous les deux, loin du tumulte et des tensions de Fall River avec Andrew. «  Avec un très grand plaisir ! » lui répondai-je d'une voix réjouie en hochant vigoureusement la tête, un large sourire étirant mes lèvres. «  C'est quand tu veux ma belle, je suis ton homme ! » Je m'interromps cependant presque aussitôt, soudainement interdit par l'expression que je viens d'employer par pur réflexe. Sans que je ne sache réellement l'expliquer, ces quelques mots semblent faire vibrer une corde sensible au plus profond de moi-même. Un trouble indistinct m'étreint fugacement alors que des fragments de souvenirs plus anciens affleurent dans un bruissement confus. Malgré cette brève dissonance, un tendre sourire vient rapidement apaiser mes traits tandis que je plonge mon regard dans les prunelles limpides de Cassia avec une intensité nouvelle. «  Et je le serai toujours... » murmurai-je d'une voix soudain rendue plus rauque, chargée d'une promesse intangible. M'approchant doucement d'elle, je dépose un délicat baiser sur son front dans un geste d'une infinie tendresse avant de reprendre ma marche à ses côtés. Nous errons ainsi, sans réel but, savourant simplement chaque instant de ce temps précieux à nous. Nos mains se rejoignent instinctivement, dans un geste empreint d'une naturelle sincérité, comme si nos deux corps ne formaient désormais plus qu'un seul être réclamant la proximité rassurante de l'autre.

Notre déambulation se poursuit dans un silence apaisant, nos rires complices venant sporadiquement rythmer l'évocation de souvenirs partagés. Chaque minute semble alors renforcer davantage encore ce lien singulier qui nous unit et que nous venons tout juste de retrouver. C'est soudain, au détour d'un de ces moments suspendus, que je sens une vibration furtive contre ma cuisse. Un rapide coup d'œil m'indique qu'il s'agit d'un message de Léa précisant l'heure et le lieu de notre prochaine rencontre au restaurant. Je fronce légèrement les sourcils, soudain indécis. Une partie de moi souhaiterait répondre immédiatement par courtoisie. Cependant, mon regard se porte de nouveau sur Cassia qui semble flotter dans une bulle de sérénité à mes côtés. Non, je ne gâcherai pas ce moment pour rien au monde. Ce rendez-vous et tout ce qui s'y rapporte peut bien attendre encore un peu, Cassia est ma priorité absolue. «  Je te trouve bien songeuse, tout à coup... » lançai-je d'un ton taquin, cherchant à capter son attention, à l'arracher aux méandres de ses pensées secrètes. «  Quelque chose semble te tracasser ? À moins que ce ne soit mon irrépressible soif d'aventures qui t'inquiète ? » Je lui adresse un clin d'œil complice, ravivant avec malice ce trait d'humour désormais bien ancré entre nous. «  Tu sais que tu peux tout me dire Cassia… »

Après s’être remémoré un de nos nombreux souvenirs passé ensemble, je propose tout naturellement à Milo de retenter l’expérience du camping sauvage. Bien évidemment, en anticipant un peu plus qu’à l’époque afin d’éviter malgré tout l’enchaînement de mauvaises surprises durant la soirée et la nuit. Ma proposition est apparemment bien accueillie par Milo qui semble enthousiaste lui aussi à cette idée.  « C'est quand tu veux ma belle, je suis ton homme ! » me lance d’un ton enjoué Milo qui s’arrête presque aussitôt. Je comprends bien vite pourquoi. Autrefois, cela n’aurait pas posé problème mais l’utilisation de ce terme aujourd’hui avait une toute autre saveur. Mais finalement, Milo rajoute simplement qu’il sera toujours mon homme. J’esquisse un léger sourire. Il y a encore quelques jours les mots de Milo aurait sonné faux. Mais à présent, je m’étais malgré tout faite plus ou moins à l’idée que pour le moment la vie ne nous permettait pas d’être ensemble. Peut-être qu’un jour, nous aurons une seconde chance. Mais je me consolais vivement en me disant que nous avions tout de même garder cette amitié si fort, si particulière. « Alors c’est d’accord, on se programmera ça à l’occasion. » dis-je simplement pour affirmé cette volonté de réitérer l’expérience du camping sauvage avec Milo.

Main dans la main, nous continuons notre balade. Milo prend le temps de consulter son téléphone. Sans m’en empêcher mais sans pour autant vouloir scruter ses échanges avec Léa,  je jette un bref coup d’œil à l’écran de l’appareil téléphonique. Je suis un peu surprise que la jeune femme lui envoie d’ores et déjà l’heure et le lieu de leur prochain rendez-vous. Décidément elle y tenait à avoir un moment avec Milo. Depuis la soirée où ils s’étaient revu j’avais comme la sensation que tous les deux passaient pas mal de temps ensemble ou en tout cas souhaitaient passer du temps ensemble. Mais après tout, qu’est-ce que cela pouvait me faire ? Avec Milo, nous n’étions plus ensemble. Je suis interrompue dans mes songes par Milo qui trouve que j’étais bien songeuse tout à coup. Le jeune homme tente de plaisanter un peu me rassurant tout de même en me disant que je pouvais tout lui dire. « Je le sais bien... » dis-je simplement. Puis mon regard se pose furtivement sur Milo, je hausse légèrement les épaules « C’est juste que… depuis l’autre soir, j’ai l’impression que Léa cherche à passer beaucoup de temps avec toi, non ? » Puis je préfère mettre les choses au clair sans attendre « Ce n’est pas un reproche, pas du tout même. Juste un constat... » Après tout Milo était libre de passer du temps avec qui il voulait.

Cassia hausse brièvement les épaules suite à ma taquinerie, dans un geste empreint d'une certaine nonchalance énigmatique. Cette réaction presque détachée me laisse penser qu'elle ne semble pas réellement se soucier des détails entourant ma relation avec Léa. Un petit pincement se fait sentir au creux de ma poitrine, comme une légère piqûre de jalousie rétrospective. Je choisis cependant de ne pas m'appesantir outre mesure sur cette sensation diffuse. « On passe du temps ensemble oui... Elle m'a d'ailleurs invité à dîner avec ses parents prochainement, » annonçai-je d'un ton faussement désinvolte tout en guettant attentivement sa réaction. « Je devais d'ailleurs les voir cet après-midi, mais j'ai préféré repousser pour rester avec toi. » Je poursuis, poussant un peu plus loin mes confessions dans une tentative subtile de sonder ses véritables émotions sur le sujet. « Léa m'a aussi proposé de m'héberger quelque temps... Comme tu le sais, je n'ai plus d'appartement pour l'instant et c'est un peu compliqué avec le travail en ce moment. » Mes derniers mots semblent flotter dans l'air un bref instant, presque palpables, alors que j'épie le moindre signe sur le visage de Cassia susceptible de trahir ce qu'elle ressent vraiment à propos de cette situation. Un léger pli se forme entre ses sourcils tandis que son regard semble soudain s'assombrir furtivement d'une nuance insaisissable.

Nous marchons en silence pendant quelques secondes supplémentaires, une tension indistincte mais néanmoins sensible venant subrepticement planer autour de nous. Cherchant à détendre l'atmosphère, je décide de lancer une plaisanterie d'un ton volontairement léger. « Je crois que Léa veut aussi me présenter quelques-unes de ses amies célibataires... » Un rire bref m'échappe, bien que d'un naturel quelque peu forcé. « Elle doit encore penser que je n'ai pas changé et que je drague tout ce qui bouge à Fall River ! » J'attends une réaction de la part de Cassia, une réplique malicieuse ou un sourire complice propre à alléger cette impression passagère de malaise diffus. « Au fait Cassy, j'aurai besoin de tes précieux conseils pour cette rencontre avec les parents de Léa. Qu'est-ce que tu me recommanderais de porter ? » J'esquisse un petit sourire penaud, cherchant à capter son attention et à l'impliquer dans la conversation d'un sujet plus léger. « Je ne voudrais pas faire trop décontracté ou au contraire trop guindé ! » J'attends sa réponse avec une pointe d'espoir tandis qu'une myriade de possibilités de tenues s'agitent confusément dans mon esprit. Une chemise cintrée mais pas trop formelle ? Un jean foncé et des chaussures de ville ? Ou alors opter pour une tenue plus classique avec un pantalon de costume ? « Et que dirais-tu d'un petit présent à leur offrir ? » poursuivai-je, entrevoyant là une opportunité supplémentaire de la faire participer activement. « Un bon vin peut-être ? Ou quelque chose de plus original ? J'avoue que je suis un peu à court d'idées sur ce coup-là... » Je la fixe à nouveau d'un air interrogateur, dans l'expectative d'une réaction de sa part qui pourrait m'éclairer sur la manière d'aborder cette rencontre. Bien que légèrement anxieux à l'idée de faire bonne impression, je ne peux m'empêcher d'apprécier ce moment de complicité retrouvée avec Cassia.

Le fait que Léa et Milo échangent régulièrement de messages m’interpelle quelque peu. Je ne peux pas le nier. Je me pose même beaucoup de questions. Mais que je m’efforçais au mieux de garder pour moi car je ne les trouvais pas légitime vis à vis de la situation actuelle. Je me contente simplement de constater que Léa cherchait à passer du temps avec Milo. La jeune homme ne me cache absolument pas que en effet il passe du temps avec la jeune femme. Mais la surprise est d’autant plus grande quand il m’annonce que Léa l’avait invité à dîner avec ses parents prochainement. « Ah oui ? C’est … c'est sympathique de sa part... » A vrai dire je ne savais pas trop quoi dire vis à vis de ce rendez-vous familial. Pourquoi un tel rendez-vous familial ? Etaient-ils devenus à nouveau si proches au point de passer du temps avec sa famille ? Milo m’avoue ensuite qu’il aurait du voir Léa et ses parents cet après-midi mais qu’il avait préféré repousser pour rester avec moi. Bien que touchée par cette révélation, je me posais beaucoup de questions malgré tout. Je lui adresse alors un léger sourire pour le remercier et exprimer une certaine gratitude. Toutefois, je suis obligée de prendre sur moi quand Milo m’avoue que Léa lui avait proposé de l’héberger quelques temps. Quel toupet ! Apparemment, elle était bien décidée à tenter à nouveau quelque chose avec Milo. Le pilote de ligne souligne le fait qu’l n’avait plus d’appartement et que c’était un peu compliqué avec le travail en ce moment. « Oui je comprends… Je pensais que tu serais allez chez tes parents ou chez Clyde… Mais tu fais comme tu veux. Mais sache que si jamais tu es vraiment embêté, tu es toujours le bienvenu chez moi... » Ce serait certes très étrange comme situation mais notre amitié prendrait tout de même le dessus.

Milo plaisante un peu en me disant qu’il croyait que Léa voulait aussi lui présenter quelques unes de ses amies célibataires. A cette idée, je ressens un immense pincement au cœur. Surtout, je pensais que Léa voulait tout simplement se rapprocher au maximum de Milo, comme avant. « Ah oui tu crois ? Peut-être, qui sait... » dis-je en répondant vaguement pas très concentrée sur ce que je répondais. Milo m’annonce ensuite qu’il aurait besoin de mes conseils pour la rencontre avec les parents de Léa. Apparemment il cherchait une tenue adéquate. Ni trop décontractée ni trop guindée. Est-ce qu’il plaisantait ? Etait-il vraiment en train de me demander conseil pour rencontrer les parents de Léa ? Une ancienne conquête avec qui il pourrait potentiellement renouer des liens intimes. « Oui je vois… Pourquoi pas un jean avec une chemise. Ça peut facilement allier le côté décontracté et un peu chic sans en faire trop… » dis-je simplement en prenant sur moi alors qu’intérieurement je bouillonnais. Je dois davantage prendre sur moi quand Milo évoque l’idée d’offrir un présent au parents de Léa. « Oui, ce serait sans doute bien accueilli je pense... » Je tente de me concentrer sur autre chose mais c’était difficile, Milo semblait si enthousiaste à l’idée de rencontrer les parents de Léa et il avait l’air de vraiment vouloir faire bonne impression. « Je peux difficilement te conseiller, je ne les connais pas... Mais une bouteille de vin pourquoi pas, c'est toujours bien apprécié en général...» dis-je simplement.

Bien que mon après-midi soit initialement réservé pour une rencontre avec Léa et ses parents, l'attrait d'un moment en tête-à-tête avec Cassia se révèle rapidement irrésistible. Que je l'admette ou non, elle occupe une place prépondérante au plus profond de mes pensées, et surtout dans les tréfonds insondables de mon cœur. Ainsi, lorsque Cassia m’a proposé de passer la journée en sa seule compagnie, décliner l'invitation de Léa m’est apparu comme une évidence limpide. Une lueur de surprise fugace traverse brièvement le regard de Cassia tandis que je lui apprends que Léa m'a offert la possibilité de m'héberger quelque temps chez elle. De cette suggestion qui aurait pu sembler naturelle pour beaucoup, Cassia avoue s'être plutôt attendue à ce que je choisisse temporairement le canapé de Clyde ou un retour momentané au bercail parental. Avec mon emploi du temps de pilote et la cadence infernale des vols qui s'enchaînent, la perspective de devoir me lancer dans les affres de la recherche d'un nouvel appartement me semble une montagne des plus ardues à gravir. « J'ai séjourné un moment chez Clyde, mais je n'ai pas voulu m'imposer davantage », expliquai-je. « Et retourner chez mes parents... disons que j'aimerais éviter d'entendre ma mère s'inquiéter pour moi à longueur de journée. Pour l'instant je loge à l'hôtel... On verra quand je reviendrai du Moyen-Orient. » Je m'interromps brièvement, pesant chacun de mes mots avant de poursuivre d'une voix légèrement hésitante. « Mais je garde en tête ta proposition Cassia, merci vraiment. » Ces derniers mots s'échappent dans un souffle quasi inaudible tandis qu'intérieurement, je me débats avec l'idée même d'une potentielle colocation. Bien que notre relation amoureuse soit aujourd'hui terminée, notre amitié demeure malgré tout profonde et sincère. Cependant, la complexité nouvelle de mes sentiments actuels rend cette éventualité de cohabiter peut-être quelque peu périlleuse. Sans compter la menace latente d'Andrew qui plane toujours telle une lame de fond menaçante... Pour l'heure cependant, je choisis de ne rien ajouter de plus concret, me contentant d'un sourire énigmatique qui dissimule mes réelles pensées. L'ambiance demeure légère en apparence, mais une partie de moi-même ne peut s'empêcher de se demander si vivre de nouveau sous le même toit que Cassia ne compliquerait pas davantage encore notre situation déjà fragile. Un mystère de plus à ajouter aux nombreuses incertitudes qui m'assaillent.

Alors que le moment de retrouver Léa et ses parents approche, je me retrouve face à l'incertitude de l'impact que cette rencontre pourrait avoir. Cassia, avec une aisance et un détachement qui m'impressionnent, se transforme en conseillère de mode improvisée suite à mes nombreuses interrogations. Ses suggestions sont ponctuées d'un professionnalisme qui me charme et me surprend tout à la fois. « Jean et chemise ? C'est une bonne idée. Merci beaucoup, Cassia ! » Je lui lance, un sourire reconnaissant aux lèvres. En plongeant mon regard dans le sien, je tente de lire entre les lignes, cherchant des indices de ses véritables sentiments. Étrangement, elle affiche une sérénité qui semble presque trop parfaite, comme si elle avait entièrement accepté notre nouvelle réalité. Cela me trouble et me pousse à me demander si elle a vraiment laissé notre passé derrière elle, ou si elle masque simplement ses émotions avec une maîtrise remarquable. « Une bouteille de vin ? Excellente idée ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! » ajoutai-je, rassuré par sa perspicacité. Son acquiescement, plein d'assurance, me conforte dans l'idée que, malgré tout ce qui s'est passé, Cassia demeure une alliée inestimable.

La journée s'adoucit en une agréable après-midi printanière. Nos pas nous mènent sans destination précise, guidés par le fil de nos conversations animées et complices. Alors que nous longeons une rangée de boutiques aux vitrines étincelantes, mon regard est soudain capturé par l'étalage d'une enseigne spécialisée dans les chemises pour hommes. La collection semble prometteuse, un mélange subtil de coupes classiques et de motifs plus tendance. Et l'idée de me réinventer un peu dans ma tenue vestimentaire avant la rencontre imminente avec Léa et sa famille prend soudain tout son sens. Je me tourne vers Cassia avec un sourire entendu, comme pour la mettre dans la confidence de mes pensées naissantes. « Hé, que dirais-tu si on entrait jeter un coup d'œil ? Peut-être que je trouverais quelque chose de sympa pour ce fameux dîner avec la famille de Léa », lui proposai-je d'un ton guilleret.

L'intérieur de la boutique est baigné dans une lumière tamisée, presque intimiste. Les rangées de chemises parfaitement alignées invitent à la découverte et à l'exploration à loisir. Sans perdre une seconde, je m'avance d'un pas décidé dans les étroits rayonnages, laissant mon regard courir le long des cintres avec une attention soutenue. Après quelques instants d'observation, je commence à sélectionner quelques modèles qui semblent prometteurs, attrapant les cintres avec une application quasi studieuse. Après quelques minutes d'intense réflexion, je finis par me diriger vers les cabines d'essayage, une petite pile de chemises soigneusement pliées entre les mains. L'intimité précieuse de la cabine me permet alors de me concentrer pleinement sur mon reflet dans le miroir aux dimensions généreuses. L'une après l'autre, j'enfile les différentes pièces en appréciant la fluidité des tissus avant de me soumettre à l'examen attentif de Cassia. Chemise après chemise, je me rapproche progressivement de l'image que je souhaite projeter pour cette soirée qui comptera tant. Enfin, après une multitude d'essais plus ou moins concluants, je revêts une chemise en coton bleu clair, sa coupe ajustée mais décontractée soulignant subtilement la cambrure de mes épaules et la finesse de ma taille. Satisfait du résultat, je sors de la cabine d'un pas chaloupé, rejoignant Cassia qui patiente sagement un peu plus loin. Son opinion a toujours compté à mes yeux, bien avant celle des autres. « Alors, qu'en penses-tu ? » lui demandai-je en ajustant légèrement le col devant le miroir. « Est-ce que celle-ci conviendrait pour le dîner avec Léa ? Je tiens vraiment à faire bonne impression, cela fait une éternité que je n'ai pas revu sa famille. »

En attendant le verdict de Cassia un sentiment de nostalgie m'envahit, rappelant ces moments où nous faisions les boutiques ensemble, à une époque où notre relation était encore marquée par la romance et la découverte mutuelle. Chaque geste, chaque choix de vêtement semble résonner avec ces souvenirs d'une complicité profonde, presque tangible. Je me remémore alors cette après-midi en particulier, mais chargé d'une magie bien plus intime. Nous avions ri en cherchant une robe pour Cassia, transformant le magasin en notre petit théâtre privé. Puis, sur un coup de tête, nous nous étions retrouvés dans la même cabine d’essayage, plus pour le plaisir de l'interdit que par nécessité. Ce jour-là, entre les étoffes et les reflets des miroirs, quelque chose avait changé. Nos rires s'étaient transformés en murmures, nos regards en caresses, et nous nous étions épris l'un de l'autre avec une spontanéité qui ne peut vivre qu’à travers nos regards. Cette pensée, alors que je me tiens là à demander son avis à Cassia sur une chemise pour un autre rendez-vous, teinte le moment présent d'une douce mélancolie.

En passant la journée avec Milo, et plus particulièrement la matinée, je ne m’attendait pas à ce que Milo me parle autant de Léa. Et encore moins qu’il m’apprenne passer du temps avec elle et sa famille. Je prends sur moi, mais c’est assez difficile je ne pouvais pas le nier. Et que dire lorsque j’apprends que Léa avait même proposé à Milo de l’héberger le temps qu’il puisse retrouver un appartement. Milo m’avoue avoir séjourné un moment chez Clyde mais il n’avait pas souhaité s’imposer davantage. Quant au fait de retourner chez ses parents, le pilote de ligne n’était pas prêt à entendre sa mère s’inquiéter à longueur de journée pour lui. Mon cœur se serre quand il évoque son retour du Moyen-Orient. Alors sa décision était prise ? J’en avais bien l’impression. Toutefois, Milo me dit qu’il gardait ma proposition en tête avant de me remercier. « Je t’en prie... » dis-je simplement.

La suite de notre promenade matinale prend une tournure assez particulière, du moins pour moi, quand Milo me demande des conseils pour son rendez-vous avec Léa et ses parents. Au début j’avais cru à une mauvaise plaisanterie, une manière de me taquiner. Mais je compris bien vite que Milo était plus que sérieux dans ses demandes. Alors pour ne pas montrer mon mal être et pour paraître la plus détachée possible vis à vis de la situation actuelle, je réponds simplement essayant de le conseiller du mieux que je pouvais, que ce soit pour sa tenue vestimentaire ou pour un éventuel présent à offrir aux parents de Léa. Lorsque Milo me remercie, je lui adresse un faible sourire « A ton service... » dis-je simplement.

Un peu plus tard, nous longeons des boutiques. Milo semble attiré par l’une des vitrines qui proposait un large choix de chemises pour homme. Le jeune homme propose d’entrer dans la boutique pour jeter un œil et peut être trouver quelque chose de sympathique pour le dîner avec la famille de Léa. Je me retiens de soupirer longuement. J’en avais assez d’entendre ce prénom revenir si régulièrement dans notre discussion. « Oui, si tu veux. Allons y... » dis-je en le suivant à l’intérieur de la boutique. Milo semble très motivé à trouver la tenue idéale. Je le laisse donc sélectionner quelques modèles de chemises et je le suis, perdue dans mes songes. Lorsque Milo se décide à faire quelques essayages, je l’attends donc tranquillement non loin des cabines. Quand le pilote de ligne sort enfin, il porte une chemise en coton bleu clair. Il me demande mon avis. Impossible de ne pas sourire en le voyant vêtu ainsi. « C’est un très bon choix. Elle te va vraiment très bien... » dis-je le plus sincèrement du monde. Milo ajuste alors le col de la chemise devant le miroir et me demande si la chemise conviendrait pour le dîner avec Léa. Et encore une fois, on revenait à ...Léa. Milo m’avoue vraiment vouloir faire bonne impression soulignant le fait que cela faisait longtemps qu’il n’avait pas revu sa famille. Je commençais à être un peu agacée. Que se passait-il entre Léa et lui exactement ? Pourquoi vouloir faire si bonne impression ? «  A ce point là ? Pourquoi vouloir faire tant bonne impression ? Tu comptes peut-être la demander en mariage… ? » dis-je d’un ton sarcastique. Je plaisantais bien évidemment mais dans le fond, à le voir ainsi on pourrait vraiment se poser la question. Je regrette aussitôt mes paroles, même si je les avais prononcé en plaisantant je ne voulais pas laisser paraître ma gêne vis à vis de la situation. « Plus sérieusement, cette chemise est parfaite. Tu feras une très bonne impression avec. J’en suis certaine... » faisant ainsi comprendre à Milo qu'il pouvait acheter ce vêtement sans aucune hésitation.

La confiance que j'accorde à l'opinion de Cassia sur mes choix vestimentaires reste inchangée, même après tout ce que nous avons traversé. Lorsqu'elle affirme que la chemise que j'ai choisie est appropriée, un sourire de satisfaction se dessine spontanément sur mon visage alors que je m'examine dans le miroir. La réflexion de Cassia sur la qualité du vêtement me rassure, mais c’est son commentaire suivant qui me surprend véritablement. Soudain, elle évoque, d’un ton léger, l’idée que je pourrais être en train de choisir une chemise pour une demande en mariage à Léa. Je me retourne brusquement, les sourcils haussés. « Comment… Comment tu sais ? » demandai-je, jouant la surprise avec un sourire en coin. Avant même qu'elle ne puisse répondre, je continue sur ma lancée, l'air espiègle. « Je… D’ailleurs, je voulais te demander si tu accepterais d’être mon témoin ? » Mon visage reste sérieux juste un instant avant de se fendre d'un grand rire. Je m'approche alors de Cassia, mon pouce effleurant doucement sa joue dans un geste tendre et familier. Mes lèvres déposent un baiser sur son front, et pour un moment fugace, l'envie de l'embrasser vraiment me traverse l’esprit. Mais je secoue rapidement la tête, me détachant de ce moment de nostalgie pour éclater de rire. « Mais non, je plaisante… Je ne compte pas du tout l’épouser. C’est simplement une vieille amie ! » je m'empresse de clarifier en commençant à déboutonner la chemise que je venais d'essayer. Remettant ma propre chemise, je lance à Cassia une proposition spontanée. « Bon, aller… Je vais prendre la bleue et une blanche pour notre prochain rendez-vous à tous les deux. J’ai entendu parler d’un délicieux restaurant japonais qui vient d’ouvrir ! » Les mots jaillissent avec enthousiasme, marquant peut-être le début d'un nouveau chapitre dans notre amitié. Puis nous nous dirigeons vers la caisse afin de régler mes achats.

Devant la boutique, je ne peux m'empêcher de remarquer la réaction mesurée de Cassia. Chaque fois que je mentionne Léa ou le repas à venir, son visage reste impassible, ses réponses polies et sans émotion apparente. C'est une attitude que je n'avais pas anticipée, surtout compte tenu de notre passé chargé de sentiments forts et parfois tumultueux. Tout au long de notre promenade, j'ai parsemé notre conversation de petites allusions à Léa, testant inconsciemment les eaux, cherchant peut-être une étincelle de jalousie, un signe quelconque de l'attachement passé. Mais rien ne vient. Cassia semble véritablement détachée, traitant mes plans comme n'importe quel ami le ferait, avec encouragement et un détachement professionnel. Cela me pousse à la réflexion. Peut-être a-t-elle vraiment tourné la page. Peut-être que les mois passés à naviguer entre la douleur et la guérison, les bons moments partagés en tant qu'amis plutôt qu'amants, lui ont permis de cicatriser les plaies que notre histoire a laissées. Cassia, avec son sourire calme et ses conseils judicieux, semble avoir trouvé une paix que je cherche encore à atteindre.

Alors que nous marchons tranquillement côte à côte, nos pas finissent par nous mener près d'une bijouterie de standing. Sans réfléchir, je m'arrête instinctivement devant la vaste vitrine, mon regard happé par les miroitements et les éclats des bijoux précieux étalés à l'intérieur. Je me penche presque contre la vitre, détaillant lentement les parures de bagues, bracelets et colliers savamment mis en scène. Après quelques instants de contemplation, je me tourne légèrement vers Cassia, une expression indéchiffrable sur le visage. « Tu sais Léa adore les bijoux... » Je laisse planer une vague hésitation avant de poursuivre. « Je me demandais ce que tu en penserais, peut-être que je pourrais lui offrir quelque chose... » Mes mots sont mesurés mais mon regard cherche presque inconsciemment à capter la moindre réaction de la part de Cassia. D'un geste étudié, je désigne alors du doigt une superbe bague en argent massif, incrustée de petites pierres précieuses qui jettent des éclats de mille feux. « Tu penses qu'elle aimerait quelque chose dans ce style ? » Je m'efforce d'afficher un air sérieux et concentré. Est-ce que j’espère secrètement une réaction de sa part ? Oui. J'observe Cassia du coin de l'oeil, guettant avec avidité le moindre signe d'émoi ou de contrariété sur ses traits.

Alors que Milo semblait avoir trouvé une chemise approprié pour son prochain dîner avec Léa et ses parents, je valide son choix. Il est vrai que le vêtement lui allait parfaitement bien, que ce soit le couleur ou la coupe de ce dernier. Mais je commençais réellement à en avoir assez d’entendre parler de Léa. Alors sans vraiment réfléchir je me permets de faire une remarque à voix haute, une plaisanterie qui n’en était pas totalement une. Je demande à Milo pour quelle raison il voulait faire une aussi bonne impression en suggérant qu’il comptait peut-être demander Léa en mariage. Milo se retourne alors brusquement et sa réaction me laisse stoïque. Il vient même me demander si j’accepterais d’être son témoin. Je comprends que Milo plaisante. Mais j’ai du mal à partager son enthousiasme. Le pilote de ligne s’approche alors de moi, son pousse effleure doucement ma joue et il dépose un baiser sur mon front avant de me dire qu’il plaisantait et que Léa était simplement une vieille amie. « Vraiment très amusant... » Et sur le coup, j’avais du mal à croire que Léa ne soit qu’une simple amie. Si c’était le cas pourquoi autant d’effervescence pour ce dîner ? Milo se décide alors à prendre cette chemise bleue ainsi qu’une blanche pour note prochain rendez-vous. Je suis intriguée, mais j’ai rapidement ma réponse. Apparemment, le jeune homme avait entendu parler d’un nouveau restaurant japonais et prévoyait donc que l’on s’y rende ensemble. Je ne réponds rien, me contentant d’un simple sourire. Est-ce que j’arriverais à supporter ce genre de dîner en tête à tête ou serait-ce trop tôt ? Et je ne pouvais pas nier que j’appréhendais que la conversation tourne à nouveau autour de Léa.

Une fois les achats effectués, nous retournons dehors. Et Milo est à nouveau attiré par une vitrine, d’une bijouterie cette fois-ci. Je sentais d’ores et déjà le rythme de mon myocarde s’accélérer. Et mes craintes sont confirmées. Milo souligne le fait que Léa adorait les bijoux. « Comme toutes les femmes... » dis-je simplement. Puis Milo songe alors, apparemment sérieusement, à offrir un bijou à Léa. Et après il osait me dire que Léa était une simple amie ? Milo désigne alors du doigt une très jolie bague en argent et me demande si la jeune femme aimerait ce genre de bijou. « Je n’en sais rien. Tu la connais sans nul doute mieux que moi, non ? » dis-je d’un ton un peu amer. « Ne te pose pas trop de questions. Léa appréciera sans doute le geste. Mais fais attention à ce qu’elle ne mette pas la bague à son annulaire gauche... » Mon ton était de plus en plus froid. Je ne pouvais désormais plus prendre sur moi. « Mais après tout, c’est peut-être ce que tu cherches, non ? Malgré ce que tu dis... » Je remonte l’anse de mon sac à main sur mon épaule, un geste agacé et qui montrait mon impatience. Puis mon regard se pose alors sur Milo. Je cherche à comprendre. « Je ne sais pas à quoi tu joues Milo, mais je t’assure que ça ne m’amuse pas. Je… Finalement, peut-être que passer la journée ensemble n’était pas une si bonne idée que cela... Peut-être que c'est Léa qui serait la plus à même à te persuader de rester à Fall River...  » avouai-je alors en détournant le regard quelques secondes. « Je pense que je devrais rentrer et te laisser terminer tes préparatifs pour ce dîner qui te tient tant à cœur... » dis-je en me retournant et en commençant à marcher d’un pas rapide. Tout cela c’était décidément trop pour moi. D'un pas rapide donc, je me faufile entre les passants de la rue et me dirige hâtivement vers le passage piéton pour traverser la rue. Quelle idée j'avais eu de vouloir le faire changer d'avis.

La réponse de Cassia, teintée d'une amertume et d'une froideur que je n'avais pas anticipées, m'atteint bien plus profondément que je ne l'aurais jamais imaginé. À mesure que notre conversation se poursuit, je perçois la température de sa voix baisser progressivement, ses mots devenant plus tranchants, plus distants à chaque réplique. Lorsqu'elle évoque, presque par provocation, l'idée que Léa pourrait un jour porter une bague à son annulaire gauche, un sourire se dessine malgré moi sur mes lèvres. Mais ce n'est pas un sourire de joie, plutôt teinté d'incertitude et d'appréhension. Surtout quand elle ajoute, avec une pointe de sarcasme à peine dissimulé, que c'est peut-être ce que je cherche après tout au final. Je la regarde alors ajuster machinalement l'anse de son sac sur son épaule, son geste soudain brusque et sec trahissant son irritation grandissante. Elle poursuit de plus belle, et je l'écoute en silence cette fois, digérant chacune de ses paroles avec une impression tenace qu'elles transpercent une à une notre entente fragile. Sa suggestion que passer ainsi la journée ensemble n'était peut-être pas une si bonne idée finalement me pique presque au vif. Pire encore, elle insinue alors que Léa, avec tout ce qu'elle représente de rassurant et d'établi, serait peut-être plus apte que quiconque à me convaincre de rester à Fall River. A cette réflexion que je devine lourde de sens et de sous-entendus, mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine. Cette réalité, que Cassia semble avoir pleinement acceptée et intégrée, m'apparaît soudain dans toute sa brutalité. Une vérité que je m'obstine encore à nier, du moins en partie. J'ouvre la bouche pour répondre, pour tenter de rattraper quelque chose qui semble déjà m'échapper inexorablement, mais Cassia ne m'en laisse pas le temps. D'un pas décidé, presque résolu, elle s'éloigne de quelques mètres, creusant physiquement la distance qui nous sépare désormais. « Je pense que je devrais rentrer et te laisser terminer tes préparatifs pour ce dîner qui te tient tant à cœur... » Ses derniers mots, empreints d'une froideur indéniable, me frappent de plein fouet comme une violente gifle, accélérant presque instantanément le rythme effréné des battements dans ma poitrine. Sans un mot de plus, ni un regard en arrière, Cassia traverse rapidement la rue animée, s'éloignant progressivement de moi avec une résolution dont elle seule semble détenir le secret. Je reste là, immobile comme statufié, suivant sa silhouette familière qui se fond peu à peu dans la foule bigarrée jusqu'à disparaître totalement de mon champ de vision. Un soupir de détresse m'échappe alors, et je hausse les épaules dans un geste empli d'impuissance et de résignation. Après tout, se pourrait-il qu'elle n'ait pas totalement tort au final ? Peut-être que mes propres hésitations perpétuelles et mes non-dits trop longtemps entretenus ont fini par creuser entre nous deux un fossé émotionnel désormais trop large et profond pour qu'une simple tenue ou la promesse d'un nouveau restaurant n'y changent quoi que ce soit...

La rue est déjà teintée des premières ombres bleutées du soir naissant lorsque je me mets à courir d'un pas pressé vers l'appartement de Cassia. Mes pas résonnent sur les pavés avec une urgence nouvelle, celle de clarifier les choses au plus vite avant que la situation ne dégénère davantage. Mon esprit tourne à plein régime tandis que j'avance à vive allure, ressassant encore et encore les mots que je dois lui dire, les excuses que je me dois de lui présenter pour mes innombrables hésitations et les maladresses commises au cours de cet après-midi désastreux. Arrivé enfin devant son immeuble, légèrement essoufflé, je presse fébrilement le bouton de sa sonnette avec une anticipation nerveuse. Le silence pesant et sans réponse qui s'ensuit fait instantanément retomber mon élan comme un soufflé trop cuit. J'insiste une fois, puis une autre, mais l'espoir de la voir m'ouvrir s'amenuise cruellement à chaque tentative infructueuse. Peut-être n'est-elle tout simplement pas encore rentrée chez elle. Ou alors, elle a besoin de ce temps pour elle, seule, loin de moi, loin de nos échanges tendus. Pire encore, elle m'évite peut-être délibérément. Incapable de me résoudre à partir sans avoir au moins tenté de réparer les choses, je décide finalement de l'attendre sur place. Je m'assieds lourdement sur les quelques marches froides en pierre du perron de son immeuble, scrutant d'un œil inquiet chaque passant qui tourne au coin de la rue animée, espérant à chaque fois que ce soit elle. Les minutes s'égrènent lentement, chaque seconde semblant encore étirer davantage le fil de mon angoisse et de ma réflexion intérieure. L'air se rafraîchit peu à peu, la fraîcheur du soir venant insidieusement me mordre la peau des joues. Mais je reste là, immobile comme une sentinelle, mes pensées plus tourmentées que jamais, toutes exclusivement tournées vers Cassia. Je repasse en boucle notre histoire commune, nos hauts et nos bas, ces moments de complicité intense suivis de périodes d'éloignement et de non-dits que j'ai si souvent laissé perdurer par lâcheté ou manque de courage. Je suis prêt à patienter ici des heures durant s'il le faut, à endurer le froid mordant de la nuit à venir et l'incertitude étouffante.

J’avais du mal à cerner ce que cherchais exactement Milo. Certes nous étions toujours amis, une amitié précieuse et vitale mais il ne fallait pas oublier qu’il y a quelques semaines encore nous étions bien plus que des amis. J’avais l’impression que Milo l’avait déjà oublié. Alors certes, j’avais accepté, par défaut, la rupture, mais l’entendre parler de Léa aussi souvent et le voir si enthousiaste à l’idée de dîner avec elle et ses parents me rendait complètement dingue, jalouse même. J’avais pris sur moi une bonne partie de la journée mais là en voyant Milo regarder la devanture de cette bijouterie pour potentiellement offrir une bague à Léa fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Alors mes paroles avaient peut-être dépassées mes pensées mais je n’avais pas pû m’empêcher de dire ce que je pensais. Est-ce que Milo était sincère dans sa manière d’agir ou jouait-il encore à je ne sais quel jeu ? Dans tous les cas, cela était trop difficile pour moi à supporter. Alors sans attendre une quelconque réaction de la part de Milo, je me tourne et prend la fuite.

J’étais rentrée chez moi. Énervée et frustrée par ce moment passé avec Milo, j’avais décidé d’aller faire un petit footing. Histoire de me vider la tête et de me détendre. J’avais enfiler alors une tenue de sport et j’avais quitté aussitôt mon appartement pour rendre la direction d’un parcours de santé non loin de mon appartement. Une fois sur place, je me mets à courir, en repensant à tout ce qui s’était passé ces dernières semaines. Bien que soulagée d’avoir garder mon amitié avec Milo je prenais pleinement conscience que la simple idée de le voir ou même simplement de l’imaginer avec une autre femme me brisait le cœur. Une fois mon footing terminé, je m’arrête un peu et prend place sur un banc. Prendre l’air me faisait du bien, et cette séance de sport improvisée m’avait fait du bien malgré tout.

Quand j’arrive sur le petit parking de mon immeuble j’aperçois Milo assis sur les marches du perron. Un léger soupire s’échappe de mes lèvres. Mais je ne pouvais pas l’éviter, je devais bien rentrer chez moi. Je m’approche alors de la porte d’entrée du petit immeuble. « Quelle surprise de te voir seul. Je pensais que tu en profiterais pour passer du temps avec Léa... » dis-je en sortant mon trousseau de clé et en ouvrant la porte afin de m’engouffrer dans le hall de l’immeuble. J’en profite également pour ouvrir ma boite aux lettres et prendre mon courrier.

Assis sur les marches froides devant l'immeuble de Cassia, j'essaie de trouver un moyen de tuer le temps qui s'écoule bien trop lentement à mon goût et de calmer par la même occasion mon anxiété grandissante. Je sors machinalement mon téléphone de ma poche, balayant d'un œil vague les notifications qui s'y sont accumulées, avant de décider finalement d'envoyer quelques messages à Clyde pour le tenir au courant de la situation tendue. Sa réponse ne tarde pas, empreinte comme à son habitude de cet humour décalé qui sait toujours me détendre un peu, même dans les moments les plus tendus. Réconforté, j'engage alors une conversation légère avec Léa, évitant soigneusement de mentionner le malaise profond qui s'est insidieusement installé entre Cassia et moi au cours de cette après-midi. Léa, toujours pleine de bonne volonté, tente de me remonter le moral du mieux qu'elle peut, sans même se douter qu'elle est pourtant indirectement au cœur même de la tempête qui fait rage actuellement. Nous parlons de tout et de rien, principalement de son travail et de quelques projets communs, jusqu'à ce qu'un mouvement à l'angle de la rue ne capte soudain mon attention.

C'est Cassia qui revient, vraisemblablement de son jogging quotidien, les joues rougies par l'effort physique et la fraîcheur de l'air du soir. Elle s'arrête net en m'apercevant là, une expression de surprise mêlée de confusion traversant brièvement ses traits. « Quelle surprise de te voir seul ici finalement. Je pensais que tu en profiterais plutôt pour passer du temps avec Léa... » Sa voix porte un mélange de sarcasme appuyé et de résignation qui commence immédiatement à m'irriter au plus haut point. Avant même d'avoir pu réfléchir davantage, mes mots fusent déjà d'eux-mêmes en réponse à son piquant commentaire. « Si ma présence te dérange tant que ça, je peux repartir très vite, ça peut s'arranger rapidement. » Ma propre réplique est plus dure et sèche que ce que je n'avais initialement prévu, le ton légèrement défensif reflétant malgré moi mon propre mélange de frustration grandissante et d'incertitude totale quant à notre situation actuelle.

J'observe alors Cassia sortir ses clés de son sac, s'engouffrer d'un pas vif dans le hall de son immeuble avant de récupérer rapidement son courrier dans sa boîte aux lettres. « Si ma présence te dérange tant que cela Cassia, je peux même faire mieux », je renchéris sèchement sans réfléchir. « J'étais venu pour passer la soirée avec toi comme je te l'ai proposé, mais je pense que cette idée n'est désormais plus d'actualité. » La colère et l'incompréhension commencent à monter en moi à mesure que les mots franchissent la barrière de mes lèvres. Quand je pense que j'ai même annulé mon après-midi avec Léa et ses parents pour ça... Pour au final me retrouver à me disputer avec elle. Je marque une courte pause, tentant de reprendre brièvement mon souffle. Plus le temps passe, plus je me dis que c'était vraiment une très mauvaise idée que nous restions amis finalement. J'essaie de me calmer en soufflant un bon coup, conscient que la situation dérape à nouveau complètement. Ma main se pose alors presque instinctivement sur la sienne tandis qu'elle parcourt son courrier du regard. « On peut parler posément ou tu es toujours en colère contre moi ? » Je demande d'une voix soudain plus apaisée. « Je suis venu pour arranger les choses entre nous Cassia, pas pour que ça empire encore... »

Je me tiens debout, l'air entre nous chargé d'une tension palpable. Cassia me regarde avec une expression complexe, un mélange de surprise et de résignation qui me pousse à franchir la distance qui nous sépare. Mes pas sont mesurés, presque hésitants, mais déterminés. Arrivant devant elle, je vois son regard dévier, esquivant le mien, comme pour se protéger d'une confrontation trop directe. Doucement, avec une délicatesse que je puise dans notre longue histoire commune, j'approche ma main de son visage. Mes doigts tremblent légèrement en rencontrant sa peau encore fraîche et humide de l'effort de son jogging. Je relève son menton, la guidant doucement pour qu'elle me regarde. « Regarde-moi, Cassia, » murmurai-je, ma voix basse et teintée d'un mélange de supplication et de fermeté. Nos yeux se rencontrent et je sens quelque chose se déplacer en moi, un mélange d'appréhension et d'espoir. Je cherche dans son regard une étincelle, un signe de ce que nous avons été l'un pour l'autre. « Je ne suis pas là pour Léa, ni pour qui que ce soit d'autre. Je suis ici pour toi, pour nous, » je continue, cherchant à clarifier mes intentions, à dissiper les malentendus qui ont semé le doute entre nous. Ma main reste doucement sur son menton, ma posture ouverte, vulnérable. Je veux qu'elle voie dans mes yeux tout ce que je peine à dire avec des mots : l'importance de notre relation, peu importe sa forme, et mon désir de retrouver un terrain d'entente, une compréhension mutuelle après tout ce qui s'est passé. « Je ne veux être qu’avec toi… Tu le sais, non ? »