Ce n'est pas parce que tu as perdu qu'il faut se laisser abattre pour autant.
Face au miroir, elle observe son reflet. Elle a beau réfléchir, elle se demande pourquoi. Pourquoi a-t-il fallu que ça tombe sur elle ? Les larmes coulent, et son maquillage s'efface avec l'humidité de son chagrin. Plus rien ne sera comme avant. Elle a l'impression que son monde s'écroule, et que tout part en fumée. Son cœur se brise quand elle repense à  ce qui vient de se passer. Le premier chagrin d'amour est souvent le pire, à ce qu'on dit. Les écumes d'une première fois restent les plus difficiles à affronter. Elle le sait, plus rien ne sera comme avant. Elle se sent changer intérieurement. Comme si pierre et glace venaient encercler son corps, enfermer son coeur. La mort dans l'âme, elle repense à celle de celui qu'elle aimait pourtant avec tant de force et d'abnégation. Un accident tragique, lui avait-on dit. Mais un homme qui entre dans une station de métro, arme en main, et qui tire sur tout ce qui bouge, ça n'est pas un accident. Injustice rageante, elle se sent trembler face à la colère qui monte dans son corps. Au désespoir qui nourrit son âme de force. Elle n'a que seize ans, mais la vie a décidé de la mettre face à sa dureté, de lui faire vivre cette épreuve. Elle ne se sait pas prête. Et elle, elle ne veut pas mourir. La mort l'a déjà frôlée, elle ne s'en souvient que très vaguement, mais quand ses parents lui racontent, elle sent son cœur se serrer et l'étouffer. Alors, en hommage à ce garçon qu'elle a perdu, elle se fait une promesse, une seule : profiter de la vie plus que jamais. Elle veut juste oublier. Tout oublier, essayer d'avancer comme si rien ne faisait mal, comme si le lendemain n'était fait que d'amusement, de légèreté et d'insouciance. Douce illusion, ironie nocturne, elle sait très bien que de tout ça, rien n'est réel, tout est créé par sa tête. Mais au moins, l'espoir renaît en elle. Et une voie se dessine, avec la possibilité d'avancer, malgré ce poids qui l'accable bien malgré elle.

Racontez un événement marquant de votre vie, et expliquez en quoi ça vous a changé.. Elle regarde le test d'expression qu'on lui demande de réaliser. Parler de lui, c'est encore difficile. Elle préfère essayer d'oublier la douleur cinglante, comme si elle était marquée au fer rouge qui vient déchirer sa peau, sa chair et son coeur. Elle est prise d'un frisson rien qu'à y penser. Pourtant, elle a de quoi écrire. Et soudainement, elle a l'impression que les mots s'assemblent d'eux même dans sa tête. Alors, elle commence à écrire. Elle évoque son opération à coeur ouvert. Le remplacement de sa valve, qui était toute abîmée depuis sa naissance, mais qui s'était manifestée malade à partir de ses cinq ans. Elle n'avait que sept ans quand, pendant près de quarante-huit longues heures, les médecins l'ont opérée. Elle n'avait pas vraiment réalisé, à l'époque, ce que ça impliquait. Et voir ses parents pleurer, ça ne lui faisait que faire face à l'incompréhension. Aujourd'hui, et depuis quelques années, quand elle regarde sa cicatrice, elle comprend. Elle comprend que les médecins lui ont sauvé la vie, que sans cela, elle n'aurait jamais pu continuer à mener la vie qu'elle a mené. Qu'elle n'aurait surtout jamais pu se comporter en petite princesse, gouvernante du Royaume "Parents et Famille". Sa maladie lui a permis de tout avoir. Sa guérison, quant à elle, n'a jamais rien osé lui enlever. Et c'était trop bon de pouvoir narguer son aînée. Ce n'était pas méchant, mais cela a eu don de les éloigner, pour finir par ne plus rien à avoir en commun. Et ça, Ayem n'arrive pas à le gérer totalement. Elle voudrait tout avoir. Même une soeur à laquelle elle ressemble-elle fait tout pour- et avec qui parler.


Qu'est-ce que tu veux faire, plus tard, petite ? Tu veux être chômeuse ou comment ça se passe ? Là, t'es bien partie pour être escort girl qui vit dans la rue. Ou au cro. Même des années plus tard, c'est de la colère qui émane d'elle. Elle n'a jamais supporté cette phrase d'un de ses professeurs, quand elle était au collège. Il ne l'aimait pas. Elle ne l'a jamais aimé non plus. Et maintenant, comme depuis les années qui ont passé depuis, elle met la rage manifestée par ces paroles sexistes, discriminantes et surtout déplacée pour arriver à sa volonté la plus chère : devenir chirurgien urgentiste. Elle aussi, elle veut sauver des vies. Et, si elle n'y arrive pas, elle sera infirmière, tout comme sa soeur. Au moins, travailler dans un milieu médical, ça lui permet de ressembler plus à son aînée. Et c'est tout ce qu'elle désire. Si en plus de ça, elle peut montrer aux autres qu'ils se sont tromper, ce n'est que du plus.

T'assumeras jamais, t'es une homosexuelle de mes deux.
Elle le regarde, elle a envie de le frapper. Pourtant, elle sait très bien qu'elle, elle sera dans le tort, et que ce sera elle qui prendra tout. Alors, elle se tait, elle baisse la tête. Tout ça parce qu'elle éprouve des sentiments pour sa meilleure amie, et qu'elle a réalisé qu'elle est en couple avec ce garçon juste parce qu'il s'agissait de ce que les autres attendent. Ce que ses parents attendent d'elle. Et ses amies aussi. Parce qu'il est LE garçon avec qui être. Vous savez, le genre de plus beau garçon du lycée, espéré de tous. Et quand, pendant un jeu, lors d'une soirée, elle n'a pas hésité à exécuté son défi qui était d'embrasser sa meilleure amie, quitte à faire durer un peu plus longtemps, elle a vu son monde se retourner contre elle. Quelle fille sortirait avec un garçon et ne grimacerait pas à embrasser une autre fille ? Quel genre de fille peut s'intéresser à la fois aux garçons et aux filles ? certains disent que c'était pour oublier l'amour qui était mort par sa faute. Mais elle elle sait que ce n'est pas une folie. Que ce n'est de sa faute si lui et mort. Et qu'elle ne regarde pas les gens selon leur genre, et qu'elle ne contrôle pas ça. Elle l'a su très vite, très tôt. Si bien qu'elle n'a jamais eu de mal à assumer.


Papa, Maman, merci, je m'en vais.
L'envol des enfants, c'est toujours émouvant, et à la fois si difficile. Encore plus quand cet enfant sait vous rendre dépendant, et se montrer dépendant aussi de vous. Et pourtant, à vingt et un an, décider de partir, c'est un peu comme se faire passer pour ce qu'on n'est pas. Mais elle avait besoin d'indépendance, et en peu de temps, elle a su le leur montrer. Malgré tout, elle peut toujours remercier ses parents : ils l'aident sur beaucoup de chose, quand bien même ils ne sont pas très fan de l'idée d'être en colocation...