Tu soupires longuement, frustrée de ne pas pouvoir travailler comme avant. Depuis ton accident de voiture avec Lidye, tu as l'impression que l'on te prend pour cette petite chose fragile dont les jambes vont se dérober à la moindre pression. Sauf que tes blessures ont guéri depuis longtemps et tu as la sensation de finir par devenir folle si ton entourage continue de te victimiser. Bien sûr que tu en es toujours traumatisée, tu es sortie de cet accident bien amochée et tu as failli perdre ta meilleure amie. Le seul souvenir de cette idée te donne la migraine et t'arrache un pincement au cœur. Non, tu n'es définitivement toujours pas passé à autre chose et cet accident a toujours des conséquences dans ta vie actuelle, mais tu préfères ne rien montrer et user de ton image de femme forte. Malgré tout, tu veux travailler, comme avant. alors tu rouspètes dans ton coin, clairement déçue de ne devoir faire que les visites. Tu es résidente en chirurgie cardiaque et il ne te reste plus que deux ans avant d'être titularisée, ce n'était pas en te promenant dans le service que tu allais gagner en expérience.

"Sloane, avec moi" que tu entends alors que tu empiles les dossiers des patients que tu viens de visiter. Tu tournes la tête et croises le regard sérieux de ta cheffe de service. Sans poser de question, tu la suis comme une bonne élève et emprunte l’ascenseur à ses côtés. De longues minutes de silence, mais tu ne la questionnes pas, parce qu'elle est ta supérieure et que tu lui fais confiance les yeux fermés. Arrivés aux urgences, tu comprends de suite que tu n'aurais pas dû te plaindre plus tôt en demandant plus de travail. "Ne me regarde pas comme ça, tu voulais reprendre du service, ça tombe bien les urgences ont besoin d'un coup de main. Ta garde se termine à 22h30, je ne veux pas te voir une minute de plus ici jusqu'à demain soir". « Message reçu, je ne te décevrais pas ». que tu lui réponds, un léger sourire aux lèvres. Tu n'aimes pas particulièrement les urgences, déjà, c'est rare que tu puisses exercer dans ta spécialité, soit en cardiologie, puisque généralement les gens sont là pour d'autres raisons - la plupart futiles - et aussi parce que les gens sont trop impatients. Tant pis, tu étais assignée aux urgences pour la soirée et tu comptes mener ta mission à bien. Il était temps que l'on te remette sur les rails alors tu n'allais pas gâcher cette opportunité. Tu enfiles une paire de gant et rejoint le bureau des infirmières pour obtenir des informations sur les patients déjà admis. On t'assigne une aile des urgences et tu empoignes les premiers dossiers en débutant la visite médicale d'un enfant dont le bras semble cassé sans te rendre compte du nom de ton deuxième patient inscrit sur le dossier, qui est une personne plus familière que tu ne le penses. « Bonsoir bonhomme, moi c'est le Docteur Sloane. On me dit que tu t'es fait mal à vélo ? Montre moi ça que je puisse m'occuper de toi ! » Le sourire aux lèvres, tu tentes de rassurer l'enfant et vérifie ses radios pour conclure qu'effectivement la chute a entraîné un éclat de l'os et qu'un plâtre est à présent nécessaire. Tu attends que l’infirmière de service t'apporte tout le matériel nécessaire et débute les soins.

Le boulot n’est pas toujours fun, entre gérer les gardiens, leurs rondes, leurs horaires, vérifier que tout est bien sécurisé, trouver et remédier aux potentielles failles, Rory est bien loin de l’excitation qu’impliquait son ancien job. Malheureusement, la balle qu’il a reçue, et les éclats de shrapnels qui abritent encore sa jambe et le bas de son dos n’aident pas l’homme à aller mieux. Au moins, ici, il n’y a pas d’action, ou peu, et il a souvent le cul assis sur une chaise. Pourtant, aujourd’hui, les choses ont pas mal bougé. Ils étaient en sous effectifs, et lors d’une ronde, deux mecs ont été repérés en train de voler des biens de l’entreprise. S’il a réussi à en arrêter un et son collègue le deuxième, ce ne fut pas sans un échange de coups, dont certains dans ses lombaires. La douleur causée par ses coups l’empêchait de marcher plus de 3 mètres avant de devoir se poser. La douleur électrifiante qui parcourait son nerf depuis le bas de son dos jusqu’à sa cheville l’handicapait pas mal. Et malgré ses refus répétés aux demandes de son collègue et amis qui voulait l’emmener à l’hosto, il finit par céder. De toute façon, il ne pouvait pas marcher, ni même conduire. Il laisse le reste de ses collègues gérer la situation, quant à lui, il se laisse conduire jusqu’aux urgences. On le place sur un lit ou il souffre en silence, comme à son habitude. Il envoie un message à sa baby sitter pour lui demander si elle peut rester avec sa fille puisqu’il va rentrer plus tard que prévu. Il attend une réponse, fixant le plafond en attendant que quelqu’un vienne s’occuper de lui.

Rory ignore combien de temps s’est écoulé depuis qu’il est arrivé ici quand quelqu’un arrive pour s’occuper de lui. Il redresse la tête, et se raidit sous la surprise. Si la douleur est toujours bien présente, le choc qui vient de le toucher accapare toute son attention.

“Jules?”

C'est la seule chose qui sort de sa bouche dans un murmure. S’il y a bien quelqu’un qu’il ne s’attendait pas à croiser aujourd’hui, c’est elle. Il a envie de prendre ses affaires et se barrer, mais il aurait vite fait d’être arrêté par sa douleur. Il a envie de disparaître, de se transformer en métamorphe et s’enfuir par la bouche d’aération. Qu’est-ce qu’il est supposé dire exactement? Est-ce qu’au moins elle va le reconnaître, sa barbe était inexistante quand il est parti, et sa coiffure ressemblait plus à un nid d’oiseau qu’à des cheveux à l’époque. En plus de la douleur, c’est maintenant la culpabilité qui vient se déposer de tout son poids sur ses épaules. Rory essaie de se redresser, non sans lâcher un soupir de douleur et en grimaçant.

“Qu’est-ce que…pourquoi t’es là?”

A-ton avis mon grand? Elle est là pour cueillir des patates! Elle était encore aux études quand il est parti, si elle est là, c’est qu’elle a dû les réussir. Un petit sentiment de fierté vient pointer le bout de son nez. Il a beau se sentir mal pour plein de raison, il ne peut s’empêcher d’être fier d’elle.

Tu termines tranquillement les soins en prenant le temps de rassurer l'enfant et une fois chose faite, tu lui proposes une sucrerie en le félicitation d'avoir été si courageux. Tu te dis que tu t'en sors sacrément bien avec les enfants, même si tu es satisfaite de ta situation actuelle. Tu ne te sens pas du tout de fonder une famille, tu es bien trop instable pour ne serait-ce qu'imaginer la chose. Tu quittes le box de la famille en leur expliquant la suite et tu te rends au bureau des infirmières pour déposer le dossier et récupérer celui de ton patient suivant dont tu ne lis que le prénom, "Rory". Tu hausses les épaules et te rends jusqu'à son box, les yeux rivés sur le dossier pour connaître à l'avance ses maux et pouvoir l’ausculter de suite. C'est lorsque le son de cette voix - trop ? - familière arrive jusqu'à tes tympans que tu as l'impression que ton sang se fige. Tu baisses le dossier d'une main tremblante, persuadée d'avoir rêvé et pourtant... C'est bien le visage de ton frère aîné que tu n'as pas vu depuis plusieurs années qui apparaît sous tes yeux. Tu ne comprends pas, c'était une blague ? Ou se trouvaient les caméras cachées ?

Aucun son ne sort de ta bouche tellement tu es surprise. Il est évident que tu ne t'attends pas à revoir ton frère, surtout pas après tant de temps. Tu ne sais pas comment réagir, entre la colère qui monte en toi, le soulagement de le savoir toujours en vie et l'envie de te jeter dans ses bras. A la place, tu fins l'ignorance et te concentres à nouveau sur son dossier. Tu comprends qu'il utilise son second prénom et que c'est peut être pour cela que tu n'as pas constaté que c'était lui plus tôt. Peu importe, il a une grande part de responsabilité dans ces insécurités qui te rongent au quotidien, alors il est hors de question que tu fasses comme si tout était pardonné.

« Qu'est-ce qui vous amène ici ce soir Monsieur Sloane ? ». que tu lui demandes comme s'il était un patient lambda, alors que ton cœur se serre et qu'il t'es difficile de prononcer ce nom de famille qui est également le tiens. Tu parcours la feuille du dossier et apprends pas la même occasion que ton frère est un ancien soldat qui a fait l'objet d'une blessure importante au cours d'une mission. Soldat ??? Plus d'une fois tu t'es demandée s'il était toujours en vie et tu te rends compte que tu aurais pu le perdre lors d'une de ses missions et que tu n'aurais peut être jamais su qu'il avait disparu, ce qui te fend d'autant plus le muscle battant.  « Est-ce que vous avez un traitement pour votre dernière blessure en date ? D'autres antécédents à déclarer ? ». Tu sais que tu es froide et distante et que tu viens d'ignorer sa question, mais c'est plus fort que toi. Ça te gifle de plein fouet de le savoir face à toi, lui qui t'a lâchement abandonné alors qu'il tournait le dos à votre père. Légitimement, tu ne lui en veux pas pour avoir quitté la maison, votre père devenait insupportable et s'en prenait à lui gratuitement. Mais toi dans tout ça ? Quelle était ta faute ? Tu ne le méritais pas, tu n'avais rien demandé. Lui, qui te protégeait envers et contre tous, t'avait également tourné le dos sans plus jamais cherché à te recontacter. C'était suffisant à tes yeux pour ne pas te faire réagir aujourd'hui.

De toutes les personnes qui auraient pu le prendre en charge, il ne s'attendait vraiment pas à ce que se soit sa sœur. Rory voit bien qu'elle le reconnaît, mais qu'elle fasse comme si elle ne savait pas lui fait mal au cœur il devait bien l'avouer. Il aurait préféré qu'elle s'énerve, qu'elle lui hurle dessus. Mais il méritait bien qu'elle feigne l'ignorance.  Elle enchaîne en continuant de faire comme s’il n’était qu’un autre patient. Il hésite à lui répondre, il n’a pas tellement envie de parler des anti douleurs, des anxiolytiques et toutes les pilules qu’il est supposé prendre. Elle reste sa sœur, et il y a un certain nombre de choses qu’il préférerait garder pour lui. Et tant qu’à faire s’il doit se déshabiller pour être ausculté, il préférerait aussi que ce ne soit pas elle qui s’occupe de lui. Il n’a pas envie qu’elle voit ses cicatrices, qu’elle ait vu pire, c’est certain, mais quand même.

“Jules.. Je… si c’est possible, j’aimerais voir un autre médecin.”

Quelle situation de merde, s’il pouvait revenir en arrière, il essaierait d’éviter les coups, ou il refuserait catégoriquement de foutre les pieds aux urgences. Quitte a devoir rester au sol au bureau, c’est pas grave, vivre avec les pâquerettes et le fourmis c’est très bien, c’est sûrement très gentil une fourmis, en tout cas dans ant-man elles ont l’air sympathique. Malheureusement, c’est trop tard, maintenant qu’il est là, il n’a pas trop le choix que de rester là, et quitte à attendre, même trois heures de plus, peu importe, il veut qu’un autre médecin le prenne en charge.

"C'est pas contre toi..."

Il n'essaie pas d'insinuer qu'il ne croit pas en ses compétences ou autres, simplement qu'il ne veut pas que sa soeur apprenne ce qu'il préfèrerait cacher à absolument tout le monde. D’ailleurs, y’a pas une règle qui dit que les médecins ne doivent pas s’occuper des membres de leur propre famille? Même si la famille Sloane à éclaté il y a bien longtemps maintenant, et qu’il en est certes, en partie responsable.

Tu te sens complètement perdue, ne sachant pas comment réagir alors que tout s'enchaîne. Tu n'arrives pas à avoir les idées assez claires pour réfléchir et laisser ta raison prendre le contrôle. Au lieu de ça, ce sont toutes ces émotions qui refont surface en même temps, te scellant à ce passé avec qui tu n'as jamais fait la paix. C'en est trop, tu n'en peux déjà plus, alors tu te mets en mode "automatique" comme tu sais si bien le faire face à des situations que tu veux éviter ou fuir au possible. Ton frère ne t'a jamais connu ainsi, il ne connaît que la douce et solaire Jules, mais tu t'en fiches. A cet instant précis, ce n'est pas ce qu'il peut ressentir qui t'importe. Après tout, n'était-il pas parti en te laissant derrière lui sans prendre en considérations tes sentiments ?

L'entendre prononcer ton surnom te semble étrange, ça te réchauffe le cœur et te met hors de moi en même temps. Voilà longtemps qu'il a perdu le droit de t'appeler ainsi que tu penses, sans mettre à mots tes pensées. Sa volonté de changer de médecin en rajoute une bonne couche, comme s'il faisait son possible pour s'éloigner de toi, alors même que vous veniez de vous retrouver après tant de temps. « Vous êtes aux urgences Monsieur Sloane, pas à l'hôtel, je ne crois pas que vous ayez le luxe de choisir votre médecin, sauf si vous avez une raison légitime ? » que tu lui lâches en roulant ouvertement des yeux. L'agacement peut se sentir dans le son de ta voix, mais au fond, tu es blessée de son souhait. Ne te sentait-il pas assez capable pour l’ausculter ? Ce sentiment de rejet te fait plus de mal que tu ne veux bien l'accepter, mais comme à ton habitude, tu feins l'ignorance et fait comme si ça ne te touchait pas.

Pourquoi est-ce que tu t'entêtes ? Tu devrais t'en aller et le laisser seu dans son coin, tout comme il l'avait fait il y a de ça plusieurs années. Mais c'est plus fort que toi, tu navigues entre l'envie de lui faire payer toute cette souffrance que tu as ressenti à son départ et qui te ronge encore à l'heure d'aujourd'hui et l'envie de le retrouver et de ne plus jamais le lâcher. Après tout, il ne te restait que lui, il était ta seule famille. « C'est marrant, c'est aussi ce que tu me disais à l'époque, pourtant ça fait des années que je n'ai plus de nouvelles ». Tu laisses finalement tes émotions prendre le dessus alors que tu te retenais depuis le début. La colère brûle en toi, mais tu te rappelles que tu es sur ton lieu de travail et que tu as tout intérêt à bien te comporter si tu veux retrouver tes opérations et ton rythme d'avant ton accident de voiture.  « Jenny, appelle le Docteur Ackerman s'il te plaît, il prendra la suite ». que tu demandes avec bienveillance à l'infirmière qui t'accompagne tout en retirant tes gants que tu balances avec violence dans la poubelle, prête à quitter les lieux.

C’est peut-être pas un hôtel, mais jusqu’à preuve du contraire on a le droit de refuser d’être traiter par un médecin et d'en demander un autre. Il ne fait pourtant pas ça pour la vexer, Rory ne veux juste pas qu’elle voit ses cicatrices, il n’a pas vraiment envie non plus de lui expliquer qu’il a bien failli y passer parce qu’une mine a explosé à deux pas de lui et que des éclats de shrapnels sont encore coincé dans son corps. On a vu mieux pour des retrouvailles non planifiées.

“Ma raison légitime c’est la loi…”

Qu’il dit un peu sèchement sans trop le vouloir. Il ajoute quand même que ce n’est pas contre elle. Et il le pense sincèrement. Bien qu’elle ne risque pas de le croire et vu ce qu’elle dit, clairement elle ne croit pas un seul mot. Elle finit par demander à sa collègue d’appeler un autre médecin, se préparant à quitter la consult’.

“Jules…” Il prend une inspiration. “Je suis désolé.”

Too little, too late. Pourtant, ça vient du cœur. Même si ça n’effacera pas les dernières années, il est le seul responsable et il le sait. Mais s’enfermer dans une routine solitaire est très vite devenu plus simple, et automatique. Les “je l'appellerai ce week-end” sont devenu des “je l'appellerai la semaine prochaine” puis “quand j’y penserai” et finalement ça c’est transformé en “c’est trop tard maintenant”. Et puis il n’a jamais osé revenir.

“Ca vaut c’que ça vaut, mais j’suis content d’voir que t’as réussi tes études.”

C’est vrai, il est fier d’elle, il n’était pas là pour la soutenir, et certes il a tout loupé, mais il pense vraiment ce qu’il dit. Même si elle le déteste, et ce à juste titre. Les chiens ne font pas des chats, il a bien hérité d’Alexander Sloane. Même si, les premiers mois, c’était pas voulu, il était tellement en colère que même parler à sa sœur, c’était trop pour lui. Une piètre excuse peut-être, mais on fait souvent de notre mieux, même si notre “mieux” n’est pas toujours suffisant.

Tu le sais, Jules. Tu sais parfaitement qu'il est en droit de demander un changement de médecin et que la loi l'y autorise. Tu le sais puisque tu as déjà fait droit à d'autres demandes similaires dans le passé. Mais pour une raison inexplicable, tu n'arrives pas à lâcher le morceau et accéder à sa demande. Ça te fait mal à ton égo de faire ce qu'il souhaite, toi qui penses qu'il n'a aucun droit, ni privilège de te demander quoi que ce soit. Mais encore une fois, ce n'est plus la Jules objective et professionnelle qui commande, mais cette vive douleur dans ta poitrine qui t'y pousse. « Vous allez devoir patienter un moment, le temps qu'un autre médecin se déplace » que tu l'informes, maintenant que tu as lâché prise et que tu ne veux plus te battre avec lui. Non, tu ne le crois pas quand il t'assure que ce n'est pas contre toi. Il pourrait te dire des vérités évidentes que tu mettrais toujours sa parole en doute.

Ça te tord la poitrine lorsqu'il t'appelle à nouveau pour ton surnom, avec cette voix douce et bienveillante avec laquelle il avait l'habitude de t'appeler par le passé. Entendre ses excuses te fait l'effet d'une douche froide : tu ne t'y attendais pas et tu ne sais pas comment réagir. « T'as pas l'impression que tu aurais dû me dire tout ça des années en arrière ? » que tu lui réponds d'un air sarcastique en riant nerveusement. C'était si facile de débarquer après des années d'absence et de juste s'excuser...

Tu ne lui avoueras pas non plus que ça te touche de voir qu'il ressent une certaine fierté maintenant que tu portes cette blouse blanche. Personne ne sait à quel point tu as travaillé dur pour en arriver là et jamais personne ne t'avait regardé dans les yeux en exprimant de la fierté, cette chose que tu peux cerner dans les yeux de ton frère, mais que tu préfères ignorer. « C'est pas comme si j'avais eu le choix, j'étais toute seule, je me suis débrouillée comme je pouvais ». Dès que tu as envie de répondre tendrement à ses tentatives d'approche, tu finis par les rejeter brutalement presque naturellement. Voilà ce qu'ils avaient fait de toi, ton père et ton frère, en t'abandonnant du jour au lendemain, alors même que tu avais toujours été là pour eux.  « Qu'est-ce qui t'amènes ici Aidhàn ?».. Ce prénom qui sort d'entre tes lèvres par automatisme, toi qui l'a toujours nommé ainsi. Et cette question que tu lui poses, parce que tu veux t'assurer qu'il n'a rien de grave, plus en tant que sœur que médecin.

Patienter ne le dérangeait pas tant que ça au final, peu importe la douleur, valait mieux ça que laisser Jules voir ses cicatrices. Et peu importe la douleur, il la supporterai, il a connu bien pire. Dans des conditions bien moins favorables qu’ici qui plus est. Avant qu’elle ne quitte la salle de consultation, il lui balance des excuses. Un peu tard, elle a raison. Mais mieux vaut tard que jamais non? Il se relâche sur le lit dans un soupir. Cette journée n’allait vraiment pas dans la direction qu’il aurait aimé.

“Les choses se sont compliquées très vite quand j’suis parti… Et puis t’étais pas seul, Alexandre était là..”

Leur paternel à toujours été là pour elle, tandis que lui, il l’a toujours détesté. Il aurait préféré n’avoir qu’une fille. Rory était de trop dans cette famille selon ce vieux con. Elle lui demande ce qu’il l’ammène ici. Un abruti qui a trouvé intelligent d’essayer de voler une cargaison? Et qui lui a bien amoché les lombaires au passage. Il n’a que 32 ans et il se plaint déjà de son dos, quelle plaie. Se prendre une mine dans la tronche, c’est pas une expérience qu’il conseil, les séquelles sont handicapante, et encore, lui à la chance d’avoir gardé tous ses membres.

“Accident de travail. J’suis dans la sécurité. Au moins, c’est mon entreprise qui prend en charge les soins!”

Et tant mieux, les frais d’hôpitaux sont onéreux, et à choisir, il préfèrerait rembourser la maison, et mettre de côté pour payer les études de sa fille plutôt que de payer les frais médicaux.

“C’est rien de grave j’suis sûr, juste… une lombalgie…”

Oui, juste ça, couplé à d’autres traumas que son corps à subi, tout un historique qu’elle n’a pas besoin de savoir. Il observe le plafond un instant en restant silencieux avant de soupirer à nouveau.

“Le moment n’est pas idéal mais… je suppose qu’il ne peut pas être pire qu’un autre. Y’a quelque chose que j’voudrais te dire, pour être honnête, je suis revenu ici pour ça j’ai juste… Jamais trouvé le courage de venir te voir…”

Il marque une pause pour reprendre son téléphone avant de rejoindre sa galerie pour y trouver bon nombre de photos de sa fille ou elle pose avec Erin, sa tante, il en choisit une avant de le tendre à sa soeur.

“J’te présente Eliza. Elle a six ans. C’est ma fille.”

Il aurait pu rester avec Erin, à quelques heures de route d’ici, rester près de ce qu’elle avait toujours connu. Pourtant, il avait pris la décision de revenir, pour au final ne jamais avoir le courage de les faire se présenter. Il avait peur de ce que Jules allait penser, mais maintenant qu’il était face à elle, contre son gré, autant arracher le pansement d’un coup.

Il est évident que cette petite pièce n'était pas l'endroit idéal pour avoir une telle conversation avec ton frère, mais ce n'est pas comme si tu avais une autre alternative. Le destin, le hasard ou peu importe qui, vous a réuni ici aujourd'hui et il faut faire avec. « Je n'étais pas seule ? T'es vraiment au courant de rien je rêve. » que tu lui lâches sèchement. Ça te met en rage qu'il puisse penser une seconde que votre père avait été à tes côtés pour te soutenir dans tes choix. Alexandre Sloane s'était laissé aller petit à petit, cédant à la tentation de ses démons. Tu avais fini par ne même plus le croiser alors même qu'il pouvait s'enfermer dans sa chambre à double tour durant des jours. M. Sloane ne pensait qu'à ses propres intérêts et à s'enivrer, noyant son pseudo-chagrin dans les bras de femmes différentes chaque nuit. Même sa carrière professionnelle avait dégringolé, laissant de lui qu'une simple ombre. « Tout ce qui intéressait notre cher père, c'était d'être accompagné par sa bouteille du matin au soir quand ce n'était pas une prostitué alors épargne moi ce genre de remarques » Tu ne sais même pas ce qu'il est devenu ces dernières semaines, ton père refusant de te voir à chaque fois. Ça t'enrage d'autant plus qu'après ton accident de voiture, il ne s'était pas déplacé à ton chevet. Tu ne serais même pas étonnée d'apprendre qu'il n'était pas au courant.

Ça te fait mal de l'admettre, mais tu t'inquiètes pour lui et tu veux être certaine qu'il ne court aucun danger immédiat. Tu sais par expérience que même l'état de santé d'un patient pouvait se dégrader en l'espace de quelques minutes à peine. Tu fais quelques pas de plus pour t'approcher à nouveau de ton frère. « Est-ce que je peux au moins faire les examens primaires ? Le temps que mon collègue arrive ? ». Il ne s'agissait que de gestes banals comme prendre la tension, vérifier le rythme cardiaque, etc... Des choses ordinaires qui vont te rassurer en un rien s'il te permet de les faire.

Tu gardes le silence et écoutes attentivement ton frère lorsqu'il reprend la parole. Tu n'es pas dupe, tu sens bien qu'il a beaucoup de mal à te parler et qu'il regrette aussi que vous vous soyez éloignés. Malgré tout, tu n'arrives pas à tout effacer d'un revers de main, comme si de rien n'était. Tout ce que tu avais vécu en son absence, en plus de devoir accepter qu'il ne soit plus là pour toi, c'était des choses qu'il ne pouvait pas t'enlever et faire disparaître. Cette souffrance est ancrée en toi malgré toi et aucune de ses paroles n'allaient rien y changer. Tout ce que tu avais vécu en son absence, en plus de devoir accepter qu'il ne soit plus là pour toi, c'était des choses qu'il ne pouvait pas t'enlever et faire disparaître. « J'avais tellement besoin de toi Aidhàn, t'as pas idée ». que tu lâches en fuyant son regard. Ça te surprend toi-même de lui avouer une telle chose, mais t'as l'impression d'être à nouveau cette petite fille qui attend que son frère la prenne dans ses bras après être tombée à vélo. 

Tu es d'autant plus surprise lorsque tu comprends rapidement que tu as une nièce alors que son visage apparaît sous tes yeux. « Elle est magnifique ».. Tu n'arrives pas à ôter tes yeux de l'écran de son téléphone, voulant garder en tête l'image de cette petite fille adorable. Elle était définitivement une Sloane et arborait énormément de traits physiques de la famille. Ça te fait plaisir et chaud au cœur d'apprendre une telle chose, même s'il faut l'avouer, ça te déchire aussi le cœur d'être exclue de toute une partie de sa vie. « Elle te ressemble beaucoup ».