Vingt-heures. C’est avec soulagement que je venais de refermer la porte de mon casier. Une geste symbolisant la fin de mon service. La journée avait été longue. J’avais enchaîné dix heures de travail ce jour. J’étais épuisée. J’avais aussi hâte de rentrer et de retrouver Milo. Cela faisait trois jours que nous étions revenus de ce week-end en tête à tête. Trois jours que nous nous étions embrassés. Malheureusement le retour à la vie quotidienne avait été assez brutal. Milo avait du quitter la ville pour un peu plus de vingt quatre heures à cause de son travail et à son retour j’avais enchaîné les grandes journées au travail. Et sur peu de temps que nous avions passé ensemble, aucun de nous deux n’avait osé reparlé de ce qu’il s’était passé entre nous lors de notre dernière nuit au chalet. Trois jours que mon esprit ne cessait de tergiverser sur ce qu’il s’était passé, sur ses baisers échangés. J’y avais longuement réfléchis et ce soir je voulait parler sérieusement avec mon meilleur ami. « Hey, ça y est la journée est terminée pour toi aussi ? »] Je suis sortie de mes pensées par Erin, une collègue. Je lui jette un bref coup d’œil en terminant d’enfiler ma veste « Oui, enfin. J’ai hâte de rentrer... » avouai-je à la jeune femme. « Oh moi aussi si tu savais… Mais avant de rentrer j’ai un rendez-vous. Et je compte bien rentrer assez vite chez moi si tu vois ce que je veux dire... » J’esquisse un léger sourire. On prend l’ascenseur ensemble et on traverse le hall d’entrée de l’immense bâtiment pour se rendre sur le parking. Erin me parle, mais je suis encore dans mes pensées. Me demandant bien comment j’allais pouvoir entamer la discussion avec Milo. L’heure tant attendue approchait à grand pas. « Oh chouette, il est venu me chercher ! » je sors à nouveau de mes pensées. Erin me donne un léger coup d’épaule « Je vais peut-être bien rentrer chez moi encore plus vite que prévu... » Je lève la tête. Et mon myocarde loupe quelques battements. Milo. Il était là-bas, au bout du parking. Etait-ce une vilaine plaisanterie ? C’était lui son rendez-vous de ce soir ? Soudainement, j’avais l’impression que mes jambes étaient devenues coton. Je ressentais un vif et douloureux pincement au cœur. « C’est avec Milo que tu passes la soirée !? » demandai-je surprise à Erin. Et tout au fond de moi, j’espérais que non. Que ce ne soit qu’un pur hasard qu’il soit là, à une dizaines de mètres de moi, de nous. « Oui. Il ne t’en as pas parlé ? Je croyais que vous étiez amis et que vous vous disiez tout ? » Apparemment pas. Je ne réponds pas à sa question. Je détourne le regard. J’arrête ma marche « Ma voiture est garée là-bas. Bonne soirée. » dis-je sans attendre une quelconque réponse. Fort heureusement ma voiture n’était pas garée à côté de celle d’Erin. J’avais donc une excellente excuse pour passer mon chemin et m’éloigner. Je n'avais qu'une envie, rentrer vite. Rentrer et m'apitoyer sur mon pauvre sort.

Trois jours auparavant, mes lèvres se liaient encore aux douces embrassades de Cassia, mais à présent, ce moment n'est plus qu'un délicat souvenir. Curieusement, nous avons soigneusement évité d'aborder cette expérience. À peine avais-je déposé mes valises que mon supérieur hiérarchique m'appelait, me demandant de remplacer un collègue malade sur un vol long-courrier. Sans une once d'hésitation, j'avais accepté cette opportunité providentielle. Peut-être était-ce une manière d'éviter une discussion potentiellement difficile, mais l'attrait des cieux était irrésistible. Retourner dans les airs, quelle joie exaltante ! Et de surcroît, j'avais entendu dire qu'une ravissante collègue, hôtesse de l'air, serait également de la partie. Comment aurais-je pu décliner une telle proposition ?

A bord du cockpit, mon copilote et moi-même échangeons quelques plaisanteries avant d’entamer notre phase d’atterrissage. « Alors, quel est ton programme pour ce soir ? Tu vas retrouver ta compagne de la soirée ? » me demande-t-il en désignant du regard notre fameuse collègue. « Tu es en retard d'un vol ! C'était hier soir ! » répliquais-je, amusé par la situation. « Non, ce soir, j'ai un rendez-vous avec quelqu'un d'autre ! » sans dévoiler l'identité de la personne, il poursuit : « Ah, ton infimière, comment s'appelle-t-elle déjà ? Karen ? Cassandra ? Ah, c'est Cassia, n'est-ce pas ? » demande-t-il en cherchant encore le prénom de mon amie. Un léger sourire amusé reste accroché à mes lèvres. « Non, pas ce soir. Même si, je dois avouer que j'aimerais bien. Mais avant ça, il faut absolument que je lui parle ! » Son sourire compréhensif et taquin ne passe pas inaperçu. « Le jour où tu cesseras de charmer ces dames, nous en reparlerons ! » ajoute-t-il, alors que nous entamons notre procédure d'atterrissage.

L’atterrissage sur le tarmac se déroule sans accroc, aucun incident n’est à déplorer. Les passagers descendent de l'avion, suivis par les membres de l’équipage. Sur le parking de l’aéroport, il me lance une dernière boutade : « Hé, si jamais tu te retrouves pris entre deux feux, n'oublie pas que j'ai toujours un canapé qui t’attend ! » crie-t-il alors qu'il monte dans sa voiture. Un sourire amusé illumine mon visage tandis que je me hâte d'aller retrouver Erin, comme convenu. 

Je l'attends sur le parking, adossé sur la portière de ma voiture.  En entendant l'écho de sa voix, un large sourire égaye mon visage. Nos lèvres s’éprennent l’une de l’autre, puis nous montons en voiture. La soirée que nous partageons se déroule, comme prévu. Le plaisir charnel que nous vivons me satisfait au plus haut point. Nous ne nous sommes pas vu depuis plusieurs jours, nos corps se sont manqués si fortement qu’ils trahissent les moindres pensées. Nos lèvres s'attirent irrésistiblement l'une vers l'autre, scellant un désir ardent alors que nous montons dans la voiture. La soirée que nous partageons se déroule avec une intensité prévue. Chaque étreinte, chaque caresse, chaque souffle échangé résonne d'une passion brûlante. Le plaisir charnel qui nous consume me comble au-delà de toute attente. Après plusieurs jours de séparation, nos corps s'entrelacent avec une urgence insatiable, révélant le manque intense et la soif inassouvie qui nous hantent. Chaque sensation, chaque mouvement trahit la profondeur de nos désirs les plus secrets.

Plusieurs heures s'écoulent avant que je ne rentre chez moi, empreint de la nécessité de préserver le sommeil paisible de Cassia. Avec une précaution extrême, j'entrouvre la porte, évitant tout bruit superflu qui pourrait troubler son repos. Dans un silence de cathédrale, je me glisse furtivement dans la cuisine, assoiffé et soucieux de ne pas perturber le calme ambiant.

J’avais vite changer de direction afin de retrouver ma voiture. Il n’était pas question que j’assiste à une quelconque marque d’affection entre Milo et Erin. J’avais encore du mal à croire ce que je venais de voir. J’avais l’impression que mes jambes allaient se dérober, mon cœur battait anormalement vite. Je pouvais sentir mes yeux s’humidifier légèrement. Je prenais sur moi, il n’était pas question que je me laisse autant affecté par tout ceci. Même si tout cela me touchait énormément, j’avais ma fierté. Sans oser me retourner, je monte dans ma voiture pour prendre la route afin de rentrer. Sans aucune surprise, quand je rentre chez Milo je suis seule. Je pose mes affaires dans l’entrée avant de venir m’écrouler de fatigue et de chagrin dans le canapé. La vision de Milo entrain d’embrasser Erin m’écœurait au plus haut point. L’appétit coupé par cette peine immense que je ressentais tout au fond de moi, je décide d’aller prendre une douche.

Les heures qui passèrent furent sans doute les plus longues de toute ma vie. Je tournais en rond dans l’appartement. Je ne cessais d’imaginer Milo et Erin ensemble, sans aucun doute entrain de partager un moment des plus charnel. J’étais extrêmement peinée mais aussi en colère. Pourquoi Milo m’avait-il embrassé lors de notre week-end si c’était pour ensuite reprendre ces habitudes volage ? Et pourquoi m’avait-il proposer d’emménager ici ? Se jouer de moi ne lui ressemblait absolument pas. J’étais complètement perdue. Épuisée de ma journée, je ne trouvais pas le sommeil. Je m’étais installée sur le canapé. Hors de question de dormir dans le lit. Il ne manquerait plus que je puisse sentir l’insupportable fragrance d’Erin sur Milo quand il rentrerait. Il est tard. La porte d’entrée finit par s’ouvrir. Milo prend une extrême précaution à rentrer sans faire de bruit, pensant sans nul doute que je dormais déjà profondément à cette heure-ci. Je me redresse légèrement, l’observant se diriger à pas de loup dans la cuisine. J’allume la petite lampe du salon. Prévenant ainsi Milo que j’étais éveillée. « Tu as passé une bonne soirée ? » demandai-je alors au jeune homme en l’observant de loin. Je décide de me lever, venant m’appuyer contre l’encadrement de la cuisine ouverte. « J’espère qu’Erin va bien. En tout cas, sache qu’elle était vraiment très heureuse de passer la soirée avec toi…. Mais ça, je pense que tu t’en ai rendu compte par toi même. » Ma voix était étrangement calme et posée. Pourtant, mon myocarde battait anormalement fort et je sentais que mes muscles étaient anormalement tendus eux aussi.

La tranquillité de la soirée est brusquement interrompue lorsque la douce lumière du guéridon du salon se fait brutalement intrusive, rompant le voile de pénombre qui enveloppait jusqu'alors l'espace. Dos à cette lumière soudaine, je capte une nuance dans la voix de Cassia qui n'avait rien d'habituel. Son interrogation sur la qualité de ma soirée me prend au dépourvu, tout comme la mention inattendue d'Erin. Mon esprit s'embrouille, tiraillé entre confusion et appréhension. Les pièces du puzzle commencent à s'assembler lorsque Cassia apporte des précisions, dissipant le flou de mes suppositions.

Je dépose mon verre d'eau sur la table, avec une délibération presque théâtrale, marquant une pause dans le temps avant de me résoudre à affronter la réalité de la situation. Lentement, je me retourne, me calant contre l’évier, mon regard finalement posé sur Cassia. Un soupir s'échappe de mes lèvres, tandis qu'un frisson inconfortable me traverse. La mention d'Erin, cette idée qu'elle ait pu suggérer une rencontre entre nous ce soir en plaisantant, soulève un tumulte d'émotions et d'interrogations. Pourquoi évoquer une telle rencontre ? Quel jeu se joue ici, à l'insu de mon plein gré ? La tension dans l'air est palpable, et je me retrouve à naviguer dans les eaux troubles de la perplexité et du malaise, cherchant désespérément à comprendre le fil des événements qui a conduit à cet instant critique. « Qu'est-ce qu'il se passe ? Un problème ? » L'interrogation glisse entre nous, emplie d'une tension palpable, alors que je fixe Cassia, son expression crispée trahissant une tempête intérieure prête à éclater. Son regard, ourlé d'une intensité inhabituelle, semble osciller entre la colère et une déception profonde. Est-ce le souvenir de mes échappées passagères avec Erin qui la hante ? Ou bien les échos de nos baisers, volés dans l'intimité d'un week-end suspendu hors du temps, qui résonnent douloureusement entre nous ?

« Bon… Dis-moi ce que tu as sur le cœur, Cassia. » Ces mots, prononcés avec une fermeté teintée d'appréhension, marquent mon impatience et ma crainte face à la révélation imminente. Une part de moi redoute sa réponse, anticipant une onde de choc qui pourrait tout bouleverser. Cassia a toujours accueilli d'un œil neutre mes aventures passagères, jamais elle n'a semblé ébranlée par mes flirts éphémères avec d'autres. Pourquoi, alors, cet air de tempête sur son visage maintenant ?

La question de son comportement inédit me hante. Ce n'est pas la première fois que mes relations avec d'autres femmes s'entremêlent à notre amitié, et jamais cela n'avait semé de discorde entre nous. Qu'est-ce qui a changé ? Serait-ce l'ombre d'Andrew qui plane sur nous, ou quelque chose de bien plus profond, un sentiment longtemps enfoui qui cherche enfin à se frayer un chemin à la surface ?

Dans cet instant suspendu, je me tiens prêt, à affronter la tempête, à naviguer à travers les révélations qui pourraient redéfinir les contours de notre relation. Il y a, dans l'air lourd de non-dits, une vérité qui attend d'être dévoilée, une vérité qui pourrait soit nous rapprocher, soit creuser un gouffre infranchissable entre nous. La tension est à son comble, chaque battement de cœur résonnant comme le tic-tac d'une horloge annonçant un changement irréversible.

Milo venait tout juste de rentrer. Rapidement, je décide de lui montrer que je ne dormais pas et qu’il était donc inutile de faire attention au moindre de ses faits et gestes afin de ne faire aucun bruit. Je n’avais pas non plus résister à l’envie de me lever après lui avoir demandé si il avait passé une bonne soirée. Avais-je réellement envie de savoir ? A vrai dire, non. C’était remué le couteau dans la plaie, clairement.  Milo ne répond pas à ma question concernant le bon déroulement de sa soirée. Il me connaît. Il sait. Il sait que quelque chose ne va pas.  Mon regard ne quitte pas mon meilleur ami. Le temps des explications étaient venues. Mais pourtant je peinais à trouver mes mots. Par où commencé ? Avais-je réellement le droit de lui en vouloir ? Finalement, Milo me pousse à dire ce que j’avais sur le cœur. « Je suis un peu perdue Milo. » finis-je par avouer. Le ton de ma voix était neutre. J’essayais du moins, ce n’était pas facile. « On a passé un merveilleux week-end. Tu m’as embrassé, on s’est embrassé… Il s’en est même fallut de peu pour qu’on aille encore plus loin. Et ce soir, j’ai appris par le plus grand des hasard que tu sortais avec Erin... » Oui c’était l’incompréhension totale. « Je vous ai vu tout à l'heure, sur le parking. » précisai-je pour combler les question sue Milo devait sans doute se poser. Et ce qui était d’autant plus frustrant c’est que pendant notre escapade idyllique, mon meilleur ami avait mentionné la jeune infirmière. S’était-il joué de moi ? Je n’avais pas envie de passer pour une femme jalouse. Surtout avec ce que je subissais de mon côté avec Andrew. Il n’en était pas question. Je passe une main dans mes cheveux. « Je ne te reproche rien. J’aimerai simplement comprendre... » Ma demande semblait si simple en apparence. Mais quelque chose me disait que les explications elles, ne le seraient pas forcément.

La confession de Cassia, dévoilant ses inquiétudes et ses peurs, m'accule dans un coin de ma conscience où je ne peux plus esquiver la vérité. Loin de l'affrontement que je redoutais, sa démarche est empreinte d'une sérénité qui me désarme complètement. Sa voix, calme et posée, traverse l'espace entre nous, portant une requête simple mais chargée d'émotion : elle réclame des éclaircissements sur notre situation embrouillée. Que puis-je lui offrir en retour ? Comment lui exprimer que la voir ainsi tourmentée m'affecte bien plus profondément qu'elle ne pourrait l'imaginer ?

Lorsqu'elle évoque le moment où elle nous a aperçus sur le parking, un déclic se fait en moi. Tout à coup, le commentaire d'Erin à propos de Cassia prend tout son sens, éclairant sous un jour nouveau les malentendus qui nous entourent. Mais une question me brûle les lèvres : pourquoi Erin a-t-elle jugé bon de laisser entendre que Cassia et moi entretenions une relation au-delà de l'amitié ? Quelles étaient ses intentions en tissant ce récit ?
Face à Cassia, je me trouve à un carrefour d'émotions et de décisions. Dois-je lui avouer que la perspective de la blesser, de la voir désemparée à cause d'une situation que je n'ai pas su éclaircir, me tourmente ? Comment lui expliquer que mon cœur se serre à l'idée qu'un malentendu puisse nous éloigner, que son bien-être est devenu, sans que je ne m'en rende pleinement compte, une de mes priorités absolues ?

Dans cet instant de vulnérabilité partagée, il devient évident que la transparence et l'honnêteté seront nos seuls alliés. C'est le moment de dénouer les fils de nos malentendus, afin que les ombres de doutes se dissipent enfin. Cassia mérite des réponses, et c'est mon devoir de les lui fournir, de lui montrer que, malgré les apparences, notre lien dépasse les simples apparences et les quiproquos suscités par les interventions extérieures. « Je ne sais pas exactement ce qu'Erin a pu te dire, mais la vérité, c'est que nous ne sommes pas en couple. Oui, il m'arrive de la voir de temps en temps, mais c'est sporadique, rien de constant. » Je marque une pause, cherchant à mesurer l'impact de mes mots. « Pour être clair, notre relation se limite à quelques rencontres passagères. Des moments partagés sans promesses ni engagements. À mes yeux, cela n'a jamais rien eu de sérieux. » Ces aveux, bien que difficiles à formuler, sont nécessaires. Ils sont l'expression d'une volonté de transparence, un effort pour dissiper les malentendus qui pourraient obscurcir l'eau entre nous. Je ressens le besoin impérieux de clarifier ces points, non seulement pour rétablir une vérité déformée, mais aussi pour souligner la distinction entre ces éphémères distractions et la profondeur de ce que je ressens pour Cassia.
Dans cet aveu, il y a une reconnaissance tacite de la légèreté avec laquelle j'ai abordé mes interactions avec Erin, contrastant radicalement avec la complexité et l'intensité des émotions que Cassia éveille en moi. C'est une tentative de mettre en lumière la singularité de notre relation, soulignant que ce que nous avons partagé transcende de loin les liaisons fugaces que j'ai pu connaître.

Un soupir s'échappe de mes lèvres, charge émotionnelle qui me guide inévitablement vers Cassia. La distance qui nous sépare se réduit alors que je m'avance vers elle, porté par un besoin impérieux de clarifier les tourments qui agitent mon esprit. « Tu te demandes peut-être pourquoi je t'ai embrassée ce week-end ? Je dois avouer que je navigue moi-même en plein brouillard depuis. Ce que je ressens est complexe, difficile à déchiffrer. Ce qui est certain, c'est que le contact de tes lèvres a éveillé en moi quelque chose d'inattendu, un sentiment loin de l'indifférence. » Je marque une pause, le temps de capter son regard, de m'assurer que chaque mot atteint sa cible. Doucement, je soulève son visage vers le mien, réduisant encore l'espace entre nous. Notre différence de taille, loin d'être un obstacle, est l'un de ces détails qui m'enchante, qui ajoute à l'attrait que j'éprouve pour elle, une singularité qui enrichit notre connexion.

Avec une vulnérabilité que je peine à contenir, je pose la question qui brûle au fond de moi : « Si les circonstances étaient différentes, sans Andrew dans le tableau, sans mes propres errances... Crois-tu qu'il pourrait exister un nous ? » Mon regard plonge dans le sien, cherchant une étincelle, un signe, quelque chose qui pourrait indiquer la possibilité d'un avenir commun. Cette question, lourde de conséquences, est un pont jeté entre nos cœurs, une invitation à explorer ensemble les chemins que nous n'avons jusqu'alors parcourus qu'en rêve.

L’incompréhension était la plus totale. Milo m’incite à parler, à dire ce que j’avais sur le cœur. C’était sans doute la meilleure des choses à faire. Et puis, tous les deux, nous nous étions toujours tout dit. Pourquoi cela changerait ? Alors je me lance. J’avoue mon incompréhension, j’évoque la découverte que j’avais fait malgré moi tout à l’heure sur le parking de l’hôpital. Milo décide dans un premier temps d’éclaircir la situation sur sa relation avec Erin. Il me confirme ne pas être en couple avec la jeune infirmière. Il me confirme également de la voir de temps en temps. Cette réponse me rassure tant elle me ronge de l’intérieur. Si cela n’est pas sérieux, alors pourquoi continuer de la voir, pourquoi ne pas se contenter… de moi. Cette interrogation me laissait penser que ce qui s’tait passé entre nous ce week-end était sans doute regretté par Milo. Je ne voyais pas d’autres explications.

Milo s’avance vers moi, réduisant alors la distance qui nous séparait. Et quand il met en avant le fait que je me demandais certainement pour quelle raison il m’avait embrassé ce week-end,c’est comme si il lisait en moi. Je hoche légèrement la tête de haut en bas pour répondre positivement à sa question. Et l’explication tant attendue arrive. C’est en écoutant mon meilleur ami avec la plus grande des attention que je me rend compte qu’il est aussi perdu que moi. Quand il évoque des sentiments inattendu et complexe qui ne l’avait pas laissé indifférent, je réponds un vague « Ce sont des sentiments partagés. » Malgré tout, cette réponse ne satisfait pas entièrement mes interrogations, elles n’apaisent pas non plus mes craintes. Mon regard se plonge dans le sien. Mes yeux, sans doute marqués par la fatigue, doivent émaner de l’incompréhension mêlée à de l’inquiétude.  Milo me demande ensuite d’imaginer un monde, d’imaginer un monde sans Andrew, sans ses nombreuses conquêtes éphémères. Un monde où, une histoire commune serait de mise. « Si les circonstances étaient différentes, oui. Oui je pense qu’il pourrait exister un nous. » J’étais sincère. « Mais à l’heure actuelle, les circonstances ne sont pas différentes, n’est-ce pas ? » Ce détail traduisait l’impasse dans laquelle nous étions. De mon côté, je n’avais pas mis les choses au clair encore avec Andrew. Et Milo, lui, bien qu’il m’est avoué que ces baisers échangés ne l’avaient pas laissé indifférent, ne savait pas vraiment où il en était.

« Je vais te parler avec la plus grande franchise, Cassia… L'idée de m'engager dans une relation qui pourrait être compromise par mes erreurs passées me pèse lourdement. Ce n'est pas le type de relation que je souhaite, surtout pas avec toi. La dernière chose que je désire, c'est de te causer de la peine par pure égoïsme. » Prenant une profonde inspiration, je rassemble mes pensées avant de poursuivre. « Le baiser que nous avons partagé était spécial pour moi, et si je suivais simplement mon cœur, je ne cesserais de t'embrasser. Cependant, je refuse de te plonger dans le malheur pour assouvir mes propres désirs. Peut-être que, pour l'instant, il serait sage de nous donner un peu de temps ? » Ces mots prononcés, je saisis une pomme et mords dedans, espérant alléger l'intensité de notre conversation. Ce geste simple est une tentative de briser la tension, de ramener un semblant de normalité dans l'ouragan émotionnel que nous traversons. Mon intention n'est pas de nous éloigner par facilité, mais de protéger ce qui nous lie, de préserver l'amitié précieuse qui nous unit, tout en nous accordant le temps de réfléchir à ce que l'avenir pourrait nous réserver. C'est un choix difficile, dicté par l'honnêteté et le désir de faire ce qui est juste, non seulement pour moi, mais surtout pour Cassia. « Je ne peux pas te promettre de changer du jour au lendemain. Ni de devenir l’homme parfait que tu mérites en un claquement de doigt. Je peux simplement te dire que je suis tout autant perdu que toi. »

Puis, je me lance dans un exercice inhabituel, entamant le décompte sur les doigts d'une main, puis sur ceux de l'autre, du nombre de fois où j'ai vu Erin. Ce geste mécanique se transforme bientôt en révélation, alors que les chiffres s'accumulent, surpassant de loin le nombre de rencontres que j'ai eues avec d'autres personnes. Cette prise de conscience me laisse perplexe, me forçant à m'interroger sur la nature de ma relation avec Erin. Pourquoi, en effet, nos chemins se sont-ils croisés si fréquemment ? Qu'est-ce qui la distingue des autres, pour que, sans même m'en rendre compte, je lui accorde plus de temps et d'attention ? Est-ce la facilité de sa compagnie, une certaine résonance entre nos personnalités, ou peut-être quelque chose de plus profond, un lien que je n'avais jusqu'alors pas envisagé ou voulu admettre ? Cette introspection, bien que déroutante, est nécessaire. Elle m'oblige à regarder au-delà de la surface, à questionner non seulement mes actions, mais aussi mes motivations. Qu'a-t-elle de plus, Erin, pour capturer ainsi mon attention et, peut-être, une part de mes sentiments ? Ce questionnement, loin d'être anodin, soulève des interrogations plus larges sur mes relations en général et sur ce que je cherche réellement chez quelqu'un.

Ce moment de comptabilité émotionnelle est un pas vers une compréhension plus profonde de moi-même et de mes désirs. Il met en lumière des aspects de mes interactions que j'avais peut-être ignorés ou minimisés, m'invitant à réfléchir plus sérieusement à la qualité de mes relations et à l'importance que j'accorde, consciemment ou non, à certaines personnes dans ma vie.

Avec des « si » on pourrait refaire le monde. Là encore, nous en avions la preuve. Si les circonstances étaient différents, Milo et moi aurions sans doute passer un cap. Ensemble, tous les deux. Mais ces circonstances jadis citées n’étaient pas différentes. Cela impliquait donc un statu quo. Milo se montre honnête avec moi. Comme il l’a toujours été. Je l’écoute donc attentivement. Il appréhendais qu’une éventuelle relation entre nous soit compromise par ses erreurs passées, pas sens envies volages. Milo ne souhaitait aucunement me faire de la peine. Je reconnaissais bien là mon meilleur ami. Toutefois, cet aveu me provoque un léger pincement au cœur. Milo propose alors, par sagesse, de se sonner un peu de temps. « Oui ce serait sans doute plus sage. » J’avais conscience que si le pilote de ligne agissait ainsi c’était pour me préserver. Sauf que le simple fait de savoir qu’il fréquentait, même de manière non officielle, d’autres femmes telle que ma collègue m’insupportait au plus haut point. Ces femmes, je les enviais. Milo finit par attraper une pomme et croque dans le fruit. Est-ce que cette conversation avait apaisé la situation ? Est-ce que ces aveux avaient apaisé mes craintes et pansé mes maux ? Non. Milo ajoute qu’il ne pouvais pas me promettre de changer du jour au lendemain, ni de devenir l’homme parfait. Il était simplement perdu, tout comme moi. « Je le sais Milo. Et rassures toi, je ne te demande rien, surtout pas de changer...» Non, car je n’avais pas pour objectif de le changer. Milo je l’avais toujours connu ainsi, et si je ne l’aimais pas tel qu’il était, il y a bien longtemps que je ne serais plus son amie.

Un léger silence s’installe. Je passe une main dans mes cheveux, puis vient doucement frotter mon visage avec mes mains. Un léger soupire émane de ma bouche. « Il est tard. Très tard même… Je ferais mieux d’aller dormir, je commence tôt demain. » L'envie de venir à lui pour déposer ne serait-ce qu'un doux baiser habituel sur la joue était présente. Mais étrangement, quelque chose m'en empêchait. Sans doute la crainte de sentir ne serait-ce qu'une once du parfum d'Erin qu'il venait tout juste de quitter. « Fais de jolis rêves. » dis-je en lui lançant un très léger sourire avant de tourner talons et de retrouver le canapé du salon. Il sera mon compagnon pour cette nuit.

L'incertitude plane autour de nous, telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus de notre tête, à mesure que nous naviguons à travers cette conversation aux enjeux invisibles. Ni elle ni moi ne pouvons prédire où nos échanges nous emmèneront, ni quel impact ils pourraient avoir sur le tissu délicat de notre relation. Cassia, cherchant peut-être à mettre une distance physique entre nous, se dirige vers le canapé du salon. Un soupir m'échappe, témoignage silencieux de mon agitation intérieure, alors que je la suis.

Sans demander son avis, guidé par une impulsion protectrice, je la soulève délicatement entre mes bras, la transportant vers le lit. Mon geste n'est pas une invitation à partager plus que ce moment de tendresse ; il est plutôt le reflet de mon désir de la voir confortablement installée, de veiller sur elle. « Si par de jolis rêves, tu entends rêver de toi… » Ces mots s'envolent de mes lèvres, doux murmure dans la quiétude de la pièce, tandis que je dépose un baiser sur son front, renouant avec une tradition familière entre nous, un geste chargé de tendresse et de soin mutuel.

Ce petit rituel, simple mais empreint de signification, est une ancre dans le tourbillon des émotions et des incertitudes qui nous entourent. Il symbolise la continuité au sein du changement, une constance dans notre interaction qui, malgré les turbulences, reste inchangée. C'est ma manière de lui dire, sans mots, que quelles que soient les tempêtes que nous pourrions affronter, ma préoccupation pour son bien-être reste une priorité, un phare dans la nuit, guidant notre amitié à travers les eaux parfois troubles de la vie.

Je m'éclipse silencieusement de la chambre, laissant Cassia enveloppée dans le confort du lit, pour trouver refuge sur le canapé. Là, dans l'obscurité paisible du salon, le sommeil se fait désirer, esquivant chaque tentative de fermeture d'yeux. Dans l'agitation de mes pensées, mon esprit se lance dans une danse hésitante, oscillant sans cesse entre Cassia et Erin. Les souvenirs et les questionnements s'entremêlent, tissant un labyrinthe complexe d'émotions et de réflexions. Malgré la tempête intérieure, l'épuisement finit par l'emporter, m'entraînant dans un sommeil non conscient, où les images de Cassia et d'Erin se succèdent en rêves flous.

À l'aube, dans un effort de discrétion, je me glisse hors du canapé pour prendre une douche, prenant soin de ne pas troubler le sommeil réparateur de Cassia. Mon esprit, encore embrumé par les vestiges de la nuit agitée, est cependant clair sur une chose : je tiens à laisser une note de douceur pour son réveil. Avant de quitter l'appartement, je prends le temps de lui préparer son petit-déjeuner, un geste simple mais empreint d'affection, un moyen de prolonger ma présence même en mon absence. Sur la table, je dépose un mot, « J’ai rêvé de toi. », confession éphémère de la nuit passée, avant de me diriger rapidement vers l'aéroport.

Ce départ précipité, bien que nécessaire, est teinté d'un sentiment de regret pour les moments non partagés, pour les conversations en suspens. Ce mot laissé derrière moi est un fil tenu, un pont entre nos mondes séparés, un espoir que, malgré la distance et les obligations, le lien qui nous unit reste intact, vibrant au rythme des pensées et des rêves partagés.

Apparemment nous étions dans une impasse. Une déchirante impasse. Car même si les mots de Milo étaient censés me rassurer, ils n’avaient pas eu l’effet souhaité. Doucement, sûrement mais surtout douloureusement je comprenais qu’un potentiel avenir commun ne serait pas possible dans l’immédiat. Je commençais même à songer que jusqu’à maintenant je faisais erreur et qu’un potentiel avenir ensemble ne serait pas possible, ni maintenant, ni jamais. Et, au plus profond de mon être, cette perspectif m’effrayait. Mon corps commençait à me rappeler qu’il était temps à présent d’aller me reposer. Sans compter qu’une énième longue journée m’attendait demain. Alors, comme à mon habitude je souhaite une belle nuit à mon meilleur ami. Je me dirige vers le canapé du salon, là où je passerai la nuit. Mais soudainement je sens mes jambes quitter le sol. « Milo... » tentai-je de protester en voyant exactement où il m’emmenait. Mais c’était peine perdue. C’est qu’il était obstiné, mon meilleur ami. Et comme si de rien n’était, il prononce quelques mots délicats à mon attention avant de déposer un baiser sur mon front, renouant ainsi immédiatement avec nos coutumes. Je me retrouve ainsi seule dans la chambre. Bien qu’épuisée tant physiquement que émotionnellement, je peine malgré tout à trouver le sommeil rapidement. Mon esprit lui semblait encore en forme olympique et se faisait un malin plaisir à me torturer un bon petit moment avant de se décider enfin, à me laisser rejoindre les doux bras de Morphée.

Le bruit strident du réveil me sort de mon sommeil. Je ne perds pas une seconde et éteins mon téléphone, objet du délit. Après une rapide douche et un habillage éclair je me dirige à la cuisine. Je trouve le petit mot laissé par Milo, tout comme le petit déjeuner qui m’était destiné. Oubliant presque notre discussion de la veille, j’envoie un message à Milo pour le remercier. Même s’il était absent, il réussissait à égayer le début de ma journée.

Début de soirée paisible. J’étais rentrée du travail et Milo aussi. Un moment serein entre nous. Nous venions de partager un verre de vin avant de se décider à commander quelque chose à dîner. La soirée était prometteuse. Mais cet agréable moment fut interrompu par le bruit de la sonnette de la porte d’entrée. Milo étant dans la chambre, je me dirige naturellement vers la porte pour ouvrir cette dernière. Erin. Je suis surprise. Que faisait-elle ici ? « Oh salut Cassia, tu vis encore ici ? Décidément... » Je suis perplexe face à cette remarque. « Salut... » Je reste quelque peu stoïque face à elle. Et très honnêtement, je sentais ma tension augmenter à chaque seconde. « Je peux entrer ? Milo est là si je ne me trompe pas... » Et sur ces mots, elle pénètre sans gêne dans l'appartement, cherchant du regard son objet de convoitise.

Aujourd'hui, ma journée se limite à être de garde, une situation pour laquelle je ressens un soulagement profond. La perspective de prendre les commandes d'un avion, avec le poids de la conversation de la veille encore ancré dans mon esprit, me semble insurmontable. Les mots échangés avec Cassia tournent en boucle dans ma tête, une rengaine incessante qui capte toute mon attention. Pour compliquer davantage les choses, les messages d'Erin s'infiltrent sans cesse dans mes pensées, perturbant ma quiétude. Elle s'enquiert de ma disponibilité pour la soirée, mais la réponse est un non catégorique. Je ne me sens pas prêt à la rencontrer, sauf pour mettre les choses au clair. J'espère que le message que je lui ai envoyé transmet mon intention sans ambigüité.

La dernière chose dont j'ai envie est de passer du temps en sa compagnie, à moins qu'il ne s'agisse de démêler le nœud de malentendus qu'elle a pu créer. Qu'a-t-elle bien pu dire à Cassia pour semer de telles vagues ? Dans le contexte tendu de l'hôpital, il est vrai que les tensions peuvent mener à des excès, mais de là à fabriquer des histoires, c'est un pas que je peine à comprendre. Mon esprit est en ébullition, tiraillé entre le désir de clarification et l'appréhension de ce que ces explications pourraient révéler.

Dans cette tourmente intérieure, je me retrouve à espérer une accalmie, un moment de paix où les choses pourraient s'éclaircir. La confusion engendrée par les agissements d'Erin me pousse à une réflexion plus profonde sur les relations que j'entretiens et sur l'impact qu'elles peuvent avoir sur mon entourage. Ce soir, je choisis de m'isoler avec Cassia, de prendre du recul, dans l'espoir que le temps et l'espace me permettront de trouver les mots justes pour affronter les conséquences de ces interactions embrouillées.

La soirée s'annonçait paisible, un moment de retrouvailles avec Cassia que j'attendais avec impatience. L'ambiance détendue que j'espérais instaurer en ouvrant une bouteille de vin se trouve brusquement interrompue par le son inattendu de la sonnette de mon appartement. Absorbé par quelques rangements dans la chambre, je laisse Cassia s'aventurer vers la porte, confiant dans la routine de notre soirée. Pourtant, l'écho d'une voix inconnue parvient jusqu'à moi, suscitant une curiosité mêlée d'appréhension. Sans attendre, je me hâte de rejoindre le salon, le cœur serré par l'anticipation.

La réalité dépasse mes craintes les plus vives. Erin se tient là, dans l'entrée de mon appartement, comme si notre échange précédent n'avait jamais eu lieu. Mon agacement face à cette intrusion inopportune frôle le point de rupture. Comment ose-t-elle ignorer mes mots, ma demande explicite de ne pas venir ce soir ? La frustration bouillonne en moi, menaçant de submerger toute courtoisie. « Erin ?! Mais qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai déjà dit que ce soir je n'étais pas disponible et puis… » Les mots meurent sur mes lèvres, la prise de conscience brutale que ce n'est ni le moment ni le lieu pour déballer ce sac de nœuds. Je dois gérer cette situation délicate avec tact, loin des oreilles de Cassia.

D'un geste, je signale à Erin ma volonté de parler en privé, de mettre les choses au clair loin du seuil de mon appartement. « Tu m'excuses un instant, Cassia, s'il te plaît. » Ma voix, bien que calme, porte l'urgence de la situation, la nécessité de clarifier ce malentendu sans impliquer davantage Cassia. C'est avec une résolution teintée de regret que je guide Erin à l'extérieur pour une conversation qui, je l'espère, dissipera les tensions et remettra les pendules à l'heure. Dans cet échange imminent, je cherche non seulement à protéger la sérénité de ma soirée avec Cassia, mais aussi à affirmer mes limites, à restaurer un semblant d'ordre dans le chaos que cette apparition inattendue a engendré.

Sur le palier, théâtre récent de tant de rebondissements, tant avec Andrew qu'avec elle, je me retrouve une fois de plus au cœur d'une scène inattendue. À peine la porte franchie, Erin tente un geste audacieux, cherchant à m'embrasser, mais je la repousse fermement. Ce n'est ni le lieu ni l'instant appropriés pour de tels échanges. Je l'interroge directement, exigeant des explications claires sur ses paroles à Cassia, mais à mesure qu'elle tente de se justifier, je sens mon regard se durcir, traduisant une irritation croissante face à ses arguments qui me semblent insuffisants.

Notre confrontation, bien que tendue, se termine par un adieu poli, marquant le départ d'Erin. L'air du palier semble s'alourdir un instant de toute la complexité de nos interactions avant de retrouver son calme habituel.

Lorsque je reviens dans l'appartement, mon attention se focalise immédiatement sur Cassia. « Je suis désolé, je lui ai dit que je n'étais pas libre ce soir et… » Les mots se suspendent dans l'air, laissant en suspens l'incohérence de la situation. Comment Erin a-t-elle pu ignorer ma position si clairement exprimée ? Son irruption impromptue pose un voile d'incertitude sur la soirée. Je cherche à retrouver le regard de Cassia, espérant y déceler sa réaction, sa compréhension, peut-être son pardon. Ce moment imprévu a imposé une pause dans notre intimité, une interruption que je n'avais ni souhaitée ni anticipée. Il est crucial pour moi de lui montrer que ma priorité reste notre relation, notre moment partagé, malgré les interférences extérieures.

Cette soirée paisible venait d’être brutalement interrompue par l’arrivée inattendue d’Erin. Cette dernière, apparemment surprise de me voir ici, encore, venait de pénétrer dans l’appartement de mon meilleur ami. Le tout avec une aisance des plus déconcertantes. La voir ici ravivait cette douleur aiguë que je pouvais ressentir tout au fond de moi. J’avais très mal supporté la voir avec Milo, la veille, sur le parking de l’hôpital. Et ce soir, elle était là, chez lui. Est-ce que sa venue était programmée ? Milo ne m’en avait pas parlé. Et puis si cela était le cas, il n’aurait pas accepté que l’on se commande quelque chose pour dîner ici tranquillement tous les deux. J’étais si perplexe par sa présence ici, qu’aucun mot ne sortaient de ma bouche. Fort heureusement, Milo arrive dans l’entrée de l’appartement. Mon meilleur ami semble aussi surpris que moi de constater qu’Erin se trouve en ces lieux. Des quelques mots échangés, je comprends que les deux protagonistes avaient été en contact dans la journée. Toutefois, aucun rendez-vous n’avais été confirmé. Milo finit par s’interrompre, me demande de l’excuser. D’un léger signe de tête j’accepte. Alors qu’il ouvre la porte pour se rendre sur la pallier avec Erin, je prends de mon côté la direction du salon. La curiosité me poussait à aller coller ma délicate oreille sur la porte afin d’entendre leurs paroles échangées. Mais la situation était, à mon goût, bien trop importante, pour agir de la sorte.

La veille, Milo m’avait assuré qu’il n’entretenait pas de relation digne de ce nom avec Erin. Pourtant, à la moindre occasion elle ne cessait de me relater leurs nombreux rendez-vous. Tout comme elle aimait raconter voire même se vanter de certains détails des plus croustillants. Et maintenant, elle venait ici, dans son appartement. De ma place, je n’entendais rien, que quelques échos lointain. Sans doute, était-ce mieux ainsi. Seule, à nouveau, sur le fauteuil du salon, je prends mon verre de vin en main pour terminer ce dernier. La porte s’ouvre à nouveau. Milo s’excuse, me précisant qu’il avait bien dit à Erin qu’il n’était pas libre ce soir. Sa phrase reste en suspens. Un sourire amer apparaît sur mon visage, je décide de la terminer pour lui « Et malgré tout, elle est venue... » Erin je la connaissais assez bien, et son comportement de ce soir ne m’étonnait absolument pas. « Chez toi... » ajoutai-je d’un naturel détaché alors qu’en fait ce n’était pas le cas. « Tu n’as pas à t’excuser. Je connais Erin, elle peut se montrer très obstinée. Et puis, c’est sans doute le genre de chose qui arrive quand on commence à fréquenter quelqu’un de manière constante... » Milo m’avait affirmé que ce n’était pas le cas. Mais clairement, j’avais l’impression qu’il était dans le dénis. Mon regard se pose sur lui et avant que mon meilleur ami ne réfute mes propos j’ajoute « Et avant que tu me dises que non ce n’est pas vrai, laisse moi te confirmer que si. C’est bien ce que tu fais avec elle... » dis-je un peu blessée par ce changement brutale de situation. Il y a quelques minutes encore, nous nous apprêtions à passer une soirée paisible comme nous avions coutume de le faire. Et encore une fois, le sujet Erin compromettait le bon déroulé des évènements. Bien que quelque peu rassurée la veille pas notre discussion, je ne l’étais clairement plus aujourd’hui. Les récits d’Erin quasi quotidiens et sa venue ici me faisait clairement comprendre qu’un potentiel futur entre Milo et moi était compromis. Et cela faisait mal, très mal même.

La confrontation abrupte avec le présent me frappe avec une intensité déconcertante. Ce soir, c'est Erin qui fait irruption dans ma vie privée, non invitée, s'imposant avec une audace déplacée. Cette intrusion soudaine me pousse à une introspection amère : à qui puis-je m'attendre demain ? La vérité est que je ne peux feindre la surprise face à cette question. La réponse résonne dans mon esprit avec la clarté d'une certitude incontestable. Il est inutile de tenter de voiler ma nature de séducteur ; Cassia, elle-même, est parfaitement au courant de ce pan de ma personnalité.

Le constat est amer et soulève une multitude de questions sur les conséquences de mes actions passées. Ai-je réellement accumulé tant d'aventures sans lendemain pour que leurs échos viennent perturber ma quiétude et celle de Cassia ? L'ironie de la situation ne m'échappe pas. Malgré la légèreté avec laquelle j'ai toujours abordé mes relations, je me retrouve confronté à la complexité et au poids des liens tissés, aussi éphémères soient-ils.

Cette réalité, soudainement tangible, me force à réévaluer mes choix, à considérer l'impact de mon comportement sur les personnes qui comptent pour moi, notamment Cassia. La transparence et l'honnêteté avec laquelle elle m'a toujours traité méritent plus que des rencontres passagères et des flirts sans avenir. Cette prise de conscience, bien que tardive, est le premier pas vers une réflexion plus profonde sur le type de relation que je souhaite entretenir à l'avenir, non seulement avec Cassia, mais avec toutes les personnes qui entrent dans ma vie.

Le chemin vers une véritable introspection s'ouvre devant moi, parsemé d'incertitudes et de remises en question. Le défi désormais est de trouver un équilibre entre ma liberté individuelle et le respect dû à ceux qui m'entourent, un équilibre qui me permettra, espérons-le, de construire des relations plus significatives et durables. « Je t'ai assuré que ma relation avec elle ne définissait pas un couple, que tout ce qui nous liait se résumait à des échanges éphémères. » Tout en partageant cette vérité, je choisis délibérément de ne pas divulguer la fréquence de nos rencontres. Mentionner cela me semble superflu, voire contre-productif. Premièrement, parce que le détail de ces interactions n'apporterait rien de constructif à notre conversation. Deuxièmement, l'idée même d'évoquer ces moments risquerait d'infliger une douleur inutile à Cassia.

Cette omission est guidée par un souci de préservation; il me semble crucial de protéger Cassia de détails qui, loin de clarifier la situation, pourraient seulement servir à accentuer son inquiétude ou sa tristesse. La finesse de cette démarche réside dans le fragile équilibre entre honnêteté et discrétion, un équilibre que je tente de maintenir pour ne pas alourdir son cœur d'informations qui, au final, ne feraient qu'exacerber des sentiments de jalousie ou d'insécurité.
Mon intention n'est pas de cacher ou de manipuler la vérité, mais plutôt de la manier avec prudence, en considérant l'impact de chaque mot sur Cassia. C'est dans cette optique que je navigue à travers cette révélation, cherchant à assurer à Cassia que malgré les apparences et les rencontres antérieures, mon engagement et mes sentiments envers elle restent sincères et intacts. « Si Erin s’imagine que nous sommes en couple, actuellement, je ne saurais te dire pourquoi. Peut-être parce que c’est ce qu’elle nourrit ? Sincèrement je ne sais pas Cassia… »

Encore la veille, sous le voile d'une nuit empreinte de sincérité, j'avais confié à Cassia l'immuabilité de mon être, l'incapacité à me transformer du jour au lendemain. Cassia, dans sa grande compréhension, m'avait demandé de rester fidèle à moi-même, de ne pas altérer mon essence pour elle. Cependant, la réalité avec laquelle nous devons composer est bien plus complexe… Mes aventures passagères, ces liaisons fugaces qui ponctuent mon existence, semblent inévitablement destinées à tisser leur ombre sur le tissu de notre relation.

Cette révélation, bien que douloureuse à admettre, souligne une vérité incontournable : l'interconnexion de mes choix passés avec le présent que nous partageons, Cassia et moi. Même avec la meilleure volonté, les échos de ces relations antérieures risquent de résonner entre nous, de se frayer un chemin à travers la trame de notre complicité, introduisant une dimension d'incertitude et de complexité que ni elle ni moi ne pouvons ignorer.

La contradiction entre le désir de Cassia de me voir rester authentique et les implications inévitables de mes comportements antérieurs pose un dilemme poignant. Elle révèle le nœud de notre situation : comment concilier l'authenticité individuelle avec la nécessité d'évoluer pour le bien de la relation ? Cette question, lourde de conséquences, s'ancre dans le cœur même de notre dynamique, nous obligeant à naviguer dans les eaux troubles de l'amour, de l'acceptation et du changement.

J’avais comme l’amer sensation que cette soirée si paisible qui était initialement prévue allait tomber à l’eau. Bien que Erin ait pris congé, un congé forcé, sa présence planait encore dans cette pièce. Sa venue ici m’avait clairement ouvert les yeux. J’avais l’impression que mon meilleur ami était dans le dénis concernant sa relation avec la jeune infirmière. J’essayais en vain de lui ouvrir les yeux. Alors, je reste sur ma position. J’affirme à Milo que sa relation avec Erin, qu’il le croit ou non, est constante. Milo persiste à me dire que tout ce qui la liait à elle était des échanges éphémères. Je n’étais pas d’accord. C’était surprenant. Rare étaient les fois où nous ne partagions pas le même avis. Et, cela ne présentait rien de bon. Mon visage, d’un geste automatique, balance de droite à gauche. Preuve que ses paroles résonnaient faux dans mon esprit. Le jeune pilote de ligne m’assure ne pas savoir pour quelle raison Erin s’imaginait être en couple avec lui. Pourtant c’était si évident. Même pour moi. « Vraiment tu ne le sais pas !? Mais même moi je le sais Milo... » J’étais stupéfaite qu’il ne se rende pas compte de la situation. Je finis par poser mon verre de vin vide sur la table basse, je me lève. Croisant les bras. « Est-ce que au moins tu te rends compte que tu utilises le terme éphémère à mauvais escient ? Je te rappelle que quelque chose d’éphémère c’est quelque chose qui ne dure pas. Soit honnête, as tu déjà énuméré le nombre de fois où tu es sortis avec elle ? Que ce soit avant ou après notre week-end... » Je continue sur ma lancée « Je peux répondre à ta place si tu le souhaites. Je dois même être plus au courant que toi… Tu sais que Erin parle beaucoup. Bien trop, si tu veux mon avis... » Oui elle était de nature bavarde et aimait se vanter de ses rendez-vous. Alors dès qu’elle voyait Milo j’étais contre mon grès au courant. Tout comme j’étais au courant de ce qu’il avait pu manger, boire ou faire une fois tous les deux. « Elle ne cache rien de vos nombreux rendez-vous ni de vos activités... » avouai-je à Milo.

J’avais envie de cesser cette discussion. Mais il fallait que je dise ce que j’avais sur le cœur. « Tu as toujours été honnête avec moi sur le fait que tu ne te voyais pas t’engager dans une relation sérieuse. Encore hier soir. Tu m’as aussi explicitement avoué que l’idée de t’engager dans une relation sérieuse qui pourrait être compromise par…tes envies ou tes erreurs, peu importe appelle cela comme tu veux, n’était pas envisageable. Avec moi... » Mes bras finissent pas se laisser tomber le long de mon corps, perplexe et surtout un peu démunie par la situation. « Apparemment, de ce que je peux constater, c’est envisageable avec Erin... » Je jette un bref regard à Milo. Mais j'avais à présent du mal à lui faire face. Alors comme pour esquiver la suite de la discussion, je prend mon verre en main avant de me diriger dans la cuisine pour aller le déposer dans l'évier.

Il est vrai que j'ai toujours eu une certaine aisance pour séduire, pour attirer l'attention de la gente féminine avec une facilité déconcertante. Cependant, quand il s'agit de décrypter leurs pensées, de naviguer dans les méandres de leur compréhension, je me retrouve souvent à la dérive. Les mots de Cassia, leur poids, leur signification, me plongent dans un océan de questionnements. Était-elle aussi de ceux qui pensaient que j'entretenais une relation sérieuse avec Erin ? Pour moi, l'idée même d'une telle association était loin de la réalité, une vérité que je croyais évidente. « Qu'est-ce que tu essaies de me dire ? Je te jure, je ne suis pas en couple avec Erin. On se fréquente occasionnellement, sans aucune attache sérieuse. Il n'y a aucun plan, aucune projection d'avenir entre nous. Et franchement, même si par un incroyable malentendu nous étions considérés comme un couple, je t'assure que la fidélité n'est pas vraiment au rendez-vous. À moins que nous soyons dans une sorte de relation libre dont je serais le dernier informé ! » Mon exaspération monte d'un cran, trahissant mon incompréhension totale face aux subtilités des relations humaines.

L'univers complexe des femmes demeure pour moi un mystère impénétrable. Malgré mes meilleures intentions, il semble que je navigue à l'aveugle dans un labyrinthe de non-dits, d'attentes inexprimées et de signaux contradictoires. Cette conversation avec Cassia ne fait qu'accentuer ma perplexité : comment des interactions aussi simples peuvent-elles être interprétées de manière si compliquée ? Cette incompréhension, loin d'être un simple désagrément, me confronte à une réalité inconfortable : ma capacité à communiquer efficacement et à comprendre les besoins et les désirs de l'autre sexe est sérieusement mise à l'épreuve. La complexité émotionnelle des femmes, avec ses nuances et ses profondeurs, reste un domaine où mes compétences semblent cruellement déficientes.

Sa question concernant la fréquence de mes rencontres avec Erin résonne dans mon esprit, ravivant les souvenirs de mon comptage de la veille. Avais-je réellement vu Erin à ce point ? Cette interrogation me pousse à réévaluer la perception de mes propres actions. La réalité de ces chiffres, que je m'étais efforcé de minimiser, m'apparaît soudain dans toute sa clarté. Peut-être avais-je, sans m'en rendre compte, franchi une limite invisible, donnant à notre relation une teinte que je n'avais pas envisagée. « Pourquoi diable Erin se sent-elle obligée de partager ces détails avec toi ? » L'exaspération teinte ma voix alors que je m'interroge sur les motivations d'Erin. Pourquoi se donne-t-elle la peine de divulguer ces informations à Cassia ? Quelle peut bien être sa finalité ? Cette interrogation me hante, tournoyant dans mon esprit comme un vautour autour de sa proie.

Le geste d'Erin, délibéré ou non, d'impliquer Cassia en lui révélant des aspects de notre relation, même les plus bénins, soulève une myriade de questions sur ses intentions. Est-ce une tentative de semer le doute dans l'esprit de Cassia, de perturber l'équilibre fragile de notre relation ? Ou agit-elle sous l'impulsion d'une motivation plus obscure, cherchant à créer une division entre nous pour des raisons qui m'échappent ?

Cassia, avec une précision qui ne laisse place à aucune équivoque, pointe du doigt mon incapacité à m'engager auprès d'elle de façon stable et pérenne. Elle reprend mes propres mots, mettant en lumière mes tendances volages, comme pour dessiner un portrait fidèle de mes hésitations. Cependant, ce qui me trouble profondément, ce n'est pas tant cette image de moi qu'elle dépeint avec une acuité déconcertante, mais plutôt l'idée qu'elle puisse croire, ne serait-ce qu'un instant, que je pourrais envisager une relation sérieuse avec Erin. Cette pensée me paraît aussi absurde que de prétendre vouloir entamer une idylle avec la Reine d'Angleterre elle-même, ou pire…avec Andrew.

Cette comparaison, bien qu'exagérée, traduit mon incrédulité et mon agitation face à l'interprétation que Cassia fait de ma situation avec Erin. Comment a-t-elle pu interpréter mes actions de cette manière ? Comment en sommes-nous arrivés à un point où les lignes de notre relation semblent si embrouillées qu'elle en vient à douter de mes intentions au point de me prêter des sentiments ou des projets qui sont à des années-lumière de ma réalité ? Ce malentendu, cette dissonance entre ce que je ressens réellement et ce que Cassia perçoit, m'incite à une introspection douloureuse. Il est évident que quelque part, le fil de notre communication s'est rompu, laissant place à des interprétations erronées et à des suppositions blessantes.

Rares ont été les moments où nous n’étions absolument pas sur la même longueur d’ondes avec Milo. Et ces moments rarissimes ont à chaque fois engendré une importante querelle entre nous. Tout au fond de moi, je sentais que cette conversation terminerait ainsi. Je tente donc le tout pour le tout, j’essaie vivement de faire remarquer à Milo que sa relation avec Erin était bien plus que quelques moments éphémères comme il ne cessait de le répéter depuis hier. En tout cas, une chose est certaine, Erin n’avait absolument pas le même point de vue que mon meilleur ami sur la question. Milo me demande ce que j’essayais de lui dire. Me promettant qu’il n’était pas en couple avec Erin. « Ce que j’essaie de te dire c’est que… quand on fréquente une personne presque tous les jours, ce n’est pas une fréquentation occasionnelle Milo…» A chaque fois que Erin passait un moment avec Milo j’étais malgré moi, mise au courant. Et cela me brisait, à chaque fois, un peu plus le cœur. Mon meilleur ami semble surpris que ma collègue soit aussi bavarde. Il demande pourquoi Erin se sent-elle obligée de partager ces détails, leurs détails, avec moi. « Je n’en ai aucune idée. Et crois moi je m’en passerais bien de ces détails. » dis-je d’un ton ferme. Car oui, chaque détail était un affreux supplice pour moi.

Je me dirige à la cuisine, posant le verre de vin vide dans l’évier. « Tu as été honnête avec moi. A mon tour de l’être envers toi... » Je n’osait pas le regarder et pourtant il le fallait. Alors je me retourne, prenant appui sur le meuble derrière moi. « Tu m’as dit qu’une relation entre nous n’était pas envisageable pour le moment. Soit, je l’accepte. Mais j’ai beaucoup de mal à accepter ce que tu vis, peu importe comment tu veux appeler cela, avec Erin. » Mon regard se pose sur Milo « Surtout après ce week-end au chalet. » ajoutai-je pour plus de précision. Je nous revois nous embrasser, je me revois envisager tout un tas de belle chose avec Milo. Alors qu’il n’en serait rien. « Je souhaite que tu sois heureux Milo, vraiment. Et si tu te sens bien avec Erin, j’en suis ravie pour toi... » Je détourne ensuite le regard. Car je n’avais pas la force de lui annoncer la suite en le regardant droit dans les yeux. « Alors si j’accepte que tu fréquentes Erin, s’il te plais accepte ma relation avec Andrew... » Et pour être certaine que la situation soit claire j’ajoute « Il m’a proposé de boire un café avec lui pour discuter un peu, et je pense que je vais accepter. » Cela faisait deux jours qu'il ne cessait de m'envoyer des messages, j'avais envie de l'écouter.

Cassia adopte une posture de retrait, son dos me faisant face, marquant une distance soudaine et palpable entre nous. Nos regards, autrefois complices dans leur quête mutuelle, se dérobent désormais l'un à l'autre, esquivant avec une adresse surprenante toute tentative de connexion visuelle. Cette tentative d'évitement instille une atmosphère de malaise, transformant l'espace partagé en un champ de mines émotionnelles.

Dans ce silence lourd, chargé d'émotions non exprimées et de tensions palpables, un prénom, trop familier et pourtant source de discordes, vient s'immiscer dans notre échange. Sa simple mention agit comme une étincelle dans un réservoir de gaz, exacerbant les tensions sous-jacentes et propulsant notre conversation dans une nouvelle dimension de complexité. Ce prénom, résonnant comme un coup de tonnerre dans le calme précaire de notre dialogue, ravive des souvenirs et des sentiments que j'aurais préféré laisser enfouis. Sa présence dans notre conversation n'est pas anodine. Comme un fantôme du passé, il s'invite entre nous, soulignant les failles de notre relation et les défis auxquels nous sommes confrontés. « Quoi ?! » Mon incrédulité face à la nouvelle que Cassia me partage est totale, presque assourdissante. Oui, elle confirme mes pires craintes : elle envisage de donner une nouvelle chance à Andrew, malgré l'histoire tumultueuse qui les lie. Comment peut-elle même songer à retourner vers lui après tout ce qu'il lui a fait ? L'idée même de la revoir dans les bras de cet homme m'est insupportable, me faisant bouillir de frustration et d'incompréhension. « Pourquoi lui ? Pourquoi toujours revenir vers celui qui t'a tant fait souffrir ? » Je ne la comprends pas. Si c’est un moyen de me faire réagir, c’est réussi.

Je suis incapable de rester de marbre lorsqu’elle évoque l’idée de revenir auprès de lui. « Tu penses vraiment qu'il peut te rendre heureuse ? Que tu trouves ton bonheur à ses côtés ? » Ma voix trahit mon agitation alors que j'évoque cet homme égoïste, dont les défauts nous sont aussi familiers que les qualités que Cassia lui attribue par erreur. L'agacement teinte chaque syllabe que je prononce, révélant une colère difficile à contenir. « Je pense que tu oublies un peu trop vite les moments difficiles. Faut-il vraiment que je te rappelle toutes les fois où tu as cherché refuge dans mes bras, les larmes aux yeux, parce que tu souffrais à ses côtés ?! » Ma voix se teinte d'une colère palpable, trahissant une frustration qui monte crescendo. Chaque souvenir de Cassia, vulnérable et brisée, accourant vers moi pour trouver du réconfort face à l'adversité de sa relation avec lui, ravive une fureur que j'ai du mal à contenir.

Cette prise de conscience, ce rappel des heures sombres qu'elle a traversées à cause de lui, m'envahit d'une rage impuissante. L'idée même qu'elle puisse envisager de retourner auprès d'une personne qui l'a tant fait souffrir m'est insoutenable. La colère que je ressens envers cet homme, capable de lui infliger tant de peine, me pousse à des extrêmes, me donnant envie de le confronter physiquement pour le tenir éloigné de Cassia. « J’en ai plus qu’assez de te voir malheureuse avec lui depuis un an et demi » ajoutais-je en serrant fermement mon poing contre lui-même.

Le tumulte de mes émotions est un mélange complexe d'indignation et de protection. Je me sens prêt à franchir toutes les limites pour défendre Cassia, pour l'empêcher de replonger dans un cycle de douleur qui semble inévitable si elle retourne vers lui. La révélation de son possible retour dans une relation toxique me met dans un état de révolte, renforçant ma détermination à la protéger, même contre elle-même si nécessaire.

« La prochaine fois que nos chemins se croiseront, à quelle scène devrais-je m'attendre ? » La gravité de mes mots pèse lourd dans l'atmosphère tendue entre nous. « Te retrouverai-je avec un hématome, témoignage silencieux d'une altercation, assise dans une salle d'attente d'hôpital ? Ou pire, devrais-je craindre le jour où je serai appelé pour te reconnaître à la morgue ? » Mon cœur se serre à l'idée même de ces possibilités, ma voix trahissant une inquiétude qui dépasse l'entendement.

Je n'avais aucune preuve concrète, Cassia ne s'était jamais ouverte sur le sujet, jamais elle ne m'avait confié avoir subi de violence physique de la part d'Andrew. Toutefois, quelque chose dans son comportement, dans la dynamique toxique de leur relation, me faisait craindre le pire. Il y avait dans l'air une tension, un non-dit lourd de conséquences potentielles. La possibilité qu'Andrew puisse un jour franchir cette ligne rouge était une pensée qui m'obsédait, qui me poussait à envisager des scénarios que mon esprit refusait d'accepter.

Ma préoccupation pour Cassia, bien plus qu'une simple réaction épidermique à la nouvelle de leur possible réconciliation, était ancrée dans une peur viscérale de la voir souffrir. La perspective de la voir malheureuse ou en danger à cause de lui était insupportable, m'incitant à exprimer mes craintes les plus profondes, même si cela signifiait aborder des hypothèses extrêmes. « Je refuse de cautionner cette relation avec Andrew. C'est ton choix, Cassia, et je le respecte, mais ne t'attends pas à ce que je sois là, à t'attendre les bras ouverts, chaque fois que les choses tournent mal avec lui. » Mon ton se durcit, marquant une limite que je ne suis pas prêt à franchir. « Je ne serai pas ton plan B à qui tu penses lorsque tout le reste échoue. Parce que c’est ce que je suis pour toi, non ? » Erin avait peut-être raison. Je ne serais jamais rien de plus qu’un ami. Une épaule sur qui on peut se consoler. « Pourquoi ne me dis tu pas simplement que tu n’as pas envie d’être avec moi ? Que c’est lui que tu aimes, que tu n’éprouves absolument rien pour moi si ce n’est de la sympathie... »

Cette explosion émotionnelle, bien que teintée d'exagération pour souligner l'urgence de la situation, était mon cri du cœur, une tentative désespérée de la secouer, de lui ouvrir les yeux sur les risques qu'elle encourait en retournant vers un homme dont le comportement imprévisible pouvait un jour dégénérer. C'était l'expression brute de ma volonté de la protéger, de tout faire pour éviter qu'elle ne se retrouve dans une situation où sa sécurité, son bien-être, voire sa vie, pourraient être menacés. « Dire que j’allais te proposer de laisser tomber Erin pour que nous ayons une chance. Je pense qu’à présent ce n’est plus envisageable après ce que tu viens de m’annoncer. » La perspective de la voir retomber dans un schéma toxique me tourmente, me laisse avec un sentiment de désarroi profond. Comment Cassia peut-elle envisager une telle décision comme étant la bonne ? Cette situation soulève en moi une tempête d'émotions, mêlant colère, déception et une pointe d'impuissance. Face à son choix potentiel, je me sens contraint de prendre mes distances, de protéger mon cœur face à une dynamique qui menace de nous engloutir tous les deux dans un cycle de douleur et de regrets.

Toute cette situation m’avait quelque peu retourner la tête. Entre les paroles d’Erin sur ses moments passés avec Milo qui résonnaient sans cesse dans mon esprit et Andrew qui ne lui ne cessait de me supplier je commençais à envisager avec le plus grand des sérieux de le revoir. Milo fréquentait Erin, peu importe la cadence, il partageait des moments avec quelqu’un. Pourquoi moi, je n’aurais pas le droit de vivre cela également après tout ? J’avais clairement compris qu’il ne servait à rien d’attendre sur une potentielle relation avec Milo. Toutefois, je n’allais tout de même pas attendre seule le reste de ma vie en le voyant batifoler de son côté. Alors si j’acceptais qu’il fréquente, de la manière dont il le souhaitait Erin, je souhaitais qu’il accepte ma décision de reprendre contact avec Andrew. Bien évidemment, la réaction de Milo ne se fait pas attendre. Il se met immédiatement en colère à la simple entente de ce prénom. Mon meilleur ami ne comprenait pas mon entêtement à essayer encore et encore d’améliorer cette relation. Quand il me demande si je pensais vraiment qu’il pouvait me rendre heureuse, si je pouvais trouver mon bonheur à ses côtés je répond un vague « Peut-être... » en détournant le regard. Mensonge. Je peinais moi même à croire ce que je disais. Et le fait que je n’avais pas regardé Milo dans les yeux en répondant à cette question en disant long sur la sincérité de cette réponse. Milo s’empresse de rappeler les nombreux mauvais moments, les nombreuses fois où j’étais venu chercher du réconfort auprès de lui après une énième dispute. J’en avais bien évidemment conscience. Je ne répondis rien à cette remarque. J’accuse les nombreuses remarques de Milo. Il souhaitait sans doute me faire réagir sur me décision. Et me faire changer d’avis, sans aucun doute. Et pour cela, Milo tente le tout pour le tout en évoquant une potentielle future violence de la part d’Andrew. Quand il m’évoque à l’hôpital ou même pire encore, je lève les yeux en l’air. « Tu n’exagères pas un peu là !? » Question rhétorique.

Finalement, Milo refuse de cautionner ma relation avec Andrew. Pire encore, il m’annonce ne plus souhaité être présent pour moi en cas de besoin. Cette annonce est sans doute le pire scénario qu’il pouvait arriver. Qu’il pouvait m’arriver. « Et moi je refuse t’entendre dire que tu es mon plan B. C’est complètement faux et tu le sais ! Comment tu peux oser penser une telle chose ? » Là j’étais blessée, réellement. Mais le pire était à venir. Ce que vient ajouter Milo ensuite sur le fait que je n’avais pas envie d’être avec lui, que je n’éprouvais absolument rien pour lui me lacère le cœur à vif. Je m’approche de lui, mes mains viennent se poser à plat sur ton torse le poussant légèrement. Mais bien que j’y ait mis toute ma force, Milo reste de marbre, comme si je ne l’avais même pas touché. « Pardon !? Qui t’as avoué à plusieurs reprises que oui un avenir commun était envisageable ? Qui t’as avoué que oui elle pourrait envisager d’accepter ta demande en mariage ? Qui a commencé à t'ouvrir son cœur il y a à peine quelques jours ? C’est moi, Milo ! Moi ! Et personne d'autre... Et tu oses penser que je ne ressens absolument rien pour toi...Tu penses que ce n'était que des paroles en l’air... » Ma voix était devenu tremblante, tant l’émotion était intense. J’étais profondément blessée par ses paroles. J’avais pourtant répondu à chacune de ses questions le plus sincèrement du monde, j’avais commencé à lui ouvrir mon cœur.

Milo finit par me dire qu’il allais me proposer de laisser tomber Erin pour que nous ayons une chance. Mais qu’à présent ce n’était plus envisageable. Je lui lance un regard amer. Je trouvais que cette réponse était bien trop facile. Et que sa présence n’était là que pour me faire culpabiliser. « Bien sûr... » Je recule légèrement « C’est de ma faute c’est ça ? Soit… Disons que c’est de ma faute, si ça peut soulager ta conscience... » Le ton de ma voix était clairement redescendu. La déception et la tristesse de cet échange me touchait profondément et j'avais du mal à le cacher. Je râcle légèrement ma gorge pour tenter de dénouer le nœud qui s'y était formé « J'ai pris bonne note de tout ce que tu as dit. Rassure toi, je ne viendrai pas t'importuner avec mes histoires...» Sur ces mots je quitte la cuisine. Et je décide d’aller chercher mon sac de sport avec lequel j’étais venus me réfugier ici quelques jours plus tôt. Et tout en faisant le tour des différentes pièces de l’habitation je remplissais ce dernier avec mes affaires.

Les conflits, surtout ceux teintés d'une telle intensité, ont toujours eu le don de me peser lourdement sur le cœur. Cette dispute, en particulier, me semble encore plus pénible et dérangeante que toutes celles que nous avons pu avoir par le passé. La réticence de Cassia à répondre directement à mes interrogations sur son bonheur, ses réponses évasives, trahissent une vérité qu'elle garde enfouie au plus profond d'elle-même. Lorsqu'elle détourne le regard, c'est comme si elle admettait, sans prononcer un seul mot, l'évidence de mes observations. Une reconnaissance silencieuse que, face à Andrew, mes craintes se révèlent justifiées.

Je déteste cette sensation d'avoir raison dans de telles circonstances. Chaque fois que le sujet d'Andrew surgit entre nous, mon intuition, aussi douloureuse soit-elle, ne me trompe pas. Pourtant, au fond de moi, je donnerais tout pour me tromper sur toute la ligne. J'aimerais tant pouvoir croire en un revirement, en un changement qui permettrait à Andrew de la rendre véritablement heureuse. Mais le cours des événements, les preuves du passé, tout semble s'acharner à prouver le contraire. Cette situation m'amène à un paradoxe déchirant : le désir ardent de voir Cassia épanouie et heureuse, même si cela signifie me contredire, face à la réalité implacable de ses choix sentimentaux. L'issue que je redoute tant semble inévitable, et cette impuissance à influencer le cours des choses pour son bien me frustre au plus haut point. « Je t'ai avoué que l'idée de m'engager dans une relation stable avec toi m'effraie profondément. La crainte de commettre une erreur, une faute qui pourrait t'ébranler, est constamment présente dans mon esprit. Sais-tu à quel point je suis conscient du mal que cela te ferait, de me voir entrelacé avec une autre, si nous décidions de nous lancer ensemble ? Ce n'est pas une simple question de volonté, Cassia. La transformation de qui je suis, de mes habitudes et de mes comportements, ne peut s'opérer du jour au lendemain » je m'efforce de lui expliquer, la sincérité perçant chaque mot prononcé. « Tu m'as toi-même demandé de rester le même, de ne pas changer. Cet aveu, venant de toi, résonne en moi avec une intensité particulière. Il souligne le dilemme auquel je suis confronté : comment équilibrer mon essence propre, avec ses imperfections et ses peurs, et le désir de construire quelque chose de réel et de durable avec toi ? » Ma voix trahit une vulnérabilité rare, un aveu de mes luttes intérieures face à l'idée de nous. « Mon appréhension n'est pas un refus de l'engagement, mais plutôt une marque de respect envers toi et envers ce que nous pourrions être. Je ne veux pas précipiter les choses, risquer de te blesser par mes actions inconsidérées. C'est une responsabilité que je prends très au sérieux, conscient des répercussions que mes choix peuvent avoir sur nous, sur toi. » Dans ce moment de partage, je tente de lui faire comprendre l'ampleur de mes sentiments, la complexité de ma situation. C'est un appel à la compréhension, un espoir que malgré les obstacles, nous puissions trouver un terrain d'entente, un chemin qui nous permette d'avancer ensemble, tout en respectant nos individualités et nos limites.

Cassia tente de me repousser avec sa force de chaton, sans réel et franc succès. Elle fini par quitter la cuisine et attraper son sac de sport. Sous mes yeux, une scène déchirante se déroule, marquant mon cœur d'une empreinte indélébile de douleur. Cassia, dans un geste presque fébrile, s'empresse de rassembler ses affaires, de les enfouir dans son sac avec une hâte qui traduit son désir de fuir. Un soupir s'échappe de mes lèvres, symbole de ma détresse face à cette situation. Je me sens paralysé, jusqu'à ce que l'urgence de l'instant m'incite à agir. Mes mains trouvent les siennes, dans un effort désespéré pour interrompre son geste. Mon cœur crie son envie de la retenir, de lui avouer mes faiblesses, de confesser que je ne suis, après tout, qu'un homme imparfait, égaré par son orgueil. Mais les mots se refusent à moi. « Arrête… S'il te plaît… » ma voix, bien que douce, porte l'écho de notre dispute récente, tentant de trouver un nouvel équilibre dans ce chaos émotionnel. « S'il te plaît… Ne pars pas. »

Je n'ose imaginer Cassia retournant auprès d'Andrew, ce soir ou à tout autre moment. L'idée seule suffit à m'envahir d'une angoisse profonde. Mais plus encore, je ne supporte pas l'idée de la perdre, de la voir s'éloigner de moi, peut-être pour toujours. « Cassia, je t'en prie… » Mes paroles sont un murmure, un appel déchirant à sa compréhension, à sa compassion.

Chaque mot que je prononce est chargé d'un mélange de regrets et d'espoir, un dernier effort pour la convaincre de rester, de nous donner une chance de surmonter ensemble les obstacles qui se dressent sur notre chemin. Dans ma voix, dans mon geste, réside toute l'étendue de mes sentiments pour elle, un désir ardent de réparer, de reconstruire, de transformer ce moment de rupture en un nouveau départ pour nous deux. C'est un cri du cœur, une supplication pour qu'elle reconsidère, pour qu'elle voie au-delà de mes erreurs, pour qu'ensemble, nous puissions retrouver le chemin qui mène à la compréhension mutuelle et, espérons-le, à un avenir partagé.

Me retrouvais-je vraiment à implorer sa présence, à la supplier de rester ? C'était presque le cas. Mes paroles semblaient avoir franchi les frontières de ma pensée, glissant dans l'air avec une urgence que je n'avais pas totalement anticipée. Peut-être, dans le feu du moment, avais-je laissé mes émotions prendre le dessus, mes mots dépassant mon habituelle retenue. Et dans cette sincérité impromptue, certaines vérités, aussi douloureuses soient-elles, s'étaient révélées sans filtre.

Cette révélation de moi-même, cette vulnérabilité que je dévoilais, n'était pas une posture habituelle. C'était comme si, confronté à l'imminence de son départ, toutes les barrières que j'avais méticuleusement érigées s'effondraient, laissant à nu un cœur empli de craintes et d'espoirs. Dans cet instant suspendu, mes appréhensions, mes désirs les plus profonds, tout ce que j'avais tenté de dissimuler derrière une façade de détachement, se répandait dans l'espace entre nous.

La gravité de la situation me frappait de plein fouet, m'obligeant à reconnaître la profondeur de mes sentiments pour Cassia, la peur viscérale de la perdre me poussant à des aveux que je n'aurais jamais cru possibles. C'était un moment de vérité, un carrefour émotionnel où mes paroles, bien qu'imprévues, peut-être même maladroites, cherchaient à tisser un lien, à réparer ce qui pouvait encore l'être, dans l'espoir désespéré de la retenir.

J’avais réellement du mal à mettre mes idées au clair. Cette discussion était si intense, si forte en émotions. Milo reprécise ses propos. Mais la finalité restait, j’en avais l’amer sensation, la même. « J’ai conscience de tout cela Milo, je t’assure. Mais c’est toi même hier soir qui disait que prendre notre temps serait sans doute plus sage. Et j’étais d’accord avec toi. Mais alors quoi, qu’est-ce que tu attends moi exactement ? Que j’attende sagement pendant que toi tu batifoles avec d’autres femmes ? Avec Erin... » Car dans le fond c’est ce qu’il faisait. Oui j’avais accepté de prendre notre temps, de ne pas précipiter les choses pour ne pas que notre amitié si particulière empathisse de tout ces potentiels changements. Mais je n’étais pas prête à regarder Milo vivre ses aventures éphémères. Non, dans le fond les sentiments inavoués que j’éprouvais pour lui était déjà trop importants pour cautionner une telle chose. « Cette idée m’est insupportable. » avouai-je à mon meilleur ami. « Mais comme je t’ai dit hier, je ne peux pas et je ne veux pas te demander de changer. » Je n’étais pas légitime pour lui demander une telle chose. Et j’étais consciente que je ne pouvais pas non plus lui demander de cesser toute fréquentation sous prétexte qu’il voulait essayer de changer. Et puis si changement il y avait je savais qu’il ne se ferait pas du jour au lendemain. J’en avais pleinement conscience et je ne souhaitais pas que Milo agisse pour me faire plaisir. Je ne voulais pas le brider. Ce n’était pas de bonnes bases pour une relation stable et sereine.

La discussion semblait être close. J’avais annoncé à Milo que tout pouvait être de ma faute si cela pouvait soulager sa conscience. Soit, je l’acceptais. Difficilement mais je l’acceptais. Tout comme j’acceptais de ne plus l’importuner avec mes problèmes dans le futur. Tous les mots, toutes les paroles qui venaient être échangées entre nous m’affectait énormément. Je tentais de le cacher mais cela était difficile. Si difficile que je ne me voyais pas rester ici plus longtemps. Les paroles de Milo résonnaient encore et encore. Lui qui pensait que je ne ressentais strictement rien pour lui. Lui qui pensait que je me servais de lui uniquement quand j’allais mal. Impossible de rester là et de le regarder en face. Soudainement, mes gestes sont arrêtées. Milo venait de les attraper avec les siennes m’empêchant ainsi de continuer à faire mon sac. Il me demande d’arrêter, il me demande de ne pas partir. Pendant quelques secondes j’hésite. Mes yeux se ferment un court instant. Je réfléchis. Puis je finis par les rouvrir. Un regard humide et bouleversée. Je fais glisser mes mains pour me dégager de l’emprise de Milo. « Je ne peux pas rester, pas après ça... ». J’ose, le temps d’une demi seconde lui lancer un bref regard avant de le détourner. Je ferme mon sac. Puis je me dirige vers l’entrée où j’enfile mes chaussures et ma veste tout en me demandant bien où j’allais aller. Pas question de retourner chez Andrew ce soir. Sans doute irai-je chez une amie ou alors à l’hôtel pour cette nuit.

Elle me manque. C’est atroce, elle me manque tellement. Ce n’est pas par vagues, c’est constant. Tout le temps, sans répits. Un mois… Quatre longues semaines sans aucunes nouvelles de la part de Cassia. Mes messages et appels demeurent sans réponse. Lorsque mon téléphone retentit, j’appréhende et espère toujours un signe de sa part. Mais rien ne vient. Absolument rien. Seuls les messages de quelques amis, collègue et d’Erin égayent l’écran de mon cellulaire. Les souvenirs de notre dispute me hantent avec une acuité douloureuse. Jamais auparavant nos désaccords n’avaient atteint une telle intensité, une telle violence émotionnelle. D’ordinaire, un semblant de trêve nous permettait de surmonter nos différends. Mais cette fois, il semble que nous ayons franchi un point de non-retour. L’idée qu’Andrew puisse être une barrière entre nous, qu’il puisse l’empêcher de me contacter, alimente mon tourment. Pourtant, au fond de moi, je sais que c’est sa décision, son choix de retourner auprès de lui, qui nous sépare.

Assis derrière mon bureau, un tas de feuilles submerge mon bureau en verre, tellement que je peine à distinguer le sol. Mes prochains plans de vol, qui devraient êtres si simples à organiser me prenne la tête. Pourquoi donc ? La réponse à cette question se trouve en un seul mot : Cassia. L’absence de réponse ou de quoi que ce soit de sa part me perturbe inlassablement. Mes doigts tapotent frénétiquement sur mon bureau, à la recherche d’une quelconque réponse imaginaire. Les seules et uniques nouvelles d’elle que je parviens à entrevoir me proviennent d’Erin. Quelle ironie du sort ! Nous nous sommes disputés, en partie à cause d’elle, et voilà qu’aujourd’hui je me retrouve à la fréquenter uniquement pour avoir des nouvelles de mon amie.

Pourquoi ai-je accepté un tel changement de vie ? Pourquoi ne me suis-je pas battu pour qu’elle reste loin de lui et surtout près de moi ? Une partie de moi-même me murmure que c’est peut-être mieux d’agir ainsi. Malheureusement son homologue me susurre tout le contraire. La situation ne risque pas d’évoluer positivement dans tout ce silence. Pire encore, elle risque de s’envenimer à mesure que les semaines s’écoulent. Soudain la sonnerie de mon téléphone retentit. Vainement j’espère encore qu’il puisse s’agir de Cassia… Mais il n’en n’est toujours rien. Ce n’est que mon collègue qui m’annonce que ma demande de formation a été acceptée. Rien de transcendant ou qui ne requiert que l’on sabre le champagne. Nonchalamment je le remercie pour cette information. Alors que je m’apprêtais à raccrocher, il me retient. « Tu as de ses nouvelles ? » Inutile de lui demander de préciser de qui il s’agit. Il ne peut s’agir que d’une seule personne. Le silence se substitue à ma réponse. « Tu devrais aller la retrouver à l’hôpital et lui dire que… Enfin tu sais bien… Après il sera peut-être trop tard. On a pas toute la vie devant soi Milo. Surtout dans notre profession… » me précise-t-il alors que je jetais un coup d’œil à mon appartement, ou plutôt ce qu’il en restait. Un tas de carton s’amoncellent dans l’entrée. Mon frigo demeure tout aussi vide que mon envie de rejoindre Erin. « Et puis qu’est ce que tu risques ? De toute manière vous ne vous parlez plus ! Au pire elle t’égorgera et tu finiras à l’hôpital, mais avec elle ! » La conversation fini par s’achever sur une note plus légère.

Mes yeux se portent sur mon salon. Je me vautre, sur mon canapé bien dépité. Il me reste encore quelques cartons à emballer et tout sera enfin prêt. Ou presque. Un brin de courage me pousse à continuer mon rangement. En retrouvant quelques vêtements de Cassia, je baisse honteusement la tête en repensant à certains de nos souvenirs. Les réminiscences de nos baisers se retrouvent rapidement ternis par notre dispute. Un vieux réflexe me pousse à humer son foulard. Il porte encore les effluves de son parfum. L’espace d’un instant c’est comme si elle était encore là. Affligé par la situation je me décide à réunir certaines de ses affaires, qu’elle a certainement oublié dans la précipitation de notre différend, dans un carton. Comme un fait exprès plusieurs objets décoratifs tombe de mon étagère. En les ramassant je retrouve une vieille photographie de nous deux. Le revers de mon pouce effleure son visage. Je la retourne et redécouvre une écriture qui n’est pas la mienne. Un amer sourire me quitte en lisant ces quelques mots griffonnés. Je n’ai pas le cœur à la jeter, la brûler ou que sais-je. Je me contente de la plier et la ranger dans mon portefeuille.

Mon regard se pose contre la grande horloge qui orne l’un des pans de mur de mon salon : dix-neuf heures deux. Si ma mémoire s’avère exacte, Cassia finit sa journée dans une petite demie-heure, J’ai juste le temps de claquer la porte de mon appartement et de filer en direction de l’hôpital.
J’ai à peine le temps de ma garer sur le parking de l’établissement qu’une voix inconnue m’interpelle, alors que je m’extirpe de mon véhicule afin de lui répondre je hausse un sourcil interrogatif. Je ne connais pas cette jeune femme, mais apparemment elle si. Au fil de la conversation, j’apprends que nous nous sommes déjà fréquentés. C’est possible, mais son visage ne me semble pas du tout familier, peut-être bien parce qu’il était absorbé par une autre fille. Si je ne l’ai pas regardé à l’époque, pourquoi la regarderais-je aujourd’hui ? Brune, élancée aux yeux noisette et allumeuses ! Hmm… Pour un soir éventuellement, mais pas maintenant. Soudainement une silhouette s’échancre du décor. Je la reconnaîtrais entre mille. Poliment je coupe court à la conversation afin de soigneusement éviter Erin. Il ne manquerait plus qu’elle débarque, de nouveau.

Je presse le pas en direction de l’hôpital. Poliment je demande à l’une de ses collègues où elle se trouve. Ouf. Elle n’est pas encore partie. Du bout du doigt cette dernière m’indique la salle de pause. A ma plus grande surprise, il n’y a personne d’autres qu’elle. Parfait. Je ne tiens pas à être dérangé, ni par Erin ou quiconque. J’inspire profondément avant de poser le carton sur la table. Maintenant je sais que j’ai toute son attention. Elle se retourne et là… Je ne suis plus Milo. Je redeviens simplement son Milo.

Nos regards se cherchent.
Se fuient.
Et s’attirent.

Le baiser clandestin que nous pourrions échanger ne suffirait pas à me satisfaire. Au contraire il attiserai le Désir. Dans un sobre mouvement, je ne me rapproche pas d’elle afin de reprendre mes esprits. Non. Il n’en est rien. « Bonsoir Cassia. » Les mots qui suivent, je les prononce avec une hésitation chargée d'émotion. « Je suis venu te rendre quelques-unes de tes affaires. » Voilà pour le prétexte officiel. Mais la véritable raison de ma présence pèse lourdement sur mes épaules. « Et pour te dire au revoir. » Prononcer ces mots me lacère le cœur. « Je quitte la ville. Mon appartement est vendu. Je pars bientôt. Non, pas pour une autre, mais pour des raisons qui me sont propres. » Même si le timing avec la mutation d’Erin semble propice à toute confusion. Il me semble crucial de clarifier ce point, de dissiper tout malentendu potentiel. « Je voulais te remercier... pour tout ce que nous avons partagé. Et te souhaiter bonne chance... » Ma voix se brise alors que je tente de formuler des vœux de bonheur pour elle, que ce soit avec Andrew ou quelqu'un d'autre. Cette pensée, que je ne serai jamais cet autre, me transperce. « Je regrette mes paroles, la dernière fois. Vraiment. Si un jour, tu as besoin ou simplement envie de parler, sache que je serai là. Peu importe ce que j'ai pu dire avant. » Je peux peut-être (sur)vivre sans elle, mais je ne peux pas vivre sans l'aimer. Cet aveu déchirant résonne déjà dans tout mon être. « Je... » Les mots suivants se perdent, étouffés par l'émotion, tandis que je la regarde, admirant chaque détail de son visage pour la dernière fois, mémorisant la courbe de son épaule dénudée qui appelle à des souvenirs doux-amers. Dans cet instant suspendu, tout est dit dans le silence qui nous enveloppe, un adieu chargé de non-dits, de regrets, et d'un amour inextinguible. Son épiderme nacré représente l’appel au péché originel. Qu’est-ce que j’aimerai m’y attarder.

Si seulement je le pouvais.
Si seulement je me l’autorisais.
Si seulement tout était possible.

Quitter ainsi l’appartement de Milo me brisait le cœur. Surtout en si mauvais termes. J’avais toujours très mal supporté être éloignée de lui trop longtemps. Et là en franchissant le pas de la porte, j’avais conscience que l’on ne se reverrait pas de si tôt. Oui, Milo allait cruellement me manquer c’était indéniable. Et pourtant, une infime partie de moi ressentait le besoin de s’éloigner. Les mots, les paroles avaient sans doute pour la plupart dépassés nos pensées mais ils avaient été prononcés tout de même. Ils avaient blessés. Profondément blessé. C’est donc le cœur lourd que je franchis le pas de la porte avant de refermer cette derrière sur moi.

A plus les jours passaient, les semaines même, à plus j’avais du mal de supporter la distance entre Milo et moi. Je ne supportais tout simplement pas le fait de ne pas savoir avec exactitude comment il allait, je ne supportais pas de ne plus le voir là face à moi à sourire, à l'entendre me taquiner, à l'entendre me rassurer, à m’aimer à sa manière. Je ne supportais tout simplement pas son absence dans ma vie. Des nouvelles j’en avais oui, par le biais d’Erin. Bien que j’essayais au maximum d’éviter la jeune femme pour des raisons évidentes. Pas un jour ne passait sans que l’envie d’envoyer un message à Milo ou l’appeler ne se faisait ressentir. A plusieurs reprises j’avais même commencé à écrire un message mais à chaque fois je m’étais finalement résigné. Seule, incomprise et malheureuse j’avais finalement accepté de revoir Andrew autour d’une tasse de café. S’en était suivi une longue discussion ainsi que des promesses. Etions nous repartis pour nous donner une énième chance ? J’en avais  bien l’impression. Toutefois j’avais posé une condition non négociable, j’avais souhaité avoir pour le moment mon appartement à moi. C’était une sorte de précaution, afin d’être certaine d’avoir un refuge, un chez moi, si les choses ne se passaient pas bien.

Presque Vingt-heures, salle de repos de l’hôpital. Assise sur un des fauteuils présents dans la pièce,lasse de ma journée, mon téléphone en main j’espérais comme tous les jours voir apparaître le nom de Milo sur l’écran de l’appareil. Mais rien. Il n’y avait là que quelques notifications sans importances et des messages d’Andrew qui me demandait de presser le pas pour venir le rejoindre lors de son dîner d’affaire. Encore un. Cela devait même être le troisième depuis le début de la semaine. Je range le téléphone dans ma poche. Le bruit d’un objet lourd déposé sur la table me sort de mes songes. Je tourne alors instinctivement le regard pour savoir qui venait d’entrer dans la pièce. Milo. Mon cœur a un loupé. Je me lève, surprise de le voir ici. Mais dans le fond extrêmement heureuse. « Milo... » Je lui adresse un léger sourire « Bonsoir » Je m’empresse rapidement de le scruter de la tête aux pieds afin de m’assurer qu’il va bien. Mon meilleur ami m’annonce être venu me rendre quelques affaires. Mon enthousiasme redescend d’un cran. Immédiatement en le voyant, j’avais pensé qu’on aurait pu discuter un peu. « Oh...merci » dis-je simplement. Mais ce qui suit me submerge d’une émotion forte inattendue. J’avais l’impression de vivre un très mauvais rêve. Ses paroles résonnaient si mal dans mon esprit. Milo quittait la ville, il partait. « Partir !? Milo, non... » J’avance d’un pas vers lui. L’incompréhension était la plus totale. « Pour quelle raison quittes-tu la ville ? C’est… à cause de moi, de ce qu’on s’est dit la dernière fois ? Tu sais, mes mots ont dépassé mes pensées... » dis-je dans une importante confusion. « Où… où est-ce que tu vas ? » J’avais du mal à réaliser ce que venais de m’annoncer Milo. Moi qui pensait qu’il n’y avait rien de plus terrible que de ne plus lui parler et le voir pendant quatre longues semaines. Je tombais de haut, de très haut.

Milo m’annonce regretter ses paroles de la dernière fois. L’entendre dire cela me met un peu de baume au cœur. Il me fait clairement comprendre que si un jour j’avais besoin de lui ou tout simplement l’envie de parler, il serait là. Mais ce serait impossible maintenant. « Comment cela pourrait être possible… Comment peux tu être là si tu quittes la ville.. » dis-je la voie remplie d’émotions. J'approche d'un nouveau pas, posant mes mains presque tremblantes sur le carton qu'il venait de déposer sur la table « C'est tous les jours que j'ai besoin de toi, tu le sais... » finis-je par lui avouer à nouveau, la gorgée nouée.

Face à l'inquiétude palpable de Cassia, je choisis la transparence, m'efforçant de dissiper tout malentendu concernant les motifs de mon départ. « Non, Cassia, tu n'es pas la cause de ma décision. C'est une coïncidence malheureuse, rien de plus. » Je m'empresse de lui expliquer ma prochaine étape professionnelle. « New York... Ma demande de formation là-bas a été acceptée. Cela me permettra de piloter des appareils de plus grande envergure. » Dans mon empressement, je tiens à souligner que son influence sur cette décision est inexistante, cherchant à alléger le poids de mes mots. « Ce n'est qu'à trois heures et demie en voiture, une heure et demie en avion... » Je tente de minimiser la distance qui nous séparera bientôt, comme pour me convaincre moi-même que cet éloignement physique n'est pas insurmontable. Pourtant, je ne peux ignorer le fardeau qui pèse sur mon cœur à l'idée de cette séparation. L'idée de la laisser ici, potentiellement vulnérable face à Andrew, m'est insupportable. « Je reviendrai te voir, c'est promis. On trouvera le moyen de se voir, malgré tout... » Mes paroles trahissent mon espoir teinté d'amertume. L'ironie de la situation ne m'échappe pas. Jadis, nos retrouvailles étaient simples, spontanées, sans besoin de coordination particulière. Désormais, chaque visite devra être soigneusement planifiée, nos emplois du temps devenant des obstacles supplémentaires à surmonter.

Ce constat amène une prise de conscience douloureuse : les moments partagés ne seront plus aussi faciles à orchestrer. Cette nouvelle réalité, où chaque rencontre devient une épreuve de logistique et d'anticipation, souligne l'évolution de notre relation, marquée désormais par des retrouvailles moins fréquentes et potentiellement incertaines. Malgré tout, ma détermination à maintenir ce lien, à travers la distance et le temps, reste inébranlable. C'est une promesse silencieuse que je me fais, un engagement à ne pas laisser les kilomètres nous séparer, à lutter contre l'éloignement avec toute la force de mon affection pour elle.

Avec une certaine réticence, je cherche à adoucir l'impact de ma révélation, désireux de ne pas laisser transparaître toute l'ampleur de mon émoi. « Je ne m'en vais pas vraiment en solitaire, tu sais... » C'est avec une hésitation presque théâtrale que je retire de mon portefeuille la photographie de nous deux, précieusement conservée. « Elle voyage toujours à mes côtés... Peu importe la distance qui nous sépare, elle reste avec moi » confiais-je, désignant du doigt l'image qui capture un instant de notre complicité passée.

« Elle compte beaucoup pour moi. Même si j’ai mauvais caractère elle me rend heureux, elle me rend meilleur. Peut-être qu’une fois ma formation achevée, et que je me sentirais enfin prêt, je me déciderais à l’épouser, à l’aimer, à la chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare » continuais-je, un voile de nostalgie teintant mes paroles. « Un jour, je te la présenterai ! » Cette promesse, prononcée avec un sourire mélancolique, symbolise à la fois le pont entre mon passé et mon avenir. Mais plus encore, il est le témoin de l'empreinte indélébile que Cassia a laissée dans ma vie. Cette photographie, plus qu'une simple image, un fragment de notre histoire commune que je choisis d'emporter avec moi dans cette nouvelle aventure. En partageant ce geste intime, je cherche à rassurer Cassia, à lui montrer que, bien que mon chemin me mène loin, la place qu'elle occupe dans mon cœur demeure inébranlable. C'est une tentative de transcender la physicalité de notre séparation, de lui faire comprendre que, dans un sens profond et durable, elle m'accompagne, peu importe où la vie me porte.

Les mots de Cassia résonnent en moi, m'atteignant avec une force inattendue, provoquant un pincement aigu au cœur. C'est tous les jours que j'ai besoin de toi, m'avoue-t-elle, dévoilant une vulnérabilité qui me touche profondément. Cette confidence, empreinte de sincérité, m'apporte à la fois une douce réassurance et une inquiétude lancinante. Comment répondre à un tel aveu, à cette dépendance émotionnelle exprimée si simplement et si puissamment ? « Je serai toujours là pour toi » lui assurais-je, un sentiment de solennité imprégnant ma voix. Mon doigt, pointant délicatement vers son cœur, symbolise une promesse intangible mais profonde. C'est une tentative de rassurer Cassia, de lui montrer que, peu importe la distance ou les circonstances, mon soutien et mon affection demeureront inébranlables.

Pourtant, au fond de moi, une question demeure sans réponse, flottant dans le tumulte de mes pensées et de mes émotions. Est-il possible, un jour, de regagner une place de choix dans sa vie, de retrouver un chemin vers son cœur ? Cette incertitude, ce doute quant à l'avenir de notre relation, tisse une toile d'ambiguïté autour de mes espoirs et de mes désirs.

Voir Milo après ces quatre longues semaines me comblait de bonheur. Toutefois, cette joie fut de très courte durée quand mon meilleur ami m’annonce rapidement qu’il quittait la ville. Immédiatement, je me sens coupable. J’appréhende d’être la cause de ce départ précipité. Milo m’assure que je ne l’étais pas. Soit, mais cela ne soulageait aucunement la peine immense que je pouvais ressentir à l’annonce de cette nouvelle. Mon meilleur ami me donne quelques détails. Son départ est lié à son travail. Une formation, une belle opportunité. « New-York... » dis-je étonnée et déçue de la réponse qu’il venait de me donner. Ce n’était malgré tout pas la porte à côté. Je voyais bien que le jeune homme tentait de minimiser les conséquences de cette longue distance qui allait s’installer entre nous. Malgré tout, cela n’avait pas l’effet souhaité. « Je suis contente pour toi, cette formation tu l’attendais avec impatience... » Milo s’était toujours épanoui dans son métier, et il cherchait toujours et encore à continuer sur cette voie. Mais j’étais tout de même mitigée quant à son départ. J’avais pleinement conscience que la partie de moi attristé par cette nouvelle était purement égoïste, mais je ne contrôlais pas cela.

Milo m’avoue ne pas s’en aller vraiment en solitaire. Le temps d’un court instant j’appréhende d’entrer le nom d’Erin. Mais il n’en ait rien. A la place, il sort une photographie de son portefeuille. Une photographie de nous. Un sourire se dessine sur mon visage. Ce qu’il dit ensuite me touche profondément. « J’ai hâte de la rencontrer... » dis-je pour rentrer dans son petit jeu. « Et quelque chose me dit que tu comptes aussi beaucoup pour elle... » Et c’était un euphémisme. Milo m’affirme qu’il sera là pour moi. Mais j’avais du mal à réaliser comment cela pourrait être possible avec cette distance. Il réitère ses propos. Et cette fois-ci, je décidai de le croire sur parole. Poussée par la joie de le retrouver et par le chagrin de le voir partir, je viens me blottir contre lui. « Merci... » dis-je la voix remplie d’émotions. « Tu vas me manquer, tu n’imagines pas à quel point. » Puis je relève mon visage vers lui, une question me traverse soudainement l’esprit « Quand dois-tu partir ? » Avions nous encore le temps de passer un peu de temps ensemble ? Je l'espérais du fond du cœur.