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— C’est pas drôle Nora, il essaye de s’enfuir ! Tu ne nous échapperas pas Cam ! La poupée entend encore sa propre voix mélodieuse alors qu’elle tentait de suivre Nora sans leur course effrénée pour attraper leur « petit » frère. Elle se voit encore avoir des regards et sourires complices avec sa sœur lorsque les deux enfants avaient décidé à nouveau de jouer à la poupée avec un Camden qui n’en pouvait plus d’avoir tant de couleurs différentes sur le visage. La bonne époque, l’insouciance à son comble et l’innocence qui lui manquerait aujourd’hui. La poupée se sent tellement chanceuse d’avoir eu une enfance bornée d’amour et de souvenirs inoubliables. Du moins, elle préfère se raccrocher à ceux-là, pour ne pas penser aux moments qui lui serrent l’estomac. La maladie de Camden les a poussé à se tenir les uns les autres d’autant plus fort qu’avant. Elle se souvient encore Nova, de la peur, de l’inquiétude, de ses pensées noires qui lui faisaient imaginer le pire scénario possible et de son cœur qui loupait plusieurs battements dès qu’un médecin s’approchait d’eux. Mais plus fort que jamais, la famille arrivait toujours à s’apaiser et à ne voir que le meilleur pour espérer un avenir radieux. Plus d’une fois Nova a eu le souffle coupé, comme si cette maladie flottait au-dessus de leur tête telle une épée de Damoclès, mais jamais elle n’avait baissé les bras, croyant dur comme fer qu’il allait s’en sortir et qu’il retrouverait une vie meilleure, à leurs côtés. Puis, elle ne l’aurait pas accepté. Non, la poupée est déjà bien jalouse et possessive quand elle est enfant, ne tolérant pas que ses jumeaux s’éloignent un peu trop d’elle, non, elle sait qu’elle aurait mené un combat sans relâche contre la faucheuse et que pour rien au monde elle ne l’aurait laissé partir avec son frère.

— Remise à ses parents pour la troisième fois depuis le début de l’année scolaire, Nova n’est même plus impressionnée par le commissariat de Fall River dont elle connaît à présent tous les coins. Elle se sent même fière en réalité d’en être arrivée jusque-là, persuadée que ses idées et convictions sont les bonnes. Elle ne ressent aucun remord à avoir séché les cours pour se rendre à cette manifestation, arborant un panneau et criant à plein poumon comme si sa vie en dépendait. Des idées pleins la tête, la poupée s’est construit un monde idéal dans son imaginaire, tellement parfait à ses yeux qu’elle voulait que le monde entier le sache et y adhère. Elle est comme ça, Nova. Elle aime aller au bout de ses envies, coûte que coûte et peu importe ce que les autres en pensent. Elle n’est pas bête, elle sait pertinemment qu’elle n’est pas forcément bien vue par ses pairs, qu’elle passe pour « la grande gueule » qui arrive toujours à ses fins. Mais elle s’en fiche, Nova, elle est intègre et confortable avec l’idée que ses paroles, ses pensées et ses actions sont les mêmes. Oui, Nova n’a aucun regrette quand elle s’introduit dans son lycée en pleine nuit avec des amis pour libérer les animaux cobayes de la classe de science et encore moins quand elle se rend à des réunions militantes avec une fausse carte d’identité pour faire croire qu’elle est majeure. Elle s’est presque habituée à entendre ses parents la réprimander ou la punir parce qu’elle persuadée d’avoir agi pour la bonne cause. Et si c’est juste, ça suffit à Nova pour se donner à fond, corps et âme pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixé. Mais elle va grandir Nova, elle va prendre davantage en maturité et elle va se rendre compte que ce n’est pas forcément la meilleure des manières de mener son combat. Puis, arrive le moment où Camden se fait opérer, elle se dit qu’elle ne peut plus se permettre de faire n’importe quoi, qu’elle ne veut pas inquiéter plus ses parents qui craignent déjà la maladie de leur fils. C’est comme un renouveau lorsqu’elle apprend que la greffe a réussi et que Camden peut enfin respirer. C’est donc vers des associations que se tourne Nova, développant au maximum ses activités extra-scolaires en faisant notamment du bénévolat à Fall River.

— Nova n’aime pas cette situation. Elle la déteste, même. Elle a aimé sa meilleure amie et colocataire, elle ne comprend pas comment il est possible de faire tant souffrir quelqu’un. Elle qui voulait simplement rentrer chez elle après une longue journée à la fac, qui voulait se détendre en lisant un livre après une bonne douche… C’était raté. La poupée l’observe de loin, comme à son habitude, il est encore sur les escaliers devant leur porte d’entrée, à attendre que sa colocataire ne rentre. Elle ne veut pas lui parler, elle ne veut pas s’expliquer, elle a mis fin à leur relation - encore une fois - et comme à son habitude, elle l’évite au maximum et ignore ses appels et messages. Nova, elle a le cœur serré de le voir dans cet état, elle qui ne rêve que de le prendre dans ses bras et de le réconforter. Il ne sait pas lui, qu’il est le personnage principal des nombreux scénarios qu’elle se joue dans sa tête. Elle se sent stupide à nourrir cet amour à sens unique depuis la fin du lycée, elle qui sait qu’elle ne la vivra jamais, mais on n'oublie jamais son premier amour. Pas Nova, en tout cas. Elle s’est accrochée à lui comme s’il était devenu l’encre de son navire. Personne ne lui faisait ressentir ce qu’elle ressentait rien qu’en posant les yeux sur lui. Alors ça lui fait mal au cœur de le voir dans cet état alors que sa colocataire ne le prend même pas au sérieux. Elle reste là, silencieuse, à quelques mètres de lui, alors que la pluie tombe et qu’elle ne puisse plus faire la différente entre les gouttes de l’averse ou ses larmes sur ses joues. Elle le trouve pathétique, à attendre derrière une femme qui ne veut pas de lui, alors elle se met en colère, elle veut lui crier de partir et de ne plus jamais revenir, elle veut le secouer dans tous les sens, lui dire de se réveiller. Mais aucun son ne sortira d’entre ses lèvres. Il commence à se faire tard, tu constates qu’il a bu et qu’il est réellement décidé à rester là, sous cette pluie froide, toute la nuit. Sans ne jamais savoir pourquoi elle aura agi de la sorte, Nova se souvient l’avoir rejoint pour lui remettre son parapluie ouvert et avoir plongé ses yeux dans les siens. Perdu, désorienté, il ne saura jamais non plus pourquoi Nova avait déposé ses lèvres sur les siennes, délicatement et en laissant cette douce sensation de chaleur, comme si elle était venue effacer sa tristesse l’espace de quelques secondes. Il se souvient de l’avoir vu sourire comme jamais il n’avait vu sourire quelqu’un, avant qu’elle ne s’engouffre dans l’appartement, sans un mot. À partir de ce soir-là, il ne s’était plus jamais posté devant leur appartement.

— Nova est satisfaite, elle a été très productive et il ne lui reste à présent plus qu’un seul rendez-vous avec un auteur avant de pouvoir quitter son bureau et rentrer chez elle. Elle est si épanouie dans cette Maison d’Édition qu’elle a gravi les échelons sans trop de difficultés. Son imagination débordante, sa détermination et son talent pour dénicher le talent ont été perçu par ses supérieurs comme un atout majeur qu’il fallait garder et préserver. Elle savait que c’était ce qu’elle voulait faire après ses études littéraires et elle a tout fait pour y arriver. Il ne lui restait plus qu’à faire complètement ses preuves et la poupée pourrait peut-être obtenir ce poste dont elle rêve depuis la première fois où elle a posé les pieds dans cette Maison d’édition : la poste de responsable éditoriale. Après avoir mis un peu d’ordre sur son bureau et terminer d’enregistrer les informations de son précédent rendez-vous, Nova s’empresse d’accueillir la dernière personne qu’elle doit voir avant d’en finir pour la journée. Elle s’avance un peu plus avant que le visage de l’inconnu ne se dévoile complètement. Lui. La poupée ne l’avait jamais oublié, comment aurait-elle pu ? À bout de quelques secondes de silence, elle l’invite à son bureau, tentant de calmer son rythme cardiaque qui ne cesse de s’affoler à chaque fois qu’elle pose les yeux sur lui. Son myocarde se souvient de tout le concernant, absolument tout. Et plus le temps défile, plus elle se rend compte à quel point il lui avait manqué. Toutes ces émotions qui remontent doucement à la surface et lui rappelle par la même occasion que jamais ne rien s’est passé entre eux. Parce que c’est lui. Qu’il est cet amour intouchable. Elle qui était si enthousiaste de rentrer chez elle, la voilà faire tout ce qui était en son possible pour que le rendez-vous dure et ainsi admirer un peu plus ses iris. Jamais la poupée n’aurait imaginé qu’elle serait son éditrice, qu’elle l’accompagnerait dans cette aventure alors qu’elle détestait du plus profond de son âme ses écrits. Mais elle avait eu l’œil, encore un écrivain talentueux qui avait eu du succès. Non, Nova ne supporte pas ses romans qui content l’amour de jeunesse qui l’a fait tant vibrer. La poupée connaît cette histoire sur le bout des doigts pour y avoir été témoin malgré elle. Cette histoire d’amour qui lui a brisé le cœur et qu’il garde en rancœur encore aujourd’hui. Cette histoire qui les a tant rapprochées à présent et qui sème le doute dans son esprit. Comment entrer dans une histoire si longue et passionnée ? Nova ne veut pas être une ombre sur le tableau, pas quand les deux protagonistes principaux de cette histoire existante sont celles parmi les personnes qu’elle côtoie le plus au quotidien et qu’elle aime plus que tout.