Vingt-et-une heure trente. Une importante averse s’abattait sur la ville, rendant même la circulation quelque peu difficile. Toutefois, j’avais enfin atteins ma destination. Une résidence d'appartements familière puisque c’était celle de Milo. Je venais ici si souvent que les voisins pourraient même penser que j’y habite. Ce n’était pourtant pas le cas. C’était dans un état de fatigue et de grande lassitude que je sors de mon véhicule pour courir vers la porte d’entrée principale. Je m'engouffre dans le hall et me dirige sans plus attendre vers la porte d'entrée de l'appartement de Milo. Je frappe plusieurs fois sur cette dernière. Je savais que mon meilleur ami était chez lui et non à des milliers de kilomètres. En revanche, lui, n’était pas au courant que j’avais pris la route pour venir le voir. A vrai dire, j’avais pris la route sur un coup de tête sans prendre le temps de prévenir quiconque.

Une énième dispute avait éclater entre Andrew et moi. J’avais eu le malheur de rentrer plus tard que prévu du travail et j’avais eu le droit à une véritable scène de ménage. Encore. Andrew avait toujours été très jaloux mais depuis quelques mois c’était de pire en pire. Cette jalousie le rongeait petit à petit. Ou plutôt, elle nous rongeait petit à petit. Mais de cela, il ne s’en rendait pas compte. Cette situation, cette vie devenait compliquée pour moi à gérer et à supporter. Passons les détails de cette énième querelle. Le ton était monté très haut et les mots avaient bien évidemment été très durs.Des mots qui s’étaient transformés en maux. Fatiguée de ma journée et lasse de cette situation j’avais décidé de partir, je ne voulais pas, je ne pouvais pas rester chez nous pour le reste de la soirée. Rapidement, dans une précipitation certaine j'avais remplis un petit sac de voyage avec quelques affaires. Et j’avais quitté l’appartement sous la désapprobation d’Andrew bien entendu. Je savais exactement où j’allai me rendre. Je savais de quoi ou plutôt de qui j’avais besoin.

La porte d’entrée s’ouvre. Je peux aisément lire l’étonnement sur le visage de mon meilleur ami.  Je n’avais pas pris le temps de lui téléphoner ou même de lui envoyer un message pour le prévenir. Je savais qu’il était rentré de son dernier vol. Il m’avait prévenu un peu plus tôt dans la journée. Ce que je ne savais pas c’est s’il était seul ou accompagnée d’une éventuelle nouvelle conquête. Je peux sentir une once de soulagement en le voyant. La fatigue, la colère, la pression qui redescendait, beaucoup d’émotions se mélangeaient. « Hey... » C’est le seul mot que je me sentais capable de prononcer à cet instant. Milo savait que la situation avec Andrew n’était pas simple. Il connaissait sa jalousie maladive. Bien qu’il ne savait pas tout. D’ailleurs Andrew avait toujours été jaloux de la relation que j’entretenais avec Milo. Je prends sur moi et réussis finalement à ajouter quelques mots « Grosse dispute avec Andrew… » Court mais précis.

Dix-neuf heures. Le fracas turbulent des gouttes de pluie s’abattant contre les trottoirs éclabousse les pieds des passants. Quelques infimes secondes de silence se font entendre avant que le vent ne s’engouffre contre les branches des arbres, et les fasse danser dans l’obscurité d’une nuit naissante. L’orage. Le tonnerre qui gronde au loin. Une voûte grise enveloppe Fall River d’un voile sombre. Les parapluies quittent de nouveau les sacs à main pour les têtes insouciantes. Un premier éclair zèbre le ciel, puis un autre. Mon visage découvert s’offre à une ondée de goutte incessante. Je laisse la pluie couler sur moi, ruisseler. Comme si elle était capable d’effacer tous les maux. L’air frais et humide envahit mes poumons, alors que l’odeur de l’herbe mouillée se saisit de ma cavité nasale. Il me semble vivre l’instant le plus heureux de ma vie, submergée par un sentiment intense de liberté. En fermant les yeux quelques instants, je me dis que j’aimerais avoir toujours huit ans. Je jouis un instant du calme relatif de la rue bordée d’arbres avant de plonger dans l’effervescence de Fall River. Pour l’heure, je renoue avec mon péché mignon. Il y a tant à voir et à redécouvrir. Mes sens demeurent en permanence sollicitée : gaz de pots d’échappement se mêlant aux effluves de nourriture des street cars stationnant sur les trottoirs, cris des vendeurs ambulants répondant à la musique des artistes de rue, infinie variété des physionomies, des styles vestimentaires, des accents et des merveilles architecturales. Quant à la circulation automobile… Je l’avais oublié, pourtant un flux aussi dense ne s’oublie pas.

Vingt-et-une heure trente. Le clapotis des fines gouttes de pluie ruisselle le long de mon cuir chevelu. Elles imprègnent l’embrasure de ma porte d’entrée tel deux amants égarés alors que je m’essuie les pieds sur mon paillasson. J’ai à peine le temps d’ôter ma veste qu’on sonne déjà à ma porte. Intérieurement, je râle. Si c’est encore un vendeur de tapis ou d’encyclopédie, je n’hésiterai pas à lui rappeler sa pauvre condition.

Cassia.

Le Saint-Patron des démarcheurs existe. Un fin soupir de soulagement et d’étonnement égaye les traits de mon visage. Suis-je surpris ? Absolument pas. Sa relation avec « l’autre débile » bat de l’aile. Mais que fait-elle, encore, avec ce pauvre type ? Qu’est-ce qu’elle peut bien lui trouver ? Je lui arracherai bien sa mèche de premier de la classe. « Grosse dispute avec Andrew » me glisse-t-elle en l’invitant à entrer. Je hausse les sourcils. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?  Qu’a-t-il encore fait ou dit ? « J’ai encore ma batte de baseball et je dois pouvoir trouver un ou deux sacs en toile de jute » ajoutais-je en l’installant dans mon salon. Quelques minutes plus tard je réapparais, une tasse de thé chaude à la main. « Une noix de miel, comme tu les aimes. » Nous nous connaissons depuis tant d’année que je n’ai même plus besoin de lui demander ce dont elle a besoin, en l’occurrence c’est de se confier. Cassia sait pertinemment qu’elle est en sécurité ici. Rien ni personne ne la touchera en ma présence.

Milo était là. Il était là, mon meilleur ami, mon confident, ma moitié. Il m’invite même à entrer dans un mot tout en écoutant mes très brèves explications. Je ne me fais pas prier et je pénètre dans son appartement. Son appartement que je connaissais si bien.  Milo se permet une plaisanterie, une histoire de batte de baseball et de sacs. Du moins j,’espérais que s’en soit réellement une. Bien que je puisse douter, ô combien je sais il apprécie Andrew. Ironie bien évidemment. Milo n’a jamais apprécié Andrew. Et c’était réciproque. A mon plus grand damne car j’avais toujours souhaité que les deux hommes s’entendent. « H’m...je ne pense pas que cela soit utile d’en arriver jusque là. » Je dépose mon sac dans l’entrée et je me débarrasse également de ma veste et de mes chaussures. Des gestes presque habituels tant je les avais déjà fait. Je suis mon meilleur ami et m’installe au salon. Quelques minutes plus tard, le voilà qui réapparaît une tasse de thé bien chaude. Un large sourire apparaît sur mon visage quand Milo précise qu’il avait ajouté dedans une noix de miel. Il me connaissait mieux que quiconque. « Merci, c’est toi le meilleur... » Une phrase que je répétais souvent. Car oui j’étais consciente d’être chanceuse d’avoir un meilleur ami comme lui.  Je savais que je pouvais toujours compter sur lui, dans les bons comme dans les mauvais moments. Peu importe le moment. Et cela, depuis toujours. J’attrape délicatement la tasse pour la porter à mes lèvres afin de boire une première gorgée de ce breuvage réconfortant. D’ailleurs, le simple fait d’être ici, dans ce salon, sur ce canapé en présence de Milo me réconfortait. J’avais toujours eu cette douce sensation d’être en sécurité, invincible, à ses côtés. Et ce soir c’est exactement de ce genre de sensation dont j’avais besoin. « J'espère que je ne t'ai pas dérangé au moins ? Je voulais t'appeler avant de venir mais... je suis partie tellement vite, je n'ai pas eu le temps...» avouai-je au jeune homme. A priori, il était seul. C’est ce que je pouvais constater en tout cas à cet instant bien précis. J’espérais ne pas me tromper. Et j’espérais qu’il n’attendait pas de la visite d’une minute à l’autre non plus.

Même si le décalage horaire et ces derniers efforts physiques ont fini par me gagner. Je me force à demeurer éveillé. C’est maintenant que Cassia a besoin de moi, sinon elle ne serait jamais venue chez moi. Le ciel se couvre. Les nuages se teintent d’une allure grisâtre. J’entraperçois les parapluies quittés les sacs à main de ces dames. Certains se couvrent la tête avec des capuches. Quant aux autres, ils courent en rabattant le col de leurs manteaux. Fall River sous la pluie : je ne me lasse pas de ce spectacle si caractéristique.

La fatigue se lit sur son visage. Qu’a-t-il bien pu se produire pour que Cassia soit dans cet état ?
Inquiet, je me hâte de la retrouver. Je me glisse contre son dos, l’entoure de mes bras d’un air rassurant. Son regard lourd se perd dans l’abîme de la ville. Les tensions avec Andrew se ressentent encore. « Certaine ? Je peux aussi lui briser les os. Depuis le temps que j'en rêve... » glissais-je d’un ton malicieux, prêt à en découdre si la violente envie de lui arracher sa satanée mèche revenait me narguer. « Je vais te préparer ma chambre » soufflais-je en observant sa réaction. « Ce n’est pas une question » ajoutais-je avant qu’elle ne ronchonne quoi que ce soit. Je la connais. Cassia adore râler, même si c’est contre-productif à souhait. Néanmoins je reconnais qu’elle est mignonne avec sa petite moue boudeuse. Soudain mon téléphone vibre. Péniblement je regarde l’écran de ce dernier. Je me moque bien que Cassia puisse lire le contenu de celui-ci. Je n’ai rien à cacher. La proposition sulfureuse d’une ancienne compagne de soirée pourrait être alléchante, si j’étais seul ce soir. Or, ce n’est pas le cas. Qui plus est il ne s’agit pas de n’importe qui. Un soupir m’échappe, j’active le mode « ne pas déranger » avant de reposer toute mon attention sur Cassia, sans même prendre le temps de répondre quoi que ce soit. Sa petite mine refermée m’inquiète. Pourtant je ne la pousse pas à parler. Si elle désire se confier, elle sait où me trouver. Je me contente de caresser furtivement son avant-bras. « Tu ne me déranges jamais. Tu peux venir quand tu veux. Tu connais cet appartement mieux que moi, c’est pour dire ! Je suis certain que tu sais exactement où se trouve quel objet ! » J’ignore s’il s’agit d’un pouvoir typiquement féminin, mais toutes les conquêtes qui ont passé la nuit chez moi connaissaient mieux le rangement de mes chaussettes que moi.

« Demain je travaille. Mais demain soir je suis libre. Je te proposerais bien de sauter en parachute, mais je crois me souvenir que tu as le vertige, non ? » Il est vrai que Cassia et les sensations fortes c’est une grande et belle histoire d’amour. Elle m’accompagne plus hurler dans le vide que l’inverse. Si elle pouvait ressentir ce que je ressens en m’élançant dans le vide… Ce doux et puissance sentiment de liberté. Durant ces quelques minutes, ou secondes, plus rien ne compte. Je peux admirer le paysage et gonfler mes poumons d’oxygène. Mon rythme cardiaque augmente drastiquement, tel un orgasme. Un jour, peut-être que je parviendrais à lui faire sauter le pas ?

Le simple fait d’avoir la présence de mon meilleur ami avait un côté réconfortant. Je savais que je pouvais me confier à Milo, je savais qu’il avait une oreille attentive et sans jugement.Je suis honnête quant à ma venue ici. Se cacher des choses, ce n’était absolument pas dans nos habitudes. Et à mon problème, c’est à dire Andrew, le jeune homme propose des solutions disons peu conventionnelles. Des solutions qui ne m’étonnent pas vraiment venant de la part de Milo. « Oui, certaine. » dis-je avec un léger sourire aux lèvres malgré tout.

Milo m’annonce très rapidement qu’il va me préparer sa chambre. Je souhaite protester mais je n’en ai pas le temps. Quand je vous dis que le jeune homme me connaît par cœur. C’est un euphémisme. Mon regard se pose sur lui, une légère moue apparaît instinctivement sur mon visage. « Milo...Et toi ? Tu ne vas pas dormir sur le canapé. Tu sais très bien que ce ne sera pas bon pour ton dos. » Oui son dos, qui parfois lui était douloureux. Vestige d’un très mauvais souvenir. Je bois une énième gorgée de thé. Le téléphone de Milo vibre. Le jeune homme se saisit sans attendre de son appareil téléphonique. Je ne m’attarde pas sur l’écran, mais malgré moi j’avais vu le nom d’une femme s’afficher. Attendait-il de la visite ce soir ? Milo m’assure de ne pas le déranger. Il m’affirme même que je pouvais venir quand je le souhaitais. Je souris, amusée, avec ce qu’il ajoute ensuite. Il est vrai que cet appartement je le connaissais sur le bout des doigts. « Ce n'est pas faux. » Des heures ici j'en avais passé, énormément. Je pose délicatement ma main sur la sienne qui était venu se poser sur mon avant bras. « Merci... » dis-je sincèrement à l'attention de mon meilleur ami. Milo m’annonce travailler demain mais d’être libre en soirée. « Sauter en parachute ? Tu veux que mon cœur s’arrête ou quoi ? » dis-je à moitié outrée et à moitié amusée par cette proposition. « Non, non, non... Rien de mieux que d'avoir ses deux pieds qui touchent le sol... » C'était mon point de vue, bien évidemment. Je savais que ce n'était absolument pas celui de Milo.  « Mais bien sûr que je veux passer la soirée de demain avec toi. Une soirée rien que toi et moi, ça fait un petit moment qu'on en a pas eu l'occasion...  » Entre le travail et Andrew qui avait du mal à supporter que je passe trop de temps avec Milo, c'était parfois compliqué de trouver du temps. Heureusement qu'il y avait les téléphones. Car si on ne se voyait pas tous les jours, en revanche, pas un jour ne passait sans au moins un petit message.

Quel dommage ! Ce n’est pas aujourd’hui que je vais pouvoir envoyer à l’hôpital mon cher et tendre Andrew. Je me souviens encore de notre première conversation à son sujet. Cassia m’évoquait son nouveau compagnon agrémenté de quelques-unes de ses photographies. Au premier coup d’œil, je pressentais déjà qu’il ne semblait pas totalement normal ni équilibré. A l’époque je rêvais déjà de lui scalper sa foutu mèche. Son air hautain ne m’inspirait absolument pas confiance. Cassia me dissuadait déjà de ne pas l’éradiquer de la surface de la Terre. Si elle n’était pas intervenue, son bureau se serait retrouvé plus d’une fois sens dessus dessous. Ce n’est pas le genre d’homme qu’il lui faut. Je l’ai toujours su. Et aujourd’hui cela se confirme bel et bien. Combien de fois ne sous sommes-t-on pas disputé à son propos ? Je suis certain qu’il l’a trompé plus d’une fois. C’est un homme à femme qui ne pense qu’à leur petite personne. Ces hommes là ne sont absolument pas digne de confiance. Si jamais j’apprenais par malheur qu’il avait osé lever la main sur elle, je jure devant Dieu que je ne réponds plus de rien. Je l’enverrais croupir en Enfer, avec toutes ses harpies. Peut-être que le pardonner appartient à Cassia, mais l’envoyer auprès de lui dépend de moi. « Tu veux m’en parler ? Promis je n’irais pas le brûler vif ce soir. » Comment peut-on s’en prendre à un si joli minois ? Cassia demeure si douce et fragile à la fois. Parfois elle s’amuse à braver l’interdit mais au fonds je sais qui elle est. Elle demeure toujours cette petite fille que j’ai jadis rencontrée au détour d’un arbre creux. Sa bienveillance ne l’a jamais quitté. Encore aujourd’hui lorsque je l’écoute me conter ses aventures à l’hôpital, je retrouve celle que j’ai toujours connu. À présent la petite fille a cédé sa place à une femme. Et quelle femme. Si nous n’étions pas amis, je me battrais pour être à ses côtés. Mais il n’en est rien. Cassia est mon amie.

La preuve en est : je lui propose mon lit et elle pense tout de suite à mon dos. Un sourire amusé étire la commissure de mes lèvres. Elle n’est pas au meilleur de sa forme, mais elle continue de penser aux autres. « Eh bien… C’est ma kinésithérapeute qui sera heureuse de me retrouver ! » Bien évidemment j'étouffe les prochains détails de cette « relation. » Ce n’est pas comme s’il s’était déjà produit quelque chose entre nous. « Pour ce soir je te propose le programme suivant : un bon bain chaud et mon lit. Et n’essaye pas de m’en dissuader sous ton air angélique. Je vais rester insensible à ton charme. » Même un battement de cil n’aura aucun effet ce soir. « Oh ce n’est rien cinq mille mètres tu sais » lâchais-je d’un ton ironique. « On commencera par un saut à l’élastique si tu préfères. Je sais que tu adores les sensations fortes. En même temps pour rester avec un tel crétin, il faut vraiment avoir le cœur bien accroché. » C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de dénigrer Andrew. Encore plus lorsque Cassia trouve refuge auprès de moi. « C’est vrai qu’il est important d’avoir les pieds sur Terre » affirmais-je non sans une arrière-pensée. Combien de fois ne lui-ai-je pas susurrer l’idée de le quitter ? « Parfait. Alors demain soir tu n’es rien qu’à moi. Et si ton célèbre prince charmant t’appelle, c’est moi qui réponds ! » A bien y réfléchir, j’éprouve véritablement un fort ressenti envers lui. S’il savait à quel point je rêve de le dépecer de toute âme.

Petit à petit, je pouvais sentir la colère et la lassitude s’estomper peu à peu. Ici, je me sentais mieux. Même si les mots échangés avec Andrew résonnaient encore dans ma tête, je me sentais plus sereine en la présence de Milo. D’ailleurs, ce dernier me demande si je souhaite justement évoquer la raison de ma venue soudaine à son domicile. Je hausse légèrement les épaules. Je n’avais pas forcément envie d’en parler mais peut-être que cela me ferait du bien malgré tout. Et le fait que Milo me promette de ne rien faire ou dire ce soir me rassure aussi un peu et m’incite à parler. Alors je décide de me lancer  « Je ne sais pas trop par où commencer .. Il y a toujours eu des hauts et des bas mais... depuis quelques temps c'est vraiment compliqué » Je soupire légèrement avant d'ajouter « Ces derniers temps il dépasse les bornes… Tu sais que j’ai eu le droit à une crise de jalousie tout à l’heure parce que j’étais rentrée du travail plus tard que prévu ? Comme si je pouvais prévoir qu’on allait être débordés aujourd’hui ... » Croyez-moi enchaîner dix heures de travail quasiment sans pause et  subir de genre de scène en rentrant chez soi, ce n’était pas du tout plaisant.

Rapidement, la suite de la soirée et même le déroulement de la soirée de demain se mettent en place. Doucement, naturellement. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de protester. Je ne souhaite pas que Milo dorme sur le canapé. Premièrement parce qu’il est chez lui. Il a donc bien le droit de dormir dans sa chambre et surtout dans son lit. Deuxièmement, j’étais contre cette idée car je savais que de dormir sur ce canapé ne lui serait pas bénéfique, surtout pour son dos. Mais tout comme moi, Milo est obstiné. Il insiste sur le fait qu’il ne changera pas d’avis peu importe mes protestations. « Le programme est très alléchant… » je lui lance un regard désapprobateur malgré tout « Obstiné comme tu es, je sais que je ne gagnerai pas ce soir… Mais, ce ne sera que pour une nuit. » C’était ma condition.

Puis doucement, la discussion glisse sur un autre sujet de conversation. Les sensations fortes, mon vertige. Je lève les yeux au ciel quand il évoque le fait que je devais aimer les sensations forte malgré tout pour rester avec Andrew. Je lui donne une légère tape sur le bras. « Très amusant... » Bon, pour être honnête ça l’était quand même. Mon sourire me trahissait. L’idée de passer la soirée de demain avec Milo me réjouissait au plus haut point « Génial, j’ai hâte d’y être... » J'avais toujours adoré ce genre de petit moment en tête à tête avec lui.

À mesure que Cassia progresse dans son récit, mon regard trahissait toute l’animosité que j’éprouve à l’égard d’Andrew. Comment ose-t-il se comporter ainsi ? C’est vraiment un goujat de première ! Une crise de jalousie ? Qu’est-ce qui ne faut pas entendre… Malgré tout, je ne suis guère surpris. « Au risque de me répéter, mais… Pourquoi restes-tu avec lui ? Il ne te rend pas heureuse Cassia… » Même si je connais déjà sa réponse, je lui pose de nouveau cette fatidique question. Qu’est-ce qu’elle peut bien trouver lui trouver ? L’argent ? Le sexe ? La gentillesse ? La bienveillance ? La jalousie ? Il ne manquerait plus que la violence s’ajoute à l’équation. D’aussi loin que je puisse me souvenir, je n’ai jamais apprécié cet homme. A présent, c’est encore pire. De quoi a-t-il peur ? Qu’elle le trompe ? C’est bien mal la connaître. « Si tu ne réagis pas maintenant la situation risque de s’empirer. La prochaine fois que fait-il ? Il débarque à l’hôpital et commence à crier au scandale ? Ou pire encore… » J’éprouve déjà les plus grandes difficultés à concevoir qu’une personne puisse agir ainsi, mais alors là… Je demeure déconcerté. « De toute manière, s’il continue d’agir de la sorte, j’interviendrai. Tu ne peux pas continuer à vivre ainsi. Je refuse qu’il te détruise ta santé. » Effectivement, ceci pourrait s’apparenter à un avertissement.

Quelle tête de mule ! Qu’est-ce qu’elle peut être têtue mais adorable. « Juste pour une nuit… » répétais-je d’un air amusé. Après tout ce que Cassia vient de me confier, si elle croit véritablement que je vais la laisser retourner bien sagement auprès de son bourreau, elle se trompe. Il est hors de question qu’elle le retrouve comme si de rien n’était. Un petit bouquet de fleurs de sa part pour se faire pardonner et tout est oublié. Mais bien sûr. « Ce n’est pas la peine que nous en discutions, tu sais très bien ce que j’ai toujours raison » affirmais-je en replaçant délicatement l’une de ses mèches derrière son oreille.

Doucement, je délaisse l’étreinte de ses bras afin de lui préparer ma chambre. Pendant que je grimpe sur l’escabeau afin d’attraper une nouvelle paire de draps, housse de couette, je poursuis notre conversation. « Je vais finir par croire que tu aimes davantage les sensations fortes que moi. C’est une véritable attraction de foire à lui tout seul ! » Andrew. Grâce à lui, je maudis toutes les personnes portant ce prénom. « Demain soir, que préfères tu  : restaurant ou rester à la maison ? » L’une ou l’autre solution me convienne.

Doucement, je commence à me confier à Milo. Je lui explique brièvement les raisons de ma dispute avec Andrew et donc la raison de ma venue à l’improviste ici. La réaction de mon meilleur ami ne m’étonne guère. Pour la énième fois, il me demande pour quelle raison je m’obstinais à rester avec Andrew. Je hausse légèrement les épaules « Il y a sans doute une  part au fond de moi espère que ça va changer, que ça va aller mieux... » Je soupirai légèrement « Je sais que tu me crois trop naïve sur ce coup là... » Il le pensait tellement fort que je pouvais l’entendre. Et puis je connaissais tellement bien Milo que je savais ce qu’il pensait tout simplement. Surtout vis à vis de cette situation. Milo insiste qur le fait que je doive réagir. « Bien sûr que je me rend compte de sa jalousie maladive… Et de tout le reste… Mais à chaque fois c’est la même chose, il me dit que c’est parce qu’il m’aime, parce qu’il s’inquiète… » J’avais toujours été très fleur bleue, très attachée aux personnes qui me montraient de l’affection. Cela venait sans doute du fait que je n’avais jamais connu mon père biologique, alors j’avais toujours eu peur de ne jamais avoir de l’affection de la part des hommes. D’où le fait que j’avais toujours eu du mal à mettre fin à une quelconque relation. « Tu me connais, dès qu’on me dit quelques mots doux où qu’on me prouve qu’on tient à moi, je craque…. » Oui ça il le savait parfaitement. Il savait tout de moi. Milo semble en avoir assez également. Il met en garde. « Je sais qu’il a été trop loin, j’en ai conscience. J'ai vraiment besoin de prendre du recul et du temps pour moi, pour réfléchir à la situation...» Oui ça avait sans doute la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase ce soir.

Un sujet de discorde était abordée entre Milo et moi. J’acceptais de prendre sa chambre mais uniquement pour une nuit. Mais cela ne semblait pas convenir au jeune homme. « Toujours raison ? H’m… je dirais plutôt toujours très obstiné oui... » dis-je en riant légèrement. Après avoir replacée une mèche rebelle derrière mon oreille, Milo se lève  pour sortir ce dont j’avais besoin pour la nuit. Il évoque encore Andrew. Un léger sourire apparaît. Mais un sourire lasse. « Sans doute... » Je me lève à mon tour pour l’aider si besoin. Et Milo aborde un sujet de discussion plus sympathique. Notre soirée de demain. « L’idée du restaurant est sympathique mais je dois t’avouer que je suis plus d’humeur à faire une soirée cocooning. Si ça te convient bien entendu. »  C'est à dire une soirée entre nous, tranquillement à l'appartement et sans minauderies. Je tends les bras pour attraper le drap et la housse de couette « Laisse moi t’aider... »   Il était hors de question que je le regarde préparer la chambre.

Ce n’est évidemment pas la première fois que j’entends ce discours. L’abandon de son père continue de s’ancrer et d’envenimer son quotidien. Preuve en est, elle espère encore que les choses vont s’arranger avec Andrew. Parfois, j’ai l’impression d’écouter les propos d’une femme violentée par son conjoint. À chaque fois, c’est le même refrain. Il lui fait les yeux doux. Un bouquet de fleurs et trois paroles en l’air suffisent pour qu’elle retombe entre ses griffes. Si au moins il avait l’honnêteté de lui révéler qu’il se moque complètement d’elle. Qu’il se contente d’être en compagnie d’une belle femme, juste pour l’étiquette. Andrew demeure davantage attaché à son image de marque qu’à sa petite amie. S'il savait à quel point, certains hommes tueraient pour pouvoir passer ne serait pas est ce qu’une soirée en compagnie de Cassia. Je n’apprécie pas du tout son attitude envers mon amie. Si demain elle lui annonçait vouloir rompre, je suis certain qu’elle retrouverait rapidement quelqu’un avec qui partager sa vie. « C’est facile de te dire qu’il t’aime, qu’il s’inquiète pour toi, que tu es la femme de sa vie. Mais dans les faits que se passe-t-il ? Il te rend malheureuse, il te surveille, il t’espionne sûrement d’une manière ou d’une autre…. La prochaine fois que se passe-t-il ? Il t’interdit de me parler, de me voir ? Ou pire encore… Il n’acceptera plus que tu travailles ? » Une fois de plus, j’essaye tant bien que mal de la ramener à la réalité. Même si Cassia en a conscience, elle se résigne toujours. Comme si nous étions dans un conte de fées et que l’antagoniste allait se transformer, sous l’impulsion de Marraine La Bonne Fée, en un être beau et bienveillant. À titre personnel, je ne crois pas aux changements. Les personnes demeurent telles qu’elles sont. En ce qui le concerne, il est indécrottable. D’ici, quelques jours Cassia m’annoncera que finalement, elle lui laisse une énième chance. Inutile de décrire ma réaction… « Tu as surtout besoin de rompre avec lui » affirmais-je d’un ton assuré. Lui laisser une nouvelle opportunité de la détruire n’est absolument pas une solution.

L’aide que mon amie me propose ne serait pas de refus, si je n’insistais pas pour qu’elle se détende. Si elle pense que je vais la laisser gérer une maison supplémentaire, elle se trompe. Rapidement, je file en direction de la salle de bain. J’active le mitigeur de la baignoire sur l’eau chaud afin qu’elle se remplisse. Quelques instants plus tard, je réapparais dans la chambre. « Ton bain est en train de couler, et t’attends bien sagement. Je vais finir de préparer ton nid douillet. Inutile d’insister, ce soir, je prends soin de toi. Tu auras bien le temps de souffrir quand l’autre sera dans les parages » renchérissais je en m’approchant de mon amie. « Un bon bain chaud et un ami. Que demande le peuple ? » En y réfléchissant, il n’y a que peu de femme qui puissent me rendre heureux. Cassia est l’une d’elle. Avec elle, la vie demeure si simple. Même si nous ne sommes pas d’accord sur sa relation avec son cher et tendre, nous finissons toujours par nous comprendre.

Si il y avait bien un sujet sur lequel nous n’étions jamais d’accord avec Milo c’était bien celui là : ma relation avec Andrew. Mon meilleur ami n’avait jamais réellement compris la raison qui m’avait poussé dans ses bras. Ni les raisons qui me poussaient à y rester d’ailleurs. Mais soit, je comprenais. J’avais mes raisons et si on ne savait pas ce qu’il se passait tout au fond de mon être, il était sans doute difficile de les entendre, de les comprendre. Mais Milo n’était pas n’importe qui, il me connaissait mieux que quiconque. Alors je tente une explication, bien qu’il la connaissait sans doute déjà. Bien évidemment, mon explication ne convient pas à Milo qui s’empresse de souligner les points néfastes de cette relation. Surveillance et jalousie en étaient les maîtres mots.  M’interdire de voir ou de parler à Milo. Ce n’était pas arrivé, pas encore. Mais cela avait fait l’objet de nombreuses querelles entre nous. Andrew m’avait reproché à plusieurs reprises de trop envoyé de message à mon meilleur ami ou même de passer trop de temps avec lui. Tout comme un jour, il m’avait fait comprendre qu’en tant que chef d’entreprise il gagnait très bien sa vie, et que je pouvais donc parfaitement ne plus travailler. Les mots de Milo faisaient échos dans la tête. A croire que le plus lucide dans cette histoire c’était lui. Je ne réponds rien, je détourne même le regard, telle une petite fille qui venait de fauter et qui avait été prise en flagrant délit. Néanmoins, pour une fois je ressentais véritablement le besoin de prendre du recul, du temps pour moi. Ce à quoi Milo rajoute que ce dont j’avais surtout besoin c’était de rompre avec lui. « Laisse moi quelques jours pour réfléchir à tout cela. » Une demande, presque suppliante.

Je propose mon aide à Milo. Je le voyais s’activer pour préparer la chambre. Hors de question que je me contente de regarder. Mais ce dernier file déjà à la salle de bain. J’en profite tout de même pour commencer à changer les draps. Le jeune homme revient très rapidement m’annonçant que mon bain était en train de couler et qu’il m’attendait. Il me fait également comprendre que je ne devais pas insister car le maître mot de ce soir était la détente. Je le regarde s’approcher et sa dernière remarque me fait sourire. Je m’approche davantage de lui, et viens passer délicatement mes bras autour de sa nuque. Mes lèvres quant à elle viennent se poser sur sa joue avant que mon visage vienne se nicher au creux de son cou. « Merci pour tout. J’ai vraiment la chance d’avoir un meilleur ami comme toi... »Cette douce étreinte me fait du bien. J’en avais besoin. Cela faisait du bien de se sentir importante, aimer et comprise. Je finis par reculer légèrement. Un dernier sourire à Milo et je finis par disparaître de la chambre pour me rendre à la salle de bain.

J’ai conscience d’être parfois un peu dur dans mes propos envers elle et sa relation vouée à l’échec. À chaque fois qu’elle me conte ses nouveaux problèmes, la conversation se termine toujours de la même manière. Aujourd’hui, il s’agit d’un retard. Hier, il lui reprochait notre complicité. Aujourd’hui elle tient bon, mais qu’en sera-t-il de demain ? Le jour où elle rendra les armes afin qu’il la laisse tranquille… Notre relation, s’achèvera-t-elle à cause de lui ? L’idée même de perdre Cassia m’horripile. Nous nous connaissons depuis si longtemps que je ne parviens pas à concevoir une journée sans elle. Sans ses petits messages matinaux et taquins. Ses regards lourds de sens lorsque je regarde un peu trop la gente féminine.

J’acquiesce silencieusement à sa demande pendant qu’elle file en direction de la salle de bain. J’espère que ces quelques jours loin d’Andrew lui permettront d’éclaircir la situation. Secrètement, j’aimerais qu’elle rompe avec lui, même si leur relation se termine dans les larmes. « Peu importe ta décision, je serai toujours là » ajoutais-je en lui esquissant un clin d’œil.

L’étreinte que nous partageons me rassure. Ses lèvres se posent affectueuses contre ma joue alors qu’elle se blottit contre le creux de mon cou. Mes bras l’enlacent tendrement. « C’est moi qui suis chanceux » soufflais-je en embrassant sa tempe. « Tu es une femme incroyable, ne l’oublie jamais. » Cassia finit par délaisser notre étreinte et disparaître dans la salle de bain. Un fin sourire égaye mon visage avant que je ne reprenne la préparation de son lit douillet.

Quelques minutes, plus tard, je me retrouve interpellé par mon téléphone portable. L’écran s’allume. Le nom d’une ancienne conquête s’affiche. Qu’est-ce qu’elle me veut encore ? Elle doit insister pour que je la rejoigne. Nonchalamment, j’accepte de prendre son appel. Les premières minutes de notre conversation m’ennuie terriblement. J’écoute d’une oreille distraite en bloquant mon téléphone entre mon oreille et mon épaule. Par moments, je réponds des « Hmm » , « Ah » , ou encore des onomatopées. Finalement, elle en vient à évoquer la raison de son appel. Madame s’ennuie et demeure toute seule ce soir. Un peu de compagnie ne serait pas de refus. « Écoute, je ne suis pas libre, ce soir, ni les prochains soirs. Peut-être la semaine prochaine ? Je t’envoie un message dès que j’ai un peu de temps pour toi et… » J’ai à peine le temps de terminer ma phrase qu’elle revient à la charge. Mais qu’est-ce qu’elle ne comprend pas ? Folle qu’elle est, elle serait capable de continuer à me tenir la jambe ou de débarquer. Soudain, un bruit étrange m’interpelle. Vivement, je me hâte de raccrocher en invoquant n’importe quel prétexte afin de me rendre disponible pour mon amie.

Bien que nous n’étions quasiment jamais sur la même longueur d’ondes quand il s’agissait de ma relation avec Andrew, Milo m’assure que peu importe ma décision il sera toujours là. C’est sans doute de genre de comportement qui faisait toute la différence. Ce genre de comportement qui faisait qu’il n’était pas un ami mais L’ami, mon meilleur ami. De cela, je le remercie en lui chuchotant un « merci » à peine audible mais aisément lisible sur mes lèvres. S’en suit, une douce et sincère étreinte entre nous. Cette étreinte, ce contact j’en avais ressenti le besoin inexpliqué. C’était également une jolie manière de remercier Milo et de lui dire encore une fois que j’étais chanceuse d’avoir un meilleur ami comme lui. Un compliment que Milo me retourne en ajoutant que je ne devais pas oublier que j’étais une femme incroyable. Un sourire se dessine sur mon visage. « Tu vas finir me faire rougir... » dis-je en plaisantant un peu avant de délaisser notre étreinte et de quitter la pièce.

Le bain prêt. Je décide de ne pas me faire prier plus longtemps. Je me déshabille et entre dans la baignoire remplie d’eau chaude. La température idéale. Je pouvais sentir rapidement mes muscles se détendre petit à petit. J’essayais au mieux de faire le vide dans mon esprit et de profiter de ce petit moment rien qu’à moi. Petit à petit, la fatigue prenait le dessus sur la colère. Je me sentais plus sereine.

L’eau de la baignoire devenait de plus en plus fraîche. Cela devait faire une petite demi-heure que je me prélassais dans cette dernière. Comme le dit le proverbe : toutes les bonnes choses ont une fin. Une fois sortie de la baignoire, je vide et rince cette dernière avant d’enfiler une tenue décontractée. Et tout en m’habillant je pouvais entendre Milo parler. Je me demandais bien à qui. Et sans réellement le vouloir, j’entends quelques bribes de cette conversation. Il n’y avait pas de doutes, il discutait avec une femme. Sans doute au téléphone car seule la voix de mon meilleur ami se faisait entendre. Et je ne sais trop pourquoi, le simple fait de l’entendre dire qu’éventuellement il verrait cette jeune femme la semaine prochaine me faisait un léger pincement au cœur. Pour le coup, je dois bien avouer que la plupart de ses conquêtes ne me plaisaient pas. La différence, c’est que Milo lui, ne s’engageait que très rarement.

Je finis par sortir de la salle de bain. Milo est là, « Tu as raison, un bon bain chaud c’est très agréable. » J’observe mon meilleur ami, téléphone encore à la main, je fronce légèrement les sourcils « Est-ce que tout va bien ? Je t’entendais discuter... » demandai-je un peu par curiosité.

Le retour de Cassia me pousse à me retourner. Ses propos m’amusent. « J’ai toujours raison Cassia. Ne me dis pas que l’a déjà oublié ? » Mon sourire amusé se joint à mes paroles alors que mes yeux brillent d’admiration devant sa beauté. « Wahou… Je comprends pourquoi tu fais tourner les têtes de tous tes collègues. » Il est vrai que j’ai toujours trouvé Cassia particulièrement attirante. Je me souviens de sa petite bouille de bébé lorsqu’elle ronchonnait au fond de la cour de récréation à cause d’autre fille qui lui tirait ses cheveux. Un jour par vengeance, plus que par bêtise, j’ai coupé les cheveux de l’une d’entre elles. Leur petite queue de cheval ressemblait davantage à un pinceau en poil de chameau qu’à leur coiffure originelle.

Cassia et sa curiosité légendaire. Je ne m’en passerai jamais. Même quand le moral n’est pas au beau fixe, elle sait exactement comment me tirer les vers du nez. « Personne qui ne soit plus important que toi… » Son regard se teinte de curiosité, alors que je m’empresse de renchérir, « C’est juste une jeune femme avec qui j’ai passé quelques nuits. Rien de plus… » Inutile de lui donner davantage de détail, Cassia sait pertinemment de quoi il s’agit. « Tiens, regarde, c’est elle » ajoutais-je en lui montrant un selfie de cette dernière. Certes, il s’agit d’une belle femme, mais cela s’arrête là. « Elle voulait me retrouver ce soir… » soufflais-je en me rapprochant de mon amie. « Ne t’inquiète pas, aucune femme ne m’a encore passé la bague au doigt. » Et heureusement ! Je n’estime pas la vision archaïque du mariage ni cette fidélité à toute épreuve. Comment pourrais-je être fidèle à une seule femme ? J’apprécie bien trop les courbes féminines pour me satisfaire d’une seule d’entre elles. Raison pour laquelle je ne m’engage pas, ou très rarement. Cette liberté, dont je jouis, me convient parfaitement. Je suis libre d’aller et venir comme bon me semble, sans que qui que ce soit ne me prenne la tête sur mes allers et venues. « Le jour où cela se produira, si, cela se produit tu seras la première informée. Promis » glissais-je d’un ton taquin. « Bon… Je vais aller prendre rapidement une douche, sinon tu vas encore me dire que je sens le parfum d’une femme que tu ne connais pas et ensuite au lit. Inutile que je t’explique le fonctionnement de mon appartement. Tu fais comme chez toi ! » Je ne compte pas le nombre de fois où Cassia est venue chez moi. Il est vrai qu’avant sa rencontre avec l’autre débile, elle était davantage présente. La proximité de mon domicile et de son lieu de travail n’était évidemment pas le premier motif. Nous nous plaisions à être ensemble, tout simplement.

L’eau froide qui ruissèle le long de mon corps me rafraîchit les idées. Je suis heureux que mon amie ne soit plus entre les griffes de son petit-ami, pour le moment. J’espère sincèrement que cette distance lui permettra de prendra la bonne décision : la rupture. Elle n’a pas besoin de lui. Ce dont elle a besoin, c’est d’une personne qui la soutienne et l’aime. Pas d’un idiot au compte en banque bien garni. Une dizaine de minute plus tard, je réapparais, l’embrasse tendrement sur la tempe avant de gagner mon lit de fortune : mon canapé. Il faudra que j’investisse dans un véritable canapé lit à l’avenir, sinon mon dos finira en compote avant que je n’atteigne l’âge d’être en déambulateur en maison de retraite.

Le lendemain, la sonnerie stridente de mon réveil m’extirpe des bras de Morphé. Instinctivement, je râle. Je n’ai jamais été du matin. Tel un ours quittant sa période d’hibernation, je râle en me levant. Discrètement, je file en direction de la salle de bain afin de ne pas réveiller Cassia. Dans le plus grands des silences, je me hâte de me doucher et de me préparer. Avant de partir, je veille à lui préparer son petit-déjeuner. Elle n’aura plus qu’à laisser l’eau chaude couler afin que son thé matinal soit prêt. Rapidement, je lui griffonne quelques mots sur un post-it :

« Tu seras toujours la bienvenue.
PS : tu es adorable lorsque tu dors. »

J’accompagne mon message d’un jeu de clé avant de l’embrasser sur la tempe.

« A ce soir… » soufflais-je en quittant la chambre.

En sortant de la salle de bain, je me sens effectivement plus détendue. Une partie de moi pense toujours à Andrew et à notre dispute mais la fatigue prenait largement le dessus à présent. Impossible de ne pas rire en écoutant Milo dire à nouveau qu’il avait toujours raison. « Et toi as-tu déjà oublié ce que je t’ai dit ? Je considère plutôt ça comme de l’entêtement... » dis-je en riant davantage. Mais soudainement je me sens presque gênée quand mon meilleur ami me complimente ainsi. Il est vrai que j’avais enfilé une tenue confortable, un petit ensemble short et débardeur en  soie bleu nuit. Peut-être aurai-je du me couvrir davantage ? « Oh… Merci » dis-je simplement, lui adressant un léger sourire. Quand je vous dit qu’un jour, il me fera rougir.

Rapidement, je change de sujet et lui demande si tout va bien tout en désignant son téléphone portable qu’il avait encore en main. Oui je suis curieuse, je ne pouvais pas le nier. Et je sais que la curiosité est également un vilain défaut. Parait-il. Comme je m’en doutais, Milo était en conversation avec une de ses conquêtes. Il me montre même une photo de la jeune femme en question. Sur le coup je regrette un peu ma curiosité. « Très jolie femme. » constatai-je par moi même. Et comme je m’en doutais, la jeune femme en question souhaitait passer la soirée et sans nul doute la nuit avec Milo. Mais je bouleversai leur plan. Le jeune homme s’empresse de me rassurer en me faisant comprendre qu’il n’y avait pas vraiment quelque chose de sérieux. Mon myocarde a d’ailleurs un loupé quand il évoque le mariage. Mais si un jour cela arrivait, je devrait l’accepter. Tant qu’il est heureux. Milo s’empresse d’ajouter que si un jour il se faisait passé la bague au doigt je serai la première informée. « J’espère bien... » dis-je d’un air faussement outrée comme pour l’avertir que je le serai vraiment si jamais ce n’était pas le cas. Je laisse Milo aller à la salle de bain à son tour. En attendant, je vais à la cuisine pour me servir un verre d’eau fraîche. Je ne peux m’empêcher de jeter un œil à mon téléphone. Pas de surprise : sept appels manqués d’Andrew et neufs messages. Je repose l’appareil. Et quand mon meilleur ami revient, nous prenant quelques minutes pour discuter encore un peu avant de se souhaiter une bonne nuit. Et contre toute attente, c’est très vite que je rejoins les bras de Morphée.

Quand le réveil sonne, j’ouvre difficilement les yeux. La nuit fut bonne mais assez agitée tout de même. Je ne tarde pas à me lever et à trouver le petit mot de Milo ainsi qu’un jeu de clés. Une intention qui me touchait beaucoup. Et je constate bien vite que Milo m’avait préparé mon petit déjeuner. Une seconde intention qui me faisait chaud au cœur. Je fais chauffer de l’eau pour mon thé et prend rapidement de quoi grignoter pour tenir la journée. Je prends quelques minutes pour envoyer un message à Milo afin de le remercier avant de quitter son domicile pour moi aussi, aller travailler.

La journée passe relativement vite. Comme toujours le rythme est très soutenu. Mais aujourd’hui je terminai un peu plus tôt que d’habitude. J’en profite pour aller faire quelques courses pour préparer un bon repas pour ce soir. Quand j’arrive chez Milo, il n’est pas encore rentré. J’en profite pour mettre un peu d’ordre au besoin et pour prendre une douche.  Je m’installe ensuite en cuisine pour préparer des lasagnes maisons. Recette qui me venait tout droit de ma grand-mère maternelle. J’aimais beaucoup cuisiner, encore plus des plats italiens. Le plat prêt, je l’enfourne avant de ranger la cuisine. Et peu de temps après j’entends la porte d’entrée s’ouvrir. Instinctivement, un sourire apparaît sur mon visage « Hey… Ca va ? Tu as passé une bonne journée ? » dis-je en venant à sa rencontre.

Cette journée de formation m’ennuie profondément. Le formateur nous répète des fondements essentiels de la conduite à tenir en cas de perturbation. Il évoque des éléments si logiques que j’en viens à me demander pourquoi il s’évertue à insister dessus. Soudain, une question de l’un de mes collègues m’interpelle. Son interrogation me pousse à soupirer en levant les sourcils. A présent, je comprends pourquoi le formateur insiste tellement… Il est stupide ou il le fait exprès ? Cette médiocrité affichée m’exaspère. Mon souffle d’agacement cède sa place à un large sourire en lisant le message de Cassia. Je suis heureux qu’elle ait trouvé mon second jeu de clé et son petit-déjeuner. Ce ne sont pas de grandes démonstrations, mais je sais qu’elles demeurent suffisantes pour lui prouver qu’elle possède une place particulière dans mon cœur. Une place à laquelle aucune autre conquête ne pourrait prétendre, et ce peu importe leur beauté ou richesse. De toute manière Cassia se ferait un plaisir de leur rappeler qui elle est.

Le soir venu, je n’éprouve qu’une seule chose : retrouver Cassia. J’espère de tout cœur qu’Andrew en l’a pas harcelé de message ou appel en tout genre. Sur le chemin du retour, je prends le temps de m’arrêter à la chocolaterie. La gourmandise de Cassia ne m’a évidemment pas échappé. Et puis on dit que le chocolat permet d’oublier ses problèmes. En quittant la boutique, une odeur particulière attire mon attention. Le parfum exalté du fleuriste guide mon regard. Sans hésiter, je me hâte d’acheter également un bouquet de lys blancs. J’espère que ces attentions lui remonteront le moral. Personnellement, j’ai déjà une petite idée sur la question. J’imagine bien que l’autre débile ne lui offre jamais rien sauf pour se faire pardonner de lui faire la misère. Ce qui n’a absolument rien de sincère, mais purement manipulateur.

Une demi-heure plus tard, et quelques embouteillages supplémentaires, je me gare enfin aux pieds de mon immeuble. D’une main, j’attrape la boîte de chocolat, de l’autre le bouquet de fleur et du pieds je ferme tant bien que mal la porte du garage. Ce n’est pas pilote de ligne que je devrais être, mais équilibriste dans un cirque.

J’ai à peine le temps de pousser la porte d’entrée qu’une divine odeur gagne mes narines. Je ne salive déjà rien qu’en imaginant le plat bien chaud sortir du four. « Je ne sais pas ce qui est à croquer en premier : toi ou ton délicieux plat ? » lui demandais-je d’un ton plaisantin. « Pour la plus belle » lui dis-je en lui tendant le bouquet de fleurs et la boîte de gourmandise.

Je comprends pourquoi certains hommes se marient. Il est vrai qu’il est très agréable de retrouver sa femme le soir. Bon… Cela dépend quelle femme, bien évidemment. Si c’est pour retrouver une folle hystérique, jalouse, je demanderais de suite le divorce. Le monde porte déjà bien trop de malheurs, il est inutile d’en rajouter un supplémentaire.

Milo venait de passer le pas de la porte. Je m’étais donc dirigé vers lui pour le saluer et lui demandé s’il allait bien et s’il avait passé une bonne journée. Mon meilleur ami avait, semble t-il senti le plat qui cuisait doucement mais sûrement dans le four. Je souris à sa question. « H’m… c’est une bonne question. Fais bien attention à la réponse que tu pourrais donner... » dis-je en plaisantant. Milo me tend ensuite une magnifique bouquet de fleurs, des lys. Ainsi qu’une boite de chocolats. J’attrape alors le bouquet d’une main et la boite de gourmandises de l’autre. « Merci beaucoup. Elles sont vraiment magnifiques... » dis-je en observant de plus près ces splendides lys. Je viens déposer un doux baiser sur une de ses joues. « Il ne fallait pas… C’est en quel honneur ? » dis-je surprise mais agréablement surprise. Je laisse Milo se mettre à l’aise et je vais chercher un vase que je rempli d’eau afin d’y plonger le bouquet que j’installe sur la table du salon. J’aimais beaucoup les fleurs. Je trouvais que cela égayait une pièce avec leurs belles couleurs et senteurs. « J’ai profité du fait de terminer plus tôt pour aller faire quelques courses. J’espère que tu as faim, j’ai préparé des lasagnes. » Vouloir préparer le dîner pour ce soir m’était apparu comme une évidence. Au vu de tout ce que faisais Milo pour moi depuis hier, je pouvais bien au moins faire cela. Et cuisiner, j'adorais cela. Ca avait toujours eu l'effet de me détendre.

La malice de mon amie ne m’échappe pas. Ni ses taquineries. « Ah oui ? Et si je te réponds que tu es belle à croquer qu’est ce que tu comptes faire avec ta force de bébé chat ? » répondais-je d’un air taquin. Sa réaction à mes deux présents me rend heureux. J’aime la voir ainsi : souriante et épanouie. Cet imbecile d’Andrew ne sait véritablement pas la rendre heureuse. « Parce que j’ai besoin d’un motif pour te faire un cadeau maintenant ? » Faussement choqué, je m'amuse de sa réponse. « C’est simplement pour te rappeler que les hommes normaux, et accessoirement géniaux et profondément humbles, existe encore. » lâchais-je d’un faux air narcissique.

Nous avons a peine le temps de prolonger notre conversation que la sonnerie stridente de mon appartement retentit. Intrigué,j’adresse un nouveau regard en direction de mon amie. « Tu attends de la visite ? Si c’est le prince charmant, il est déjà devant toi ! » glissais-je d’un ton amusé avant de me reprendre. Pour ma part, je ne suis pas de ce recevoir quelqu’un ni quelque chose. Suspicieux mais curieux je jette un coup d’œil au judas. Mes bras m’en tombe. Mais que fait-elle ici ? J’ai pourtant été clair. Nous nous verrons, peut-être la semaine prochaine, mais certainement pas aujourd’hui ni ce soir. Un soupir las quitte le labre de mes lèvres. Comment vais-je me débarrasser d’elle ? Soudain, une idée me vient en tête. Et si je demandais à Cassia de lui faire croire que je n’étais pas rentré ? Cette tergiversions quitte rapidement mon esprit lorsque mes yeux se posent de nouveau sur mon amie. Mauvaise idée. Cassia possède déjà ses propres problèmes avec Andrew. Inutile d’en rajouter davantage avec les miens.

Éreinté par cette nouvelle journée et cette arrive intempestive, j’ouvre la porte de mon appartement. « Oh c’est toi ! » dis-je d’un air faussement étonné. Si seulement elle pouvait ne pas être là. Sans que je puisse parler, mon interlocutrice déblatère son petit discours de séduction. Sa main se pose contre mon épaule puis ma joue. Ses lèvres déposent une trace de rouge à lèvre au creux de mon cou. Puis elle déblatère que nous nous connaissons depuis si longtemps et que… Je n’écoute même plus ses propos. Je ne suis ni d’humeur ni patient ce soir. Dire que j’avais prévu d’être uniquement en compagnie de Cassia… Je me retrouve coincé avec elle. Sa beauté pourrait dissimuler ses défauts si l’on y prêtaient pas attention. « Écoute je t’ai dis que je n’étais pas libre ce soir. La semaine prochaine promis je t’appelle. » Et la voilà parti dans une petite crise d’existence. « Inutile de faire la tête ni tes yeux doux. Je ne craquerai pas. » Qu’est ce que je n’ai pas dit ? Elle continue de plus belle. « Mais oui tu es belle… Bon aller, je dois te laisser sinon mon plat va brûler. » Mon plat ? C’est vite dit. C’est surtout celui de Cassia. Cependant, je mets aisément de ce prétexte pour couper court à notre conversation. « Oui oui… Je t’envoie un message bientôt et… » Sans finir ma phrase, elle me coupe en me demandant si j’étais seul ou non ce soir. Instinctivement je lève les yeux au ciel. C’est qu’elle ne lâche rien cette harpie venimeuse. L’envie de lui répondre que je ne suis pas libre, car je suis accompagnée d’une autre conquête me brûle les lèvres. Toutefois je n’entends pas du tout agir ainsi envers mon amie. « Bon je te laisse, ça brûle ! » Sans lui laisser le temps de réagir, je lui claque la porte au nez. Qu’est ce qu’elle peut être pot de colle parfois. Belle mais collante.
Accolé derrière ma porte, je peux enfin soupirer. J’espère que c’est bien la première et dernière fois qu’elle agit ainsi. Elle n’a pas l’habitude d’agir de la sorte. Je sais qu’elle vient de rompre avec son ex, mais tout de même. J’ai du lui apporter trop de réconfort…

Sans tarder, je retourne en direction de mon amie. Gêné par la situation, je grimace en essuyant la trace de rouge à lèvre. « Excuse moi. Je ne sais pas trop… Enfin bref. Rien d’important. Ce soir, je t’ai promis que je ne serai rien qu’à toi ! » J’ôte enfin ma veste et m’approche de Cassia. « Je vais t’aider à dresser la table. Mon estomac crie famine ! Je suis certain de me régaler ! » Cassia et la cuisine ? Une grande histoire d’amour. C’est simple, à chaque fois qu’elle cuisine, il n’y a jamais de reste. Le plat retourne à la cuisine uniquement si il est vide.

Comme à notre habitude, nous nous taquinons. Mais comme le dit le proverbe : qui aime bien, châtie bien. Cela nous correspondait tellement. D’ailleurs, quand mon meilleur ami sous entendu que je ne pourrai pas lui faire de mal tant j’étais frêle, je lui donne une légère tape sur le bas. « Tu aurais tort de me sous estimer... » dis-je sur un ton faussement menaçant.  

En la présence de Milo j’avais toujours eu la douce sensation d’être écoutée, d’être importante et apprécié. C’était une sensation des plus agréable, je ne pouvais pas le nier. Et depuis hier, mon meilleur ami ne cessait de me prouver, par diverses petites intentions, qu’il était là pour moi. Et le simple fait de m’offrir ce magnifique bouquet de fleurs et cette boite de chocolat me mettait du baume au cœur. Mais y avait-il une raison particulière à ces délicates intentions de ce soir ? Milo me répond que c’est simplement pour me rappeler que les hommes normaux sont géniaux. Subtilement, il se lance des fleurs. Comme à son habitude. Je souris amusée par ses paroles avant de le remercier une fois encore « En tout cas, merci beaucoup. Ça me fait très plaisir. » Oh oui vraiment très plaisir.

Bien vite, nous sommes interrompus par la sonnette de la porte. Milo m’interroge quant à une éventuelle visite attendue de ma part « Ah oui vraiment ? Comment j’ai pu ne pas m’en apercevoir avant… Plus sérieusement, non je n’attends personne... » dis-je amusée. Car encore une fois, il se met en avant. C’est fou ce qu’il pouvait me faire rire et me remonter le morale très rapidement. Je laisse Milo ouvrir la porte, après tout il était chez lui. Je m’éclipse vers la cuisine ou je surveille le plat qui cuit doucement au four. J’entends la voix d’une femme. Je ne qui pas très loin, je peux entendre leur discussion. De ce que je peux comprendre il s’agit de la belle jeune femme que j’ai pu voir en photo la veille au soir. Je ne la connais pas mais elle a l’air tenace. Mon meilleur ami met fin à la conversation, en restant ferme sur sa décision. Étrangement je suis soulagée qu’il ne change pas d’avis. C’est un peu égoïste, je m’en rends bien compte. Il retourne vers moi. « Tu n’as pas à t’excuser… Et tu sais, tu ne dois pas t’empêcher de sortir ou de recevoir du monde à cause de moi... » Arg ! Je venais vraiment de dire cela ? En même temps il est vrai que je ne pouvais pas l’empêcher de profiter de son côté. « Je ne la connais pas mais une chose est sûre : elle est accro... »   dis-je pour constater ce que j’avais pu entendre.

Milo se débarrasser de sa veste pour enfin se mettre totalement à l’aise puis il propose de m’aider à mettre la table. Son enthousiasme quant à l’idée de manger un de mes plats me faisait plaisir « J’espère. J’ai fais des lasagnes, je sais que tu les adores. » Je laisse le jeune homme dresser la table et je sors le plat du four de mon côté. Nous pouvions à présent passer à table et débuter notre soirée cocooning.

Le regard de Cassia trahit sa curiosité. Ce n’est pas la première conquête dont elle entend parler. « Je sais où sont mes priorités. Ce soir, c’est toi. » Aucun doute n’est permis. Si Cassia a trouvé refuge chez moi, c’est pour une bonne raison. Ce n’est pas par hasard qu’elle est venue toquer à ma porte hier soir. S'il existe bien un lieu sur Terre où rien ne lui arrivera, c’est ici. Même si Andrew s’amuse à revenir la chercher telle une enfant, il sait pertinemment qu’il sera extrêmement bien reçu. Lui pourrir la vie chez eux est une chose. Mais il est hors de question qu’il vienne lui faire vivre un enfer entre ces quatre murs. « Je n’ai pas envie de passer la soirée avec une autre femme que toi. » Une parole est une parole, et je compte bien la tenir jusqu’au bout. Certes, je pourrais m’aventurer dans d’autres bras. Me laisser succomber à la tentation des douces lèvres de ma précédente interlocutrice, mais je n’en ferai rien. « Oh tu sais… Je procure parfois cet effet ! » répondais-je d’un ton faussement humble. À la différence de Cassia, je change très rapidement de partenaire. Je ne m’attache pas réellement. Je me contente de profiter de chaque instant en leur compagnie. Parfois je m’étonne moi-même à penser que la vie demeurerait bien trop monotone auprès d’une seule femme. Comment des couples, peuvent-ils tenir aussi longtemps ? Dix, vingt, trente, quarante, cinquante ans… Auprès de la même personne. À mes yeux, il s’agit d’un exploit digne des jeux Olympique.

Une fois à table le divin fumet de son plat embaume ma cavité nasale. Là c’est certain qu’il n’y aura aucun reste. Mon estomac crie famine depuis une bonne heure. « Tu veux vraiment ruiner tous mes efforts à la salle de sport ! » glissais-je d’un ton taquin alors qu’elle nous servait. La première bouchée réveille chacune de mes papilles gustatives. En plus de sentir bon, je me retrouve projeté dans un nuage de plaisir. « C’est excellent. C’est décidé, je vais t’engager comme chef cuisinier ! Dis moi ton prix et il sera le mien. » Je ne suis guère surpris de sa réussite. Cassia et son petit côté cordon bleu font, comme à leurs habitudes, des merveilles. « Bon sinon comment ta journée, c'est elle passée ? Ta collègue casse-pied continue de t’embêter ou elle s’est trouvé un nouvel amusement, c’est-à-dire travailler ? » Je me suis toujours intéressé à mon amie. Ses passions m’intéresse tout autant que n’importe quel ami. C’est simple. J’aime la voir heureuse et épanouie. Malheureusement, depuis quelque temps, depuis qu’elle est avec Andrew surtout, ce n’est plus le cas. « De toute manière, elle ne peut pas rivaliser avec toi. » Qui le pourrait ? Certes, l’attirance existe. Cependant, le charme dépasse largement tous ces stéréotypes. « Surtout quand tu boudes ! » ajoutais-je d’un ton taquin.

J’aimais notre relation telle qu’elle était. Simple et sincère. Avec Cassia il n’y avait pas d’ambiguïté. De questionnement en tout genre et autres fioritures. Elle demeurait mon amie depuis tant d’années que l’idée même d’envisager autre chose était tout bonnement inenvisageable. Rompre une relation si forte… Non. Ce n’était pas ce que je désirais ni voulais. Je restais cet ami. Cette épaule sur qui se reposer dans les moments les plus douloureux et joyeux. Je me souviens encore de son doux sourire lorsqu’elle a réussi ses examens d’infirmière. Elle était si heureuse que même les rayons du soleil s’en réjouissaient. Ils caressaient son visage et l’enveloppaient dans un nuage de bonheur.

En venant trouver refuge chez Milo, je ne voulais surtout pas l’empêcher de continuer de vivre sa vie comme il en avait l’habitude. Je le connaissais bien mon meilleur ami, je savais qu’il était très convoité par la gente féminine et il ne se faisait jamais désirer longtemps pour passer une nuit avec une belle demoiselle. Mais encore une fois, Milo m’assure que j’étais sa priorité ce soir. Il n’avait qu’une seule parole. Cela, je le savais. J’en profite pour taquiner le jeune homme quant au fait que la femme qui venait de se présenter à sa porte semblait accroc à lui. Je ne peux m’empêcher de lever les yeux au ciel en entendant sa réponse. « Comme toujours, tu es toujours aussi humble... » Ironie bien entendu. Et surtout : taquinerie.

Nous passons rapidement à table et c’était agréable de pouvoir se retrouver autour d’un dîner en tête à tête. Je sers Milo avant de me servir à mon tour. Son commentaire me fait sourire de bon cœur. « Tu parles, il en faudrait beaucoup plus pour ruiner tes efforts... » Oui Milo est certes mon meilleur ami mais malgré tout je ne pouvais pas nier qu’il était très bel homme. « Mais je te remercie du compliment. Je suis contente que ça te plaise ». C’était le but après tout. Et tout en dînant, Milo me demande comment s’était passée ma journée tout en évoquant une collègue dont il m’était arrivé de me plaindre auparavant. « Ma journée s’est bien passée. Et pour ce qui est de ma collègue, non… En fait je l’ai à peine croisé aujourd’hui. » Et comme à son habitude, Milo tente de me remonter le moral et me complimente. Toujours sur un ton taquin. « Oui je sais, je peux être irrésistible... » Évidemment, je plaisantais. Ce n’était pas mon genre de me lancer des fleurs de la sorte. « Et toi, comment s’est passée ta journée ? » demandai-je à mon tour à Milo. J'étais moi aussi, curieuse et envieuse d'en savoir sur la journée qu'il avait pu passer. C'était une habitude, de se raconter respectivement nos journées, qu'elles soient bonnes ou au contraire mauvaises.

Le fin sourire que Cassie arbore ne me laisse pas insensible. Si j'étais l'un de ces hommes qui ne cessent de la courtiser, je serais déjà à genoux. Je comprends pourquoi certains de ses collègues la regardent différemment. À chaque fois que je lui glisse une illusion certaine, elle fait mine de ne pas savoir de quoi je parle : « Ce ne sont que des collègues ». De son côté peut-être, mais du leur, j'émet des doutes quant à la nature de la relation qu'ils souhaiteraient entretenir avec elle. « Évidemment que je suis humble. Tu en doutes encore après toutes ces années ? » glissais-je en continuant de savourer ses lasagnes. « Je te proposerai bien d'en emporter demain midi, mais malheureusement je pense qu'il n'en restera plus… » La gourmandise est un vilain défaut. Si tel est le cas, je plaide coupable. Je ne peux jamais résister à ses délicieux petits plats. Quand je pense que son imbécile d'Andrew peut en profiter à volonté… Quel gâchis. J'espère de tout cœur qu'elle va finir par le quitter.

Le récit de sa journée me dérobe un nouveau sourire, rappelant le doux parfum d'un souvenir partagé. Assis autour de la table, nous avions ri jusqu'à en avoir mal aux joues, partageant des anecdotes de nos premières années de travail ensemble. Je l'écoute attentivement, captivé par chaque détail, même si ces histoires de femme chamailleuse ne m'intéressent pas toujours. Le simple plaisir d'entendre le timbre de sa voix me suffit, et chaque moment partagé renforce notre complicité. « Oh tu sais… En ce qui me concerne, rien de passionnant ! Juste des imbéciles auxquels il faut rappeler les consignes de sécurité. » Cette médiocrité m'énerve. Si tout le monde agissait comme eux, il y aurait un incident aéronautique par jour. Ou pire encore. « Tu as prévu quelque chose pour ce week-end ? Enfin… Je veux dire que… » Un léger silence se creuse. Comment est-ce que je vais lui proposer ma petite idée sans qu'elle ait la fulgurante envie de me jeter par la fenêtre ? « … Tu peux rester ici le temps que tu veux, tu sais pertinemment que tu es la bienvenue chez moi ! Mais je me disais que… Pour t'aider à faire le grand saut. » Le grand saut… Pour l'aider à quitter son imbécile de conjoint, surtout. « Promis je ne te propose pas de sauter en parachute. » Je m'empresse aussitôt de la rassurer. Cassie et la hauteur, une grande histoire d'amour. « J'ai envie de t'emmener visiter le plus beau bureau qu'il puisse exister : le ciel. » Proposition osée, mais qui ne tente rien n'a rien, non ? Notre amitié solide se construit sur ces moments mémorables, empreints de complicité et de confiance, qui demeurent ancrés comme des étoiles scintillantes dans le firmament de nos souvenirs.

C’était agréable de partager un dîner serein avec Milo. Le moment était apaisant et très agréable. D’autant pus que mon meilleur ami semblait apprécier le plat que j’avais mijoté. « Je suis ravie que le plat te plaise. » dis-je un léger sourire aux lèvres. C’était le but recherché, c’était donc satisfaisant. Tout comme cela l’était de pouvoir raconté sa journée de travail en se sentant écouté et non jugé. Je retourne naturellement la question à Milo. Ce dernier reste vague concernant ses heures passées au travail. Mais malgré tout, selon ses dires, je pouvais deviner qu’il n’avait pas non plus passé la meilleure journée de l’année. « Je vois… J’espère que ta journée de demain sera meilleure alors... » Mais cela, personne ne pouvait le savoir à l’avance.

Milo me demande ensuite si j’avais prévu quelque chose pour ce week-end. Le jeune homme m’intrigue. Cela doit pouvoir se lire aisément sur mon visage d’ailleurs. Il précise que je pouvais rester chez lui le temps que je voulais et qu’il pouvait m’aider à faire le grand saut. Mon regard ne quitte pas le sien. Un sourire accroché à mes lèvres, je l’écoute avec attention et curiosité. Un léger rire provient de ma bouche quand il me promet de ne pas me proposer de sauter en parachute. « Merci, me voilà rassurée... » Mon meilleur ami sait à quel point ma phobie de la hauteur et surtout du vide m’angoisse. Milo me fait alors une proposition que l’on peut qualifier des plus originales. « Vraiment !? » Je suis surprise. Très surprise même. Agréablement surprise. Je comprends à quoi il fait allusion mais impossible de ne pas avoir du mal à y croire tant cela peut paraître tout simplement improbable. « Tu… tu es réellement en train de me proposer de t’accompagner pour un vol ? » demandai-je afin d’être à cent pour cent certaine. On pouvait entendre la surprise mais aussi l’excitation dans le ton de ma voix.

Mon souffle s'accélère, trahissant l'agitation qui m'envahit. Les battements de mon cœur résonnent dans le silence, une symphonie de nervosité à laquelle je ne peux échapper. « Oui… Enfin… » Mes lèvres, pincées avec une délicatesse fébrile, portent le poids d'une révélation émotionnelle, un moment où la vulnérabilité se dévoile, dévoilant des strates insoupçonnées de mon être.

L'atmosphère est saturée d'une tension palpable, un océan d'émotions qui déferle et me submerge. La relation entre la hauteur vertigineuse et Cassia devient le filigrane d'une passion complexe, entremêlée d'incertitudes et de désirs inexprimés. Chaque mot, chaque hésitation, s'imbibe de la nervosité qui enveloppe cette proposition, créant un moment suspendu où le monde extérieur semble s'estomper, laissant place à cette émotion brute.

Mes doigts, crispés sur le rebord de la table, traduisent l'ampleur du dilemme qui me taraude. Et puis, dans ce tourbillon émotionnel, une lueur d'idée émerge comme une étoile dans la nuit obscure. « Voici ce que je te propose : demain soir, après ton service. On s'évade vers l'aérodrome, un sanctuaire où nos émotions prendront leur envol. Promis, pas de loopings extravagantes. Ton petit cœur en subit bien trop avec ton cher et tendre Andrew. »

Cette proposition, bien plus qu'une simple invitation, se révèle être une surprise inattendue, une aventure planifiée dans les moindres détails pour créer un souvenir mémorable. Les détails s'épanouissent lentement, comme des pétales de rose dévoilant un trésor caché. Le scintillement complice dans mes yeux s'accentue à mesure que je développe l'intrigue de cette escapade, laissant transparaître la joie anticipée et l'excitation contagieuse.

La surprise se dessine comme une peinture complexe, mêlant le frisson de l'inconnu à la familiarité d'une complicité partagée. Le choix de l'aérodrome, lieu empreint de significations, devient le théâtre d'une expérience inoubliable, une métaphore en altitude de la croissance de notre relation. Les promesses voilées dans chaque mot révèlent une intention profonde, un élan spontané de l'âme.

J’espère de tout cœur que ce weekend loin de ses tracas quotidien lui permettra d’oublier, peut-être même définitivement, Andrew. Je veux lui prouver qu’un monde sans lui existe. Un monde où elle peut être libre.

La proposition de Milo m’intrigue au plus haut point. Tout comme son attitude d’ailleurs. Mon meilleur ami est un homme qui a toujours eu de l’assurance, qui a toujours eu confiance en lui et en ce qu’il faisait. Rare sont les moments où je l’ai vu douter. Pourtant, ce soir j’ai l’impression que c’est le cas. Je me demandais bien qu’elle en était la raison. Afin d’être certaine de comprendre réellement ce qu’il souhaitait je lui demande confirmation. Etait-il vraiment en train de me proposer de partager un vol avec lui ? Le jeune homme me confirme ce que je pense mais une fois encore de manière hésitante. Alors que j’allai lui demander si tout allait bien, Milo peaufine sa proposition. Une date, un lieu et une aventure à venir.

Encore une promesse de sa part concernant ma phobie du vide. Je souris. Encore. Décidément, Milo a toujours eu ce don pour me faire sourire et me réconforter en toutes circonstances. « C’est… une invitation peu banale… Mais c’est d’accord. » Je prends mon verre de vin pour en boire une petite gorgée. « Je trouve que c’est même une très bonne idée. J’ai déjà hâte d’être à demain soir... » avouai-je sans peine. C'était aussi l'occasion de découvrir son univers à lui de plus près. Milo me parlait beaucoup de son travail certes, mais là ce serait bien différent. Encore un moment en tête à tête à venir, je m'en réjouissait d'avance. Plus que la normale d'ailleurs.