You left in peace
left me in pieces
Too hard to breathe
I'm on my knees

Épuisée de ton trajet pour New-York, tu as pris à peine le temps de déposer tes affaires à l’hôtel que tu es de suite ressortie. Pour éviter de perdre du temps, tu as pris la route assez tôt pour arriver en ville dans la matinée. Tu aimes conduire, et ce, depuis presque toujours. Ça te permet de te vider la tête et de changer tes habitudes qui sont ancrées dans ton quotidien à présent. Tu as hésité à préférer l’avion à cause de ton épaule qui n’est toujours pas totalement remise depuis ton accident de voiture, mais l’idée de pouvoir rouler pendant plus de trois heures avec ta playlist préférée te hurlant dans les oreilles avait sonné bien plus tentante. Étant donné le mauvais état dans lequel tu as été après l’accident, tu n’as pas pu effectuer ta visite annuelle dans la Grosse pomme jusqu’à présent. Ca te déchire le cœur de savoir que tu n’es pas allé voir ta mère pour son anniversaire cette année, alors que c’est ce que tu fais depuis que tu as quitté la ville pour Fall River. Mieux vaut tard que jamais, right ? Tu as profité de ton jour de congé qui tombait pile-poil le jour de la fête des mères pour te rendre sur place. C’est aussi l’occasion de fêter avec elle, alors que tu fuis ce jour comme la peste habituellement. Te revoilà au volant de ta voiture, roulant naturellement vers le cimetière où se trouve ta mère. S’il est de coutume que tu mets peu de temps à y arriver, la circulation de bon matin te met en retard sur le planning que tu as prévu. Néanmoins, une fois sur place, tu prends le soin de te garer convenablement et une fois sortie de l’habitacle, tu respires profondément.

Une fois que tu te sens prêtes, tu parcours les quelques mètres qui te séparent de la tombe de ta mère et avec un léger sourire aux lèvres, tu te postes face à la pierre tombale où tu peux y lire son nom complet. “Salut maman”. Tu te rends compte avec tristesse que ça te manque énormément de désigner une personne par ce titre. Une mère, on en a qu’une et la tienne avait disparu en laissant une famille se déchirer derrière elle. “Excuse-moi, je suis un peu en retard cette année. J’ai…”. Tu laisses le silence planer durant quelques secondes. Même si tu n’es pas le genre de personne à croire que les morts entendent ce qu’on leur dit, tu ne te vois pas annoncer à ta mère que tu as eu un accident de voiture. “J’étais occupée par le boulot. Bonne fête à toi, tu me manques”. Terriblement, même. Ta vie a complètement changé le jour où elle a disparu et tu penses que tu ne t’en es toujours pas remise d’ailleurs. Tes yeux se remplissent de larmes malgré les efforts dont tu uses pour braver ces émotions. Même si tu as des personnes sur lesquelles tu peux compter tous les jours, tu ne peux t’empêcher de te sentir seule. Tu te mets à penser à ton père, à ton frère… Toutes ces personnes qui ont décidé de partir en te laissant derrière elles. Puis, tu ressens de la colère, contre le monde entier, contre eux et contre toi-même. Tu t’en veux de leur laisser encore de la place dans tes pensées, alors tu te concentres à nouveau sur ta mère et déposes des fleurs sur sa tombe. “Tu te doutes bien que je n’aie pas oublié, comme toujours, tes préférées”. C’était stupide, comme si ta mère pouvait te voir, tu t’empêches de lâcher toutes ces larmes qui se sont cumulées dans tes yeux. Il est tellement plus aisé pour toi de réprimer tes émotions que tu ne sais plus comment faire autrement aujourd’hui. La faute à ta mère partie trop tôt, à ton père irresponsable, à ton frère égoïste…

@Aidhàn Sloane

| How could you be so heartless |
Jules & Aidhàn

Aidhàn avait voulu venir voir sa mère à New York. Il ne venait pas souvent, distance oblige, mais cette semaine tombait bien. Le collège était fermé à cause de réunions et autres soucis administratifs qu'il ne comprenait pas, il était donc venu avec sa fille. En train c'était assez rapide, et ça leur avait permis de voir Grand Central et Time Square. Ils restaient dans un petit hôtel et pour le moment il avait laissé sa fille seule. Elle avait choisi des fleurs qu'il irait déposer sur la tombe de sa mère. Il avait besoin de passer un moment seul avec elle. Et si Charlie voulait le rejoindre plus tard, elle pourrait. Mais elle n'a pas vraiment connu sa grand-mère, pour elle ce n'est rien qu'une pierre froide qui ne veut pas dire grand chose. Il reste un instant devant l'entrée du cimetière. Comme il déteste ce lieu. Il lui donne des frissons. De mauvais souvenirs reviennent comme à chaque fois qu'il vient. Déjà que la ville en elle même ne lui rappelle pas particulièrement de bonne chose, mais alors ici, c'est encore pire. Il entre, la boule au ventre, bouquet en main et avance en regardant ses pieds. Il n'a pas envie de voir toutes ces tombes, les restes de personnes qui ont laissé un vide derrière elles. Vides parfois difficiles voir impossibles à combler. Il fait le chemin jusqu'à la tombe de sa mère. Il est à quelques pas de cette dernière quand il remarque qu'il n'est pas seul. Sa sœur est là, devant lui. Cela fait si longtemps qu'il ne l'a pas vu. Pas depuis que son père lui a dit de ne pas remettre les pieds dans leur maison. Il avait vingt-quatre ans à l'époque, c'était il y a dix ans. Ça remonte. Elle a grandit, Elle a changée, c'est une femme maintenant. Ses yeux ne la quittent pas. Elle finit par le remarquer. Il ne s'imaginait pas la revoir un jour. Il faut dire qu'il s'est vite enfoncé dans sa routine familiale avec sa femme et Charlie. Et son boulot. Il n'a jamais cherché à reprendre contact, et elle non plus. Il a l'impression d'être un cerf pris en plein phare. Il ne sait pas comment réagir. Que dire, que faire? Il opte pour la base.

"Bonjour..."

Difficile de faire plus gêné et gênant comme salutations. Dix ans qu'ils ne se sont pas vu ni parlé. Il ne sait pas comment agir. Il se sent suffisamment mal d'être ici, il aurait voulu éviter davantage de malaisance, mais c'est raté. Il s’approche de la tombe de sa mère et par la même occasion de sa sœur.

“Je ne m’attendais pas à te voir aujourd’hui.” Ni jamais pour être honnête. "Ça fait longtemps…"

La faute à qui? A lui, et à elle aussi, un peu. Garder contact, ça va dans les deux sens, mais lui était adulte quand il est parti, sa sœur était une ado, qui n’a peut-être même pas su pourquoi il était parti. Il avait fuit son père comme la peste, s’il ne pouvait pas accepter sa fille et sa belle fille alors il ne les reverrais jamais, et ne reverrai jamais son fils non plus. Aidhàn en avait eu assez d’entendre qu’il était responsable de tous les maux de sa mère, comme s’il avait voulu ça, et la fuite avait été plus simple, pour lui et pour sa famille.