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La caméra fait une vue d’ensemble sur le plateau avant de changer pour une vue rapprochée de Denise Cohen et Jay Compton.
D. COHEN : Bonjour Jay ! Merci d’avoir accepté notre demande d’interview ! J’avoue qu’aucun de nous ne s’attendait à une réponse positive.

Jay Compton rit, il replace ses cheveux dans un geste léger.
J. COMPTON : Eh bien, je n’étais pas sûr d’accepter moi-même ! Mais je n’avais rien prévu aujourd’hui et du champagne gratuit est du champagne gratuit.

Il lève sa coupe avant d’en prendre une gorgée puis de reposer le verre sur la table à côté de lui où une lampe donne un aspect tamisé à la salle.
D. COHEN : Vous m’en voyez ravie ! Commençons par le commencement : être le fils de deux grandes stars, ça n’a pas dû être facile, n’est-ce pas ?

Il réfléchit, caresse une bague à un de ses doigts avant de répondre :

J. COMPTON :C’est ce qu’on pourrait croire, pas vrai ? Mais je crois que ce que je détestais encore plus que les métiers de mes parents, c’était les gouvernantes qu’ils engageaient lorsqu’ils avaient des obligations. Mes sœurs et moi étions des enfants terribles et rares étaient celles qui acceptaient de rester après une soirée avec nous. Ça nous a beaucoup rapprochés d’ailleurs.

D. COHEN : Vos parents étaient souvent absents ?

J. COMPTON : Ils jonglaient entre cinq enfants et une carrière bien remplie. Je crois que tout le monde peut pardonner qu’ils aient parfois eu plus envie de manger du caviar et de lier des contacts que de jouer aux petits poneys pour la centième fois.

D. COHEN : Horse girl ?

J. COMPTON : Mes sœurs ? Si je vous dis que l’une d’entre elles dirige un immense ranch aujourd’hui, j’imagine que ça ne vous étonne pas ?

D. COHEN : Et vous ? Qu’est-ce qui vous a poussé à traverser l’océan pour faire carrière ici ?

J. COMPTON : Ça va vous paraître étrange, mais j’ai fait un rêve.

D. COHEN : Un rêve… ? Qu’est-ce qu’il s’y passait ?

J. COMPTON : Oh je ne sais plus. Par contre je me souviens qu’il y avait un flamant bleu et un éléphant rose.

D. COHEN : Un… flamant bleu… Eh bien, j’espère que vous n’aviez pas pris de dr…

J. COMPTON : Oh j’étais complètement défoncé à la cocaïne. Quand on vous invite à des soirées hypées depuis que vous avez quinze ans, ce n’est qu’une question de temps avant que la drogue ne vous tombe dessus. J’ai commencé à seize ans et j’ai été avide consommateur jusqu’à mes vingt six ans.

D. COHEN : 1999. Une année charnière pour vous.

J. COMPTON : Ah, je savais bien qu’on en viendrait là. Vous voulez parler de Trevor, pas vrai ? C’est vrai qu’il était mon patron et qu’il avait vingt ans de plus que moi, mais j’étais jeune, j’étais persuadé que c’était l’amour et avec toute la poudre que j’avais dans le nez, croyez bien que ça y ressemblait. On *BIP* dans son bureau. On *BIP* dans sa voiture. On *BIP* dans les toilettes… Je ne devrais peut-être pas dire ça à la télé.

Il rit à nouveau et reprend une gorgée de champagne avant de continuer :
J. COMPTON : Quand je me repenche là-dessus, maintenant que le temps a passé, je me rends bien compte que j’ai été utilisé, mais ce n’était pas l’impression que j’en avais à l’époque. Quand on est jeune et con, le moindre drapeau rose vous fait croire à l’amour. Alors quand ça a pété et que j’ai failli perdre mon job, j’étais prêt à tout quitter pour lui. Mais Trevor ne voulait pas quitter sa femme et c’est lui qui a fini par être viré de la chaîne. J’avais déjà un rôle important à l’écran, alors m’écarter comme ça ça aurait fait tout un scandale, et les producteurs en avaient assez d’un.

D. COHEN : Vous avez été forcé à faire votre coming out après qu’on ait publié l’affaire dans les revues people.

J. COMPTON : Exact. Pas le moment de ma vie le plus glorieux je dois bien l’avouer. Avoir sa tête à tous les carrefours avec des slurs inscrits sous votre nom, qu’on bombarde la chaîne de messages haineux pour me faire virer… ça aurait pu se terminer tout court là, mais ceux qui me voyaient comme la gentille folle du coin étaient plus nombreux. C’est à cause de tout ça que j’ai formé « Sounds gay, I’m in ». Si moi, qui avais pourtant une famille supportrice, j’avais envie de me foutre en l’air devant toute cette haine, je n’osais pas imaginer ce que les autres jeunes traversaient.

D. COHEN : Vous êtes très fier de cette association.

J. COMPTON : Et comment ! On a trouvé des logements pour des centaines de jeunes virés de chez eux, des parrainages, des avocats pour la cause dans tout le monde, sans parler de nos ambassadeurs qui mènent l’action auprès du public… C’est sans aucun doute le travail le plus important de ma vie. C’est une chose de divertir les spectateurs en faisant le pitre, mais c’est beaucoup plus gratifiant de travailler sur le terrain et de voir de vrais changements dans les mentalités.

D. COHEN : Et maintenant ? Vous avez de nouveaux projets ?

J. COMPTON : Bien sûr, j’ai toujours un milliard de projets sur le feu ! Mais je ne peux pas vous en dire trop, n’est-ce pas, love ? Ce serait ruiner la surprise. Dans l’immédiat, j’attends que Marylin atteigne les cinq millions sur Instagram. Vous savez qu’on lui a décroché un deal pour des pubs de croquettes ?

D. COHEN : Vos chiens sont un peu devenus part de votre image.

J. COMPTON : Quand les humains deviennent trop compliqués à gérer, c’est grâce à eux que je tiens et me dépasse. Barbara Streisand, Marlon Brando et Marylin sont ma lueur de soleil et de bienveillance.

D. COHEN : Pas d’amour à l’horizon ?

J. COMPTON : Et me priver de tous ces jolis p’tits culs dehors ?!

Denise rit à son tour, elle referme son carnet.
D. COHEN : C’est toutes les questions que votre agent a autorisé, pourtant j’ai l’impression que vous êtes encore plus un mystère qu’avant.

J. COMPTON : C’est dû à mon grand âge, love. On ne peut pas mettre cinquante ans d’existence en dix questions. Mais promis, la prochaine fois que je veux du champagne, je reviendrai vous voir !