Allongée sur le lit, je reprenais doucement mon souffle et mes esprits. Ce moment partagé charnel partagé avec Milo avait été des plus intense, immodéré même. Je me laisse aller dans mes songes, réalisant à quel point les sentiments et la confiance en l'autre pouvaient influencer, décupler le bonheur et le plaisir ressenti lors de ce genre de moments. Le fait de se connaître depuis des années, sans nul doute, y était aussi pour beaucoup. Parfois j'avais l'impression que Milo lisait en moi comme dans un livre ouvert et savait exactement quoi faire pour me faire perdre pieds. C'était à la fois terriblement perturbant mais aussi très exaltant. Mes muscles commençaient à peine à se décontracter, mes jambes légèrement tremblantes s'allongent elles aussi de tout leur long sur le matelas. Me tournant légèrement sur le côté, mon regard cherche instinctivement celui de Milo. Mes lèvres ne résistent pas à venir lui voler un dernier baiser. Et alors que mon visage vient se reposer délicatement sur son torse, Milo vient murmurer quelques mots. Des mors auxquels je ne m’attendais pas vraiment. Mon myocarde s’emballe, se mettant finalement à battre à nouveau de manière très intense. Milo était amoureux. Mon  visage se redresse, mon regard voulant capturer le sien. Un sourire apparaît sur mon visage à l’entente de ces mots alors que les doigts du jeune homme caressent délicatement ma joue avant de replacer une mèche rebelle derrière mon oreille. Le regard pétillant, mon visage s’approche encore un peu plus du sien, mes lèvres frôlent les siennes amoureusement « Dans ce cas, nous sommes deux... » dis-je en murmurant comme pour synthétiser la situation. Il y a quelques heures à peine c’était moi qui lui avait avoué l’aimer. A présent, c’était Milo qui, à sa manière, avec ses propres mots, m’avouait ses sentiments à mon égard.

Nous restons un petit moment allongés sur le lit. Puis l'envie, sans doute le besoin aussi, de prendre une douche nous vient en tête. Sans trop attendre, nous nous dirigeons donc à la salle de bain pour rincer nos deux corps. C'est l'occasion de partager un moment un peu plus tendre et calme mais une agréable manière de prolonger cette soirée que l'on pourrait qualifier d'intense. En sortant de la douche j'enroule mon corps d'une serviette afin de me sécher et enfile une nuisette pour la nuit. Je laisse à Milo le temps de se sécher à son tour. Pendant ce temps là, bien qu'épuisée par l'heure très tardive et notre activité récente, je me dirige toute de même à la cuisine afin de me servir un verre d'eau. Une légère moue se dessine sur mon visage en voyant l'état de la petite table de la cuisine. D'un autre côté, je ne pouvais m'empêcher de m'en amuser. Ce n'était pas courant ce genre d'incident pendant l'acte. Je contourne donc cette dernière et nous sers deux verres avec de l'eau bien fraîche. Je prends une première gorgée de la boisson rafraîchissante. Et lorsque Milo me rejoint, je lui tend un verre d'eau, sans doute que lui aussi avait soif et souhaitait se désaltérer un peu. Mon regard se pose à nouveau sur la table de la cuisine cassée, « A ton avis, est-ce qu’elle n’était pas très solide ou est-ce que c'est nous qui y avons été un peu fort ? » dis-je amusée malgré tout par ce léger incident.

Dans la quiétude qui suit la tempête de notre étreinte, nos souffles haletants cherchent refuge l'un dans l'autre, se mêlant en une mélodie douce qui évoque le repos et le réconfort. Le tumulte du plaisir partagé s'estompe peu à peu, laissant place à un calme profond, mais l'écho de l'intensité que nous avons vécue résonne encore entre nous. Difficile de dire si c'est l'échange de nos confidences ou la mise à nu des sentiments de Cassia qui imprègne l'air d'une telle charge émotionnelle. Peu importe… L’instant demeure si puissant qu'il nous faut du temps pour en revenir, pour permettre à l'atmosphère de retrouver son calme originel. Cassia, dans un geste d'abandon total, repose sa tête contre mon torse, chaque soulèvement de ma poitrine sous sa joue rythme le calme désormais présent. Mon bras l'enveloppe, ma main caressant avec tendresse son épaule dénudée. En silence, je la contemple, imprégnant dans ma mémoire la sensation de sa peau sous mes doigts, le poids léger de son corps contre le mien.

Dans l'univers de mes expériences et rencontres, Cassia occupe une place à part, unique et inégalable. Comment d'autres pourraient-elles prétendre rivaliser avec l'éclat de sa présence, la chaleur de ses regards qui oscillent entre tendresse infinie et passion brûlante, ou la douceur de ses caresses qui apaisent l'âme autant qu'elles enflamment le cœur ? Il y a chez elle une essence, un je-ne-sais-quoi indéfinissable qui magnifie et intensifie l'amour que je lui porte, qui rend chaque moment passé à ses côtés à la fois un refuge et une aventure. Cassia détient cette capacité exceptionnelle de transformer le quotidien en extraordinaire, de faire basculer la routine dans l'aventure avec une simple modification de son expression, un changement dans sa posture, ou une étincelle de malice dans son regard. Ces instants de pure folie, où nous laissons derrière nous toute retenue, tout contrôle, renforce notre relation, des moments suspendus où le monde extérieur cesse d'exister, où seul compte l'intensité de ce que nous partageons.

Elle possède ce talent inné pour éveiller en moi des désirs que je ne me connaissais pas, pour m'amener à explorer les confins de ma passion et de mon amour pour elle. Il ne suffit que d'un regard complice, d'une étreinte spontanée, ou d'une escapade improvisée pour que nous transcendions les limites du possible, pour que nous nous abandonnions à un amour sans bornes, sans règles.

Dans la douce lumière filtrant à travers le rideau de la salle de bain, nous franchissons ensemble le seuil de la douche. L'eau chaude commence à couler, enveloppant l'espace d'une brume tiède, brouillant les contours de la réalité, laissant place à un moment suspendu entre Cassia et moi. Je m'approche pour régler la température, un filigrane de vapeur s'élève, caressant nos peaux. Cassia se glisse derrière moi, ses bras enlacent ma taille, sa tête se repose doucement contre mon dos. Il y a une tendresse inexprimée dans ce geste, un besoin de proximité qui va au-delà du désir, une recherche de réconfort dans le battement régulier de nos cœurs. Je me retourne pour l'embrasser, nos lèvres se retrouvant dans un baiser doux et prolongé, un écho de la sérénité qui nous entoure. L'eau nous enveloppe, cascade sur nos épaules, une pluie bienveillante qui lave les soucis, les tensions, laissant derrière elle une sensation de renouveau, de pureté. Nos mains se trouvent, se frôlent, se soutiennent silencieusement. Je prends le gel douche, verse une noisette dans le creux de ma main et commence à dessiner des cercles sur sa peau, chaque mouvement empreint d'une attention profonde. Cassia ferme les yeux, se laisse emporter par la sensation, un soupir d'aise s'échappant de ses lèvres. Elle reprend le geste, ses mains sur ma peau, en une réponse, un partage, un soin mutuel qui parle d’une confiance et d’un lien profonds. Le bruit de l'eau devient une symphonie apaisante, nos respirations synchronisées, un murmure parmi les gouttes. Il n'y a pas de mots, aucun n'est nécessaire. Tout ce qui compte, c’est la chaleur partagée, la présence l'un de l'autre, dans cet instant de vulnérabilité partagée.

Dans cette quiétude retrouvée, après que l'ondée bienfaisante de notre douche se soit tue, nous restons là, un instant suspendu, nos corps encore proches, enveloppés dans la douceur des serviettes. Un calme presque tangible s'installe entre nous, un silence chargé d'émotions tacites, de ces mots que les yeux seuls savent prononcer. Nos regards se croisent, échangeant des sourires complices, ceux qui naissent de la profondeur d'une intimité partagée, d'une compréhension mutuelle qui transcende les paroles. Cassia, avec la grâce qui la caractérise, quitte la première cette enclave de chaleur, laissant derrière elle un sillage d'air frais. L'espace d'un instant, je reste là, baigné dans la réminiscence de notre proximité, puis je finis par me préparer pour le reste de la nuit, quel que soit le temps qu'il nous reste.

J'ouvre son armoire, choisissant de me vêtir d'un simple boxer, la simplicité devenant notre nouveau luxe. En rejoignant Cassia dans la cuisine, l'atmosphère a changé ; un nouveau cadre, mais la même intensité nous enveloppe. Elle me tend un verre d'eau, un geste simple mais empli de soin, que j'accueille avec gratitude, savourant la fraîcheur du liquide qui contraste avec la chaleur de nos corps.

Mon regard est inévitablement attiré par la table de la cuisine, témoin silencieux de l'intensité de nos échanges précédents, désormais brisée sous le poids de notre passion. Cassia, avec un sourire teinté d'amusement et de défi, lance une remarque qui me vole un sourire, résonnant entre nous comme une promesse de continuité dans notre jeu de séduction. « Je ne vois qu’un seul moyen d’en avoir le cœur net… », dis-je en reprenant mon souffle, posant mon verre pour m'approcher d'elle, laissant l'eau et le passé derrière nous. D'un geste tendre mais empreint de désir, je retire le verre de ses mains et l'attire vers moi pour l'embrasser. « Ton plan de travail est-il tout aussi solide que ta table ? », je plaisante entre deux baisers, flirtant avec l'idée d'un nouveau moment charnel. « Vous me rendez fou, Mademoiselle Henderson... », ces mots, empreints d'une vérité profonde, s'échappent de mes lèvres. Dans cette question, un aveu : personne d'autre que Cassia n'a cette emprise sur moi, cette capacité à me transformer, à réveiller une faim insatiable. « Vous me rendez insatiable… », je murmure, notre échange flirtant avec les limites de la plaisanterie et du désir profond. « Est-ce bien raisonnable ? Suis-je bien raisonnable ? » Il m'arrive souvent de me demander si Cassia mesure réellement l'ampleur de l'influence qu'elle exerce sur moi. C'est une question qui, dans ses heures silencieuses et solitaires, me hante, me faisant parcourir toute la gamme des émotions, de l'émerveillement à une sorte d'appréhension délicate. Parfois, cette simple réflexion suffit à me faire frémir, à déclencher en moi une cascade de sensations qui m'échappent presque, comme si j'étais à la merci d'une force inconnue, à la fois terrifiante et exaltante. La manière dont elle peut, d'un simple sourire, d'un regard, changer le cours de ma journée, orienter mes pensées et mes désirs, est quelque chose de profondément bouleversant. Il y a dans sa présence un magnétisme qui dépasse l'entendement, qui me lie à elle avec une intensité et une constance que je n'aurais jamais cru possibles. C'est comme si, sans le vouloir, elle tirait les ficelles de mon âme, réveillant des parties de moi que je ne connaissais pas ou que j'avais volontairement ignorées.

Le moment sous la douche avec Milo avait été des plus tendres. Une manière de découvrir ou plutôt redécouvrir nos corps d’une toute autre façon. Un moment rempli de tendresse et de délicates attentions l’un envers l’autre. Après cet agréable moment, je m’étais dirigée vers la cuisine afin de nous servir deux verres d’eau bien frais. Et là devant la table à présent hors d’usage, un léger sourire appariait malgré tout sur mon visage. Je demande alors l’avis de Milo quant à la solidité du meuble ou alors à notre acuité lors de ce moment partagé ici même. Cela semble amusé Milo également. Ce dernier ne répond pas clairement à ma question mais à apparemment une idée pour en avoir le cœur net. Le pilote de ligne dépose son verre d’eau puis d’un geste tendre me retire le mien de mes mains afin de le déposer également sur le côté. Un léger rire sincère émane de ma bouche quand Milo finit par me demande si on plan de travail était aussi solide que ma table. Je prolongé tendrement son baiser avant de répondre « Je n’en ai aucune idée. Mais j’espère qu’il est beaucoup plus solide... » Pour ce qui était de la table, la conséquence était infime, elle était à moi il suffisait donc simplement d’en racheter une. En revanche le plan de travail faisait partie de la cuisine intégrée, par conséquent elle appartenait non pas à moi mais à mon propriétaire. Nos lèvres flirtent à nouveau entre elles. Mon sourire s’élargit quand Milo m’annonce le rendre fou et insatiable. Mes mains viennent s’enrouler autour de sa taille, afin que ma peau puisse être en contact avec la sienne. C’était une sensation dont je ne pouvais à présent plus me passer. Quand Milo me demande si c’était raisonnable et si lui était bien raisonnable, mon visage se lève légèrement pour poser mon regard dans le sien « Milo Davis qui se demande si il est bien raisonnable …. Impressionnant, je ne pensais pas être témoin de cela un jour... » dis-je pour plaisanter un peu. Bien que, le pilote de ligne avait un caractère bien trempé et n’avait dû se demander que très rarement si sa manière d’agir était bien raisonnable. Mes lèvres se posent délicatement sur les siennes « Pourquoi cela ne le serait pas … ? On ne fait rien de mal... » dis-je en souriant légèrement  avant de nicher mon visage au creux de son cou.

Je n'ai jamais été l'incarnation de la sagesse ou de la raison. Cassia en est parfaitement consciente ; elle l'a toujours été. Parmi nous deux, je suis l'aventurier intrépide, celui qui flirte avec le danger, qui cherche constamment à repousser les limites, même celles qui frôlent l'insensé. J'ai toujours été attiré par l'appel du vide, par cette exaltation que procure le fait de se tenir sur le fil du rasoir, là où chaque décision peut basculer entre le triomphe et la chute. Cassia, quant à elle, incarne la prudence, une présence mesurée et réfléchie qui tempère mes ardeurs les plus folles. Là où mes oreilles se remplissent des chants séduisants de la passion impétueuse, Cassia écoute la voix de la raison, une mélodie plus douce, plus calme, mais infiniment précieuse. Cette dichotomie entre nous n’a jamais représentée une source de conflit, ou si peu, mais plutôt une force. Cassia n'essaye pas de m'éteindre ou de m'enchaîner à des normes qui m’étoufferaient ; elle me permet d'explorer mes envies avec la certitude qu'elle sera là pour veiller à ce que je ne me perde pas en chemin. De son côté, je me plais à croire que ma fougue lui apporte un vent de liberté, une fenêtre sur un monde où tout semble possible, où les rêves peuvent prendre leur envol sans craindre de tomber.

Son visage trouve refuge contre la courbe de mon cou. Dans un moment de distraction, irrésistiblement attiré par la proximité, mes lèvres s’éprennent des siennes. Légère comme l'air entre mes bras, je la soulève de nouveau, réitérant ce geste intime qui nous est désormais familier. Pour atteindre mes lèvres, elle doit incliner légèrement son dos, une danse délicate d'arche et de réponse qui éveille en moi un frisson d'admiration. « Je suis terriblement déraisonnable, Mademoiselle Henderson... », je murmure contre ses lèvres, un aveu empreint de cette imprudence délicieuse. La table de la cuisine, témoin brisé de nos passions antérieures, ne saurait plus supporter le poids de notre ardeur. Guidé par une impulsion aussi passionnelle qu’irréfléchi, je nous dirige vers le salon, sur son canapé.

Allongés l'un contre l'autre, baignés dans l'après-coup de notre passion, je ne peux m'empêcher de contempler Cassia, de savourer la vue de sa vulnérabilité transformée en un tableau de pur plaisir. Il y a dans sa délivrance une beauté sans égale, un témoignage de l'intimité inouïe que nous partageons. Sa tête repose doucement sur mon cou, son souffle chaud contre ma peau tandis que sa main trouve sa place sur mon torse, suivant le rythme saccadé de ma respiration, chaque battement un écho de notre expérience partagée. À sa confession murmurée, une humble admiration face à la grandeur de ce moment, je ne peux qu'offrir en retour ma propre vérité. « Je ne serais jamais aussi incroyable que toi… » Mes mots, prononcés avec une sincérité vibrante, cherchent à capter son regard, à lui communiquer l'ampleur de mon admiration et de mon amour pour elle. Mon index, dans un geste tendre et exploratoire, effleure délicatement le début de sa poitrine, un avant-goût des caresses partagées, un rappel de notre intimité. Chaque parcelle de son être m'appelle, m'invite à la découverte, à l'adoration. Il y a une faiblesse en moi pour tout ce qui la concerne – ses lèvres, qui promettent à la fois douceur et feux d'artifice ; ses seins, symboles de désir et de confort ; la courbe de ses reins, qui dessine un chemin vers l'infini. Face à elle, toutes mes résistances s'effondrent, chaque aspect de son corps et de son âme m'attire avec une force gravitationnelle dont je ne cherche pas à m'échapper.

Presque sans nous en rendre compte, le sommeil commence à tisser sa toile autour de nous. Il est vrai que les émotions intenses et les vagues de plaisir que nous avons partagées ont laissé dans leur sillage une douce lassitude, un sentiment de plénitude qui appelle au repos. Après avoir été emportés dans un tourbillon de passion, nos corps et nos esprits, désormais apaisés, réclament le calme et le réconfort que seul le sommeil peut offrir. La fatigue, loin d'être une intrusion, semble être le complément naturel de notre expérience, un doux rappel de l'humanité de nos échanges. Elle s'installe progressivement, enveloppant nos sens, adoucissant les contours de notre réalité jusqu'à ce que les yeux se ferment presque d'eux-mêmes, guidés par le besoin de récupérer.

Le voile du sommeil se dissipe lentement, cédant la place à la douce lumière du jour qui filtre à travers les rideaux entrouverts. Le calme règne, un silence presque sacré enveloppant la pièce, tandis que les premières sensations de conscience reprennent leur place dans notre esprit encore embrumé par les rêves de la nuit. Nos yeux s'ouvrent doucement, accueillant le début d'une après-midi déjà bien entamée. À mes côtés, Cassia s'éveille aussi, ses mouvements lents et étirés témoignent d'une nuit de repos profond, le genre de sommeil réparateur que seul un abandon complet dans les bras de l'amour peut offrir. Nos regards se croisent, un sourire naît sur nos lèvres, partageant ce plaisir silencieux d'une grasse matinée inattendue, d'un réveil sans alarme ni obligation, où le seul programme de la journée est celui que nous déciderons de lui donner.

Le lit, l’un des rares survivants de notre étreinte fougueuse passée, semble plus douillet que jamais, chaque fibre de la literie invitant à prolonger cet instant de paresse. Pourtant, la faim et la soif de découverte nous poussent lentement à émerger de cette bulle de confort. Nous prenons le temps de nous étirer, de savourer les premiers instants de la journée (ou plutôt de l'après-midi), notre peau encore marquée par les souvenirs de la nuit passée. Chaque mouvement, chaque frôlement réveille un écho de nos ébats, un sourire complice ou un regard chargé de promesses non dites. La pièce est baignée d'une lumière douce, celle du soleil de l'après-midi qui réussit à se frayer un chemin à travers les rideaux, peignant des motifs lumineux sur les murs et sur nos corps.

Avec un sourire taquin et une lueur espiègle dans le regard, je lance à Cassia un avertissement plein de promesses « Si nous ne quittons pas le lit… Je ne réponds plus de rien ! » Ces mots, prononcés sur un ton à mi-chemin entre la plaisanterie et la promesse, sont suivis d'un baiser, tendre mais chargé d'une intensité qui parle de désirs encore non assouvis, de la possibilité toujours présente d'un nouveau chapitre dans notre danse d'intimité. Le contact de nos lèvres, doux au début, devient rapidement plus pressant, plus impérieux, comme si chaque effleurement, chaque mouvement servait à réaffirmer la profonde attraction que nous éprouvons l'un pour l'autre. « Tu me rends dingue… » je murmure contre ses lèvres, un aveu qui se veut à la fois confession et célébration de l'effet qu'elle a sur moi. Cassia n'est pas simplement la femme que j'aime ; elle est la source d'une folie délicieuse, une tentation à laquelle je me plais à succomber encore et encore.

Après cette soirée bien chargée en émotion mais aussi en plaisir charnel, mon corps tout entier me fait comprendre ô combien il a besoin de sommeil. Là contre Milo, mon visage niché au creux de son cou, je me perd au rythme de sa respiration. Quelques doux mots échangés, et mes yeux peinaient déjà à rester ouvert. Doucement je glisse sur le côté et nous nous faufilons tous les deux sous la couette. La chaleur et la douceur de cette dernière ont raison de moi assez rapidement. Le sommeil prend le dessus très rapidement m’entraînant ainsi dans les bras de Morphée.

Cette nuit réparatrice prend fin en début d’après-midi. Une assez grande surprise pour moi qui n’avais pas réellement pour habitude de dormir si longtemps. Milo était lui aussi en train de s’éveiller. Nos lèvres se trouvent aisément pour quelques baisers. Et la remarque de Milo me fait doucement rire. « H’m… intéressant... » dis-je en venant l’embrasser plus langoureusement cette fois-ci. Nous restons un peu au lit mais finalement nous décidons de nous lever afin d’aller manger et boire un petit quelque chose. Une fois au salon, je me souviens alors que le canapé, tout comme la table de la cuisine n’avait pas supporté notre folle passion d’hier soir.

Nous prenons un repas s’apparentant davantage à un petit brunch improvisé avant de nous habiller et de décider de se débarrasser de la table de la cuisine. La lampe aussi était en mauvais état. Nous mettons alors un peu d’ordre avant de quitter l’appartement. Nous portions tous les deux les morceaux de table lorsque nous croisons un voisin dans le hall du petit immeuble. « Bonjour Cassia. » me salue t-il d’un sourire sincère. « Bonjour » salue t-il Milo à son tour. « Oh, bonjour Jim. Vous allez bien ? » demandai-je le plus naturellement du monde. « Oui, oui ça va… Et vous ? Vous n’avez pas eu de problème j’espère ? On a entendu un peu de chahut hier soir. Avec Grace on s’est inquiété... » Bien évidemment je comprends immédiatement à quoi il faisait référence. Sur le moment je n’avais absolument pas songé que les incidents de la veille au soir avait pu se répercuter chez eux. « Oh… H’m… non pas de problème... » Mon regard se pose rapidement sur Milo qui semblait amusé. Il ne me serait donc d’aucune aide. Mon attention se rapporte sur Jim « J’ai… Enfin on a eu des convives et en chahutant un peu… Un peu trop même il y a eu un petit incident avec une table... » Le regard de Jim se pose sur la dite table en question. « Je suis vraiment navrée si on va a dérangé, ça ne se reproduira plus... » Jim m’adresse un sourire rassurant « Il n’y a pas de mal, tant que ce n’était rien de grave…. Bonne journée à vous deux. » dit-il avant de monter dans l’ascenseur. « Merci Jim, à vous aussi. » Une fois les portes refermés mon regard se pose sur Milo. « Et toi, tu trouves cela amusant… ? » demandai-je d’un ton taquin.

Après nous être préparés et avoir quelque peu remis de l'ordre dans l'appartement, encore témoin du tourbillon passionné de la nuit précédente, nous nous attaquons à la tâche de descendre les débris de notre fougue – morceaux de table, fragments du canapé, et restes de la lampe brisée. Au moment où nous empruntons l'escalier du hall d'entrée, chargés de notre fardeau, nous croisons le voisin du dessous de Cassia, un dénommé Jim. Leur échange commence et, rapidement, il aborde le sujet des bruits nocturnes, mentionnant avec une pointe de curiosité le chahut qu'il a perçu la veille. À ses mots, une compréhension immédiate me traverse – il parle, sans le savoir, de l'écho de notre passion. C'est à ce moment précis que je lâche, par accident ou peut-être par un élan de distraction amusée, les pieds de la table que je tenais. L'effort pour retenir mon rire devient presque surhumain alors que Cassia, avec une agilité verbale que je lui envie, tisse une explication habile pour la table cassée. À l'intérieur, je me bats pour garder mon sérieux, étouffant un rire qui menace d'éclater à tout instant. Lorsque Jim nous laisse finalement, se dirigeant vers l'ascenseur avec une salutation polie et sans doute encore perplexe, l'expression de Cassia attire toute mon attention. Sa gêne, sa rougeur, contrastent avec mon hilarité à peine contenue. Sa tentative de justifier les bruits de la nuit, de donner un sens à notre désordre amoureux, est à la fois touchante et hilarante.

Une fois seuls, je ne peux plus retenir mon amusement. Les rires que j'avais étouffés éclatent enfin, témoignant de la joie pure et de l'absurdité de la situation. Cassia, avec sa gêne adorable et sa confusion face à mon hilarité, ne fait qu'ajouter à l'humour de l'instant. Sa réaction, mêlée de honte et d'embarras, contraste fortement avec mon amusement débridé, créant entre nous un moment de légèreté et de complicité.

Alors que je lutte pour reprendre mon souffle entre deux vagues d'hilarité, je trouve dans l'expression de Cassia une source inépuisable d'amusement et d'affection. Mes yeux, brillants d'une joie sincère, se fixent sur elle, capturant chaque nuance de son embarras. « Tu es adorable lorsque tu es gênée, cela donnerait presque envie de recommencer ! » je lance, la taquinerie claire dans ma voix alors que je ris à nouveau, le bonheur pur de ce moment partagé illuminant toute la pièce. Ma fierté face à notre petit incident nocturne est indéniable, une sorte de satisfaction masculine qui gonfle mon cœur d'une joie coupable. C'est vrai, l'excitation de savoir que notre passion a été si vivante, si réelle, au point de perturber même nos voisins, ajoute une couche d'intimité et de complicité à notre relation. « Mais avant de pouvoir recommencer, il faut te faut une nouvelle table, un nouveau canapé, une nouvelle lampe et une nouvelle paire de drap ! » je continue, prenant soudain conscience de l'étendue des « dégâts » dans un élan de réalisme amusé.

Alors que je continue de rire, mes éclats de rire remplissant l'espace entre nous, je ne peux m'empêcher de remarquer l'air encore gêné qui persiste sur le visage de Cassia. Il y a quelque chose d'irrésistiblement charmant dans sa gêne, dans la façon dont ses joues se teintent d'une douce nuance de rose, comment elle détourne légèrement le regard, comme pour se cacher. Mais loin de vouloir l'embarrasser davantage, je trouve dans cette réaction une nouvelle raison d'aimer chacune de ses expressions, chaque petit geste qui la rend si unique à mes yeux. « Tu sais… » je commence, faisant un effort pour modérer mon hilarité, bien que quelques rires s'échappent encore, « …ta réaction ne fait qu'ajouter à la liste des raisons pour lesquelles je te trouve incroyable. » Je m'approche d'elle, mon rire se calmant progressivement, remplacé par un sourire tendre et complice. Je la prends doucement par les épaules, l'invitant à croiser mon regard, voulant qu'elle voie la sincérité dans mes yeux.

Cassia lève les yeux, et je suis de nouveau frappé par la profondeur de son regard, par la vulnérabilité qu'elle me permet de voir. « Chaque moment avec toi, même ceux où tu es gênée, sont précieux pour moi. Ils sont réels, authentiques, et je ne les échangerais pour rien au monde. » Je baisse la voix, conscient de l'intimité de notre échange, de l'espace partagé qui ne nous appartient qu'à nous deux.

Après avoir partagé un moment de tendresse et de rire à l'idée de notre soirée tumultueuse, nous décidons qu'il est temps de prendre les choses en main. Armés d'une liste mentale de ce qui nous est nécessaire nous nous dirigeons vers le magasin de bricolage le plus proche, prêts à chasser pour un nouveau canapé, une table robuste et une lampe qui ajouterait une touche de chaleur.

Nous franchissons les portes du magasin, nos yeux balayent avec excitation les allées. Un vendeur, avec un sourire un peu trop confiant et une démarche qui crie son assurance, s'approche de nous. Son attention se fixe presque immédiatement sur Cassia, lui adressant des compliments qui frôlent rapidement l'inconfort par leur manque de subtilité et leur ton grossier. Pire encore, il tente de nous convaincre d'opter pour des articles nettement hideux et très cher, jouant sur des arguments de vente qui sonnent creux, espérant manifestement profiter de notre situation. Je peux voir Cassia se raidir à côté de moi, son malaise palpable face à l'attitude envahissante du vendeur.

Mon échange avec Jim est bref. Et fort heureusement car je perçois très nettement l’hilarité naissante chez Milo. Après un échange bref et courtois avec mon voisin du dessous, ce dernier nous souhaite une bonne journée avant de monter dans l’ascenseur. Une fois hors de vue, je me tourne à nouveau vers Milo. Bien qu’amusée je ne pouvais m’empêcher de le réprimander. Ce dernier s’amuse de me voir gênée par la situation assez délicate. Et lorsqu’il me dit que le fait de me voir ainsi lui donnerait presque envie de recommencer je lui lance un regard mi amusé mi réprobateur « Si tu continue à te moquer ainsi, crois moi on ne recommencera pas de si tôt... » le menaçai-je, bien que mon ton léger et amusé ne me donnait sans doute aucune crédibilité. Lorsque Milo évoque la liste de choses à acheter, cela nous ramène à la réalité. Après nous devrions nous rendez dans un magasin d’ameublement pour quelques achats nécessaires. Mais avant Milo semble réellement apprécier ce côté gêné face à ce genre de situation. Je souris amusée et touchée par sa remarque. « Tu es adorable… Même si tu commences à me créer des problèmes avec le voisinage… » dis-je amusée avant de lui voler un furtif baiser. Bien que gênée, je trouvais malgré tout la situation assez amusante. Dans le fond il n’y avait rien de mal mais à l’avenir il faudrait sans doute un peu plus penser aux voisins.

Nous prenons la direction d’un grand magasin d’ameublement le plus proche. Nos yeux regardent un peu partout. Et rapidement un vendeur s’approche de nous afin de nous demander si il pouvait nous aider. Ce dernier est assez insistant. Il semble même familier, un peu trop. J’avais du mal avec ce genre de vendeur qui se prenait tout permis. Les articles qu’il propose ne sont pas esthétique et bien évidemment sont extrêmement cher. Je commence à perdre un peu patience alors gentiment mais fermement je met fin à sa tirade de vente en lui expliquant que nous allions déjà faire un tour et que si nous avions besoin nous reviendrons le voir. Ce dernier nous laisse donc seuls, allant sans doute argumenter vers d’autres clients. « J’ai cru qu’il ne nous lâcherait jamais... » dis-je presque soulagée d’être enfin libres de mes mouvements et surtout de mes choix. Nous recommençons notre marche dans les allées. Notre premier arrêt fut pour acheter une nouvelle pair de draps.

Perdu dans l'effervescence du magasin de bricolage, le brouhaha ambiant semblait se taire au fur et à mesure que Cassia, avec une patience et une détermination qui frôlaient l'admirable, mettait un terme définitif aux avances quelque peu envahissantes du vendeur. Du coin de l'œil, je l'observe, silencieux et attentif. Le vendeur, dont l'insistance semblait ne connaître aucune limite, redoublait d'efforts. Cassia, cependant, semblait perdre peu à peu sa patience ; un feu intérieur brillait dans ses yeux, révélant une séduction à laquelle je ne pouvais résister. Avec une diplomatie et une finesse inégalée, elle lui expliquait, sa voix calme mais d'une fermeté indiscutable, que nous n'hésiterions pas à le solliciter en cas de besoin. Sa capacité à conclure cette conversation sans laisser la moindre ouverture pour de nouvelles avances était non seulement impressionnante mais aussi révélatrice d'une force de caractère hors du commun.
Alors que nous nous éloignions, mon cœur battait d'un mélange de fierté et d'admiration face à l’adresse avec laquelle elle avait manœuvré cette situation délicate. Si j'avais été à sa place, j'aurais probablement répondu avec une brusquerie et une rudesse qui n'auraient fait qu'empirer les choses. Incapable de contenir mon affection pour elle à cet instant, je l'attire doucement vers moi pour lui voler un baiser, un geste empli de tendresse visant à effacer les traces de son exaspération causée par ce vendeur oppressant. « J'ai cru un moment qu'il allait te demander ton numéro... », soufflais-je, un sourire en coin, alors que nous observons l'importun s'éloigner lentement.

Alors que nous déambulons à travers l'océan d'étagères et de produits du magasin, guidés par l'instinct curieux et l'envie de redécouvrir chaque coin comme si c'était la première fois, nos pas synchronisés nous conduisent naturellement vers le secteur des décorations murales, plus précisément là où les miroirs captent et reflètent la lumière ambiante. Au milieu de cet alignement presque infini de reflets et de cadres variés, qu'une idée commence à éclore dans les profondeurs de mon esprit, une inspiration fugace, mais intense, qui me pousse à envisager les possibilités qui s'étendent bien au-delà des simples jeux de lumière et de reflets.

Je m'arrête net devant l'un de ces miroirs, un modèle à la fois simple et élégant, dont la présence semble emplir l'espace de promesses et de potentialités. Je capte du regard Cassia, attirant doucement son attention vers le reflet conjugué de nos deux silhouettes. L'image qui s'y dessine, nous côte à côte, semble suspendre le temps, capturant un instant de notre complicité dans le verre argenté. « On pourrait en accrocher un dans ta chambre, non ? » lançais-je, teintant ma voix d'une pointe de malice, insufflant une légèreté à la suggestion, espérant y dissimuler l'essence de mon allusion. Devant ce miroir, une onde de chaleur traverse mon être, un frisson d'anticipation qui effleure ma peau à la simple pensée de ce que cet objet pourrait témoigner. Mon esprit, taquin et audacieux, s'échappe dans un avenir peuplé de possibles, où chaque reflet dans ce miroir n'est plus seulement le nôtre, mais celui de moments volés, de passion débridée. Je souris, un sourire qui naît de l'intérieur, éclairé par l'imaginaire des étreintes que nous pourrions partager, des corps entrelacés dans une étreinte intime, magnifiée par le jeu des reflets.

Une fois dans le magasin d’ameublement et de décoration, nous sommes interpellé par un des vendeurs qui semblent assez insistant. C’est bien le genre de chose que j’avais en horreur. Nous lui laissons donc une chance, d’argumenter ses divers produits bien évidemment très onéreux. Mais sa familiarité et son insistance me font quelque peu perdre patience. Alors je décide de mettre fin à sa grande parade commerciale, poliment mais fermement. A nouveau seuls, j’avoue à Milo que je pensais que le vendeur ne nous laisserai jamais. Ce dernier m’attire contre lui et me vole un baiser avant de m’avoue que lui, pensait que le vendeur allait me demander mon numéro. Un léger sourire se dessine sur mon visage, amusée mais aussi soulagée d’être enfin débarrasser du commerçant.

Tout en déambulant dans les différentes allées, nous faisait d’abord une halte pour prendre une paire de draps. Puis Milo semble intéressé par les miroirs. Étrange, cela n’était pas sur notre liste. Quoi qu’il en soit je le suis. Milo me propose alors d’acheter un de ces miroirs pour l’accrocher dans ma chambre. Proposition surprenante. « H’m… oui pourquoi pas... » dis-je d’un air détaché. Il est vrai que je ne m’étais jamais fais al remarque qu’un tel objet manquait dans la chambre à coucher. Mais soudainement je comprends. Un sourire apparaît sur mes lèvres « Toi, tu as quelque chose de bien précis en tête... » Ce n’était pas une question. J’avais clairement deviné ce qui se passait dans la tête du pilote de ligne. « C’est d’accord. Va pour un miroir... ». dis-je en lui lançant un regard malicieux.

Nous prenons donc soin d’en sélectionner un qui nous plaise à tous les deux avant de nous diriger vers les tables. Le choix était vaste. Cela allait être difficile de choisir. Nous faisons donc le tour des modèles en exposition. « Il y a tellement de choix… Tu as une préférence ? » demandai-je à tout hasard. Si cela pouvait nous aider à nous décider plus vite. Et tout en continuant à faire le tour des modèles je passe mon bras autour du sien « Milo… Je sais d’avance que tu vas sans doute ne pas être d’accord mais… j’aimerais payer ces achats. » Je connaissais Milo et au vue de sa réaction avec mon téléphone hier je savais pertinemment qu’il avait en tête de payer les achats du jour. « Ou bien, laisse moins au moins en payer la moitié. S’il te plais... » Ma demande pouvais paraitre surprenante, mais je mettais un point d'honneur à être indépendante financièrement et avec tout ce que Milo avait déjà pu m'acheter récemment il me tenait à cœur de participer moi aussi. Après tout, ces meubles nous les avions détérioré à deux.

Dans l'allée aux miroirs, mon regard glisse de l'un à l'autre, survolant les surfaces réfléchissantes sans vraiment s'y attarder. Chaque miroir, avec son cadre unique et sa propre histoire à raconter, semble m'inviter à m'y perdre, à imaginer les fragments de vie qu'il pourrait capturer. Pourtant, je résiste à l'envie de m'arrêter, de me laisser captiver par l'un d'eux. C'est comme si, en dépit de la beauté et de la diversité qui s'offrent à moi, je cherchais quelque chose d'indéfinissable, une connexion qui reste insaisissable. Les cadres se succèdent, allant du minimalisme moderne au baroque le plus orné, des lignes épurées aux ornements les plus complexes, et pourtant, rien ne semble résonner avec ce que je désire vraiment, avec ce que je cherche sans peut-être le savoir. Je me laisse guider par une curiosité flottante, un désir de découverte qui ne trouve pas encore son objet. Les miroirs me renvoient mon propre reflet, multiples versions de moi-même qui se perdent dans l'infini des possibles, et je me sens à la fois partout et nulle part dans ce labyrinthe de verre. « Et toi ? C’est chez toi Cassia… » soufflais-je, ma voix teintée d'une douceur involontaire, mes yeux fixés sur les reflets multiples qui nous entourent, mais mon esprit tout entier concentré sur elle.

Le sujet délicat de l'argent vient s'immiscer entre nous, une ombre légère sur un moment autrement parfait. Cassia, avec cette franchise qui la caractérise, aborde la question de manière directe, sachant pertinemment que cela pourrait semer une discorde temporaire entre nous. Il ne s'agit pas d'une question de moyens ou d'une quelconque réticence à investir dans notre futur commun, mais plutôt d'une bataille de principes, d'un désir partagé de contribuer équitablement à notre projet de vie commune. Elle insiste, avec une détermination douce mais ferme, sur son souhait de payer la moitié de la somme. Ses arguments sont solides, empreints d'une volonté d'égalité et de partage dans tous les aspects de notre relation. Mais, malgré la rationalité de ses points, je ne peux m'empêcher de ressentir cette pointe de frustration, ce besoin presque viscéral de prendre soin d'elle, de la protéger, même dans ces petites choses qui semblent insignifiantes. Je râle, bien sûr que je râle. C'est un mélange de protestation amoureuse et de fierté masculine, une lutte intérieure entre mon désir de l'englober dans une bulle de sécurité financière et la reconnaissance de son autonomie, de sa force. « Cassia, tu sais bien que ce n'est pas une question d'argent… » je lance, mon ton trahissant une irritation feinte. « Je veux juste... Je veux m'assurer que tu ne ressentes jamais le besoin de... » Ma voix s'estompe, réalisant à quel point mes paroles pourraient sembler paternalistes, à quel point elles pourraient minimiser son indépendance, son désir de contribuer de manière égale à notre histoire.

Alors que la question de qui paierait ces courses se posait entre nous, un sentiment d'embarras s'empare de moi, teinté d'une nuance de malaise que je ne parviens pas à dissimuler. Cassia, avec sa proposition de régler la somme, avait sans doute cherché à simplifier les choses, à trancher à travers l'impasse de notre débat amical mais tenace sur l'équité financière. Pourtant, à l'instant où ses mots franchissent ses lèvres, je me sens pris au dépourvu, déstabilisé par la simplicité de sa solution et, d'une certaine manière, par mon propre désarroi face à elle. « Hmm... » ma voix trahit mon hésitation, un mélange de surprise et d'une pointe de fierté masculine égratignée. Dans ce simple échange, toute la complexité de mes sentiments se dévoile, une lutte intérieure entre le désir de maintenir une forme de galanterie traditionnelle et la conscience de l'importance de l'égalité dans notre relation. C'est un embarras né de la confrontation entre des idées modernes sur le partage des responsabilités et des instincts plus anciens, presque archaïques, sur la protection et le soin. Je me trouve là, debout dans l'allée, à jongler avec ces pensées contradictoires, conscient de l'absurdité de ma réticence à laisser Cassia payer. « Je... je ne veux pas que tu penses que je m'attends à ce que tu... » Je m'arrête, cherchant les mots justes, ceux qui pourraient exprimer mes craintes sans sembler archaïque ou, pire, manipulateur.

Alors que le choix de certains meubles s’avérait être assez difficile, je m’étais lancée dans une conversation dont je savais le sujet assez sensible. L’argent. Je savais que Milo gagnait très bien sa vie mais malgré cela je ne voulais en aucun cas qu’il règle toutes les factures nous concernant. J’avais toujours mis un point d’honneur à être indépendante, et le côté financier en faisait bien évidemment parti. Sachant qu’il refuserait catégoriquement de me laisser payer la totalité des achats d’aujourd’hui, j’avais tenté de négocier la moitié de la somme. Bien évidemment, Milo ne semble pas ravi par ma demande. « Je sais que ce n’est pas une question d’argent. C’est justement pour cela que je t’en parle… C’est aussi important pour moi. » Le pilote de ligne commence alors à m’expliquer qu’il ne voulait pas que je ressente un besoin. Mais de quoi parlait-il exactement ? Milo ne termine pas sa phrase. « Le besoin de quoi… ? » demandai-je curieuse. Le pilote de ligne semble se perdre dans ses pensées. A ce moment précis, j’aimerais beaucoup savoir ce qui se passait dans sa tête. Mon regard ne quitte pas le jeune homme. Milo reprend d’ailleurs la parole mais il ne termine pas non plus sa phrase. « A ce que je quoi… ? » Mon regard cherche le sien « Milo, s’il te plais termine tes phrases. Ça va finir pas me rendre dingue... » dis-je d’une voix presque suppliante. Ma main vient trouver la sienne, entremêlant mes doigts aux siens. « Je ne veux pas que l’argent soit un sujet de discorde entre nous. Je souhaiterais simplement que tu comprennes que c’est important pour moi d’être indépendante financièrement. Je travaille et ça peut paraître idiot mais… acheter un simple meuble me procure une certaine fierté... Tout comme le fait de participer à un achat avec toi… » Cet argent je le gagnais, je le méritais. Et grâce à ce travail dans lequel je me donnais corps et âme je pouvais vivre décemment au quotidien. « Je sais que c’est important pour toi aussi et que tu ne souhaites que mon bien être. C’est pour cela que je te propose un compromis... » Je comprenais le point de Milo, et je savais ô combien mon bien être lui importait. Je le savais et j'en étais très reconnaissante d'ailleurs. Mais l'envie de rester indépendante et le fait de ne pas vouloir passer pour une profiteuse aux yeux de quiconque me tenait à cœur. Je n'étais pas une femme vénale, je n'avais jamais profiter de quiconque et cela me blesserait d'ailleurs plus que tout qu'une jour, ce genre de reproche me soit fait.

Au plus profond de mon être, une guerre secrète déchire le voile du silence, un affrontement où mon cœur et mon esprit sont les ennemis jurés. C'est une confrontation silencieuse, mais ô combien violente, où je dois admettre, bien malgré moi, que Cassia a raison. Cet aveu, même murmuré dans le plus intime de mon for intérieur, est une épreuve. Il pèse sur ma poitrine comme un fardeau trop lourd à porter, une pilule amère que je peine à avaler. Cela va bien au-delà d'une simple question d’orgueil ; c'est toute ma conception de moi-même qui est ébranlée. Je m'étais toujours vu comme le maître incontesté de ma destinée, le pilote infaillible de mon propre voyage. Admettre que Cassia, avec sa clairvoyance et sa perspicacité, puisse détenir une vérité que j'ai moi-même négligée, c'est comme accepter un coup direct à mon ego surdimensionné. C'est reconnaître que, peut-être, je ne suis pas l'homme inébranlable que je prétends être.

Mon visage, malgré tous mes efforts pour rester impassible, trahit la tempête qui fait rage en moi. Les lignes de mon front se creusent, mes mâchoires se serrent, un combat intérieur se reflétant dans chaque micro-expression que je lutte pour contrôler. Un mécontentement sourd, une irritation presque palpable, se glisse dans les failles de mon armure, exposant des fissures que je pensais invisibles. A travers ces moments de doute, confronté à la réalité incontestable de Cassia, que je réalise à quel point mon arrogance peut être à la fois ma force et ma faiblesse. Elle m'a conduit à des sommets inimaginables, à traverser des tempêtes et à sortir victorieux de situations désespérées. Pourtant, ici, face à Cassia, mon arrogance se transforme en mon talon d'Achille, révélant une vérité que je suis réticent à admettre, même face à l'évidence.

Perdu dans le tumulte de mes pensées, tourmenté par des vagues de doutes et d'incertitudes, je sens soudain la chaleur de la main de Cassia se glisser dans la mienne. C'est un geste doux, peut-être une tentative de me rassurer. Pourtant, presque par réflexe, comme si j'étais piloté par une fierté meurtrie et une obstination sans faille, je me dérobe. Je retire ma main avec une hâte maladroite, croisant les bras sur ma poitrine comme pour ériger une forteresse autour de mon être vulnérable, me retranchant derrière cette posture défensive. Le silence qui s'installe est brisé par la voix de Cassia, son ton trahissant une volonté aussi ferme que la mienne. « Bon… Qu’est-ce que tu proposes ? » Ma question, simple en apparence, résonne lourdement entre nous.

Levant les yeux au ciel, je laisse échapper un soupir profond, un son lourd de frustration et d'impuissance. C'est l'expression de mon désarroi face à notre impasse, à mon incapacité à trouver une solution qui nous satisfasse tous les deux. « Je sais bien que tu travailles mais… » Mes mots s'étiolent, se dissolvent dans l'air, ma phrase se perdant dans un gouffre d'inachevé. Ce silence, qui vient souvent ponctuer mes phrases, je sais qu'elle le déteste. C'est un espace vide que je laisse derrière moi, un signe de ma propre réticence à exprimer pleinement ce tumulte d'appréhension et ce désir instinctif de la protéger qui m'habitent. Et pourtant, je persiste dans cette voie, emprisonné par mon propre orgueil, incapable de franchir le pas vers une vulnérabilité assumée. Chaque mot non-dit, chaque silence entre nous, est un témoignage de cette lutte intérieure, de ce conflit entre le besoin de garder mes distances et le désir profond de m'ouvrir, de laisser Cassia voir la tempête qui rage en moi « On fait comme tu veux… » Ma capitulation est à la fois résignée et pleine de réticence.

C’était bien connu, l’argent était un sujet sensible, un sujet de discorde dans de nombreux couple. Avec Milo, nous ne faisions pas exception sur ce point. L’idée n’était pas de nous disputer à ce propos, loin de là. J’essayais simplement de faire comprendre à Milo mon point de vue. Je connaissais déjà le sien et je le comprenais d’ailleurs. C’est pour cela que j’avais tenté de proposer un compromis qui pourrait nous convenir à tous les deux concernant les achats d’aujourd’hui. Une discussion dans laquelle j’essayais d’instaurer un peu de douceur et un climat de confiance. Mais en vain. Milo restait apparemment campé sur ses positions, et cela je m’en était aperçu rapidement quand ma main avait voulu s’entremêler doucement à la sienne et qu’il avait clairement refuser de partager ce geste tendre et pourtant si habituel. Cela me blessa quelque peu mais je tentais de ne rien laisser paraître. Mon regard se pose sur Milo, les bras croisé qui semblait agacé. J’avais du mal à croire qu’il réagissait ainsi pour si peu. Et surtout qu’il ne veuille pas essayer de comprendre mon point de vue. Milo, toujours aussi frustré me demande ce que je proposais. « Ce que je te propose c’est de partager les dépenses d’aujourd’hui... » Mon ton était moins doux que tout à l’heure. Je commençais sans doute à perdre un peu patience et puis le refus de Milo de prendre ma main dans la sienne m’avait quelque peu vexé je devais bien l’avouer. Finalement, Milo m’annonce vouloir faire comme je voulais. A ce moment là j’avais envie de ne pas lui laisser le choix et de m’occuper de payer la totalité des achats. Mais cela aggraverait sans nul doute la situation. Je lève les yeux au ciel « On partage. On fait moitié-moitié... » dis-je simplement en prenant donc la décision. Je trouvais ma proposition adapté depuis le début.

Nous continuions malgré tout de faire le tour du magasin. L’ambiance est moins sympathique que le début mais peu importe. Il me fallait de toute manière ce que nous étions venus chercher. Nous étions prêts à passer en caisse. Avec une paire de draps, une nouvelle lampe, et une table de cuisine. Le canapé avait été commandé mais serait livré plus tard dans la semaine. Nous avions peu échangé depuis notre désaccord, le passage en caisse se fait donc en silence. Je paye la moitié des achats et Milo l’autre moitié. Nous quittons ensuite le magasin pour retourner à la voiture. Le trajet jusqu’au retour à l’appartement se fit en silence.

Au plus profond de moi, la certitude que Cassia a raison. Je saisis parfaitement l'essence de son argument, la logique irréfutable qui sous-tend ses mots. Pourtant, il existe un gouffre entre cette compréhension et ma capacité à verbaliser ma reconnaissance de ses points valides. Je me retrouve piégé dans un silence obstiné, une réticence qui dépasse l'entêtement pour frôler l'orgueil mal placé. Ce mutisme s'étend, une ombre froide entre nous, tout au long de notre passage en caisse, où les gestes mécaniques des achats semblent accentuer le fossé grandissant de notre communication. Une fois installés dans la voiture, ce silence prend des dimensions encore plus pesantes, un vide sonore si palpable qu'il semble remplir l'espace de bruits fantômes, d'échos de conversations non tenues.

Le trajet se transforme en une épreuve de silence, où chaque mètre parcouru semble creuser davantage la distance entre nos cœurs. Je rumine, perdu dans un tourbillon de pensées et de justifications internes, le visage figé dans une expression de fermeture totale. Malgré la proximité physique imposée par le véhicule, je me sens à des années-lumière de Cassia, incapable de franchir le fossé de notre mésentente par de simples mots. Mon incapacité à croiser son regard traduit toute l'étendue de mon trouble. Il y a dans ce refus un aveu de faiblesse, une peur irrationnelle de ce que je pourrais y lire : déception, tristesse. Cet agacement qui monte en moi n'est qu'un masque pour une frustration plus profonde, celle d'être confronté à mes propres limites, à cette fierté maladive qui me retient de faire le premier pas vers la réconciliation.

En atteignant le pied de l'immeuble de Cassia, nous nous attelons à la tâche de décharger la voiture, nos mouvements synchronisés dans un silence pesant. C'est avec une efficacité mécanique que nous transportons la table de cuisine à travers le hall puis dans l'ascenseur, jusqu'à son appartement. Mes pensées, embrouillées et sombres, me suivent à chaque étape, un compagnon silencieux mais oppressant de mon agitation intérieure. Même dans l'acte simple d'aider, je me sens distrait, perdu dans mes réflexions. Le montage du meuble devient rapidement une source de frustration supplémentaire. Chaque étape du plan semble conçue pour tester ma patience déjà mise à rude épreuve. Je soupire, un son lourd de mécontentement, tandis que je m'essuie le front avec l'avant-bras, un geste de lassitude face à l'énigme de bois et de vis qui s'étale devant moi. Malgré tout, poussé par une sorte de détermination tacite, nous parvenons à assembler la table, chaque pièce enfin à sa place.

Une fois le travail achevé, je me dirige vers la cuisine pour me laver les mains, les essuyant machinalement sur mon polo, une tache d'humidité témoignant de l'effort physique. Mais c'est l'effort mental, le tumulte intérieur, qui pèse le plus lourd sur mes épaules. La sensation oppressante de l'air confiné de l'appartement m'amène à une décision inévitable : j'ai besoin d'air, de distance, d'un moment pour démêler l'écheveau de pensées qui me tient captif. « Je sors faire un tour… » Les mots franchissent mes lèvres avec une résignation teintée d'une urgence à me retrouver, à clarifier le brouillard d'émotions et de pensées qui m'envahit. Cette fois, je ne m'encombre pas de politesses ou d'offres d'aide supplémentaire. La situation, tendue et électrique entre nous, rend superflue toute tentative de maintenir un semblant de normalité. L'idée même de ramener quelque chose, même un pot de confiture en guise de geste conciliateur, semble déplacée, presque absurde dans le contexte actuel.

Sans attendre de réponse, je franchis le seuil de la porte, laissant derrière moi l'espace confiné de l'appartement, Cassia, et le poids de nos non-dits. L'air frais de l'extérieur m'accueille comme une bouffée de liberté, mais aussi comme le prélude à une introspection nécessaire. C'est un moment pour moi, pour réfléchir à mes actes, à mes mots, et surtout, à la manière dont je souhaite avancer dans cette relation complexe mais précieuse que j'entretiens avec Cassia.

L'instant où je franchis le seuil de l'appartement pour m'envelopper de l'air frais extérieur marque une transition palpable, comme si j'échangeais l'atmosphère étouffante de nos tensions contre la possibilité d'un nouveau souffle. Un profond soupir s'échappe de mes lèvres alors que je déambule sans but précis dans les rues de Fall River, ville témoin silencieuse de l'orage qui gronde en moi. Mes pas me portent à travers le tissu urbain, mais mon esprit est ailleurs, embourbé dans le labyrinthe de mes pensées, tournant en rond autour de notre dispute non résolue.

Autour de moi, la vie continue son cours indifférent, les gens vaquent à leurs occupations, croisent mon chemin sans vraiment me voir, figurations dans la pièce de théâtre de mes tourments personnels. Je ne leur accorde aucune attention, mon esprit trop occupé à analyser et à décortiquer chaque mot, chaque silence qui a ponctué notre conversation avec Cassia. Guidé par un instinct plus que par une réelle intention, je me retrouve finalement dans un parc de la ville, un havre de verdure au milieu de l'asphalte et du béton. Là, je m'assois sur un banc, accueillant le calme relatif qui contraste avec le tumulte intérieur qui m'habite. Le cadre naturel, avec ses arbres dont les feuilles frémissent doucement sous la caresse du vent, offre un contraste apaisant à l'agitation de mes pensées. L'observation distante des scènes de vie quotidienne qui se déroulent autour de moi – un enfant courant derrière un ballon, un couple partageant un moment de complicité, une vieille dame nourrissant des pigeons – me procure un semblant de détachement, un rappel que la vie, avec ses joies simples et ses peines passagères, continue malgré tout.

Immergé dans le tourbillon de mes pensées, la dernière chose à laquelle je m'attendais était d'entendre la voix de ma mère dans ce parc, en ce moment précis. La surprise est totale, presque désarmante. L'idée de l'éviter me traverse l'esprit, mais je sais trop bien que cela me coûterait plus cher en remontrances maternelles qu'en confession momentanée. « Alors on ne reconnaît plus sa mère ? » Sa voix teintée d'amusement tranche à travers mon introspection, et, sans demander mon avis, elle prend place à mes côtés sur le banc. Son observation suivante, « Hmm…Je connais ce visage, c’est le même que celui de ton père lorsqu’il est contrarié ! » me fait légèrement sourire malgré moi. L'aptitude de ma mère à lire en moi comme dans un livre ouvert, à détecter les nuances de mon humeur simplement à partir de mon expression, ne cesse de m'étonner. Et, bien sûr, son inébranlable assurance que je finirai par tout lui raconter, ajoutée à son refus anticipé de toute tentative de diversion de ma part, me fait réaliser l'inutilité de toute résistance. « Je t’écoute et inutile de m’inventer une histoire à dormir debout ou de me mentir, je te rappelle que je suis ta mère. » Sa fermeté, teintée d'une pointe d'humour, est mon signal de défaite. Et donc, avec une résignation teintée d'un certain soulagement, je me confie, lui dévoilant les grandes lignes de notre désaccord avec Cassia, attendant une réprimande ou un conseil maternel empreint de sagesse. Sa réaction est pourtant à l'opposé de mes attentes. Elle éclate de rire, un rire franc qui dissipe une part de la tension accumulée en moi. « C’est tout ? Tu te mets dans un état pareil pour cela ? Je pensais que tu allais m’annoncer que vous étiez séparés ! Qu’elle ne te suppportait déjà plus ! » Sa réaction, loin de minimiser mes tourments, les remet en perspective, me faisant réaliser, peut-être pour la première fois, l'ampleur disproportionnée de ma réaction.

Guidés par l'élan naturel de la conversation, nous nous levons et reprenons notre marche, nos pas nous menant sans direction particulière jusqu'à ce qu'un restaurant capte son attention. L'air toujours aussi léger, ma mère semble considérer ce détour impromptu comme une opportunité de prolonger ce moment d'échange entre nous. Profitant de ce bref interlude, je glisse discrètement mon téléphone de ma poche pour envoyer un message à Cassia. « Ne m’attends pas pour dîner. » Ce geste, simple en apparence, marque un pas vers la prise de distance nécessaire pour me permettre de réfléchir plus sereinement à notre situation, tout en m'offrant l'occasion de bénéficier de la sagesse et du soutien inconditionnel de ma mère. Ce dîner impromptu, bien loin des tumultes de ma vie sentimentale, promet d'être un havre de paix, une parenthèse bienvenue dans la tourmente de mes émotions.

Le moment de régler l'addition se transforme soudainement en scène familiale à la fois tendue et comique. Alors que je sors ma carte de crédit, prêt à prendre en charge le dîner, la réaction de ma mère est immédiate et chargée d'une exaspération théâtrale. « Mais il recommence ! Ce n’est pas vrai ! » Ses mots, grognés avec une pointe d'agacement affectueux, résonnent dans l'air. « Je t’ai trop bien éduqué… » ajoute-t-elle, mi-admonestant, mi-fière, un sourire en coin trahissant son affection malgré la réprimande.

La scène se joue rapidement : à l'approche du serveur avec le terminal de paiement, ma mère, avec une agilité surprenante, s'empare de l'appareil avant que je puisse réagir, assurant ainsi la victoire dans cette petite bataille de générosités. Son triomphe est évident, sa fierté de m'avoir pris de court non dissimulée, alors qu'elle me regarde avec un air à la fois moqueur et attendri.

Le serveur s'éloigne, nous laissant à notre duel verbal. « Tu vas rentrer… Et… » Elle commence, mais je l'interromps promptement, connaissant déjà la direction de ses conseils. « Et quoi ? Je ne vais pas lui dire que je suis désolé ? » L'exaspération joue sur ses traits alors qu'elle pose une main contre son front, un geste théâtral qui accompagne ses paroles pleines de sagesse. « Non absolument pas, tu vas rentrer, faire un concours de claquette avec une loutre et un chimpanzé et lui demander de voter pour le meilleur danseur ! » Son sarcasme me fait sourire malgré moi, soulignant l'absurdité de ma question.  « Tu sais, il faut savoir mettre sa fierté de côté parfois. C’est bien ce que tu fais mais... C’est tout à son honneur de vouloir être indépendante. Tu devrais être fier d’être avec elle et non avec une pimbêche agglutinée à toi pour ton argent, Milo… » Sa voix se teinte d'une gravité qui souligne l'importance de ses mots, me rappelant les valeurs qu'elle m'a inculquées.

Alors que nous sortons du restaurant, je hèle un taxi, veillant à régler d'avance la course pour garantir le retour de ma mère en toute sécurité. Elle s'apprête à entrer dans le véhicule quand, se tournant vers moi, elle m'embrasse sur la joue, une tendresse maternelle infinie dans ce geste. « Milo Davis ! » Son ton de réprimande se mêle à une affection palpable. « Je t’ai vraiment trop bien éduqué… » répète-t-elle, ses mots emportés par la fermeture de la portière alors que le taxi s'éloigne dans la nuit.

Alors que je regarde le taxi emporter ma mère dans la nuit, une sensation de solitude m'envahit brièvement, avant d'être remplacée par une résolution renouvelée. La fraîcheur du soir enveloppe Fall River d'une quiétude presque palpable, les rues baignées dans l'obscurité ne sont éclairées que par les lumières éparses des réverbères et des fenêtres alentour. Ce décor nocturne m'accompagne tandis que j'accélère le pas vers l'appartement de Cassia. Arrivé devant sa porte, je prends une profonde inspiration, rassemblant mon courage et mes pensées, avant de pousser discrètement la porte.

La séance shopping dans le magasin d'ameublement change radicalement d'ambiance après avoir eu cette discussion sur l'argent. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi Milo s'obstinait tant à vouloir toujours tout payer. C'était certes très généreux et bienveillant de sa part, je comprenais également qu'il faisait cela pour mon confort et mon bien être. Je comprenais donc son point de vue. Mais pourquoi refusait-il de comprendre le mien ? Alors que je m’efforçais au mieux de lui expliquer calmement mon ressenti mes aussi mes convictions. Mais rien n'y faisait. Milo se braquait totalement à ce sujet, au point de même refuser un geste tendre de ma part. Il me demande ce que je souhaitais faire, sur un ton un peu agacé. En précisant que l'on pouvait bien faire comme moi je souhaitais faire. Je prends sur moi pour ne pas m'énerver davantage. Si je l'écoutais nous quitterons la boutique pour rentrer les mains vides. Ou bien je déciderais de payer les frais toute seule. Mais j'avais pleinement conscience que ces deux manières d'agir ne ferait qu'empirer la situation. Alors je reste sur ma première proposition. Partager les frais, de manière équitable. Quoi qu'en pense Milo, je trouvais que c'était un bon compromis.

Le trajet du retour dans l'habitacle de la voiture se fait en silence. Seul le son de la radio se faisait entendre et donnait la fausse sensation d'une atmosphère détendue. C'était bien évidemment tout le contraire. Je n'avais jamais aimé être en désaccord avec Milo, encore moins depuis que notre relation avait évolué. Je me demandais jusqu'à quel point et surtout jusqu'à quand il resterait frustré par cette histoire d'achat partagé de meubles. Une fois arrivés, nous faisons forces communs pour monter la table et les différents achats jusqu’à mon appartement. Le montage le plus important et sans doute le plus long était celui de la table de la cuisine. J’accompagne Milo dans ce montage, du mieux que je le pouvais. Bien que j’étais indépendante dans beaucoup de domaine j’avais des progrès à faire dans celui du bricolage, clairement. Le montage de la table se fait dans une ambiance assez tendue, sans compter le fait que comme bien souvent les plans fournis lors de ce genre d’achat donnait le tournis. Milo perd patience, râle un peu mais il ne baisse pas les bras. De mon côté, je reste silencieuse, ne voulant en aucun cas ajouter de l’huile sur le feu.

La table montée et installé, Milo part se laver les mains et m’annonce vouloir sortir faire un tour. Bien que j’aurais préféré qu’il reste là afin que nous puissions discuter sa décision ne m’étonnait pas. Pour être honnête, je m’y attendais même. « D’accord, A tout à l’heure... » je n’eus même pas le temps de me retourner pour le voir partir qu’il avait déjà passé la porte. Me retrouvant seule, je décidai de faire un peu de ménage et de rangement. J’en profitais également pour changer les draps de mon lit et installer la nouvelle lampe dans le salon. Le temps passait et malgré tout je ne cessais de me demander quand est-ce que Milo allait revenir. Allait-il être fâché si longtemps ? La crainte qu’il reparte demain à New-York encore en colère me pinçait déjà le cœur. Je ne cessais de cogiter, était-ce moi dans le fond qui avait mal agis ? Pourtant je ne souhaitais que payer la moitié des meubles qui allaient se retrouver chez moi. En quoi était-ce un mal ? Je suis interrompue par la sonnerie de mon téléphone. Milo. Je m’empresse d’ouvrir son message mais rapidement, en lisant ses quelques mots, une once de déception s’empare à nouveau de moi. Il m’annonçait simplement que je ne devais pas l’attendre pour dîner. Je laisse échapper un long soupire. Je ne souhaitais qu’une chose, faire le premier pas, minimiser la situation et lui depuis tout à l’heure semblait vouloir instaurer une distance entre nous. Ma fierté en prenait un coup tout de même. Je décide de ne pas répondre. Pour al simple et bonne raison que je ne savais pas quoi lui dire. Et puis son message attendait-il réellement une réponse ? J’en doutais.

Dîner ? Toute cette situation me coupait clairement l’appétit. Je voyais les heures tourner et je commençais moi même à tourner en rond. Finalement, je décidais de cesser de culpabiliser encore et encore. Je décidais de me préparer une tasse de thé. Mon premier réflexe fut de m’installer sur le canapé mais l’affaissement important de ce dernier nuit à notre activité de la veille me rappela à la réalité. Alors je décidais d’aller m’installer dans la chambre. Draps frais, thé et un bon livre m’aiderait sans doute à me détendre un peu. Allongée sur le ventre, je dépose ma tasse de thé non loin de moi, et me plonge dans une lecture qui je l’espère me fera le plus grand bien et m’aidera à m’évader le temps d’un moment loin de ces tracas de la vie quotidienne et de la vie de couple.

Avec une prudence qui frôle la révérence, je referme doucement la porte derrière moi, un souffle d'air frais s'échappant de la nuit pour venir mourir dans la tiédeur de l'appartement. L'obscurité, presque palpable, m'enveloppe tandis que je m'efforce de ne faire aucun bruit, conscient que chaque geste pourrait briser le fragile équilibre du moment. Je me déleste de ma veste avec une délicatesse inhabituelle, la suspendant au porte-manteau comme si ce simple acte pouvait atténuer le poids des mots non dits entre Cassia et moi. Je laisse mon regard errer dans l'appartement, absorbant le silence et la pénombre, un contraste saisissant avec le tumulte de mes pensées. Un sourire amer étire mes lèvres alors que je me remémore nos moments de bonheur partagé, mais aussi les disputes qui ont ébranlé notre complicité. C'est une mélancolie douce-amère qui s'installe, teintée de regrets et d'une profonde nostalgie. La faible lueur qui s'échappe de la chambre de Cassia trace un chemin de lumière sur le sol, promesse d'une présence éveillée, ou peut-être le vestige d'un sommeil interrompu. Mon cœur s'accélère à l'idée de la retrouver, de briser enfin le silence qui s'est imposé entre nous. Je m'approche de la porte entrouverte avec une hésitation teintée d'espoir. Là, je l'aperçois, allongée sur le ventre, absorbée dans sa lecture, une image de tranquillité et de concentration qui contraste avec l'orage intérieur qui me tourmente. L'envie de la rejoindre, de me jeter à ses côtés pour lui exprimer mes torts est presque irrésistible. Pourtant, je reste immobile, retenu par une fierté mal placée qui entrave mes mots, mes gestes, transformant mon désir de réconciliation en une statue de silence.

Je choisis alors la retraite temporaire, m'éclipsant vers la salle de bain pour une douche que j'espère clarificatrice. L'eau chaude sur ma peau agit comme un baume, me permettant de soupirer, de relâcher une tension que je n'avais pas pleinement réalisée porter. Sous le jet apaisant que je me demande non pas si, mais comment présenter mes excuses à Cassia, comment traverser le voile de fierté et d'incompréhension qui nous sépare. C'est en sortant de la douche, enveloppé dans la brume tiède de mes pensées, que mon téléphone capte mon attention, vibreur actif annonçant l'arrivée de messages. Ma mère, d'abord, dont les mots semblent toujours trouver une résonance particulière en moi, puis Lou, une vieille amie dont la simple mention évoque un tourbillon de souvenirs passés. Le message de Lou m'arrache un sourire spontané, une bouffée d'air dans le climat lourd de ma soirée. Je m'attarde quelques instants à échanger avec elle, le sourire persistant alors que je me laisse emporter par cette interaction légère, un contraste bienvenu aux heures précédentes. Ce bref interlude avec Lou, bien qu'anodin, me remplit d'une énergie nouvelle, me rappelant que la vie continue, pleine de nuances et de connections humaines qui forgent notre quotidien.

Armé de cette légèreté retrouvée, je sors de la salle de bain, téléphone en main, décidé à affronter la suite de la soirée. Alors que je m'installe confortablement à ses propres côtés, mon attention est irrésistiblement attirée vers Cassia. L'espace d'un moment, je mets de côté mon téléphone pour l'observer silencieusement. Le sourire, né de l'échange léger avec Lou, persiste sur mes lèvres, un souvenir agréable de temps plus insouciants. Pourtant, la réalité de notre situation actuelle, l'ombre de la dispute qui plane entre nous, exerce sa pression, rendant la légèreté de ces souvenirs momentanément amers. Je continue de répondre à Lou, distraitement, mon esprit et mon cœur partagés. Il y a en moi cette réticence à briser le silence qui s'est installé entre Cassia et moi, cette hésitation à entamer la conversation nécessaire, pourtant vitale pour notre relation. Dans un mouvement presque réflexe, guidé par un instinct égoïste de préservation, je me tourne, lui tournant le dos, m'enveloppant dans la couette comme pour m'isoler de la réalité de notre tension. Ce geste, si simple en apparence, est lourd de non-dits, de regrets et d'une lutte intérieure que je peine à résoudre.

Un flot d'interrogations m'assaille alors, me faisant vaciller dans mon choix de silence. L'incertitude sur la manière d'aborder la situation, sur les mots à utiliser pour exprimer mon regret sans aggraver notre état, tourne dans mon esprit comme un carrousel incessant. En quête de la position physique qui pourrait apaiser mon tourment intérieur, je me retourne sur le dos, les yeux fixés sur le plafond sombre, cherchant désespérément une échappatoire à l'impasse émotionnelle dans laquelle nous nous trouvons. Le poids de notre dispute, de mes choix et de mes silences, pèse sur moi avec une intensité suffocante, rendant chaque respiration un peu plus lourde, chaque pensée un peu plus chargée. C'est une lutte contre moi-même, contre l'orgueil et la peur qui me retiennent de tendre la main vers elle, de briser ce mur de glace que nous avons érigé, pierre par pierre, mot par mot.
La prise de conscience que Cassia représente bien plus pour moi qu'une victoire d'ego est le déclic nécessaire pour briser le mur de silence que j'ai contribué à ériger entre nous. Mon corps, animé d'une résolution nouvelle, se redresse, me poussant hors du lit pour chercher réconfort dans le simple acte de boire un verre d'eau dans la cuisine. Ce geste banal, presque automatique, me donne quelques instants de plus pour rassembler mes pensées, pour apprivoiser l'humilité nécessaire à ce qui doit suivre.

À mon retour dans la chambre, mon arrêt au seuil, appuyé nonchalamment mais avec intention contre le montant de la porte, traduit inconsciemment une hésitation, une réticence à franchir pleinement l'espace émotionnel qui nous sépare. Les bras croisés, une posture qui trahit mon inconfort et ma vulnérabilité, je me lance enfin, brisant le silence de la pièce par des mots que j'ai tant tardé à prononcer. « Je suis désolé... » La simplicité de l'aveu résonne dans l'espace confiné, un début fragile mais nécessaire. « J'ai eu tort tout à l'heure... » je continue, chaque mot pesé mais sincère, un pas de plus vers elle. Pourtant, malgré l'ouverture que mes mots cherchent à établir, mon corps maintient une distance, une barrière physique qui reflète la lutte intérieure entre mon besoin de me rapprocher d'elle et la force de mon ego, cette fierté qui a souvent dicté ma conduite. « Je comprends que tu apprécies ton indépendance… et pour être tout à fait honnête, je l’apprécie aussi... » l'admission sort avec difficulté, mon orgueil combattant chaque syllabe, chaque concession. Cette distance, cette posture fermée que j'adopte, me coûtent plus qu'elle ne le laisse paraître. Elles sont le symbole de mon égo surdimensionné, de cet orgueil qui, bien trop souvent, a guidé mes actions et mes paroles, mettant en péril ce qui compte réellement pour moi.

L'absence de Milo me pèse. Je ne savais pas où il était, avec qui il était et surtout je ne savais pas quand est-ce qu'il comptait rentrer. Son dîner à l'extérieur avait davantage retardé son retour et donc une potentielle explication entre nous afin d'atténuer cette tension présente depuis tout à l'heure. Afin de faire cesser les tourments présents dans mon esprit, je m'étais installé sur le lit dans la chambre à coucher pour me plonger dans un livre dans le but de m'occuper l'esprit. Je sors de ma lecture en entendant l'eau de la douche couler. Milo était rentré je ne l'avais même pas entendu. Le rythme de mon myocarde commence à s'accélérer légèrement en imaginant déjà une éventuelle explication sur ce sujet de discord qui avait semé la zizanie entre nous. Mais finalement quand Milo arrive dans la chambre, il vient s'installer de son côté, téléphone en main répondant apparemment à un message. Je l'observe. Il ne dit rien. Avait il décidé de m'ignorer ? J'en ai le cœur net quand le pilote de ligne glisse sous la couette et me tourne ouvertement le dos. Je continue à l'observer, un peu bêtement. Je ne savais pas comment agir. J'étais prête à entamer une discussion calme mais pas lui apparemment. Je ne savais pas trop comment agir. Je ne pouvais décidément pas continuer ma lecture comme se de rien n’était. Et je ne me voyais pas non plus venir contre lui comme si tout allait bien. La peur d’être à nouveau repousser était aussi présente.

Soudainement, Milo se lève du lit et quitte la chambre. La crainte qu’il décide de quitter l’appartement à nouveau me submerge. Je me redresse légèrement dans le lit. Je pose le livre sur la table de chevet. Perdue dans mes pensées je ne savais pas trop comment agir. Puis Milo revient. Il est là sur le seuil de la porte. Mon regard se pose sur lui. Et finalement le jeune homme m’annonce être désolé. J’étais soulagée du simple fait d’entendre à nouveau le son de sa voix. Milo me dit avoir eu tort tout à l’heure. Je ne m’attendais pas à ce genre d’aveu, j’avais conscience qu’il prenait sur lui pour prononcer ces mots. Milo ajoute qu’il comprenais que j’appréciais mon indépendance et qu’il l’appréciait aussi. Sur le coup, cela n’avait pas parut si évident et si visible que cela mais peu importe. « Ce n’est rien... » Il valait mieux relativiser la situation. « Je te remercie d’avoir fait le premier pas... » Car honnêtement vu son comportement je n’avais pas réussi à le faire alors que j’en avais très envie. Je m’avance légèrement pour venir m’asseoir au bord du lit « Tu sais, tout à l’heure je n’ai pas voulu te blesser… Je sais que tu es soucieux de mon bien être, j’en ai pleinement conscience. Ce n’était pas contre toi... C’est simplement que l’achat de ces meubles me tenait à cœur…. » J’avais une folle envie de m’approcher de lui, mais comment allait-il réagir ? Bien qu’il venait de s’excuser et d’avouer son tort il restait malgré tout distance physiquement. « Tu es encore fâché ? Ou je peux venir vers toi ... ? » demandai-je d'une voix incertaine.

Reconnaître mes erreurs n'a jamais été mon fort. Chaque parole d'excuse que je prononce semble lutter pour s'échapper d'un orgueil profondément enraciné. Cette sensation de défaite m'est insupportable, même lorsque chaque fibre de mon être admet que Cassia a vu juste. Pourtant, je garde pour moi cette admission, la considérant comme une concession silencieuse à sa perspicacité qui, une fois de plus, surpasse la mienne. « Non, ce n'est pas rien...Ma réaction était déplacée, et je m'en excuse. » Je me surprends à répéter, espérant que ces mots, prononcés une fois de plus, parviendront d'une certaine façon à apaiser la tension palpable entre nous. Je maintiens néanmoins une certaine distance physique, comme pour protéger ce dernier rempart de ma fierté. « Je sais... Ce n'est pas de ta faute... C'est moi... Je suis parfois un peu trop... » Ma voix s'efface, trahissant mon incapacité à admettre pleinement mon penchant pour l'emportement, pour cette intensité qui peut parfois se révéler trop brute, trop directe. « Je sais combien tu chéris ta liberté, et je dois dire que c'est très attirant... Disons simplement que j'ai un caractère un peu trop... entier. » Ces mots, difficiles à exprimer, révèlent une prise de conscience de mes propres limites, de ces traits qui me définissent, pour le meilleur comme pour le pire. Promettre une transformation radicale serait non seulement irréaliste, mais également malhonnête de ma part. « Je sais que tu as raison, Cassia, même si ça me révolte parfois, au fond, je reconnais que tu as raison... J'ai juste besoin d'un peu de temps pour... » Pour quoi, au juste ? Apprendre à partager ma vie, mes pensées, mon espace avec quelqu'un d'autre sur le long terme. C'est une nouveauté pour moi, une plongée dans des eaux relationnelles encore inexplorées, où chaque pas est à la fois un frisson d'excitation et une source d'appréhension. « Pour moi, c'est une première... » J'admets, laissant entrevoir une vulnérabilité que je tente habituellement de masquer.

La tension est quasi tangible, comme si l'air lui-même était chargé d'électricité, tandis que Cassia, bravant la distance que j'impose, me questionne sur ma volonté de surmonter nos désaccords. Sa demande, si simple et directe, résonne profondément en moi, éveillant ce désir presque irrépressible de faire tomber les masques, de démanteler les barrières que j'ai érigées moi-même. Pourtant, dans un premier temps, je persiste, me barricadant derrière une façade d'indifférence dont même moi je peine à saisir la raison. Je l'observe, assise au bord du lit, incarnant la patience et l'attente, démantelant peu à peu ma résolution de lui en vouloir. « Non. » Ma réponse, bien que distante, ne parvient pas à voiler le tumulte qui me secoue de l'intérieur. Mais alors, presque malgré moi, un changement s'opère, un sourire se dessine sur mes lèvres, révélant l'absurdité de ma propre obstination. Comment ignorer cet appel silencieux à la réconciliation, cette force invisible qui nous pousse inexorablement l'un vers l'autre, malgré les tempêtes ? « Et moi, puis-je ? » Cette question, bien que rhétorique, est le prélude à mon avancée vers elle. Je m’agenouille devant elle. Cassia incline légèrement son visage vers le mien, et nos mains se trouvent. Cette fois, ma prise est ferme, résolue, effaçant toute trace d’agacement ou de rejet qui avait teinté nos interactions précédentes. « Je suis sincèrement désolé pour tout à l’heure... » Mes mots, soufflés avec une sincérité qui me surprend moi-même. Dans un geste spontané, empreint d'une tendresse renouvelée, je me redresse légèrement pour lui voler un baiser.

Contre toute attente, Milo était revenu sur le seuil de la porte de la chambre à coucher. L’instant semblait être suspendu. Je ressentais une légère once d’inquiétude quant à ce qu’il s’apprêtait à faire ou à dire. Mais finalement, Milo s’excuse. Il avoue avoir eu tort vis à vis de sa réaction de tout à l’heure. Le fait qu’il fasse le premier pas et surtout qu’il mette sa fierté de côté me touche profondément. Je tente donc de minimiser ce qui s’est passé tout à l’heure, mais Milo ne semblait pas d’accord puisqu’il réitère ses excuses en ajoutant que sa réaction était déplacée. Je m’étais moi aussi expliquer, ma volonté tout à l’heure n’avait été en aucun cas de blesser. Milo avoue alors être parfois un peu trop entier. Cet adjectif qu’il utilise pour se qualifier me fait doucement sourire. Et petit à petit en discutant, Milo me fait comprendre que ce genre de situation était clairement nouveau pour lui. Il n’avait pas eu la bonne réaction. Qui pourrait lui en vouloir ? Pas moi en tout cas, pas après ses excuses. « Je sais, ne t’en fais pas... » dis-je simplement pour le rassurer.

En venant m’asseoir au bord du lit, j’avais voulu faire un premier pas pour essayer de briser cette distance physique. Mais avant de continuer je voulais m’assurer que Milo ne resterait pas fermé. Sa réponse négative me surprend. Je pensais qu’après nos paroles échangées il serait plus enclin à un contact physique. Mais rapidement un sourire se dessine sur son visage. Milo finit par me retourner la question, mais avant que je ne réponde quoi que ce soit il s’approche de moi et vient s’agenouiller devant moi. Nos mains se trouvent dans un geste naturel. Milo s’excuse à nouveau. « Tu es tout pardonné... » dis-je en passant tendrement une main dans ses cheveux avant de prolonger le baiser qu’il m’offre. Je recule légèrement mon visage, mais tout en restant très proche  « Et si on allait se coucher ? Mais cette fois-ci, si tu pouvais éviter de me tourner le dos... » dis-je d'une voix douce et espiègle avant de capturer à nouveau ses lèvres. Je finis par reculer pour venir m'installer confortablement dans le lit aux côté de Milo.

La tension s’apaise doucement alors que nous nous enfonçons dans la douceur du lit, le confort de notre intimité retrouvée enveloppant nos cœurs encore tendres de la réconciliation. Ma remarque, teintée d'humour et de sous-entendus partagés, est une tentative légère de retrouver la complicité qui nous caractérise, de faire écho aux moments de passion discrète qui ponctuent notre relation. « Tu n’aimes pas mon dos ? Oh… Ce n’est pas ce que les petites marques que tu as laissé hier soir me disent ! » Les mots glissent entre nous, un rappel taquin de l'intimité et de l'affection profonde qui nous lie. Cassia se blottit contre moi, trouvant sa place habituelle, celle qui semble avoir été sculptée dans mon être spécialement pour elle. Mon torse devient son refuge, et mes baisers sur sa tempe, des murmures d'adieu temporaires. C'est notre rituel, une douce mélancolie qui s'installe à la veille de chaque départ. Demain, je rejoindrai New York pour une nouvelle semaine de formation, une séparation périodique qui, bien que régulière, ne s'avère jamais plus facile. Chaque semaine, la veille de mon envol, le sommeil joue à cache-cache, esquivant mes tentatives de le capturer, laissant mon esprit vagabonder entre l'excitation du changement et la tristesse de la séparation. Je l’embrasse encore, savourant la douceur de sa peau, mémorisant chaque sensation pour nourrir mes souvenirs durant l'absence à venir. La nuit enveloppe Fall River dans son manteau d'obscurité et de quiétude, témoin silencieux de nos derniers instants partagés avant la séparation. Malgré la réticence de Morphée à m'accueillir dans ses bras, je sais qu'il finira par l'emporter, offrant un repos bien mérité avant les défis du lendemain. Mais jusqu'à ce que le sommeil vienne, je reste éveillé, conscient de chaque respiration de Cassia, de la chaleur de son corps contre le mien, gravant dans mon cœur la promesse de mon retour.

Au petit matin, le réveil sonne plus tôt que d'habitude. Cassia repose paisiblement à mes côtés, une vision de tranquillité que je m'efforce de ne pas perturber alors que je me prépare en silence. Mon départ est précipité, marqué par un baiser délicat sur ses lèvres, un aurevoir muet avant de m'aventurer dans la fraîcheur matinale de Fall River. La raison de mon lever aux aurores est simple, quoique teintée d'une inquiétude que je garde pour moi. Un rendez-vous chez mon médecin traitant, un détail de ma vie que j'ai choisi de ne pas partager avec Cassia. La dernière chose que je souhaite est de l'inquiéter avec ce qui pourrait n'être qu'une fausse alarme concernant mon dos, ou pire, l'angoisser avec l'idée de tests pour des maladies et infections sexuellement transmissibles.

Mon médecin, avec qui j'entretiens une relation de confiance, me prescrit une série de médicaments préventifs pour mon dos, une routine devenue presque familière. Mais c'est la demande d'une ordonnance pour des tests supplémentaires qui marque vraiment cette visite, une démarche responsable que je juge nécessaire, même si l'idée d'en parler à Cassia me pèse. L'ordonnance en main, je me dirige vers l'hôpital, un lieu que je connais bien, mais qui aujourd'hui me semble étrangement étranger. La salle d'attente est calme, presque solennelle, jusqu'à l'arrivée d'Anna, une connaissance commune et collègue de Cassia, qui, avec une curiosité naturelle, s'enquiert de ma présence. « Tiens Milo ! Qu'est-ce que tu fais là ? Tu es venu voir Cassia ? » Sa question, innocente, me prend au dépourvu. « Non, enfin… J'ai un examen à passer et… » Avant même que je puisse finir, elle s'empresse d'ajouter : « Je vais chercher Cassia ! » et disparaît avant que je puisse protester. Je ne voulais pas que Cassia soit impliquée, encore moins qu'elle soit celle qui effectue la prise de sang. Je préférerais garder par désir de la protéger des inquiétudes inutiles.  Cependant, avec Anna partie à la recherche de Cassia, je me retrouve face à une situation inattendue qui pourrait bien m'amener à partager plus que je ne l'avais initialement prévu.

Assis dans la salle d'attente, une vague d'anxiété monte en moi, exacerbée par l'écho des voix dans le couloir. La voix d'Anna, distincte et pleine d'assurance, traverse l'espace jusqu'à mes oreilles, son appel à Cassia porteur d'une réalité que j'espérais éviter. « Il y a un patient, très mignon, pour toi… Tu peux t’en occuper s’il te plaît ? » Son ton professionnel ne laisse transparaître aucune émotion particulière, mais pour moi, chaque mot résonne avec une intensité démesurée. L'immédiateté avec laquelle Anna disparaît après avoir posé sa question me laisse peu de temps pour réagir, pour formuler une objection ou pour préparer un semblant d'explication. Je suis figé, partagé entre le désir de courir après elle pour clarifier la situation et l'instinct de rester immobile, espérant contre toute attente que Cassia soit trop occupée pour répondre à cet appel impromptu.

Cette attente devient presque insupportable, chaque seconde étirée en une éternité, chaque bruit de pas dans le couloir un potentiel présage de son arrivée. Je me retrouve à peser les conséquences de cette rencontre fortuite, à imaginer les questions qu'elle pourrait me poser, les regards qu'elle pourrait me lancer. Comment expliquer ma présence ici, dans ce contexte, sans la plonger dans un océan d'inquiétudes ? Comment lui faire comprendre que ma démarche, bien que solitaire, est motivée par un souci de responsabilité envers notre relation ?

Je ne pouvais décidément pas rester fâchée contre Milo. Même si sa réaction de tout à l’heure avait été quelque peu disproportionné je sais que cela partait d’un bon sentiment, j’en avais conscience. Et puis, je ne souhaitais pas que ce désaccord s’éternise trop. Il valait mieux passer à autre chose rapidement. Milo était donc naturellement et évidemment pardonné. Rapidement, je propose que nous allions nous coucher, et pas dos à dos cette fois-ci. Milo fait une remarque amusante, cette dernière m’arrache d’ailleurs un léger rire « H’m… je préfère y laisser des marques que de le voir... » dis-je en entrant dans son petit jeu avant de venir me blottir contre son torse, dans ses bras, là où était ma place. Et c’est ainsi, l’esprit à présent serein, dans ce cocon de douceur et de chaleur que je rejoins les bras de Morphée.

Lorsque mon réveille sonne je suis malheureusement seule dans le lit. Je ne suis pas étonnée je savais que Milo avait programmé son réveil très tôt afin de pouvoir prendre la route rapidement pour rejoindre New-York. J’avais espéré me réveiller à ce moment là mais j’avais eu apparemment le sommeil bien trop lourd. Une petite once de déception s’empare donc de moi de bon matin. Je tentai malgré tout de me consoler en pensant à ma prochaine escapade à New-York le week-end prochain. Je me lèvre donc, prenant le temps de prendre une touche et de prendre un petit déjeuner rapide avant de quitter mon appartement pour me rendre à l’hôpital.

La matinée était relativement et étrangement calme. J’étais en train de m’occuper d’un patient qui s’était coupé avec un morceau de verre et qui avait besoin de point de suture. Alors que j’étais en train de poser le pansement pour finaliser le soin Anna vient vers moi en m’annonçant qu’il y avait un patient très mignon pour moi. Ma collègue et amie me demande alors que je pouvais m’en occuper. Je souris face à sa remarque. Parce que avec Anna parfois on aimait bien plaisanter et se taquiner. Il était déjà arrivé que le patient mignon soit en fait un homme très âgé ou alors un homme qui n’avait rien de très mignon. « Oui je vais m’en occuper. » dis-je en rangeant le matériel que je venais d’utiliser. Je salue alors le patient que je venais de recoudre et me dirige vers la salle d’attente. Je m’arrête nettement en voyant Milo assis sur l’une des chaises. « Milo !? Mais qu’est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu étais déjà en route pour New-York... » Je lui fais donc signe de me suivre, inutile de continuer une conversation personnelle dans une salle d’attente bien que presque vide. « Est-ce que tout va bien ? » demandai-je un peu soucieuse alors que je remarquai  le papier dans sa main. Sans doute une ordonnance.