Tu étais enjouée, assise confortablement dans cette voiture, aux côtés de ta meilleure amie. En te proposant de sortir après le travail, elle avait réussi à illuminer ta journée. Si ton moral n’était pas forcément au beau fixe en ce moment, elle avait trouvé le moyen de te redonner le sourire. Et tu n’avais pas besoin de dire que tu as besoin de te changer les idées pour que Lidye s’en rende compte, c’était ce qui faisait le charme de votre amitié, de vous comprendre sans avoir à vous dire un mot. Tu allais à nouveau avec l’esprit confus et rempli de questions sans réponses dès le lendemain, puisque tu étais de service dès le lendemain matin, mais c’était une chose pour laquelle tu allais te préoccuper demain. Ce soir, tu voulais profiter de cette joie que tu ressentais auprès de la jeune femme à mesure que les kilomètres se réduisaient pour arriver dans votre chez vous. Tu t’y sentais bien dans cet appartement, raison pour laquelle tu y habitais toujours d’ailleurs. Cela faisait déjà quelques années que c’était votre foyer avec Lidye et vous n’aviez pas encore envisagé de déménager. Pourquoi le faire alors qu’il était parfait à vos yeux ? Tu étais impatiente d’être à la maison et de prendre une bonne douche chaude pour te détendre. À coup sûr, tu allais finir devant la télé à attendre que Lidye se pose à tes côtés pour regarder un film, comme vous aviez l’habitude de le faire souvent.

Pourtant le film d’action, tu allais le vivre en direct, mais tu ne le savais pas encore. Plus que quelques minutes avant le drame et pourtant, tu avais le sourire aux lèvres et tu chantonnais en cœur avec la musique qui passait à la radio. Te dandinant légèrement de droit à gauche, tu te mordillais la lèvre inférieure, comme pour t’empêcher de prendre ton portable en main. Mais tes yeux racontaient une tout autre histoire, puisqu’ils n’arrêtaient pas de faire des allers/retours vers lui, montrant à quel point, tu attendais désespérément que ton écran s’allume. Tu étais celle qui éviter la source de ta confusion, mais tu attendais comme une folle qu’il te contacte. Noah, le beau Noah, ton Noah. Voilà des jours que tu ne lui avais pas adressé la parole et ça te rongeait clairement. Tu pensais pourtant que c’était une bonne idée de mettre de la distance entre vous, pour que ça puisse t’aider à comprendre, pour que ça puisse t’aider à faire disparaître toutes ces interrogations. Tu n’avais pas pensé à l’idée que tu aurais pu ne plus jamais le revoir ce soir.

La tentation étant trop forte, tu t'étais emparée de ton téléphone pour cliquer sur le bouton central et constater que tu avais finalement reçu un message de sa part. Tes lèvres s’étaient étirées de plus belle et prête à ouvrir le message et à le lire, ton cœur s’était emballé sans que tu ne puisses encore en comprendre la raison. Mais c’est une forte source de lumière qui avait attiré ton attention et vers laquelle tu avais regardé. Les yeux écarquillées, tu avais l’intention d’attraper l’épaule de Lidye et de la prévenir qu’un véhicule foncer droit devant vous. Trop tard. Pas un seul son n’était sorti de ta bouche que les vitres explosaient. Tu ne sais pas ce qu’il était advenu de vous, si vous étiez blessées ou pire, si vous aviez perdu la vie dans ce terrible accident. Tu ne savais pas ce qu’il se passait puisque tu n’étais plus consciente. Ce que tu pensais être 5 minutes était en réalité quelques heures. Tu entendais des sons, des bribes de voix, certaines familières, d’autres non. Tu avais l’impression de te réveiller et de te rendormir sans cesse alors que tes yeux étaient toujours constamment fermés. La seule chose dont tu étais certaine à cet instant précis, c’était que tu étais à l’hôpital, aux urgences plus précisément. Tu sentais les gens s’agitaient autour de toi, mais uniquement l’espace de quelque temps. On te manipulait le corps sans que tu puisses t’exprimer. Tu voulais leur crier que tu ressentais une vive douleur sur certaines zones précises, mais une fois encore, ce n’était que bref et tu étais dans l’impossibilité d’ouvrir les yeux ou d’user de ta parole. À cet instant précis, c’était à Lidye que tu pensais. Comment allait-elle ? Pourquoi personne n’en parlait ? Était-elle, elle aussi à l’hôpital ? Aux urgences ? En salle d’opération ? Un cauchemar, tout ceci n’était qu’un cauchemar, pas vrai ? Ce n’était pas réel, ça ne pouvait pas l’être. Tout ce que tu voulais, c’était d’être chez toi et te blottir contre Lidye sous un plaid. Allais-tu rentrer chez toi à nouveau ?

@Lidye El-Azem @Ayem El-azem @Noah Little

« On a un Code bleu ! El-Azem, tu viens avec moi. Allez, dépêche toi.»

En regardant son bipeur qui lui annonçait l'urgence, Ayem se leva d'un bon. Elle était prête à apprendre, prête à aider, prête à sauver toutes les vies qu'il faudrait sauver. Elle suivait sa référente au trot, pendant qu'elle se dirigeait vers l'accueil des urgences. C'était la folie, ici. Il y avait des gens qui courraient partout, et si Ayem tentait de s'habituer à l'ambiance depuis une semaine, il n'en restait pas moins que c'était impressionnant. Jusqu'à maintenant, elle avait surtout vu des opérations, des malades en consultations, ou des bébés. Rien de bien difficile. Mais les urgences, c'était le centre de l'horreur. Le genre de film en continu qui faisait serrer son coeur et fermer les paupières si fort qu'elle avait l'impression qu'elles allaient faire se renfoncer ses yeux dans son corps.
"Reste normale, la douleur est surtout la leur" qu'on lui avait dit dès les premières minutes où elle était arrivée dans cette partie de l'hôpital. Et elle avait beau essayer du mieux qu'elle pouvait, elle en était tout simplement incapable.

Dans la salle d'attente, elle vit deux brancards poussés par les ambulanciers, récupérés par les brancardier tandis que des médecins s'affairaient autour des victimes. «Accident de voitures. Deux blessées.» l'infirmière marqua une pause avant de reprendre en un souffle. «Deux des nôtres.» Et le regard qu'elle lança a Ayem, qui était supposée être en observation la fit s'avancer sans ordre ni autorisation. Et quand elle s'approcha du brancard qui était le plus prêt d'elle, son cœur manqua un battement, et son monde lui donna l'impression de s'effondrer. Ses yeux se remplirent de larmes, tandis que sa référente tenta de l'éloigner. «C'est ma sœur, je reste là.» dit-elle en essuyant ses larmes et en essayant de ne pas craquer devant le visage rempli d'égratinures et inerte de Lidye. Elle avait du mal rien qu'à la regarder, et elle n'avait qu'une envie : que son aînée ouvre les yeux et recommence à lui dire des horreurs. Comme les autres médecins, elle s'affaira autour d'elle, et, pour la première fois depuis des années, elle lui attrapa la main. «T'en fais pas soeurette, ça va s'arranger. On va te soigner. Tu vas aller mieux. Je te le promets.» dit-elle, sur le bord d'exploser en larmes, avant de se redresser, et de prendre sa respiration, tandis qu'on lui expliquait qu'elle ne pouvait pas s'occuper de sa soeur, selon la charte de l'hôpital qu'elle avait signée. Bullshit.

Elle commença à s'énerver et à hurler sur ses collègues, avant de sentir des mains puissante se refermer sur ses bras, et la décaler. Elle se tourna vers la personne qui les possédait, et plissa de plus belle les yeux. Lui, elle ne le connaissait que de vue. Et s'il se mettait en travers de son chemin, c'était lui qui allait subir son courroux. «Mais bordel mais lâche moi ! Lâche moi ! C'est ma soeur, je vais pas la laisser comme ça. Je dois faire quelque chose. Je veux faire quelque chose..» Cette fois-ci, ce fut le chagrin et ses pleurs qui explosèrent, tandis qu'elle essayait de se détacher de l'emprises des mains de celui qu'elle avait reconnu comme le Docteur Little (c'était aussi écrit sur sa blouse). «Arrête. Ta soeur est prise en charge. On va s'occuper d'elle du mieux qu'on le peut.. Mais tu dois te calmer, tu perturbes tout le personnel médical.»

Elle baissa la tête, lâchant les armes, alors que les larmes continuaient à couler sur ses joues. «Vous ne comprenez pas.. La dernière chose que je lui ai dit, c'était des horreurs.. Je... Je ne lui ai jamais dit que je l'aimais. Je sais même pas si elle le sait.. Je refuse qu'elle parte sans que je le lui ai dit...» dit-elle, avant d'aller s'asseoir sur un siège, en ramenant ses genoux à elle, laissant les éclats de pleurs prendre le dessus sur elle.

Il passait sa journée dans les interventions rapides de neurochirurgie. Après tout ce temps en tant qu'interne, certains chirurgiens lui faisaient suffisamment confiance pour lui confier plus que des tâches d'observation, et ce déjà depuis quelques années. C'était comme ça, quand on évoluait, n'est-ce pas ?
Noah aimait son travail, et ça se voyait. Beaucoup disaient de lui qu'il deviendrait un très bon chirurgien. Qu'il s'en sortirait à merveille. Et ça l'aidait beaucoup à se sentir prêt, et à donner le meilleur de lui-même quelques soient les circonstances. Il en voulait, et c'était déjà énorme pour favoriser son apprentissage. Pendant longtemps, il avait imaginé qu'il serait urgentiste, avant de se découvrir une véritable passion pour la chirurgie neuronale. Il avait eu de la chance d'avoir découvert ce qu'il aimait.
Mais ce jour là, on l'avait bipé alors qu'il pensait visiter simplement des patients qui avaient subi une opération. La plupart des effectifs avaient été réquisitionnés pour les urgences. Apparemment, il y avait un grand nombre d'urgences, jusqu'à ce qu'il ne voie des brancards débarquer. Et qu'il ne se retrouve face à la soeur de Lidye, totalement terrorisée. Il n'avait pas réalisé de qui il s'agissait, avant de s'approcher du brancard pour éloigner la benjamine El-Azem de celui-ci. Elle était totalement perdu pieds, et il essaya de la consoler du mieux qu'il pouvait, avant de la faire s'asseoir.

«Arrête. Ta soeur est prise en charge. On va s'occuper d'elle du mieux qu'on le peut.. Mais tu dois te calmer, tu perturbes tout le personnel médical.» Il avait essayé d'être rassurant, mais même lui commençait à se faire du souci. Sauf qu'il n'y avait pas de place pour le problème. Il demanda à la collègue à côté. «On a l'identité de la seconde victime ?» demanda-t-il alors qu'il s'avançait jusqu'au second brancard, celui de...Jules. Il retint sa respiration, et essaya de rester calme et sans inquiétude.. Mais il sentait qu'il était fébrile émotionnellement parlant. Seulement, ils étaient tous sur les nerfs, il le voyait bien. Il prit une grande inspiration, avant d'essayer de calmer tout le monde. Il prit les commandes sur ce qu'il pouvait. «J'ai besoin d'un scan intracrânien, et d'un respirateur pour chacune des deux. Il nous faudra deux places d'urgence en traumatologie.» dit-il, en commençant à remplir les documents nécessaires. Il fallait encore vérifier leurs constantes avant de pouvoir faire quoi que ce ne soit. Cependant, il restait clair que tout devrait se faire dans l'urgence la plus totale, comme pour tout accident de voiture.

Il avait besoin de rester impassible, Noah. Pourtant, il sentait bien qu'il tremblait de tout ses membres. Il n'était pas prêt, pas prêt à perdre son amie et la jeune femme pour laquelle il tombait chaque jour un peu plus amoureux, inéluctablement. Il les laissait dans les bras experts de ses collègues, avant de prendre à son tour le contrôle, et d'essayer de les remettre sur pied le plus rapidement. Mais ça n'était pas en sa qualité d'interne qu'il avait vraiment le droit de prendre des décisions. Alors, il laissait ses supérieurs agir, avant de pouvoir lui aussi prendre la main, et sauver la vie des deux jeunes femmes, en compagnie de ses autres collègues..
Et la tâche était loin d'aisée, vu son implication émotionnelle, et l'état dans lequel il se trouvait..

Assise sur le rebord du lit, tu avais le regard fixé sur le mur d’en face. Tu ne saurais dire depuis combien de temps, tu fixais ce mur, perdue dans tes pensées depuis presque deux heures, peut être plus. Le bras gauche plié et toujours bloqué dans une attelle immobilisateur d’épaule, tu ne clignais presque plus des yeux ou du moins, tu n’en avais plus conscience depuis longtemps. L’estomac noué, tu te concentrais sur ton rythme cardiaque et tu essayais de l’aligner au son strident qui hurlait dans toute la chambre. Cette machine que tu surveillais comme si ta vie en dépendait. Ce bip incessant qui hantait tes jours et tes nuits. Tu ne portais plus ta blouse depuis déjà trois mois, ne pouvant toujours pas exercer dans ton état actuel. Physiquement, ton corps guérissait à mesure que le temps passait, même s’il gardait toujours les marques d’un traumatisme malgré les mois passés. Des hématomes principalement, des égratignures encore visibles sur le visage, un bras et un poignet fracturés qui se remettaient doucement, mais surtout, un état psychologique déplorable. Impossible pour toi de pouvoir exercer. Comment pouvais-tu penser prendre en charge et pouvoir soigner tes patients alors que toi-même, tu étais meurtrie ? Ce n’était pas faute d’avoir tenté de tromper la psychologue que l’on t’impose de voir si jamais tu veux retrouver un jour ton poste. Elle était douée cette garce, impossible de la convaincre malgré tous tes tours. Tu ne voyais pas vraiment l’intérêt de continuer tes séances avec elle, elle ne pouvait rien faire pour toi de toute manière. Tu ne lui faisais pas confiance et n’avais nullement l’intention de t’ouvrir ou de te confier à cette femme. Ni à personne, d’ailleurs. Trois mois depuis ce terrible accident et tes lèvres ne s’étaient pas déliées une seule fois. Tu essayais d'éviter tout le monde pour ne pas avoir à te justifier de ta présence ou de ton silence. Tu ne voulais pas. Tu ne pouvais pas. En parler rendait les choses encore plus vraies et ça, c’était quelque chose que tu ne pouvais pas accepter. Tes nuits étaient devenues un cauchemar durant plusieurs semaines, à revivre cet instant tragique à chaque fois que tu fermais les yeux, avant de se calmer petit à petit. Parce que désormais ce qui t’importait, ce n’était plus ton repos. Voilà déjà quelques semaines que ton hospitalisation avait pris fin et pourtant, tu n’étais rentrée chez toi qu’une seule fois. La fois de trop. C’était insoutenable pour toi de pousser cette porte et de mettre un pied dans cet appartement sans elle. Tu avais l’impression de l’abandonnée en quittant l’hôpital, toi qui étais sur pied, alors qu’elle, elle était toujours allongée sur ce lit au drap blanc. La seule fois en trois moi que tu es rentrée dans cet immeuble, pour en ressortir même pas une heure après et retourner à l’hôpital.

Tu étais médecin et tu arpentais les murs de l’établissement fièrement, d’un air enjoué et prête à agir face à n’importe quelle situation. Mais à quel moment est-ce qu’on te préparait à passer la barre et être la patiente ? À quel moment est-ce qu’on te préparait à ce que le malade, ce soit quelqu’un qui t’es proche ? Jamais. Parce que c’était impossible d’être prêt pour ce genre de chose. Toi, la Jules forte, indépendante, pleine de vie et su nonchalante n’avais plus montré son sourire depuis trois mois. Tu passais ton temps auprès de Lidye ou dans la salle de garde lorsque tu voulais lui donner un peu d’intimité seule ou avec sa famille. Tu n’y arrivais pas. Tu refusais de t’éloigner davantage, de peur qu’il arrive quelque chose. Obsédée par les moniteurs auxquels était branchée la brunette, tu ne te gênais pas pour vérifier son dossier et tous les résultats malgré que tu n’étais pas son médecin, mais surtout que tu n’étais plus médecin du tout - même temporairement. Il suffisait de jeter ton regard noir aux internes pour qu’ils comprennent qu’il ne fallait surtout pas te refuser l’accès à ses informations et ils étaient assez intelligents pour te laisser faire. Ta main posée sur celle de ta meilleure amie, tu tentais à présent d’aligner ta respiration sur la sienne en fermant les yeux pour sentir la chaleur qui se dégageait du contact de vos peaux. Elle est vivante, Jules. Elle respire, sa température est bonne et son cœur bat. Pour le moment. Cette dernière phrase te faisait perdre la tête. Oui, pour le moment. Plongée dans un sommeil profond, tu ne vivais que pour revoir son regard noisette si tendre. Tu savais que si elle te voyait dans cet état, elle te le ferait payer, mais c’était plus fort que toi, tu ne pouvais pas la quitter. Alors tu continuais à fixer ce mur d’un regard sans vie, assise près de Lidye et concentrée sur son rythme cardiaque et sa respiration.

@Lidye El-Azem @Ayem El-azem @Noah Little

Elle a passé des heures entières à attendre, dans le vide. Pas de nouvelles, pas de possibilités d'en savoir plus. Pour la première fois de sa vie, Ayem comprenait ce que ça faisait d'être de l'autre côté du tableau, celui de la famille du patient. Elle se sentait seule, désormais, et désemparée. Et pas une seule fois, elle n'a eu le réflexe d'appeler ses parents pour les prévenir. Non, elle restait là, sans rien dire, sans rien faire, incapable du moindre mot, jusqu'à ce qu'on lui dise, après une éternité, que Lidye était sortie de la salle d'opération, et celle de réveil, bien qu'elle soit toujours pas vraiment éveillée. Ayem avait tout à coup l'impression d'être une profane, une enfant à qui on parlait de terme médicaux sans qu'ils n'aient le moindre sens. Tout ce qu'elle voulait entendre, c'était que Lidye irait bien. Et que tout allait s'arranger. Plus que jamais, elle se détestait de ne jamais avoir dit à sa soeur qu'elle l'aimait. De ne jamais avoir laissé de place à son aînée depuis sa naissance, bien que ça n'avait, au départ, jamais été son but. Non, ça ne l'était pas, même si avec les années, elle avait pris un malin plaisir vicieux à faire en sorte que la vie de sa soeur soit plus dure parce qu'elle la voyait tout avoir. Elle n'était pas particulièrement mauvaise, Ayem, mais elle était loin d'être quelqu'un de bien, surtout quand il s'agissait de Lidye.


Après plus de deux heures à rester devant la porte, elle s'était enfin décidée. Observer Lidye de loin, derrière ces espèces de rideaux de ferraille, c'était juste impensable. Elle ne savait pas comment elle avait tenu tout ce temps. Elle soupira pour se donner du courage, et ouvrit la porte. Jules était là. Elle lui sourit doucement, et laissa un vague «salut» s'échapper de ses lèvres, tandis qu'elle allait s'asseoir de l'autre côté. Elle laissa tomber ses quelques affaires au sol, dans un bruit fracassant, avant qu'elle ne se penche vers son aînée, et qu'elle ne lève une main toute tremblante pour réaliser le premier geste d'affection de son entière vie envers Lidye. Les larmes coulaient sur les joues de la jeune interne, silencieuses et amères, alors qu'elle regardait les yeux fermés de la patiente qu'elle ne connaissait que trop bien. Elle avala difficilement sa salive, avant de tourner les yeux vers Jules. «Est-ce que... est-ce qu'elle va s'en sortir ?» Jules aussi avait l'air un peu fracassée, et elle n'avait jamais été très proche d'elle.. Alors, forcément, lui en dire plus, c'était compliqué. Mais elle espérait silencieusement qu'elle aussi. Elle baissa la tête au moment même où la porte s'ouvrit doucement, dans un grincement qui aurait pu la faire sursauter. Noah était là. Elle baissa de nouveau la tête, dans l'attente d'une sentence qu'elle n'espérait pas si terrible, envers Lidye.

Il n'avait pas eu le temps de penser. Pas la moindre seconde à lui. Et d'un côté, heureusement. Ainsi, il pouvait éviter de se poser mille et une question pour Jules et Lidye. Pourtant, c'était bien là, dans sa tête, et ça l'empêchait d'être totalement clairement, ça foutait le bordel dans ses pensées.
Il avait passé son temps à courir pour les malades qui étaient sous sa responsabilité ce jour là, mais heureusement qu'il était accompagné d'infirmiers et d'autres médecins, des internes plus jeunes que lui, qui remontaient ses erreurs. Il pouvait toujours faire croire avec son petit sourire charmeur, que ça n'était qu'un test. La vérité c'était qu'il était totalement perdu dans ses pensées, inquiet à mourir pour les deux jeunes femmes.

Après ce qui lui avait semblé une éternité, sa garde était sur le point de s'arrêter. Il passa dans la chambre où était Lidye, et ouvrit la porte et se tenta à un sourire, faible mais présent, à Ayem et Jules. Il s'avança et changea l'intraveineuse de la jeune femme, ce qu'il avait souhaité faire lui-même, et nota ses constantes sur un calepin. Il était resté silencieux, et finalement, une fois son travail terminé, il releva la têtes vers elle. «C'est une vraie guerrière, Lidye..» dit-il avant de reprendre. «Je vous laisse avec elle mais... Elle aura besoin de repos. Elle est consciente de tout ce qu'il se passe autour d'elle, et ça peut être une vraie charge de fatigue..» dit-il avant de faire un signe de tête et de sortir. Elles avaient besoin de rester avec elles, et il le comprenait parfaitement. Alors, il fit un demi-tour sur ses pas, et sorti, en leur laissant comprendre qu'au besoin, il serait là, disponible pour elles.

Ta peur. T’es tétanisée, même. Qu’allait-il advenir de Lidye ? Tu n’arrives plus à réfléchir logiquement, alors même que c’est ce que tu as appris à faire durant toutes tes années d’études en médecine. Il faut croire qu’être médecin, ce n’est pas comme le vélo : une fois que tu ne pratiques plus, tu ne peux pas te remettre en scelle aisément. La médecine, celle qui t’a sauvé de ton désarroi une fois que toutes les personnes que tu aimais t’aient abandonné lâchement. Tu as travaillé d’arrache-pied pour la laisser t’obséder et libérer ton esprit des tes vieux démons. Elle t’a également permis de faire de nouvelles rencontres, d’acquérir de nouvelles connaissances, mais surtout et avant tout, d’exercer ce qui est le plus beau métier du monde à tes yeux. Et te voilà aujourd’hui, réduite au seul statut de proche d’une patiente qui ne se remet pas de son accident. La peur de perdre ton amie te tord l’estomac. Où est donc la médecine à ce moment précis ? N’est-elle pas censée soigner les malades et les remettre sur pied ? Alors pourquoi Lidye est toujours allongée sur ce lit, les yeux si fermés ? Tu a beau cherché les réponses à ses questions, tu te retrouves, comme à chaque fois, à fixer ce mur blanc, le visage impassible. La porte de la chambre s’ouvre et c’est le regard attristé d’Ayem que tu croises en premier. Toujours à se chamailler la plupart du temps, tu as souvenir d’une mésentente entre les sœurs El-Azem provenant du discours de ta colocataire et meilleure amie. Mais tu restes persuadée depuis toujours qu’un lien de famille tel que celui-ci ne pouvait être brisé malgré des désaccords entre elles. Tu ne t’es pas trompée, Ayem est bien présente, en chair et en os dans la chambre. Tu l’as bien vu lutter entre la peur de perdre sa sœur et l’envie de se retrouver à ses côtés et ça te fait énormément plaisir de la voir passer le cap, si bien que tu la gratifies d’un sourire à ton tour. « Salut Ayem ». Tu prends la peine de te retourner pour ne pas rester dos à la jeune femme. Si Lidye était capable de voir cette scène, ça lui briserait le cœur de vous voir si dévastées, mais ravie également de voir sa sœur verser des larmes pour elle.

Tu n’imagines même pas la peine que doit ressentir Ayem. Si toi, tu es ravagée tant par l’état de santé de la brunette que par les images de l’accident qui n’hésitaient pas à te torturer l’esprit de temps à autre, il s’agissait de sa sœur. Ta relation avec Lidye est une chose que tu n’as définitivement avec personne d’autre et tu la considères comme ta famille, mais votre lien a toujours été empreinte d’affection et e bienveillance. Tu n’imagines pas ce que ça doit faire, d’avoir été en mauvais termes avec une personne et de craindre pour sa vie à présent. « Elle va s’en sortir, on ne lui laisse pas le choix, pas vrai ? ». Non, elle n’avait pas le choix, elle devait se réveiller, coût que coûte. Elle n’a pas le droit de t’abandonner à son tour. Pas elle. Pas encore. Le regard fixé sur la brunette, tu te dis qu’elle a un air apaisé sur le visage malgré tout ce qui l’entoure. Puis, la porte s’ouvre une seconde fois, laissant apparaître un interne. Noah. Tu es tellement focalisée sur Lidye que tu te rends à présent compte que tu ne l’as presque pas vu ces dernières semaines. Non pas que tu ne veux pas le voir, au contraire, tu te surprends à avoir presque besoin de lui. Non, tu as plutôt l’impression que c’est lui qui t’évite. Tu as bien remarqué qu’il s’était enfoui dans le travail, ne lui donnant la possibilité de voir son visage qu’une ou deux fois par semaine et uniquement lorsqu’ils se trouvaient au même moment dans cette chambre. Alors tu l’observes faire les soins de Lidye et sans pouvoir le retenir, tu le regardes partir une nouvelle fois, tristement. « Tu entends Lidye ? Puisque tu es consciente de ce qu’il se passe ici, ne te fais pas désirer plus longtemps et ramène tes fesses ici ». Mélange de légers rires et de larmes, tu déposes ta main sur le front de la jeune femme avant de remonter sa couverture légèrement.

@Lidye El-Azem @Ayem El-azem @Noah Little

Elle est perdue, Ayem. elle a l'impression que tout son monde lui échappe. Elle a l'impression que la souffrance ne pourra jamais s'arrêter. Et elle déteste Lidye pour ce qu'elle lui fait ressentir. Elle lui en veut de ne pas ouvrir ses yeux, et de ne pas montrer et dire qu'elle va bien. La présence de Jules, quant à elle, la rassure plus que de raison. Elle a l'impression que la douleur s'apaise, quand elle se dit qu'elle n'est pas seule. Alors évidemment, bien que les mots de Noah ne le rassuraient pas vraiment, parce que la médecine ne pouvait pas tout savoir, elle l'avait vu suffisamment au cours de son internat, elle avait été momentanément rassurée de les voir se réunir tous les trois, autour du lit de sa sœur. Jusqu'à ce que le médecin qu'était Noah ne s'en aille.

Elle s'assit sur le siège de l'autre côté de celui de Jules, et soupira. L'angoisse la regagnait, et c'était encore plus stressant pour la jeune interne. Elle serrait la main de sa soeur, en silence, en priant. Assez drôle pour quelqu'un qui avait décidé de ne pas croire, et que ce que ses parents lui disaient n'étaient que des ignominies. Elle espérait, et essayait de s'imaginer que c'était possible : qu'elle était capable, en invoquant toute sa force vitale, d'en insuffler à sa soeur. Il le fallait, c'était ainsi. C'était le seul moyen de s'assurer qu'incessamment sous peu, l'aînée El Azem ouvrirait ses yeux.

Elle était presque dans un état de transe, persuadée qu'elle pouvait changer le cours des choses. Adieu esprit rationnel et cartésien qui la caractérisait si facilement. Elle sursauta légèrement quand elle fut tirée de son état étrange, par la voix de Jules. Elle releva la tête vers elle. Et quand elle essaya de tirer quelques mots, rien ne vint. Elle ne pouvait pas assurer quoi que ce ne soit sans mentir. Alors, elle se contenta d'un sourire.

Reprenant la main de sa soeur, elle la colla sur sa joue, en essuyant sur l'autre joue la larme qui coulait doucement. Déposant un baiser sur le revers de la main de Lidye, elle surenchérit en chuchotant, si bien que c'était à peine audible.«Reviens nous...»

L’attente était difficile, très difficile. Jamais tu n’avais ressenti une telle chose auparavant. Pourtant, plus d’une fois, tu as dû annoncer à des familles que leur proche s’était endormi et que tu ne savais pas quand il ouvrirait les yeux à nouveau. Le coma était une chose effrayante et incertaine. Jamais tu n’aurais imaginé qu’un jour, c’est toi qui attendrais qu’un proche ouvre les yeux. Pas n’importe quel proche. Lidye. Un pilier important de ta vie, celle sans qui l’équilibre n’était plus. C’est vers elle que vont tes pensées à ton propre réveil et c’est vers elle que tu te rends à chaque fois que tu en as l’occasion. Même tes propres blessures t’importent peu. Tout ce que tu veux, c’est être présente à son réveil. Un visage familier dans les alentours, ça pouvait être rassurant après tout. En tout cas, tu sais que tu, c’est toi qui étais dans ce lit aujourd’hui, Lidye aurait été à tes côtés sans relâche. Tu souris tristement et poses ton regard sur Ayem. Tu te dis que c’était dommage d’en arriver là pour que les sœurs soient si proches. Tu espères encore plus que la brune se réveillera, elle devait comprendre l’inquiétude d’Ayem, voir à quel point elle était présente pour sa sœur durant son long sommeil. Mais encore fallait-il pour cela que l’aînée des El-Azem décide d’ouvrir les yeux.

Les yeux écarquillés, tu fronces les sourcils. Était-ce parce que ta volonté de la voir se réveiller était trop forte ou ton souhait était-il en train de s'exaucer ? Non, tu n’as pas rêvé, n’est-ce pas ? En remontant sa couverture, tu le vois. Son doigt qui tente de se relever et qui s’écrase à nouveau à sa place initiale. Non, Ayem n’avait pas bougé, ce n’était pas elle. Ton cœur bat à cent à l’heure et ce sont toutes les démarches médicales qui te viennent en tête. Un électroencéphalogramme. Une lampe de diagnostic. Il faut vérifier son activité neurologique. Si ses pupilles réagissent. Son taux d’oxygénation. Les éléments s’enchaînent comme une suite logique dans ta tête, mais tu te rends vite compte que tu n’auras pas les réponses. Tu n’as toujours pas récupéré ton habilitation pour exercer à nouveau, tu n’étais même pas encore apte à le faire physiquement à cause de ton bras. Le suspens est à son comble, mais tu n’en peux plus. « Elle vient de bouger » que tu lâches presque comme un soupire, en ayant toujours du mal à réaliser. Et si tu te trompais ? Tu veux en avoir le cœur net et presque le bouton d’urgence posée sur le coin du lit de la brune dans le but d’appeler l’équipe médicale. Après tout, il s’agissait d’une urgence, non ?

@Lidye El-Azem @Ayem El-azem @Noah Little