Malgré toute la rancœur que je pouvais ressentir en ce moment je ne pouvais me résoudre à laisser Milo souffrir à cause de cette affreuse migraine. Alors quand il me demande quelque chose pour soulager la douleur, je n’hésite pas une seule seconde et je vais lui chercher un comprimé qui fera effet rapidement. Mon meilleur ami ne semblait pas se rappeler de grand-chose concernant la soirée de la veille. La seule chose dont il se souvenait c’était une femme, la même qui était avec Andrew hier matin. Je lève les yeux au ciel. Il recommençait avec cette histoire. Je savais Milo obstiné, mais à ce point là. « Après m’avoir gentiment rendu les clés de mon appartement tu es allé trouver du réconfort dans les bras de ta jolie Erin. » Ma voix était certes calme et posée mais on pouvait sans doute aisément ressentir une certaine amertume dans ma voix.

Milo me demande de lui raconter. J’hésite un court instant. Devais-je réellement tout lui raconter, y compris les paroles d’Erin ? Après tout, c’était peut-être le moment de dévoiler le vrai visage de am collègue. « Tu sais Milo, je n’ai été que très brièvement présente à votre soirée. Tout ce que je peux te dire c’est que Erin m’a envoyé un vidéo de toi… Pas très flatteuse si tu veux mon avis…. » un peu d’humour pour dédramatiser la situation ? C’était peine perdue. « Enfin, peu importe… Je suis venue te chercher pour avoir des explications. C’est là que je t’ai trouvé ivre avec une escorte du club… Apparemment tu as partagé beaucoup de verres avec elle… Et de salive aussi d’après ce que j’ai pu voir... » Rien que de penser à nouveau à cette scène me répugnait au plus haut point. « Ensuite, après que Erin m’ait fait remarquer qu’à chaque fois que tu me voyais ça finissait mal, que tu ne pouvais être heureux avec moi, elle m’a ensuite conseillé de retourner tranquillement avec Andrew. » Les mots étaient difficile à prononcer tant ils avaient été blessants. « J’ai tout de même préféré te ramener ici plutôt que de te laisser rentrer avec elle. Qui sait, elle aurait peut-être abusé de toi… Quoi que, finalement cela ne t’aurait peut-être pas déplu... » dis-je d’un ton assez sarcastique. Pourquoi avais-je finalement décidé de ramener Milo ici ? Peut-être parce que j’avais été inquiète de le voir ivre. Et puis l’idée qu’il puisse passer encore plus de temps avec Erin me déplaisait clairement au plus haut point.

Le jeune pilote de ligne me remercie d’avoir été là pour lui, pour tout ce que je faisais. Il m’avoue ne pas savoir où il en serait sans moi. Ma tête se secoue légèrement de droite à gauche comme pour lui faire comprendre que je n’étais pas en accord avec ses propos. « Tu n’as pas à me remercier. Surtout pas pour ce que je fais… parce que apparemment mis à part blesser et faire du mal aux gens qui m’entoure je ne fais rien d’extraordinaire... » Je laisse échapper un léger soupire. Je me lève du fauteuil et déverrouille mon téléphone portable pour le donner à Milo. « Tiens, si tu veux davantage de détails je te conseille de regarder cette vidéo. Elle pourra sans doute t’aider à te souvenir de ta soirée. Moi elle m’en a appris beaucoup sur ta volonté de changer... » dis-je d’un ton soudainement glacial. Le pilote de ligne n’avait qu’à appuyer d’un simple geste pour lancer la lecture de la vidéo. Quant à moi je m’éloigne dans la cuisine pour me servie une seconde tasse de café. J’en avais bien besoin.

La douleur lancinante qui martèle mon crâne depuis l'aube semble s'intensifier, comme si elle résonnait au rythme de mes souvenirs fragmentés qui refont surface. Chaque mot prononcé par Cassia agit comme un coup de marteau, exacerbant cette souffrance autant physique qu'émotionnelle. Petit à petit, les pièces du puzzle commencent à s'assembler, révélant un tableau que j'aurais préféré laisser dans l'ombre. Je me rappelle, avec une clarté troublante, de notre altercation concernant Andrew, de la douleur que j'ai ressentie en quittant l'appartement de Cassia, et de mon errance jusqu'à me retrouver chez Erin et du début de la soirée.

Le moment de vérité arrive lorsque Cassia, avec une réticence palpable, me tend son téléphone affichant la vidéo envoyée par Erin. D'une main tremblante, j'appuie sur le bouton de lecture, mon cœur lourd d'appréhension. Cassia, cherchant sans doute à préserver ce qui reste de notre complicité, s'éclipse vers la cuisine, me laissant seul face à mon reflet le plus sombre. Les images défilent, implacables, exposant une version de moi-même que je peine à reconnaître. L'alcool, les gestes déplacés, les rires forcés – tout est là, indélébile, gravé dans cette preuve numérique de ma déchéance. La vidéo se termine, et je reste là, figé, le regard fixé sur l'écran désormais noir, comme si j'espérais y trouver des réponses. La réalité de mes actions, de mes choix, me frappe de plein fouet. Loin d'être une simple gueule de bois, ce que je ressens est une profonde honte, un regret amer pour le spectacle désolant que j'ai offert, et surtout, pour la peine que j'ai inévitablement causée à Cassia.

Avec une lourdeur dans l'âme, je réalise que cette vidéo n'est pas seulement la preuve de mes excès ; elle est le miroir d'un homme que je ne veux plus être. Dans cet instant de lucidité douloureuse, j'aspire à la rédemption, à la possibilité de réparer ce qui peut encore l'être. Mais par où commencer, sinon par affronter les conséquences de mes actes et espérer que Cassia, malgré tout, pourra me pardonner un jour ?

Face à la réalité crue des événements, mon esprit oscille entre déni et acceptation. Les mots de Cassia, lourds de vérité et de déception, résonnent en moi comme un écho douloureux, amplifiant la gravité de la situation. La trahison d'Erin, bien que choquante, ne me surprend pas totalement. Au fond, je connais ses capacités manipulatrices, mais jamais je n'aurais imaginé qu'elle puisse aller aussi loin dans sa perfidie. Assis, perdu dans mes pensées tumultueuses, je me sens étrangement paralysé, incapable de me lever pour affronter Cassia, de peur d'aggraver un état de choses déjà précaire.

La révélation d'Erin, prétendant mon mal-être systématique en présence de Cassia, me frappe de plein fouet. C'est une distorsion perverse de la réalité. Certes, j'ai pu chercher du réconfort auprès d'Erin ou d'autres dans les moments de crise, mais jamais je n'ai considéré ces échappées comme une solution, plutôt comme un palliatif à ma peine, un moyen d'oublier plutôt que de guérir. Le dédain de Cassia pour Erin aurait pu prêter à sourire en d'autres circonstances, mais ses insinuations selon lesquelles j'aurais préféré la compagnie d'Erin à la sienne me poignardent le cœur.

Dans cette atmosphère chargée de non-dits et d'accusations voilées, je me sens écartelé entre le désir de clarifier les choses et la peur de perdre Cassia pour de bon. La douleur de cette prise de conscience est aiguë, presque physique. Comment ai-je pu laisser les choses dégénérer à ce point ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Tandis que je pèse mes options, une résolution se forme lentement en moi : il est temps de faire face aux conséquences de mes actes, de reconnaître mes erreurs et, espérons-le, de commencer à réparer les dégâts. Mais par où commencer quand chaque mot semble être un pas de plus vers l'abîme ?

La dernière remarque de Cassia, tranchante et révélatrice, me frappe de plein fouet, me forçant à confronter l'image idéalisée que j'avais de ma propre transformation. Elle projette une lumière crue sur ma tentative de changement, suggérant cruellement son échec. Peut-être Erin détient-elle une part de vérité dans ses paroles amères. Face à cette réalité, l'idée me traverse l'esprit : et si je n'étais pas à la hauteur ? Si je n'étais pas l'homme capable d'apporter le bonheur à Cassia, qu'elle trouverait peut-être dans les bras d'Andrew, malgré tout ?

Ce sont ces pensées tumultueuses qui m'accompagnent alors que je me rue vers les toilettes, une nausée soudaine m'emportant. Là, devant la cuvette, c'est comme si je vomissais bien plus que les excès de la veille. C'est un rejet de tout ce que je suis, une confrontation brutale avec mes propres échecs et mes illusions perdues. Dans cet instant de vulnérabilité extrême, je réalise la profondeur de ma détresse, non seulement physique mais aussi émotionnelle et existentielle. Chaque spasme semble arracher de moi les vestiges d'une nuit d'égarement, mais aussi les doutes et les incertitudes qui me rongent. Dans la solitude de cette pièce, je me sens désemparé, confronté à l'ampleur de mes erreurs et à la complexité de mes sentiments. Comment ai-je pu me laisser aller à ce point ? Comment retrouver le chemin vers une version de moi-même à même d'honorer les attentes de Cassia, et plus encore, les miennes ? La froideur du carrelage sous mes genoux semble le seul ancrage dans ce tourbillon d'auto-réprobation. Un mélange de regret, de honte et d'une volonté ébranlée de se racheter m'envahit.

Après avoir quitté les toilettes, je fais une escale rapide dans la salle de bain pour me rincer et me laver la bouche, essayant de me débarrasser de l'amertume persistante. Le retour dans le salon est accompagné d'une hésitation lourde, alors que je me retrouve à nouveau face à la solitude de mes pensées. Finalement, je cède à la tentation de consulter mon téléphone portable, qui est inondé de messages d'Erin, tous non lus. Une partie de moi brûle d'envie de lui répondre, de mettre les choses au clair une fois pour toutes. Je ressens un besoin urgent de la confronter, de démêler ce tissu de mensonges et de manipulations, mais je sais que maintenant n'est pas le moment. Pas alors que chaque battement de mon cœur résonne comme un tambour dans ma tête, pas dans cet état de faiblesse. Cependant, je me fais la promesse ferme que, avant mon départ pour New York, je lui ferai face. Il est temps de clarifier les choses, de rétablir la vérité, et surtout, de prendre mes distances avec cette source de tourment. Mais pour l'instant, j'ai besoin de rassembler mes forces, de retrouver une certaine clarté d'esprit avant de plonger à nouveau dans cette tempête émotionnelle.

Mes explications quant au déroulé de la soirée de la veille avait été assez brèves mais malgré tout nettes. Pour davantage de détails, j’avais donné mon téléphone portable à Milo afin qu’il puisse voir de lui même les genre de scène à laquelle nous avions pu assister hier soir. Préférant ne pas à devoir regarder à nouveau ces images je m’éloigne à la cuisine pour me servir un second café. Mon esprit étant tourmenté d’avoir vu Milo agir ainsi avec cette jeune femme au club mais aussi par les paroles d’Erin. Elle rejoignaient presque celles de Milo, la veille. C’est comme si j’ouvrais les yeux et ce que je voyais dans le miroir en me regardant dedans ne me plaisais pas vraiment. Je faisais du mal à Milo, je blessais sans m’en rendre compte aussi Andrew. Agir ainsi ce n’était pas moi. Mais face à ce méli-mélo de sentiments j’avais l’impression d’agir davantage sous mes pulsions que sous la raison. Ma conscience avait du mal à le supporter. Et c’est une once de culpabilité qui s’emparait alors de moi.

Milo est malade. Rien de très étonnant vu son état. Sur le moment je voulu aller voir comment il allait. Mais était-ce raisonnable ? Je l’entends ensuite se rendre à la salle de bain. Je décide finalement de lui laisser son intimité. Là, dans cette cuisine je tourne en rond. Je n’arrive pas à mettre mes idées au clair. Alors pour m’occuper les mains mais aussi l’esprit je me lance dans quelques rangements. Quand Milo revient au salon, je lui lance un bref regard « Tu devrais peut-être aller t’allonger un peu... » conseillai-je alors au jeune homme.

La suggestion de Cassia de prendre l'air me semble être une échappatoire bienvenue, mais au fond de moi, je sais que cela ne suffira pas à dissiper le nuage d'incertitudes qui plane sur nous. Mes actions de la veille ont dépassé les limites de l'excusable, exacerbant le poids déjà lourd de nos problèmes. « Je vais faire un tour... J'ai besoin de réfléchir » murmurais-je, le cœur alourdi par un mélange de regret et de nécessité. Ma décision de m'éloigner n'est pas une fuite définitive, mais plutôt un moment de répit pour y voir plus clair, en particulier concernant Erin et ses actes déplorables. « Je vais avoir une conversation avec Erin. Ce qu'elle t'a dit, ce qu'elle a fait hier... C'est inacceptable. » La détermination teinte ma voix d'une gravité inhabituelle. « Peu importe son avis, je sais ce que je ressens lorsque je suis avec toi. Bien loin des absurdités qu'elle a pu raconter... » Je glisse ma veste sur mes épaules, ressentant le poids de chaque geste.

« Nos disputes, aussi douloureuses soient-elles, portent en elles une étrange beauté lorsque je suis avec toi. » Mon regard se perd un instant, un sourire mélancolique se dessinant sur mes lèvres. « Tu sais, Cassia, pourquoi elles me paraissent si significatives ? Parce qu'elles sont suivies de moments de réconciliation » Mes pas me portent vers la porte, une hésitation palpable dans l'air. Je me retourne, captant son regard une dernière fois, un souffle lourd de regret s'échappe de mes lèvres. « Je suis désolé, Cassia. Pour chaque erreur, chaque faux pas... » Mes mots flottent, suspendus entre nous, un adieu provisoire empreint d'une promesse de rédemption. Lentement, je franchis le seuil, fermant doucement la porte derrière moi. Derrière moi, je laisse un silence empli d'espoir et de peine.

Alors que je m'avance vers l'appartement d'Erin, mes pensées tournent à plein régime, un tumulte intérieur qui reflète l'orage grondant dans le ciel. Il semble que les éléments eux-mêmes anticipent l'intensité de la confrontation à venir. Mon esprit est en proie à des doutes, mais une certitude demeure : je ne tolérerai pas que l'on porte atteinte à ceux que j'aime, surtout pas à Cassia. Sa sincérité est ma boussole, sa parole plus fiable que n'importe quelle preuve.

Lorsque j'arrive enfin devant la porte d'Erin, l'atmosphère est lourde d'anticipation. Après plusieurs coups de sonnette, elle apparaît, drapée dans une serviette qui laisse peu de place à l'imagination, sa peau encore humide de la douche. Malgré son accueil séducteur, mon objectif reste clair : je suis là pour obtenir des réponses, pour démêler le tissu de mensonges et d'accusations qui a entaché ma relation avec Cassia.
Notre conversation, chargée d'émotion et de tension, ne mène à rien de constructif. Erin se montre évasive, détournant le sujet ou répondant à côté, rendant notre échange aussi frustrant qu'infructueux. Je quitte son appartement, le coeur encore plus lourd, ma valise à la main, me sentant plus isolé que jamais.

Alors que je me tiens seul, perdu dans mes pensées sur le trottoir, l'incertitude m'envahit. Devrais-je faire demi-tour, revenir sur mes pas vers Cassia, ou prendre le premier vol retour pour New-York, m'éloigner de toute cette confusion ? Mon esprit est un champ de bataille où se confrontent désir de réconciliation et besoin de fuite.
Le dilemme est déchirant. D'un côté, l'envie de voir Cassia, de lui parler, d'essayer de réparer ce qui peut encore l'être. De l'autre, la tentation de fuir, de mettre de la distance entre moi et cette situation qui semble m'échapper.

La décision semble impossible à prendre. Chaque option m'attire autant qu'elle me repousse. Et au milieu de ce tourbillon émotionnel, une seule certitude persiste : quel que soit mon choix, il définira le cours de notre histoire.
Je prends une profonde inspiration, cherchant dans l'air frais un indice, une direction à suivre. Les nuages s'amoncellent, comme pour refléter mon tumulte intérieur.

Après un rapide passe à la salle de bain, Milo était de retour dans la pièce à vivre de l’appartement. Je ne savais pas réellement qu’elles étaient ses intentions. Mais vu l’état dans lequel il se trouvait il serait sans doute plus sage qu’il aille se reposer un peu. C’est donc ce que je venais de lui conseiller. Mais peut-être que le jeune homme ne souhaitait pas rester ici. Je n’avais aucune idée de ce qu’il souhaitait ni même de ce qu’il pensait. Et c’était si inhabituel que ça en était presque effrayant. Contre toute attente, Milo m’annonce vouloir faire un tour car il avait besoin de réfléchir. Mon myocarde a un pincement au coeur en entendant le nom d’Erin. Je n’ai pourtant a priori pas à m’inquiéter vu la raison pour laquelle le pilote de ligne souhaitait la voir. « Pourtant, à plus j’y réfléchi et à plus je me dis qu’il y a une part de vrai dans ses paroles... » avouai-je à demi mots au jeune homme. « Dans les tiennes aussi... » Oui. Ses paroles de hier quant au fait de mentir à Andrew ou pire de me mentir à moi même ne cessaient de résonner depuis. Le comportement de Milo hier soir était condamnable certes. Mais le mien alors, vis à vis d'Andrew ou même de Milo ? Je me posais énormément de question. Je me remettais en question tout simplement.

Les paroles de mon meilleur ami quant à nos disputes mais surtout à nos réconciliations me touchent. A ce moment j’espère tout au fond de moi que Milo va finir par retirer sa veste et décider de rester ici avec moi. Mais il n’en ait rien. Nos regard se croisent une dernière fois. Milo s’excuse pour ses erreurs et ses faux pas avant de quitter l’appartement.

Milo s’en était allé faire un tour. L’appartement semblait bien vide soudainement. Commença alors une longue attente. J’espérais tout au fond de moi qu’il franchisse à nouveau la porte d’entrée rapidement. Une bonne heure était à présent passée, mon meilleur ami n’était pas rentré. Par réflexe je jetai un œil à mon téléphone presque tous les cinq minutes. Mais rien non plus.

Sous le déluge impitoyable, je me sens soudainement comme un fantôme déambulant sans but dans les rues de la ville, perdu dans un océan de réflexions tourmentées. La pluie s'abat avec une force brutale, comme pour matérialiser la tempête qui fait rage en moi. J'avance, sans direction précise, poussé par un instinct obscur, cherchant peut-être inconsciemment un signe, une réponse à mes tourments.

La rencontre inattendue avec l'escort d'Andrew sous ce ciel en furie semble presque surréaliste. Comme une mauvaise farce du destin qui se répète, me rappelant sans cesse les liens toxiques qui entravent ceux que j'essaie de protéger. Voir Andrew sortir d'un hôtel miteux, sans aucune honte ni remord, alors que la pluie s'intensifie, ne fait que renforcer mon sentiment d'impuissance et d'isolement.
Je reste là, sous l'averse, figé, observant leur départ sans un mot. La réalité de leur trahison pèse lourdement sur mes épaules, mais la douleur de ne pas être cru par Cassia est encore plus insoutenable. À quoi bon accumuler les preuves si elles ne font que creuser le gouffre de notre incompréhension ?

La froideur de l'eau qui me transperce ne parvient pas à me distraire de mes pensées moroses. Pourtant, dans cet instant d'abandon total sous le ciel en colère, une décision commence à prendre forme dans mon esprit embrumé. Je continue de progresser dans la ville. Je repasse même devant mon ancien appartement. Un brin de nostalgie me saisi tandis que je continue ma longue marche. La pluie continue de ruisseler le long de mon visage. Peu m'importe de tomber malade, d'attraper une pneumonie ou pire. C'est comme si je me punissais moi-même pour ces derniers évènements. Au fur et à mesure de ma marche plusieurs idées me viennent en tête. Mais aucune ne parvient à me satisfaire. La seule qui me réconforte c'est lorsque je pense à Cassia. Mais où en sommes nous réellement ? Amis ? Amants ? Ou sommes-nous revenus de simples inconnus ? La seule personne qui puisse me répondre c'est Cassia elle-même. Alors je continue ma progression jusqu'à chez elle. Arrivé devant sa porte je sonne, puisque je ne possède plus le double des clés.

La pluie incessante m'a transformé en une ombre détrempée, errant sans but apparent. Chaque fibre de ma chemise, désormais réduite à une seconde peau translucide, s'accroche à mon corps, épousant chaque contour, chaque muscle avec une précision indiscrète. Les gouttes d'eau, telles des perles de rosée matinale, s'entremêlent dans mes cheveux, dévalant mon front et mes joues avec la régularité d'un métronome naturel. Mes pas laissent derrière moi une trace éphémère, une preuve mouillée de ma présence dans ce monde devenu flou et indistinct sous le voile de l'averse. Chaque mouvement est un rappel de ma condition humide, un souvenir glacial de la tempête à la fois externe et interne qui fait rage. L'état dans lequel je me trouve est un reflet poignant de ma situation.

Milo ayant quitté l’appartement, je ne cesse de faire les cent pas dans mon appartement. Je ne cesse de penser encore et encore à la soirée d’hier, aux paroles d’Erin, à celles de Milo. Quand je décide de faire une pause, c’est pour regarder à travers la fenêtre la pluie tomber en grande quantité dans les rues de la ville. La météo est étrangement le reflet de mon humeur. Le temps passe et toujours aucune nouvelle de Milo. Alors je je m’apprêtais à lui passer un coup de téléphone, quelqu’un sonne à la porte. Je me hâte d’aller ouvrir cette dernière. Milo. Il était là, de retour. « Milo... » Sur le moment je me demandais bien la raison qui l’avait poussé à sonner à la porte. Mais très vite, le désagréable souvenir du jeune homme déposant mes clé avant de partir la veille me revient. « Tu es trempé jusqu’aux os... » Les gouttes ruisselaient de ses cheveux jusqu’à son visage. Sa veste était trempée tout comme sa chemise qui était à présent devenu presque translucide. « Entre vite. » dis-je en me décalant légèrement afin de le laisser entrer au chaud. Je referme ensuite la porte derrière nous. Et sans dire un mot je m’en vais faire un aller retour à la salle de bain pour aller lui chercher une serviette. Serviette que je lui tend immédiatement. Mais où avait-il été  pour revenir dans un état comme celui-ci ? Tant de questions me traversaient l’esprit. « Est-ce que… ça va ? » demandai-je malgré tout un peu inquiète. En plus d'être complètement mouillé, il semblait avoir froid et d 'avoir la tête complètement ailleurs.

La lueur d'accueil dans les yeux de Cassia agit comme un phare dans la tempête qui s'est emparée de mon esprit. Son geste d'ouverture, celui de ne pas me laisser derrière sa porte, infuse en moi un espoir ténu, un fil fragile auquel je m'accroche sans vraiment oser y croire. Mon sourire, timide et incertain, se veut un remerciement muet, une reconnaissance de sa sollicitude. Je franchis le seuil de son monde avec une prudence qui trahit mon état intérieur tourmenté. Libéré de mes vêtements détrempés, je me sens physiquement plus léger, mais le poids de nos non-dits et de nos tensions reste bien ancré. La serviette qu'elle me tend devient un lien tangible entre nous, un geste simple mais chargé d'un soin que je n'ose encore pleinement accepter. « Et toi ? Est-ce que ça va ? » Sa présence et son bien-être surpassent de loin mes propres désagréments physiques. Mon souci pour elle transcende les frontières de mon propre inconfort.

Je me retrouve dans une tenue de fortune, mon jean épousant les seules parties de mon corps que j'ai réussi à garder au sec. Ma valise, ouverte et fouillée dans une quête désespérée de vêtements secs, offre peu de solutions. Mon torse nu révèle plus qu'une simple vulnérabilité physique; il expose ma détresse émotionnelle, mon besoin de me rapprocher d'elle, de trouver un abri non seulement contre la pluie mais contre les tempêtes de la vie. Dans cet état d'homme perdu, torse nu et vulnérable, je me tiens devant elle, non pas comme un amant ou un adversaire, mais comme un être humain en quête de rédemption, de compréhension, et plus que tout, de la chaleur de sa présence pour éloigner le froid qui s'est emparé de mon âme.

Ma vulnérabilité n'est pas seulement physique à ce moment-là, exposé et à découvert devant Cassia, mais elle réside surtout dans l'incertitude qui plane entre nous. Assis face à elle, nos mains entrelacées, je sens le poids de chaque mot que je m'apprête à prononcer, comme s'ils étaient les derniers. « Cassia... » ma voix est un murmure, une tentative de briser le silence qui s'est installé entre nous, un silence lourd des non-dits, des peurs, et peut-être, des adieux non souhaités. « Je... Dis-moi... Qu'est-ce que nous sommes à présent ? Amis ? Amants ? Ou... » Je m'arrête, incapable de terminer ma phrase, de poser la question qui pourrait sceller notre sort. « ... Ou plus rien. » C'est une possibilité qui m'effraie, l'idée de nous réduire à un souvenir, à des éclats de ce qui aurait pu être. Je cherche son regard, tentant de lire dans ses yeux la réponse que je crains et désire à la fois. « Je sais que tu as besoin de temps et... Pour être sincère, moi de même. Mais... J'ai besoin de savoir, Cassia. »
Dans ce moment suspendu, où chaque seconde s'étire en une éternité, je réalise l'ampleur de mes sentiments pour elle. Peu importe les erreurs commises, les chemins empruntés, c'est avec Cassia que je souhaite me réconcilier, c'est à ses côtés que je veux affronter les orages. Pourtant, je reste prêt à accepter sa décision, quel qu'elle soit, car c'est son bonheur qui prime avant tout, même si cela signifie que je dois m'effacer de sa vie.

Milo venait de revenir. Trempé jusqu’aux os et la tête semblerait-il complètement ailleurs. Sans l’once d’une hésitation je l’avais fait rentrer au chaud, lui apportant même une serviette afin qu’il puisse se sécher un peu et ainsi éviter d’attraper froid.  Lui demander comment il allait était une évidence, malgré la tempête émotionnelle dans laquelle nous nous trouvions. Mais Milo ne répondit pas, à la place il me retourna la question. J’esquisse un léger sourire. Comme toujours il se souciait d’abord de mon bien être et non du sien. Pour toute réponse je hausse légèrement les épaules. Un geste qui démontrait que moi même je ne savais pas si oui ou non j’allais bien. Les derniers évènements m’avaient clairement bouleversés.

Milo se hâte de trouver des vêtements sec pour n confort plus certain. Puis, nous allons naturellement prendre place sur le canapé. Milo brise ce léger silence qui s’était installé entre nous. Il me demande ouvertement, sans passer par quatre chemins, ce que nous étions à présent. Amis, amants ou plus rien. A ces mots je ressens un pincement au cœur. « Non... » Cette idée que plus rien ne nous lie Milo et moi m’est insupportable. Ma main dans la sienne, cette dernière exerce une légère pression . Comme pour montrer que j’étais là, encore et toujours. « Nous ne sommes pas… ''plus rien''. Jamais nous ne le serons... ».Il y avait toujours eu un lien unique entre nous. Et j’avais l’intime conviction que ce lien nous suivra toute notre vie. « Je n’ai pas la réponse à ta question Milo… Tout ce que je sais c’est que j’ai besoin de toi... » Je continue sur ma lancée « Ce que tu m’as dit hier m’a fait beaucoup réfléchir. Il est vrai que notre relation est devenue très ambiguë ces dernières semaines… Et je me sens coupable vis à vis d’Andrew et vis à vis de toi également... » Même si nous n’avions échangés que quelques baisers, je trahissais malgré tout Andrew. « Tu sais, hier soir… tu m’as dis que tu étais prêt et que... » Que tu m’aimais. Mais avais-je le droit de révéler ce que l’alcool lui avait soufflé ? « Peu importe. C’est l’alcool qui t’a fait dire tout cela…Je pense que ce qui s'est passé hier soir montre que tu as en effet besoin de temps. Nous avons besoin de temps… Est-ce que cela fait de nous de véritable amants ? J’en doute... » De vrais amants ne se poseraient pas sans doute tant de questions. De vrais amant profiteraient pleinement de leur relation sans se poser de questions ou sans avoir peur de blesser l'autre. « A mon grand regret... » avouai-je. Oui cet aveu signifiait que j'étais prête à aller plus loin avec Milo. Mais lui n'était pas encore prêt à s'investir dans une véritable relation.

En posant cette fatidique question à Cassia, je me prépare à toutes les réponses possibles et inimaginables. Sa main demeure contre la mienne, comme si il restait tout de même un lien entre nous. Si affaiblit soit il, il existait bel et bien. Lorsque sa main enserre davantage la même, une once de réconfort me gagne. Cassia ne veut pas que nous devenions de simples inconnus. Un timide sourire me quitte. Mieux encore, elle formule le fait d’avoir besoin de moi. Je ne peux pas lui dire non. Je ne peux pas partir. Je ne peux pas m’enfuir. Comment pourrais-je délaisser la seule personne qui compte réellement à mes yeux ? Impossible.

Alors que Cassia hésite, je perçois l'ombre d'une réticence dans son regard, comme si les mots qu'elle s'apprête à prononcer portaient en eux le poids de nos futures interactions. Je l'encourage doucement, mon ton implorant la transparence totale entre nous. « Cassia, quoi que j'ai pu dire, je veux que tu saches que... que je suis prêt à entendre, à comprendre » murmurais-je, ma voix chargée d'une sincérité inébranlable. « Nous ne pourrons avancer que si nous mettons tout sur la table, sans omissions ni secrets. »

Je la regarde avec une intensité qui se veut rassurante, espérant apaiser ses craintes et l'encourager à se confier pleinement. « S'il te plaît, confie-toi... Tu sais que tu peux tout me dire » répète-je, soulignant chaque mot d'une promesse tacite de réceptionner ses paroles avec ouverture et compréhension.

C'est dans cet échange vulnérable que je cherche à renforcer notre lien, à prouver que, malgré les turbulences, notre communication reste notre plus solide allié. « Peu importe ce que j'ai dit, Cassia, sache que mes actions seront toujours là pour te montrer qui je suis vraiment et ce que tu représentes pour moi.» Mes paroles flottent entre nous, un pont fragile mais essentiel pour traverser ensemble les eaux parfois tumultueuses de notre relation.

Alors que je plonge mon regard dans le sien, je peux y déceler une lueur de tristesse, une déception face à la complexité de notre situation. Cette prise de conscience me frappe de plein fouet, me faisant mesurer l'ampleur de ma responsabilité dans cet enchevêtrement d'émotions. Aurais-je dû retenir cette impulsion, ce geste qui a tout changé entre nous ? Une partie de moi se perd dans le regret de cet instant décisif, se demandant si la simplicité n'aurait pas été préférable. Elle, peut-être malheureuse mais stable aux côtés d'Andrew, et moi, libre de poursuivre un chemin pavé de relations éphémères.

Pourquoi ai-je franchi cette ligne, pourquoi nos lèvres se sont-elles rencontrées ce jour-là ? Je me surprends à regretter, non pas le baiser en lui-même, mais les conséquences qu'il a engendrées, nous plongeant tous deux dans un tourbillon de sentiments et de choix difficiles. Je me sens soudain accablé par le poids de mes actions, conscient que nos vies auraient pu suivre des cours bien différents si seulement j'avais su me contenir. Ce moment de faiblesse, cette faille dans mon jugement, semble aujourd'hui l'origine d'un nœud complexe, tissant entre nous une toile d'incertitudes et de regrets.

Quelle était à présent la nature de notre relation ? Il était difficile de définir cette dernière avec exactitude. Mais j’étais certaine d’une chose : nous n’étions pas ‘’rien’’. Et nous étions malgré tout toujours amis. J’avais émis un doute quant au fait d’être de véritables amants. Est-ce que réellement nous pouvions nous définir ainsi ? J’en doutais. A mon plus grand regret. Et puis il y avait eu ses mots. Prononcés hier sans mais sans doute soff par l’effet de l’alcool omniprésent dans son organisme à ce moment là. Milo perçoit cette légère gêne que j’ai à révéler ce qu’il avait pu dire dans un moment de faiblesse, d’inconscience. Ce qu’il ajoute ensuite, sur le fait que nous ne pourrons avancer si nous ne mettions pas tout sur la table me pousse alors à lui révéler toute la vérité. Ses paroles étaient remplies d’une grande sagesse. « Quand je suis arrivée au club, tu ne m’as pas vraiment reconnu… Tu as dis que si j’étais vraiment Cassia, tu me dirais que tu étais prêt et que tu m’aimais... » dis-je en détournant le regard quelques secondes. J’avais l’impression de mettre mon meilleur ami dans l’embarra et c’était difficilement supportable. Mais malgré tout, mon regard se pose de nouveau sur lui rapidement afin de scruter la moindre de ses réactions. « Milo, je ne te demande aucune explication ni même aucune argumentation… Tu étais sous l’effet de l’alcool. Je le sais… » Je ne voulais pas que mon meilleur ami se sente obligé de commenter des paroles dont il n’avait même pas le souvenir. Cela serait indélicat de ma part.

Les paroles de Cassia résonnent en moi comme un écho lointain, bouleversant les fondements même de ma conscience. Ai-je véritablement pu tenir ces propos, me comporter de cette manière ? Chaque mot qu'elle prononce me frappe de plein fouet, soulignant des actes et des dires que je peine à reconnaître comme les miens. Pourtant, je sais au plus profond de mon être que Cassia ne se jouerait jamais de moi avec de fausses accusations. Nous avons traversé trop d'épreuves, partagé trop de moments de vérité pour qu'elle s'abaisse à cela. La sincérité dans sa voix, l'émotion palpable dans son regard ne laissent place à aucun doute : ce qu'elle dit est la pure vérité.

Ma main, qui jusqu'alors cherchait du réconfort dans la sienne, se retire lentement, comme si ce simple contact pouvait désormais altérer la pureté de nos échanges. Je me lève, le cœur lourd, l'esprit tourmenté par le tumulte de ces révélations. Le silence qui s'installe entre nous est un gouffre, un abîme qui semble se creuser davantage à chaque seconde qui passe. Cassia, avec cette bienveillance qui lui est propre, tente de m'apaiser en affirmant que je n'ai pas à lui fournir d'explications. Mais comment rester de marbre face à une telle situation ?

Je me sens désemparé, écartelé entre le désir de réparer mes erreurs et l'incapacité de trouver les mots justes. « Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? Tu veux que je parte ? » Les mots s'échappent de mes lèvres, tremblants, chargés d'une détresse à peine contenue. L'idée même de prendre le dernier vol, de fuir loin de cette douleur qui nous consume, me traverse l'esprit. Pourtant, au plus profond de moi, l'idée de laisser Cassia seule, de m'éloigner alors que nous sommes au cœur d'une tempête émotionnelle, me semble insupportable. Les mots s'échappent de moi dans un murmure, emplis de regret et de résolution. « Je peux m'envoler dès ce soir, si c'est ce que tu désires... » Ma voix trahit ma volonté de faire ce qui est nécessaire pour son bonheur, même si cela signifie m'effacer de sa vie. « Je te présente mes excuses, Cassia, pour tout ce qui s'est passé... Je n'aurais jamais dû t’embrasser lors de cette nuit au chalet. Peut-être que notre relation aurait été moins compliquée, moins douloureuse. » Les souvenirs de ce baiser, un moment suspendu dans le temps, reviennent hanter mes pensées. « Je suis sincèrement désolé pour les tourments que j'ai causés, pour la confusion et la douleur. Je n'avais pas anticipé les conséquences de mes actes... Je te dois bien plus que des mots de regret, mais c'est tout ce que je peux t'offrir maintenant. » Je baisse les yeux, incapable de soutenir son regard, me sentant à la fois coupable et impuissant. « Dis-moi ce que tu veux que je fasse, Cassia. Si tu veux que je prenne cet avion, je le ferai. Sans hésitation. Parce que, au fond, ce que je désire le plus, c'est ton bonheur, même si cela signifie renoncer au mien. » Je fais une pause, la gorge serrée, conscient que chaque mot pourrait être le dernier que nous échangeons. « Je te promets de plus te toucher... » Mes paroles flottent dans l'air, un adieu silencieux à ce que nous aurions pu être.

Poussée par la volonté de Milo à ce que l’on se dise toute la vérité, je lui avais donc avoué les paroles qu’il avait eu à mon égard hier soir au club. Il ne s’en souvenait pas, comme une bonne partie de la soirée d’ailleurs. Si j’avais décidé de me lancer c’était surtout pour mettre carte sur table, pour ne rien se cacher et éviter davantage de non-dits. Je en voulais en aucun cas mettre Milo mal à l’aise. J’avais pleinement conscience qu’il était ivre à ce moment là et je n’attendais pas de lui une quelconque explication ou excuse. Milo semblait tourmenté par ma révélation. Il finit par me demander si je souhaitais qu’il parte. « Non... » Quelle idée. Milo réitère sa demande en me faisait comprendre que si je le souhaitais il pouvait retourner à New-York dès ce soir. Mon meilleur ami s’excuse pour tout ce qui s’était passé. Je pensais au début qu’il évoquait seulement la soirée de la veille mais il n’en était rien. Milo était en train de s’excuser pour toutes ces dernières semaines. Il s’excusait même de m’avoir embrassé au chalet. « Milo, tu n’as pas à t’excuser… » Je fronce légèrement les sourcils face à certains mots qu’il peut employer. « Tes actes ? Mais tu n’étais pas seul à agir… Devrais-je moi aussi m’excuser pour ce que j’ai pu faire ou dire ? » demandai-je dans une certaine incompréhension. Moi aussi je suis entrée dans ce jeu de séduction, moi aussi j’ai agis en l’embrassant quand l’envie se faisait ressentir. « Je ne veux pas que tu prennes cet avion ce soir... » C'est bien la dernière chose que je souhaitais.

La promesse de Milo quant au fait de ne plus me toucher me surprend autant qu’elle me frustre instantanément. « Je ne te demande pas une telle chose. Mais si tu penses que c’est mieux pour nous... » dis-je un peu perplexe. Cette proximité, nous l'avions toujours eu. Du plus lointain que je me souvienne nous avions toujours été très tactile et jamais cela n'avait posé problème entre nous.

Mon soulagement est palpable lorsqu'elle exprime le désir de ne pas me voir partir immédiatement. Je laisse échapper un soupir, témoignant de mon apaisement, et me rassois délicatement à ses côtés, veillant scrupuleusement à maintenir une distance respectueuse entre nous. Je ne veux pas risquer de franchir à nouveau une limite invisible, bien conscient de la facilité avec laquelle je pourrais me perdre une fois de plus dans son sillage. « Je suis sincèrement soulagé... J'avoue que l'idée de partir précipitamment, sans même un adieu convenable, m'était insupportable. D'autant plus que mes affaires sont loin d'être prêtes pour un départ » confiais-je, tentant d'insuffler une touche d'humour pour détendre l'atmosphère lourde d'émotions contenues. « Il me semblait que tu avais mentionné une envie de cinéma, n'est-ce pas ? » J'aborde ce sujet avec précaution, conscient que tout rappel de nos conversations précédentes pourrait raviver des souvenirs douloureux. J'espère secrètement que revenir à des activités plus légères et familières nous aidera à naviguer à travers cette tempête émotionnelle, à retrouver un semblant de normalité dans le tumulte de nos vies entrelacées. « Peut-être que s'immerger dans une histoire autre que la nôtre, même pour quelques heures, nous offrira un peu de répit » suggérais-je doucement, cherchant dans son regard une lueur d'accord ou peut-être même d'enthousiasme. « Qu'en penses-tu ? » L'idée de partager à nouveau un moment simple et sans prétention me semble être un pas dans la bonne direction, un moyen de réapprendre à être ensemble, sans la pression des décisions à prendre et des cœurs à réparer.

La prise de conscience de l'importance de maintenir une distance physique entre Cassia et moi s'impose avec une évidence douloureuse. Notre complicité, jadis si naturelle et réconfortante, s'est toujours manifestée à travers une proximité physique que nous partagions sans même y penser. Cette barrière invisible que je nous impose maintenant, bien que nécessaire, me pèse lourdement. C'est une mesure de prudence, une tentative de protéger ce qu'il reste de notre lien des turbulences récentes, mais cela ne rend pas l'exercice plus facile. Chaque fibre de mon être aspire à retrouver cette aisance, ce confort dans le simple fait d'être proche d'elle, de partager un espace sans les contraintes imposées par nos erreurs et nos malentendus. Cependant, je suis profondément conscient que cette période de recul est essentielle, tant pour notre bien-être individuel que pour l'avenir incertain de notre relation. C'est dans cet esprit que je me force à respecter cette distance, à ne pas franchir le seuil invisible qui nous sépare désormais, même si cela va à l'encontre de tout ce que nous avons vécu jusqu'à présent.

Cette tempête émotionnelle était vraiment compliquée à gérer. Je ne savais plus trop où j’en étais. Mais j’étais certaine d’une chose : je ne voulais pas perdre Milo. J’avais besoin de lui, il était essentiel à ma vie. Et il n’était pas question que je lui demande d’écourter son séjour en ville. Milo m’avoue être soulagé de ma réponse, il plaisante même un peu sur le fait que de tout manière ses affaires étaient loin d’être prêtes. Je souris, amusée par cette remarque qui donne une touche de légèreté à notre conversation. « Sache que l’idée même de te savoir parti à New-York sans même pouvoir te dire au revoir m’est insupportable... » Cet aveu en disait long sur les sentiments que je portais à Milo.

Le pilote de ligne évoque la séance de cinéma que j’avais suggérer plus tôt dans la journée. Il n’avait pas oublié. Et je savais que c’était aussi une manière pour revenir à la normale. Une activité ordinaire entre nous, sans dispute, dans non dits. Milo semblait donc plus que partant pour cette sortie à deux. Et ce qu’il ajoute, concernant un moment de répit me fait sourire légèrement. « Oui, tu as entièrement raison...Allons nous préparer... » dis-je en me levant du canapé et en faisant un léger signe de tête à Milo qui l'invitait à me suivre.