L’après-midi était passé très vite. Avec Alex, j’avais pu bien avancer dans mes cartons à mon appartement. Et puis nous avions aussi beaucoup discuté tous les deux. J’étais contente de savoir qu’Alex avait décidé de tout arrêter avec Lola. Ce qu’il vivait avec elle n’était pas acceptable du tout. En rentrant, j’avais commencé à déballer quelques cartons pour ranger mes affaires. J’étais entrain de compléter la bibliothèque quand Milo arriva à son tour. Ravie de le voir rentrer, je lui demandai comment c’était passé les travaux chez Léa. Étrangement j’avais à nouveau cette sensation que quelque chose n’allait pas. Etait-ce la fatigue due à la longue journée qu’il avait eu ? Ou bien autre chose ? Milo me répond simplement que oui les travaux chez Léa c’était bien passés. Je pensais qu’il m’en aurait dit plus sur ses activités là-bas. Quoi que, à en juger par les petites taches sur ses vêtements je pouvais aisément deviner qu’il avait fait de la peinture. Je continue alors à ranger un par un les livres qu’Alex me passe. Puis alors que j’étais en train d’ajuster les livres déjà posés sur l’étagère j’entends Alex parler de taille XL et de sensation naturelle. Surprise et intriguée je me retourne et baisse le visage dans sa direction. Le jeune homme tenait alors une boîte de préservatif en l’air. Surprise, et peut-être même un peu gênée sur le moment, je me précipite alors de descendre de la chaise. « Donne moi ça... » dis-je en lui prenant la boîte des mains. Sa remarque sur le fait que nous ne devions pas nous ennuyer Milo et moi me fait rire de bon cœur. « Et en effet, on ne s’ennuie pas. Pas du tout même... » dis-je en lançant un regard qui en disant long à Milo. D’ailleurs, étant à présent à même le sol je m’approche de lui et vient déposer un baiser sur ses lèvres. « Je vais ranger ça. » dis-je en me dirigeant alors à la salle de bain pour trouver une place dans un tiroir.

Lorsque je reviens dans la pièce, Alex nous annonce « Je vais prendre une douche et me préparer. J’ai quelques visites pour des logements. » J’acquiesce, heureuse qu’il ait décidé d’avancer sans Lola « D’accord. Et encore merci pour le coup de main... » Il m’adresse un léger sourire accompagné d’un signe de main avant d’aller à la salle de bain. Je me retourne alors vers Milo. « Je suis contente, j’ai pu faire pas mal de cartons… Alex a insisté pour m’aider, on deux on a été plus vite. Le coin bibliothèque est presque terminé. Je me disais que ce week-end on pourrait aller voir pour le siège suspendu dont je t’ai parlé, qu’est-ce que tu en penses ? » proposai-je alors au jeune homme. Cela nous ferait une sortie ensemble et puis j'avais envie de choisir aussi la décoration avec lui.

La réflexion d’Alex me surprend un instant, mais ce qui suit me frappe bien plus profondément. En voyant la réaction de Cassia, je ne peux m’empêcher de sourire, malgré moi, masquant une irritation naissante. Elle descend précipitamment de la chaise, visiblement un peu embarrassée par la situation, et attrape la boîte de préservatifs des mains d’Alex avec une rapidité presque comique. Son visage s’empourpre légèrement, mais elle garde ce sourire léger, cette manière de prendre les choses avec légèreté et humour, comme elle sait si bien le faire. Elle se dirige d’un pas rapide vers la salle de bain, sans un mot de plus, et je l’observe s’éclipser pour ranger l’objet dans un tiroir. Cette scène, bien que presque anodine, me laisse un goût amer en bouche. Je sens quelque chose en moi se tendre, une irritation sourde qui monte peu à peu. Alex, de son côté, affiche un sourire amusé, un rire léger accroché à ses lèvres comme s’il trouvait la situation vraiment hilarante. Mais cet air faussement innocent qu'il arbore m’agace au plus haut point. Derrière ses rires, je vois autre chose, quelque chose qui me déplait profondément. Ce regard qui traîne peut-être un peu trop longtemps sur Cassia, ce sourire qui semble trop à l’aise dans notre appartement.

Quelques instants plus tard, Cassia revient dans la pièce, visiblement plus détendue, bien que toujours légèrement rosie. Elle semble ignorer l’inconfort de la situation, ou peut-être choisit-elle simplement de l’ignorer. Mais moi, je ne peux pas m’empêcher de ruminer. Le sourire sur mes lèvres s’efface lentement, remplacé par un froncement de sourcils que je peine à contrôler. « Je vais prendre une douche et me préparer, » annonce soudain Alex, brisant le silence qui s’était installé. « J’ai quelques visites pour des logements. » Cassia acquiesce immédiatement, un signe de tête et un petit geste de la main comme pour l’encourager, pour le soutenir. Cette complicité me heurte. Pourquoi ce geste familier ? Pourquoi ces échanges si naturels, si fluides entre eux ? Je me surprends à analyser chaque interaction, chaque regard échangé. Mon esprit, déjà embrouillé par les doutes, commence à se poser des questions que je n’osais pas formuler jusqu’à présent. Pourquoi Alex est-il encore ici ? Est-ce qu’il envisagerait plus avec Cassia ? Est-ce qu’il cherche à se rapprocher d’elle ? À tester les eaux, à voir s’il y a une ouverture, quelque chose à exploiter ? Ces pensées s’infiltrent dans mon esprit, empoisonnent ma vision de la scène. Je sais que je ne devrais pas laisser mon imagination divaguer ainsi, mais c’est plus fort que moi. Mon sourire s’efface complètement, et je sens mes sourcils se froncer malgré moi. À l’intérieur, je râle et grogne, mes pensées se bousculent, mais je me mords la langue pour ne rien laisser paraître. Cette petite scène, si innocente à première vue, me pèse lourdement sur le cœur, et je sens une jalousie sourde me ronger de l'intérieur. Mon esprit ne peut s'empêcher de tourner en boucle sur ces images : Cassia et Alex qui rigolent ensemble, qui se lancent des regards familiers, qui se parlent comme s'ils se comprenaient si bien.

Et moi, je suis là, à quelques pas d’eux, observateur d’une dynamique qui me dérange de plus en plus. Mon regard se pose sur Alex, mes yeux fixant son visage tandis qu’il quitte la pièce. J’essaie de lire au-delà de son sourire, de percer à jour ce qui se cache derrière cette aisance. Est-ce que je me fais des idées, ou est-ce que ses intentions ne sont pas aussi innocentes qu’il veut bien le faire croire ?  Je sens ma mâchoire se serrer légèrement, une vague de colère sourde montant en moi. J’ai beau tenter de la réprimer, elle est là, palpable, prête à exploser. Mes poings se contractent brièvement, et je respire profondément, essayant de ne pas laisser la frustration éclater. Mais cette complicité, ces rires entre eux, cette façon qu'ils ont de se comprendre sans même avoir besoin de parler… ça me ronge. Ça me rend fou. Parce qu’au fond, je sais que Cassia est loyale, mais je ne peux m’empêcher de ressentir cette peur irrationnelle, cette angoisse sourde que quelque chose pourrait se développer entre eux. Je ne dis rien, mais à l’intérieur, je brûle. Mes pensées s’emballent, et je me demande combien de temps encore je vais pouvoir garder ce calme apparent avant que quelque chose en moi ne craque.

Une fois qu’Alex s’est éloigné, Cassia se tourne vers moi, un sourire sur ses lèvres. « Je suis contente, j’ai pu faire pas mal de cartons… » commence-t-elle d’une voix légère, visiblement satisfaite de sa journée. « Alex a insisté pour m’aider. À deux, on a été plus vite. Le coin bibliothèque est presque terminé. » Je l’écoute, mais mes pensées sont ailleurs, encore accrochées à la scène qui vient de se dérouler. Elle continue, ignorant mon humeur qui se détériore. « Je me disais que ce week-end, on pourrait aller voir pour le siège suspendu dont je t’ai parlé, qu’est-ce que tu en penses ? » Et là, je sens quelque chose en moi céder, comme un barrage qui se fissure lentement sous la pression accumulée de ces derniers jours. J’ai du mal à me contenir, mes mots sortent plus froidement que je ne l’aurais voulu. « Tu devrais plutôt demander à Alex de t’accompagner, » répondis-je sèchement, ma voix trahissant mon agacement. Je vois son sourire se figer, son regard se plisser légèrement d’incompréhension. Sans attendre une réponse, je me dirige vers la cuisine, l’air lourd de tension, et commence à me laver les mains avec des gestes brusques, tentant de me calmer. En revenant, je continue, mon humeur de plus en plus sombre. « Vous avez l’air de bien vous entendre ! » dis-je, le ton sarcastique malgré moi, en me préparant un truc à grignoter. La colère et la frustration commencent à monter, se mêlant en une sorte de tempête intérieure que je peine à contrôler. « Je te laisse passer la soirée avec lui, je vais sortir avec Léa ! » ajoutai-je finalement en l’observant.

Après ce petit moment de gêne temporaire, bien qu’amusant malgré tout, Alex s’en va en direction de la salle de bain pour prendre une douche. J’annonce alors à Milo que j’avais bien avancé dans les cartons et que le coin bibliothèque était presque terminé. Je propose alors au jeune homme une sortie prochain pour aller essayer de trouver un de ces sièges suspendus dont je lui avais parlé l’autre jour. Milo me répond alors que je devrais plutôt demander à Alex de m’accompagner. Ses mots me surprennent, tout comme la froideur de ces derniers. Le sourire présent jusqu’à maintenant sur mon visage disparaît aussitôt. Milo se dirige alors vers la cuisine. Je le regarde, mon regard traduisant mon incompréhension la plus totale. Le jeune homme se lave les mains, ses mouvements sont brutes. Je m’approche alors un peu. Je tente de comprendre. Mais avant de pouvoir répondre quoi que ce soit, Milo ajoute qu’avec Alex nous avions l’air de bien nous entendre. Je ne voyais vraiment pas où était le mal et ce qui pouvait énerver à ce point Milo. Je fronce légèrement les sourcils « Milo, arrête… Qu’est-ce qui se passe ? » demandai-je alors soudainement inquiète. Je l’observe se préparer un petit quelque chose à grignoter. Puis le pilote de ligne m’annonce qu’il me laissait passer la soirée avec Alex, que lui allait sortir avec Léa. Je tombe des nus, et cette remarque me met en colère. « Je te demande pardon !? » Je m’approche alors de lui. « Pourquoi veux tu que je passe la soirée avec Alex ? Qu’est-ce qui se passe exactement ? C’est parce qu’il m’a donné un coup de main pour mes cartons ? Il m’a juste aidé Milo, il n’y a pas de mal à ça... » J’essayais de le raisonner mais quelque chose me disait que cela allait être très compliqué. Je soupire légèrement, je pensais que l’autre jour quand nous avions discuté cela avait apaisé les tensions qu’il pouvait ressentir au fond de lui. Mais apparemment ce n’était pas le cas. « Vraiment, je ne comprends pas ta réaction. Et si tu veux jouer à cela, je peux très bien te répondre qu’Alex ne m’aurait pas aidé si tu avais été là avec moi au lieu d’aller aider Léa... » J’étais vraiment attristé de le voir réagir ainsi, et la fatigue n’aidait pas du tout. Je commençais la colère monter en moi, et cela n’allait rien donner de bon. « Tu sais quoi ? Si tu veux passer ta soirée avec Léa, va y… » Cela me faisait du mal de dire cela surtout que je n’avais absolument pas envie qu’il retourne la voir. « Moi, je vais rentrer chez moi. Au calme, au moins là-bas, personne ne me fera de reproches... ». Je me dirige alors vers la chambre pour y récupérer quelques affaires, comme mon chargeur de téléphone, mon livre du moment. Je quitte la chambre pour me diriger vers l’entrée. J’enfile mes chaussures, ma veste et prend mon sac à main. « Passe un bonne soirée chez Léa. » dis-je d’un ton sarcastique mais aussi glacial. Et sur ces mots, j’ouvre la porte et sort de l’appartement  rapidement, non sans claquer la porte derrière moi pour la refermer, sous le coup de la colère.

La présence d’Alex me pèse de plus en plus, comme un poids constant sur mes épaules, un parasite qui s’immisce entre Cassia et moi. Chaque jour qui passe, cette irritation se transforme en quelque chose de plus sombre, de plus corrosif. Ce n'est pas seulement sa présence qui m'agace, mais ces moments de complicité entre lui et Cassia, ces échanges de regards, ces sourires légers. Je commence à imaginer tout un tas de scénarios qui tournent en boucle dans mon esprit, chacun plus désagréable que le précédent. Peut-être qu’Alex s’intéresse vraiment à Cassia ? Peut-être que ses sourires ne sont pas si innocents que ça, que ses petites blagues et ses gestes attentionnés ne sont pas désintéressés. Et s’il restait plus longtemps exprès pour elle ? Pour tenter sa chance ? Plus je les observe, plus chaque geste ou regard me paraît suspect. Une main tendue pour aider Cassia à descendre d’une chaise, un rire partagé un peu trop longtemps, un regard qui traîne. Tout cela devient, à mes yeux, une succession de preuves qu’il se passe quelque chose de plus. Ma jalousie prend racine et grandit, et je me retrouve à interpréter chaque geste sous un angle peu appréciable. Cassia ne semble pas se rendre compte de l’effet que tout cela a sur moi, ou bien elle choisit de l’ignorer. Et cette tension accumulée me ronge. Je ne peux plus regarder Alex sans imaginer qu’il pense à elle autrement que comme une amie. Les petites scènes entre eux deviennent insupportables à observer, et je sens la colère bouillonner en moi, prête à éclater.

Et ce qui devait arriver, arriva. Alors que je lui annonce d’un ton détaché que je compte passer la soirée chez Léa, je vois immédiatement une étincelle d’incompréhension et de contrariété briller dans les yeux de Cassia. Sa réaction est immédiate, et elle s’approche de moi, les bras croisés, ses yeux cherchant à comprendre. « Pourquoi veux-tu que je passe la soirée avec Alex ? » me demande-t-elle, la voix pleine de confusion. « Qu’est-ce qui se passe exactement ? C’est parce qu’il m’a donné un coup de main pour mes cartons ? Il m’a juste aidée, Milo, il n’y a pas de mal à ça… » Je l’entends, mais je ne l’écoute pas vraiment. Son ton est doux, tentant de me raisonner, mais mes pensées sont déjà ailleurs, plongées dans cette paranoïa que j’ai laissée croître en moi. « Juste aidé ? » rétorquai-je d’un ton acerbe, mon regard se durcissant. « Tu te rends compte de la complicité que vous avez ? Ou est-ce que je suis le seul à la voir ? » Cassia reste calme, mais je vois une ombre de frustration se dessiner sur ses traits. « Vraiment, je ne comprends pas ta réaction. Et si tu veux jouer à cela, je peux très bien te répondre qu’Alex ne m’aurait pas aidée si tu avais été là avec moi au lieu d’aller aider Léa… » Elle lâche cette phrase, et je sens une piqûre de culpabilité percer ma colère. Mais je ne veux pas admettre qu’elle a peut-être raison. Au lieu de ça, je m’enferme dans ma rancœur. La dispute continue, les mots se faisant plus tranchants, plus blessants. Chacun de nous campe sur ses positions, refusant de céder du terrain. Les émotions montent, la tension est palpable. Et finalement, Cassia lâche, exaspérée « Tu sais quoi ? Si tu veux passer ta soirée avec Léa, va-y… » Son ton est sec, coupant, et je sens le poids de ses mots tomber comme une enclume. « Soit, j’y vais, » répliquai-je, ma voix tremblant légèrement de colère retenue. Je sais que ce que je fais n’arrange rien, mais ma frustration m’aveugle. Elle ne peut pas comprendre ce que je ressens. Elle croise les bras, le regard noir. « Moi, je vais rentrer chez moi. Au calme, au moins là-bas, personne ne me fera de reproches... » Ses mots sont cinglants, et je sens mon cœur se serrer. Elle se dirige vers la chambre sans attendre ma réponse, son pas rapide et déterminé. Je la suis du regard, impuissant et encore plus énervé.

Je l’observe récupérer quelques affaires en silence, sa posture crispée, puis elle se dirige vers l’entrée sans un mot de plus. Je reste là, à la regarder enfiler ses chaussures, sa veste, attraper son sac à main. Chaque geste est précis, déterminé, et je sens l'irritation grimper en flèche. Je sais que j’aurais dû m’excuser, tenter de désamorcer la situation, mais je suis trop enfermé dans ma propre colère. « Passe une bonne soirée chez Léa, » dit-elle d’un ton sarcastique, mais aussi glacial, ses mots me glaçant le sang. Et sur ces mots, elle ouvre la porte de l’appartement et sort rapidement, la colère vibrant dans chacun de ses mouvements. Elle claque la porte derrière elle, le bruit résonnant comme un coup de tonnerre dans l’appartement désormais silencieux. Je reste là, figé, la mâchoire serrée, le cœur battant à tout rompre. L’appartement est étrangement silencieux, et je me rends compte, trop tard, que j’ai peut-être poussé les choses trop loin. Mais ma fierté me retient de courir après elle. Alors, je reste planté là, rongé par la colère et le regret, réalisant qu’une simple soirée a tourné en une tempête que je ne sais pas comment calmer. Alex sort de la salle de bain, de la vapeur encore accrochée à ses cheveux mouillés. Il est prêt pour ses visites d’appartements, habillé proprement, l’air frais et détendu comme toujours. En me voyant debout au milieu de la pièce, visiblement perdu dans mes pensées sombres, il me lance d’un ton innocent « Ça va, Milo ? Où est passée Cassia ? » Je sens un frisson de colère traverser mon corps, mais je tente de ne rien laisser paraître. Ses questions, même innocentes, résonnent comme des piques. Il doit bien voir la tension sur mon visage, mais je me force à répondre vaguement. « Oh, je suis juste fatigué, » dis-je d’une voix neutre, évitant de croiser son regard trop longtemps. « Elle est rentrée chez elle. » Il hoche la tête, apparemment satisfait de ma réponse, et récupère ses affaires avant de me laisser seul. J’ai besoin de me changer les idées, d’échapper à cette atmosphère lourde et tendue qui m’étouffe depuis plusieurs jours.

Sans perdre de temps, je me dirige vers la salle de bain. Une douche pourrait au moins m’aider à effacer cette colère qui brûle encore sous la surface de ma peau. Je laisse l'eau chaude couler sur moi, mais même cela n'arrive pas à apaiser complètement mes pensées. La tension est encore là, palpable, tournant en boucle dans mon esprit. « Pourquoi est-ce que je laisse tout ça m’affecter à ce point ? » me demande-je en silence, sans trouver de réponse satisfaisante. Je sors de la douche, me sèche rapidement, et m’habille pour sortir. Je décide de rejoindre Léa, espérant que sa compagnie me permettra d'oublier, ne serait-ce que pour un moment, ce qui s’est passé avec Cassia. Une fois prêt, je quitte l'appartement et me dirige vers l’épicerie du coin. Là, je prends mon temps, cherchant des trucs à grignoter qui pourraient plaire à Léa. Je choisis quelques chips, des olives, des crackers et un assortiment de fromage. Mon esprit est encore partiellement ailleurs, mais j'essaie de me concentrer sur l’instant présent, de penser à autre chose. Je prends aussi un pack de bières, pensant que ça pourrait nous détendre un peu, nous donner l'occasion de discuter sans prise de tête. Je passe à la caisse, paye rapidement, et reprends la route. Une fois chez Léa, je monte les escaliers et frappe à sa porte. Elle m’ouvre presque aussitôt, un large sourire aux lèvres. « Hey ! Entre, » dit-elle en me faisant signe de passer. Son appartement est encore en plein aménagement ; il y a des cartons ici et là, des meubles en cours de montage, et un grand espace vide au milieu du salon. Son canapé n’a pas encore été livré, alors nous décidons de nous installer à même le sol. Je pose les provisions que j’ai apportées et nous commandons des pizzas. En attendant qu’elles arrivent, Léa ouvre les bières et en tend une vers moi, s’asseyant en tailleur sur le sol. « On s’installe comme à l’époque de l’université, » plaisante-t-elle en levant sa bière. « À même le sol, entourés de cartons, comme si rien n’avait vraiment changé. » Elle rit, et je ne peux m’empêcher de sourire un peu en retour, même si le poids de la dispute avec Cassia pèse encore lourd sur mes épaules. Je m’assois en face d’elle, prenant une gorgée de bière, espérant que l'alcool et l’ambiance détendue allègeront un peu l’atmosphère intérieurement tumultueuse. « Ouais, c’est vrai, » répondis-je en haussant les épaules, tentant de paraître plus léger. Mais même ici, une part de moi ne peut s’empêcher de se demander ce que fait Cassia en ce moment, comment elle se sent, et si nous avons franchi un point de non-retour avec cette dispute.

Léa semble se douter de mon humeur, et sans poser de questions directes, elle change de sujet, racontant une histoire amusante sur un de ses collègues. Je m'efforce de l’écouter, de rire aux bons moments, et de me détendre un peu. Le temps passe et les pizzas arrivent. Nous les déballons directement sur le sol, en profitant pour grignoter et boire nos bières, essayant de recréer cette insouciance d’autrefois. Pourtant, même avec la pizza chaude dans les mains et Léa qui essaie de me changer les idées, une partie de moi reste ailleurs, coincée entre la frustration et l'inquiétude. Assis sur le sol du salon de Léa, entouré de cartons et de meubles en cours de montage, je tente de me concentrer sur la conversation et de profiter de l’instant. Léa parle avec enthousiasme, racontant une anecdote drôle sur un de ses collègues, mais mon esprit s’égare ailleurs, retournant sans cesse à Cassia. Je revois son visage en colère, ses mots tranchants qui résonnent encore dans ma tête « Passe une bonne soirée chez Léa. » Le ton sarcastique de sa voix me revient en mémoire, et je sens à nouveau la brûlure de la frustration monter en moi. Je me demande ce qu’elle fait maintenant. Est-elle réellement rentrée chez elle ? Peut-être qu'elle est restée ici, quelque part, attendant que je me calme et que je vienne m'excuser. Ou, pire encore, est-elle restée avec Alex ? Cette idée m’irrite profondément, et plus j’y pense, plus je sens ma mâchoire se serrer. Alex… ce gars est partout, toujours à se glisser dans nos moments, à se montrer trop disponible. Peut-être que je m’imagine des choses, mais ses gestes, ses sourires, cette complicité qu’il a développée avec Cassia... Cela me rend fou. Léa, assise en face de moi, semble remarquer que quelque chose ne va pas. Elle interrompt son histoire en me regardant attentivement, son sourire s'estompant doucement. « Milo, tu es complètement ailleurs, » dit-elle, inclinant la tête sur le côté. « Qu’est-ce qui se passe ? » Je soupire, prenant une longue gorgée de ma bière, et je sens son regard perçant qui attend une réponse. « Rien, » dis-je d'abord, ma voix un peu plus tendue que je ne le voulais. Puis je réalise que Léa connaît déjà cette attitude chez moi. Elle sait que quand je suis ainsi, c’est que quelque chose me ronge. Finalement, je cède un peu, décidant de lui expliquer brièvement. « C’est juste… une situation compliquée avec Cassia et… Alex. » Le nom d’Alex sort de ma bouche avec une certaine amertume, et Léa le remarque tout de suite. Elle hoche la tête, l'air compréhensif. « Oh, je vois… » Elle reste silencieuse un moment, réfléchissant. « Milo, si je peux me permettre, » commence-t-elle doucement, « Tu devrais peut-être parler à Cassia, au lieu de te renfermer sur toi-même comme tu le fais souvent. Arrête de ronchonner, mets un mouchoir sur ta fierté et parle lui ! » Ses mots sont dits avec bienveillance, mais je les sens percuter directement ma fierté. Je grogne intérieurement, ma fierté piquée au vif. Parler à Cassia ? Oui, cela semble simple en théorie. Mais je suis encore trop énervé pour revenir en arrière, trop fier pour admettre que je suis allé trop loin, que mes suspicions m’ont peut-être aveuglé. « Ouais, peut-être… » dis-je d’un ton bourru, essayant de mettre fin à ce sujet. Léa me connaît assez bien pour savoir que lorsque je suis comme ça, il est difficile de me faire changer d'avis. Elle ne pousse pas plus loin, comprenant que je ne suis pas d'humeur à recevoir des conseils. « Fais juste attention à ne pas tout gâcher par orgueil. C’est une femme extraordinaire et je suis heureux pour vous deux… Demain si tu la perds, ne viens pas pleurer car tu te seras comporté comme un imbécile ! » ajoute-t-elle doucement, avant de changer de sujet, sentant que c'est ce dont j'ai besoin.

Nous continuons de discuter, essayant de nous concentrer sur des sujets plus légers. On parle de ses projets de rénovation, des cartons qui l'entourent, des plans pour décorer l’appartement. Chaque gorgée de bière que je prends, je tente de me détendre un peu plus, mais mon esprit continue de revenir à Cassia. J’imagine sa réaction, sa colère, et cette idée d’Alex qui serait là pour elle… cela me rend malade. Je sais que Léa a raison. Je devrais parler à Cassia, essayer de comprendre, calmer le jeu. Mais mon esprit grognon et ma fierté ne me laissent pas bouger. Alors je me contente de boire ma bière, de rire un peu aux histoires de Léa, et de prétendre que tout va bien, même si je sens que ce n’est pas le cas. Les bières s’enchaînent plus vite que je ne l’avais prévu. Léa et moi continuons de discuter, de refaire le monde entre deux bouchées de pizza et des éclats de rire qui tentent maladroitement de masquer mon amertume. Je sens l’alcool me détendre, brouillant les contours de ma frustration et de ma colère, rendant mes pensées un peu plus floues, un peu plus faciles à ignorer. Pour un moment, je réussis presque à oublier Cassia et Alex, presque à éteindre cette voix dans ma tête qui ne cesse de ressasser les événements de la journée. Mais à mesure que les canettes se vident, la réalité me rattrape : je ne suis clairement pas en état de reprendre la route. Ma tête tourne légèrement, mes gestes sont plus lents, plus imprécis. Léa le remarque, son regard se posant sur moi avec une attention familière. Elle repose sa bière, un soupir léger traversant ses lèvres. « Milo, tu ne peux pas conduire ainsi, » dit-elle calmement, son ton ferme mais bienveillant. « Reste ici cette nuit, cela ne sert à rien de prendre des risques. Et si il t’arrive quoi que ce soit, Cassia va me tuer ! » Je la regarde, hésitant un instant. L’idée de dormir ici me traverse l’esprit, et pour être honnête, je ne vois pas vraiment d’alternative. Personne ne m’attend chez moi, de toute manière. Cassia est partie, probablement encore en colère, et l’appartement est bien vide sans elle. Je me sens encore un peu grognon, mais je sais que Léa a raison. Alors, j’acquiesce d’un signe de tête, un léger sourire se dessinant sur mon visage fatigué. « D’accord, » répondis-je simplement, ma voix un peu éraillée par l’alcool et la fatigue accumulée.

Léa se lève en titubant légèrement, m’attrape par le bras pour m’aider à me redresser, et nous nous dirigeons vers sa chambre. L’appartement est encore en désordre, des cartons encombrent les couloirs, mais peu importe. Nous atteignons finalement son lit, un matelas simple posé au sol faute de sommier, mais confortable malgré tout. Léa s’y glisse sans hésiter, me laissant une place à côté d’elle. Il n’y a rien de romantique dans ce geste, juste une camaraderie simple, un soutien sans jugement. Je m’allonge à ses côtés, épuisé, l’esprit encore embrouillé par l’alcool. Mes pensées vacillent entre Cassia, Alex, et la journée qui a pris une tournure si inattendue. Léa éteint la lumière, et l’obscurité de la pièce me plonge dans une torpeur apaisante. L’oreiller sent vaguement la lessive, un parfum familier et réconfortant, et je sens mes paupières devenir lourdes. Je me tourne sur le côté, le regard perdu dans l’obscurité, tandis que Léa s’installe de son côté du lit, déjà presque endormie. « Merci, Léa, » murmurai-je, ma voix à peine audible. Elle ne répond pas, mais je sens sa présence à mes côtés, une présence silencieuse qui m’aide à relâcher un peu de cette tension que je traîne depuis des jours. Le sommeil me gagne rapidement, bercé par la fatigue et les effets de l’alcool. Mes pensées se dissipent peu à peu, et pour la première fois de la soirée, je parviens à trouver un semblant de paix. Je m’endors, l’esprit encore agité mais un peu plus léger, dans ce lit qui n’est pas le mien, dans une nuit qui ne s’est pas passée comme prévu.

Le lendemain matin, je me réveille avec une gueule de bois monumentale. Ma tête bourdonne, ma bouche est sèche comme du papier de verre, et chaque rayon de lumière qui filtre à travers les rideaux me semble être un coup de marteau sur le crâne. J’ouvre péniblement les yeux, cherchant à rassembler mes souvenirs de la veille, mais tout est flou, engourdi par l’alcool. Je me redresse lentement, la douleur pulsant dans mes tempes, et je découvre Léa assise sur le bord du lit, déjà habillée, l’air bien plus fraîche que moi. Elle me tend un verre d’eau et un cachet d’aspirine sans dire un mot, un geste silencieux de compassion. « Tiens, ça te fera du bien, » murmure-t-elle doucement, un sourire en coin. Je prends le verre avec reconnaissance, avale l’aspirine d’une traite, et laisse l’eau froide glisser dans ma gorge, espérant qu’elle emportera avec elle un peu de cette douleur. Je pose le verre vide sur la table de chevet, attrape mon téléphone, et l’allume d’un geste las. Les notifications s’affichent : des messages sans importance, des alertes que je n’ai même pas envie de lire. Mais rien de Cassia. Pas un message, pas un appel. À quoi bon espérer, de toute façon ? Je sens un poids se resserrer dans ma poitrine, un mélange de déception et de frustration. Je hausse les épaules, tentant de me détacher de cette absence qui me pèse plus que je ne voudrais l’admettre. Je me lève du lit sans un mot de plus, enfile mes affaires et me dirige vers la salle de bain pour prendre une douche rapide. L’eau froide me réveille un peu plus, mais ne parvient pas à laver ce malaise persistant. En sortant, je remercie Léa pour son hospitalité. « Merci pour tout, » dis-je, essayant d’esquisser un sourire malgré ma mauvaise humeur. Elle hoche la tête avec un sourire compréhensif. « Prends soin de toi, Milo. »

Je quitte son appartement, les pensées encore brouillées, et je rentre directement chez moi. L’appartement est aussi silencieux que je m’y attendais, vide de cette présence rassurante de Cassia. Après une brève sieste pour récupérer, je me change et me prépare pour ma séance de sport habituelle, espérant que l’entraînement pourra canaliser un peu de cette colère sourde qui me ronge. Arrivé à la salle de sport, je me dirige directement vers le sac de frappe, comme si c’était la seule chose capable de recevoir ce flot d’émotions qui m’habite. Je commence à frapper, mes coups se succédant avec une force croissante, comme si chaque impact pouvait effacer un peu de la frustration accumulée. Mais à mesure que je frappe, mes pensées ne cessent de revenir à Cassia et Alex. Je les imagine ensemble, leurs rires, leurs échanges complices. Chaque image que mon esprit fabrique me pousse à frapper plus fort, à libérer cette jalousie qui me dévore de l’intérieur. Je sens la colère monter, chaque coup devenant plus brutal, plus intense. Mes poings martèlent le sac de frappe, et je perds peu à peu la notion du temps, ne voyant plus que leurs visages dans mon esprit. Je pense à Alex, toujours là, trop près d’elle. Je pense à Cassia, à la manière dont elle sourit quand il est là, à la façon dont elle défend sa présence, et je sens mon cœur se serrer. Je donne un coup, puis un autre, chaque impact me rapprochant un peu plus du bord. Et soudain, sous l’effet de ma force, le sac de frappe se décroche de son support et s’effondre lourdement sur le sol. Le bruit sourd résonne dans la salle, attirant les regards autour de moi, mais je reste immobile, les poings serrés, le souffle court, figé devant le sac qui gît à mes pieds. C’est comme un miroir de ma propre rage, de ma propre impuissance. Ce sac de frappe à terre, c’est moi, c’est ma colère incontrôlable qui finit par exploser sans direction. Je reste là, fixant le sac renversé, les pensées encore embrouillées par l’alcool de la veille et par cette jalousie qui ne veut pas me lâcher.

Je m’arrête un instant, essoufflé, les poings encore serrés de colère après avoir mis le sac de frappe à terre. Je prends une profonde inspiration, mes épaules se soulevant et retombant lourdement. Je tente de reprendre mon calme, mais cette frustration ne veut pas disparaître. Elle reste accrochée à moi comme une ombre tenace. Mes pensées reviennent inlassablement à Cassia. Je sors mon portable de ma poche, espérant voir enfin son nom s’afficher sur l’écran, un message, un appel, n’importe quoi… Rien. L’écran reste vide de tout signe de vie venant d’elle. Un soupir s’échappe de mes lèvres, mélange d’agacement et de déception. Je me sens comme un gamin capricieux, mais je n’arrive pas à m’en empêcher. À quoi bon ? À quoi bon aller la voir à l’hôpital, ou même chez elle ? Je sais que je devrais, que je devrais ravaler ma fierté et faire le premier pas, mais je suis têtu, borné. Je boude, je râle. Et puis, une pensée plus sombre traverse mon esprit : elle doit certainement être avec Alex. Lui, toujours présent, toujours prêt à s’immiscer là où il ne devrait pas. Cette idée me fait grincer des dents. Je range mon téléphone, toujours aussi vide, et décide de ne pas me laisser abattre. « Elle a fait son choix, » grognai-je intérieurement, même si je sais que ce n’est pas aussi simple. C’est mon fichu caractère, cette tendance à tout dramatiser, qui me pousse à me refermer sur moi-même, à me convaincre que je suis seul contre le monde. Une partie de moi sait que je devrais faire quelque chose, mais je n’en ai pas la force. Pas maintenant. Je termine ma séance de sport, chaque coup et chaque geste devenant un exutoire pour cette colère qui me ronge. Je frappe, je pousse, je tire, comme si c’était la seule manière de me débarrasser de cette tension insupportable. Une fois épuisé, je décide de ne pas rentrer chez moi. Je ne supporte pas l’idée de me retrouver seul dans cet appartement vide, rempli du silence assourdissant de l’absence de Cassia.

Alors, je prends la direction de chez Clyde. Il est l’un des rares à comprendre cette partie de moi, cette fierté mal placée qui me pousse à m’entêter au lieu de faire ce qu’il faudrait vraiment. Clyde et moi avons décidé de nous entraîner ensemble pour repasser nos qualifications de pilotes, et même si mon esprit est ailleurs, je sais que m’occuper l’esprit est la seule solution pour ne pas craquer. J’arrive chez lui, frappe à la porte, et il m’ouvre avec un sourire accueillant. « T’as l’air d’avoir besoin de te défouler, mon pote, » dit-il en rigolant légèrement, mais je sais qu’il a perçu la lourdeur de mon humeur. Je me contente de hausser les épaules en guise de réponse, et il comprend sans que j’aie à dire un mot de plus. Nous nous installons dans son garage aménagé en salle d’entraînement, le bruit familier des simulateurs de vol et des équipements qui nous entourent me ramenant à un semblant de normalité. Nous commençons à nous échauffer, à répéter les gestes, à se concentrer sur les techniques qui nous permettront de repasser nos qualifications. C’est un entraînement sérieux, mais aujourd’hui, je le vis comme un échappatoire. Clyde me jette des regards de temps à autre, cherchant à capter quelque chose sur mon visage, mais il ne pose pas de questions. Il sait que je parlerai quand je serai prêt. Et pour l’instant, tout ce que je veux, c’est m’immerger dans cette routine, dans cette discipline qui, au moins pour quelques heures, me permet d’oublier Cassia, Alex, et cette fichue tension qui me suit partout. L’entraînement se poursuit, et chaque mouvement, chaque répétition me permet de canaliser un peu plus ma colère, de la transformer en énergie productive. Je frappe plus fort, je pousse plus loin, déterminé à ne pas laisser mes pensées prendre le dessus. Pour l’instant, tout ce que je veux, c’est me perdre dans cet effort physique, dans ce besoin de prouver, même si ce n’est que pour moi, que je suis encore capable de tenir le cap.

Clyde et moi continuons notre entraînement, mais je sens son regard peser sur moi de temps à autre, cherchant à lire au-delà de mes mouvements brusques et de mon humeur morose. Il connaît mes réactions par cœur, et même sans un mot, il comprend que quelque chose cloche. Finalement, après un enchaînement de gestes où ma frustration se manifeste un peu trop violemment, il se redresse et me fixe, un soupçon d’inquiétude dans les yeux. « Milo, » dit-il calmement, posant une main sur mon épaule pour interrompre mon geste. « Qu’est-ce qui se passe ? T’as l’air d’un mec sur le point d’exploser. » Je serre les dents, hésitant un instant avant de lâcher un soupir lourd. « Cassia et moi, on s’est pris la tête, » avouai-je, évitant soigneusement de mentionner Alex. Parler de lui ne ferait qu’aggraver les choses. Alex est notre collègue, et je n’ai pas envie de jeter de l’huile sur le feu en laissant Clyde comprendre à quel point sa présence me ronge.  Clyde hoche la tête, un sourire compatissant étirant ses lèvres. « Ça arrive, tu sais. Mais vous devriez vraiment parler. Vous laisser envenimer la situation comme ça, ça ne mènera à rien de bon. » Je grogne en entendant son conseil, sachant pertinemment qu’il a raison, même si je n’ai pas envie de l’admettre. Ma fierté me souffle de rester sur mes positions, mais je sais que ça ne m’amènera nulle part. « Ouais, je sais, » dis-je à contrecœur, en secouant la tête. « Je vais y aller. » Clyde me tapote l’épaule, me lançant un regard plein de soutien. « Allez, va la voir. C’est Cassia, après tout. Vous allez régler ça. » Je finis par acquiescer, bien que râlant intérieurement, et décide de suivre son conseil. Je rentre à l’appartement pour prendre une douche rapide, tentant de me débarrasser de la tension accumulée de la journée. L’eau chaude coule sur ma peau, apaisant mes muscles fatigués, mais mon esprit reste encore en ébullition. Je passe en revue tout ce que je pourrais dire à Cassia, toutes les excuses possibles, tous les mots qui pourraient désamorcer cette dispute stupide.

Une fois prêt, je me change rapidement et me dirige vers l’hôpital, bien décidé à attendre Cassia à la sortie de son travail. La nuit commence à tomber, et l’air frais de la fin de journée me fait du bien, comme un rappel que je dois me calmer, que tout n’est peut-être pas encore perdu. Je me gare près de l’entrée, adossé à ma voiture, les mains dans les poches, jetant des coups d’œil réguliers vers la porte principale de l’hôpital. Alors que j’attends, je me surprends à scruter chaque visage qui sort, espérant apercevoir Cassia parmi eux. Mais au lieu de cela, c’est Erin que je vois apparaître, toujours aussi élégante, ses longs cheveux bruns tombant en cascades sur ses épaules. Elle m’aperçoit immédiatement, et un sourire séducteur s’étire sur ses lèvres. « Eh bien, regarde qui voilà, » dit-elle en s’approchant de moi, sa voix teintée d’une malice familière. « Milo Davis, tout seul à l’hôpital… Tu es venu me voir, c’est ça ? » Elle rit doucement, son ton toujours aussi provocateur.  Je souris poliment, mais mon esprit est ailleurs. Erin, avec son charme naturel, continue de s’amuser, s’approchant un peu trop près, posant une main légère sur mon bras. « Ça fait un moment, non ? Tu devrais vraiment m’appeler un de ces jours… »  Je m’apprête à répondre quelque chose de banal pour éviter de prolonger cette conversation quand, au loin, j’aperçois enfin Cassia. Elle sort de l’hôpital en compagnie d’Anna, son visage fatigué mais apaisé par la présence de son amie. Une part de moi se soulage en la voyant, mais une autre se contracte instantanément. C’est comme si, en la voyant, toutes mes pensées, mes doutes et mes colères se bousculaient à nouveau dans ma tête. Erin, toujours accrochée à mon bras, continue de babiller, mais je ne l’écoute plus. Mes yeux sont fixés sur Cassia, et je sens un poids se poser sur ma poitrine. Je ne sais pas comment elle va réagir en me voyant, ni comment je vais réussir à désamorcer cette situation. Tout ce que je sais, c’est que je dois essayer, que je dois lui parler.

J’avais vraiment du mal à croire que Milo régisse ainsi ce soir. Il n’avait apparemment pas apprécié qu’Alex me donner un petit coup de main pour faire quelques cartons. Pourtant il n’y avait absolument aucun mal là-dedans. Je ne comprenais absolument pas la réaction de Milo. Et puis son ton était si froid, cela ne lui ressemblait pas. Je tente de lui faire comprendre que l’aide d’Alex avait été bienveillante. Et sur le coup de la colère je lui fais comprendre que ce dernier ne m’aurait pas aidé si lui même avait été présent au lieu d’aller aider Léa. Milo ne semble pas me croire lorsque je lui fais remarqué qu’Alex m’avait simplement aidé. Je fronce les sourcils face à ses paroles et au ton qu’il emploie. «Qu'est-ce que tu insinues exactement ? » demandai-je presque vexée. Il me demande si je me rend compte de la complicité que nous avons avec Alex. « Milo, arrête… On s’entend bien c’est tout. Il m’a simplement aidé à faire des cartons, ce n’est pas comme si nous avions été dîner en tête à tête... » Il exagérait beaucoup et il ne s’en rendait pas compte. Lorsque j’entends le jeune homme me dire qu’il allait passé la soirée avec Léa, je suis blessée et vexée aussi. Sur le coup de la colère je lui dis d’y aller. Il confirme. Je lui annonce alors rentrer chez moi. Et sur ces mots, je vais prendre mes affaires et quitte l’appartement.

Je rentre chez moi. L’appartement me semble bien vide. Il y avait encore pas mal de meubles et d’affaires mais cette sensation de vide était là. J’avais laissé des cartons déjà préparé afin de les remplir. Mais comment pourrai-je en avoir envie ce soir ? J’ai encore du mal à croire que l’on se soit disputé ainsi. Je passe la soirée seule, et je ne peux m’empêcher d’imaginer Milo passer la soirée avec Léa. Cela me fait un immense pincement au cœur. Je finis par m’endormir assez tard, dans le fond, j’avais veillé, espérant que Milo se décide à m’appeler ou à m’envoyer un message. Mais rien. Le lendemain matin, le réveil avait été assez dur. J’avais bien évidemment mal dormi. J’avais beaucoup repensé à cette dispute. En plus de cela, la journée au travail avait été longue. J’étais à présent dans les vestiaires pour récupérer mes affaires. « Tu veux qu’on aille prendre un verre toutes les deux ? Ça te changeras les idée... » me propose Anna qui récupérait ses affaires aussi. « C’est gentil, mais je vais plutôt rentrer. Je suis fatiguée... » dis-je à la jeune femme. « Tu devrais l’appeler ou aller le voir... » me conseille Anna, qui était au courant de ma dispute avec Milo. « Si c’est pour qu’il me dise d’appeler ou d’aller voir plutôt Alex… Je passe mon tour... » dis-je d’une voix attristée. « Vous n’allez pas vous faite la tête éternellement... » Pour toute réponse je hausse légèrement les épaules, je ne savais pas vraiment quoi répondre.

Nous quittons alors le hall de l’hôpital. Une fois dehors, nous faisons quelque pas avec Anna « Apparemment quelqu’un est venu te voir... » me dit Anna en me montrant au moins Milo. Milo et Erin. Je remarque immédiatement la main de la jeune femme sur son bras. « C’est pas vrai... » je soupire d’agacement. « Ce n’est peut-être pas moi qu’il est venu voir. C’est peut-être Erin. Après avoir passé la soirée d’hier avec Léa, il veut peut-être passer la soirée avec Erin maintenant... » dis-je d’un ton glacial. Je détourne immédiatement le regard. « Cassia… » Je sens au timbre de voix d’Anna qu’elle n’est pas d’accord avec moi. « Bonne soirée Anna, à demain. » dis-je en la saluant chaleureusement en me dirigeant vers ma voiture.

Je reste là, cloué sur place, le regard rivé sur Cassia qui sort de l’hôpital, marchant aux côtés d’Anna. Son visage porte les marques de la fatigue accumulée durant sa garde, des cernes soulignant ses yeux et son teint légèrement pâle, mais il y a aussi une sorte de calme chez elle, un apaisement étrange, probablement grâce à la présence réconfortante de son amie. Anna lui parle doucement, ponctuant ses mots de gestes rassurants, et Cassia acquiesce, un sourire fatigué mais sincère se dessinant brièvement sur ses lèvres.  Pourtant, malgré cet échange, je sens immédiatement que quelque chose ne va pas. Ce n’est pas seulement l’épuisement de sa journée de travail, c’est autre chose. Son regard glisse autour d’elle, mais ne se pose pas une seule fois sur moi. Pas un seul coup d’œil, pas le moindre signe qu’elle m’a remarqué. C’est comme si je n’existais pas, comme si ma présence n’avait aucune importance, comme si je n’étais qu’un fantôme au milieu de la foule. Cette indifférence volontaire me frappe en plein cœur, et je ressens un coup dur, bien plus douloureux que tous les mots que nous avons pu échanger lors de nos disputes.

À côté de moi, Erin continue de me tenir le bras, ses doigts effleurant ma manche avec un geste qui se veut tendre, mais qui me semble soudain déplacé, presque insupportable. Elle parle, toujours avec ce ton séducteur, lançant des remarques pleines de sous-entendus, mais je ne l’entends plus. Ses mots ne sont qu’un bruit de fond indistinct, un murmure insignifiant noyé dans le bourdonnement de ma colère et de ma déception. Je suis focalisé sur Cassia, sur ce silence pesant qui en dit long. Elle m’ignore délibérément, et c’est comme un poignard en plein cœur. Plus qu'une dispute, ce geste me fait comprendre que j’ai franchi une limite. Je la regarde monter dans sa voiture, ses gestes rapides et précis, presque mécaniques. Elle ne se retourne pas, ne cherche pas mon regard, pas même un instant. Le moteur de sa voiture rugit, un bruit sourd qui résonne dans le parking et dans ma tête. Elle s’éloigne, s’enfonçant dans la circulation, et chaque seconde où elle s’éloigne sans un mot, sans un geste, alourdit un peu plus cette distance entre nous. C’est comme si un mur invisible s’était dressé, me laissant sur le trottoir, impuissant, figé dans mon propre échec. Je soupire lourdement, sentant le poids de cette indifférence peser sur mes épaules, me clouant sur place. Mes doigts se crispent légèrement, tentant de ravaler cette frustration qui m’étouffe, mais elle s’accroche, tenace, refusant de disparaître. À côté de moi, Erin finit par remarquer mon absence totale d’attention. Elle se penche légèrement, cherchant à capter mon regard, son expression changeante subtilement. « Milo, ça va ? » Je me tourne lentement vers elle, essayant de rassembler un semblant de politesse, même si mon esprit est ailleurs, loin de cette scène absurde. « Désolé, Erin, » dis-je doucement mais fermement, une pointe d’amertume glissant malgré moi dans ma voix. « Ce n’est vraiment pas le moment. » Je m’efforce de sourire, mais je sais que c’est un geste vide, sans conviction. Erin semble comprendre, ou du moins elle perçoit que quelque chose ne va pas. Elle relâche enfin mon bras, ses doigts glissant de ma manche, et je hoche la tête en guise d’excuse avant de me détourner. Sans un mot de plus, je me dirige vers ma voiture, le cœur encore alourdi par cette scène qui s’est jouée sous mes yeux.

Je monte rapidement à bord de ma voiture, fermant la portière avec un claquement qui résonne comme un coup de tonnerre. Mon esprit est en ébullition, bouillonnant d’adrénaline et de frustration. Je tourne la clé dans le contact, et le moteur rugit avec une force brute qui résonne en écho avec la tempête intérieure qui m’habite. Je démarre en trombe, les pneus crissant sur le bitume alors que je prends la direction de l’appartement de Cassia. Chaque virage, chaque feu rouge semble s’éterniser, et le temps s’étire comme une éternité entre mes mains serrées sur le volant.  Je ne cesse de repasser en boucle ce qui vient de se produire, le regard fuyant de Cassia, l’indifférence tranchante qui m’a laissé là, debout comme un idiot sur le parking de l’hôpital. Je ne sais pas ce que je vais lui dire, je ne sais même pas comment elle va réagir en me voyant débarquer devant chez elle, mais je ne peux plus supporter ce silence. Cette distance qui s’est installée entre nous comme une barrière infranchissable me pèse plus que je ne pourrais l’admettre. J’accélère encore, le bruit du moteur couvrant le martèlement de mon cœur qui bat à tout rompre. L’adrénaline se mêle à l’anxiété, chaque seconde qui passe attisant un peu plus ma détermination. Mon esprit oscille entre colère et espoir, entre la peur de l’affronter et le besoin viscéral de tout mettre à plat. J’arrive enfin dans sa rue, mes mains moites sur le volant. À ma grande surprise, je la vois garer sa voiture presque en même temps que j’arrive. Le hasard ou le destin, je n’en sais rien, mais c’est comme si tout s’était aligné pour ce moment précis.  

Je coupe le moteur et sors précipitamment de ma voiture, le cœur battant à tout rompre, chaque fibre de mon être tendue vers elle. Cassia sort de sa voiture, la tête baissée, les traits tirés par la fatigue et la tension accumulée de la journée. Lorsqu’elle lève enfin les yeux, je vois une lueur de surprise passer dans son regard. Elle s’arrête, incertaine, fixant mon visage avec une expression indéchiffrable. Elle ne s’attendait visiblement pas à me voir ici, et je devine que son esprit tourne à plein régime, tout comme le mien. Je m’avance vers elle, chaque pas lourd de cette tension qui flotte dans l’air. Mon regard reste fixé sur le sien, cherchant désespérément une brèche, un signe qu’elle est prête à m’écouter, à me laisser une chance d’expliquer, de m’excuser, de faire quelque chose pour combler ce fossé qui s’est creusé entre nous. Je sens la tension vibrer autour de nous, presque palpable, et pourtant, je refuse de reculer. Cassia ne dit rien, son expression fermée, mais elle ne tourne pas les talons non plus, et pour moi, c’est déjà un petit miracle. Je prends une profonde inspiration, tentant de calmer les battements affolés de mon cœur. « Cassia, » dis-je d’une voix qui se veut calme, mais où perce l’urgence de mes émotions.

Milo était là, sur le parking devant l’entrée de l’hôpital, près de sa voiture. Il discutait avec Erin. Cette dernière semblait proche de lui, comme toujours. C’est Erin. Mais cette fois-ci c’est différent. En temps normal je me serais approché d’eux et aurait gentiment dit à Erin de partir afin de nous laisser. Mais pas ce soir. Notre dispute encore en tête, le fait qu’il ait passé la soirée avec Léa, m’empêchait d’aller vers lui. Et puis, vu son comportement d’hier, je ne pouvais m’empêcher de penser que peut-être il était là pour Erin, pour essayer de me faire comprendre ce qu’il ressentait vis à vis d’Alex. Je pensais sans doute trop. Alors, sans réfléchir je me mets à marcher jusqu’à ma voiture. J’entre dedans et démarre sans attendre. Le trajet jusqu’à mon appartement me semble durer une éternité. Puis, une fois arrivée, je me gare sur le petit parking et sors de la voiture. Quelques secondes plus tard, mon regard croise celui de Milo. Je suis surprise, il est là. A quelques mètres de moi. Je n’avais même pas vu sa voiture. Pourquoi était-il ici ? Devions nous parler ? Je n’en avais pas réellement envie, encore blessée par ses paroles d’hier. Milo s’approche de moi. J’avais envie de rentrer chez moi, mais pourtant je reste là. Le jeune homme prononce mon nom. Les émotions repensaient le dessus. Je me sentais presque fébrile face à lui. Je détourne le regard quelques seconde pour prendre sur moi. Je suis encore en colère, ou plutôt blessée. « Tu ne passes pas la soirée avec Léa ? Ou Erin... » dis-je d’un ton las. Rien que de repenser au fait qu’il avait passée la journée et la soirée avec Léa me faisait un grand pincement au cœur. Mais j’avais parlé sans réfléchir, et je m’en voulais déjà.  Je soupire légèrement, reposant mon regard sur lui. « Milo, si tu es venu pour me parler encore d’Alex ou faire un quelconque sous-entendu… Tu peux rentrer chez toi... » dis-je alors d’une voix fébrile. Je n’avais pas envie de me disputer à nouveau. « La journée a été longue et… je n’ai pas envie de me disputer à nouveau » avouai-je alors d’une voix calme. La journée au travail avait été intense et j'avais passée une très mauvaise nuit. Sans oublier que mon appartement était un peu en désordre et que j'avais beaucoup à faire.

La tension est palpable, chaque pas que je fais vers Cassia alourdit l’air entre nous. Elle reste immobile, les bras croisés devant elle, son expression fermée et défensive. Son regard se pose sur moi avec une froideur que je ne lui ai que rarement vue. Et c’est là, dans ce silence pesant, qu’elle laisse tomber sa première pique, une phrase qui m’atteint comme une gifle. « Tu ne passes pas la soirée avec Léa ? Ou Erin… » lance-t-elle, sa voix teintée de sarcasme et de quelque chose de plus sombre, de plus blessant. Son ton est acide, mais aussi marqué par une pointe de tristesse dissimulée sous sa colère. Elle n’attend pas ma réponse, et avant même que je puisse ouvrir la bouche, elle enchaîne, ses mots devenant plus tranchants, plus douloureux. « Milo, si tu es venu pour me parler encore d’Alex ou faire un quelconque sous-entendu… Tu peux rentrer chez toi... » Sa voix tremble légèrement, un signe qu’elle lutte pour garder son calme, pour ne pas laisser ses émotions prendre le dessus. « La journée a été longue et… je n’ai pas envie de me disputer à nouveau. » Il y a dans son ton une lassitude que je reconnais, une fatigue bien au-delà du simple épuisement physique. Elle est épuisée de cette distance entre nous, de ces malentendus qui ne cessent de nous éloigner.

Je l’observe, essayant de contenir ma propre frustration, mais c’est plus fort que moi. Ses réflexions me crispent, chaque mot me serre un peu plus la poitrine. Je suis venu vers elle, j’ai fait le premier pas, et c’est ainsi que je suis reçu. Je voulais parler, essayer de briser ce mur entre nous, mais ses paroles, acides et pleines de reproches, érigent une barrière encore plus haute. Je sens une colère sourde monter en moi, mélange de déception et de fierté blessée. Je prends une inspiration, ma mâchoire se serre malgré moi, et je lui rétorque, incapable de contenir le ton acerbe qui s’échappe de ma bouche : « Non, je ne passe pas la soirée avec Léa ni Erin, mais puisque tu le suggères… » Mes mots sont acérés, et je sais que je ne fais qu’empirer la situation, mais je ne peux m’en empêcher. Je la fixe, mon regard dur, cherchant une réaction, n’importe quoi, mais tout ce que je vois, c’est un mur de ressentiment et de fatigue. « Bon… Je vais te laisser. » dis-je finalement, d’un ton qui se veut détaché, mais où perce toute ma frustration. « Tu as eu une longue journée. Je vais écouter ton conseil, pour une fois. Bonne soirée, Cassia. » Mes mots tombent comme un couperet, tranchants et définitifs, et sans attendre sa réponse, je tourne les talons. Je marche rapidement vers ma voiture, chaque pas résonnant comme un écho de ma propre défaite. Je sens son regard sur moi, mais je ne me retourne pas. Je monte dans ma voiture, referme la portière avec un claquement sec, et je démarre presque aussitôt, le bruit du moteur couvrant le silence lourd qui s’est installé entre nous. Je quitte l’endroit sans un dernier regard, le cœur lourd et le souffle court. La route devant moi se brouille, et je sens la colère et le regret se mêler en moi, chaque virage accentuant ce sentiment d’inachevé, de rendez-vous manqué. Je serre le volant, les jointures blanchies par la pression, et je m’éloigne, laissant derrière moi une Cassia silencieuse, une Cassia que je n’ai pas su atteindre, encore une fois.

A ma grande surprise, Milo avait également pris le chemin de mon appartement, tout comme moi. Anna avait donc raison, il était venu à l’hôpital pour me voir. Mais pourquoi était-il ici exactement ? Il s’approche de moi. J’avais envie de fuir, mais je ne le fais pas. Parce que Milo me manque tout simplement et parce que je ne supportais pas cette situation dans laquelle nous étions depuis hier. Malgré tout, je ne peux m’empêcher de lui demander si il ne comptait pas passer la soirée avec Léa ou Erin. Je regrette aussitôt. La colère, la frustration et la fatigue avaient parlé pour moi. Je me reprends rapidement et indique simplement à Milo que si il était venu pour parler encore d’Alex ou faire un quelconque sous entendu, il pouvait rentrer chez lui. Je n’avais ni l’envie, ni le courage de me disputer à nouveau avec lui. J’avais pour espoir que mes dernier mots apaisent les tensions, qu’ils effacent mes première paroles. Mais ce ne fut pas le cas. « Non, je ne passe pas la soirée avec Léa ni Erin, mais puisque tu le suggères… » Je fronce instinctivement les sourcils à sa réponse. Alors quoi il serait prêt à passer à nouveau la soirée avec Léa ? Ou alors avec Erin cette fois-ci ? Bien évidemment je regrette mes paroles, mais c’était trop tard. Il fallait que je réponse quelque chose, que j’apaise cette tension. Mais je remarque le regard de Milo. Un regard dur, qu’il m’est difficile à supporter. Et finalement, avant que je ne réponde quoi que ce soit, Milo m’annonce qu’il allait me laisser. Je veux lui dire quelque chose, je veux lui dire de rester, je veux lui parler mais étrangement rien ne sors de ma bouche. Milo ajoute que j’avais eu une longue journée et qu’il allait écouter mon conseil pour une fois. Il me souhaite une bonne soirée avant de tourner les talons. Le jeune homme se dirige alors rapidement vers sa voiture. Je fais un pas dans sa direction mais je n’arrive pas à avancer davantage. Je suis tiraillé entre ma colère et ma déception d’hier et l’envie de lui sauter dans les bras. Mais le temps de réfléchir, il est trop tard. Milo démarre et quitte le parking. Le rythme de mon myocarde s’accélère, mon cœur se serre. Milo était parti.

Je reste quelques minutes sur le parking, espérant le voir revenir. Mais il n’en est rien. Je rentre alors chez moi. Les larmes se mettent à couler toutes seules. J’étais épuisée, et la situation tendue avec Milo me pesait beaucoup. Je vais prendre une douche et je me réfugie ensuite dans ma chambre. J’allume les petites lampes de chevet et m’allonge sur le lit. Je prends un livre en main mais j’ai du mal à me concentré sur la lecture. Je ne cesse de penser à Milo. Je m’en voulais d’avoir réagis ainsi tout à l’heure, il avait fait le premier pas mais je n’avais pas réussi à faire abstraction de ce qui c’était passé la veille. Mon téléphone s’allume. Je me précipite alors pour le prendre en main, pensant qu’il s’agissait d’un message de Milo. Mais ce n’était pas le cas. Il s’agissait à ma grande surprise d’un message d’Andrew qui souhaitait prendre de mes nouvelles. Je soupire longuement. Je repose le téléphone sans répondre à ce message, je ne comptais pas le faire ni maintenant ni demain d’ailleurs. Les larmes coulent alors à nouveau un petit moment. Puis je décidai de prendre sur moi, je n'allais pas pleurer toute la nuit. Il fallait trouver une véritable solution à cette situation. J'avais très envie d'appeler Milo mais vu notre échange de tout à l'heure je n'osai pas le faire. Mais il faudrait que je le fasse demain ou que j'aille le voir, pour discuter calmement.

Sous l’emprise de la colère, je roule sans réellement savoir où je vais. Mes mains crispées sur le volant, j’appuie sur l’accélérateur, ne laissant derrière moi que le bruit sourd du moteur qui rugit à chaque virage. Je ne regarde même pas la route, mes pensées tournent en boucle, m’aveuglant plus sûrement que la nuit tombée. Le paysage défile sans que je ne le remarque, mes yeux rivés sur l’asphalte mais mon esprit ailleurs, perdu dans ce mélange d’émotions contradictoires qui m’étrangle la gorge. Cassia m’a rejeté, encore une fois. J’ai fait le premier pas, j’ai pris sur moi pour venir la voir, et voilà comment elle m’a accueilli. Mon cœur bat à tout rompre, un rythme désordonné dicté par la frustration et la déception. Les mots qu’elle m’a lancés résonnent encore dans ma tête, chaque syllabe réouvrant une blessure à peine refermée. Pourquoi ? Pourquoi ce mur entre nous ? Est-ce que c’est Alex ? Est-ce qu’il a profité de ma distance pour se glisser dans ses confidences, pour lui murmurer des choses contre moi ? Je secoue la tête, mes sourcils froncés sous l’effet de cette pensée amère. Peut-être qu’Alex l’a montée contre moi. Peut-être qu’il est plus qu’un simple ami pour elle, maintenant. Cette idée me ronge, me consume, et je ne peux m’empêcher d’imaginer leurs rires, leurs échanges complices. Chaque image que mon esprit fabrique est une nouvelle lame qui me transperce. Ou pire encore, peut-être qu’elle a rencontré quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui n’est pas moi, quelqu’un qui ne passe pas son temps à faire des sous-entendus, à douter, à se montrer jaloux. Peut-être qu’elle ne veut plus de moi, tout simplement. Je freine brutalement et m’arrête sur le bas-côté, mes mains tremblant légèrement sur le volant. Le silence de l’habitacle me semble assourdissant, lourd de toutes ces questions qui restent sans réponse. Je grogne, je râle, frappant le volant de frustration. « Pourquoi, Cassia ? Pourquoi tu me rejettes ? » criai-je dans le vide, ma voix se perdant dans l’étroitesse de la voiture. Deux fois. Elle m’a rejeté deux fois aujourd’hui : une première fois à l’hôpital, comme si je n’existais pas, et une seconde fois devant chez elle, avec ce sarcasme froid qui m’a glacé le sang. Je prends une profonde inspiration, tentant de chasser ces pensées qui m’empoisonnent, mais elles s’accrochent, tenaces. Je refuse de retourner la voir. Pas après l’affront que je viens de subir. Je ne veux pas encore me retrouver face à son regard distant, face à cette indifférence qui me déchire.

Finalement, je redémarre le véhicule d’un geste brusque et prends la direction du centre-ville, espérant que l’agitation des rues me fera oublier, ne serait-ce qu’un instant, la brûlure de mes émotions. Les lumières des lampadaires défilent, projetant des ombres dansantes sur le pare-brise, et j’avance sans but précis, juste pour m’éloigner de tout ce qui me pèse. Une fois en plein centre, je me gare et sors de la voiture. L’air frais de la soirée me frappe au visage, me ramenant un peu à la réalité. J’ai besoin de marcher, de mettre un pied devant l’autre, de sentir le béton sous mes chaussures pour me reconnecter à quelque chose de tangible. Les passants se croisent autour de moi, chacun absorbé dans sa propre vie, et je me fonds dans cette foule anonyme, cherchant un semblant de répit dans le mouvement. Je marche, sans destination précise, mes pensées toujours rivées sur Cassia. Chaque pas est une tentative de m’éloigner de mes doutes, mais aussi de me rapprocher de ce que je ressens vraiment. La colère s’estompe peu à peu, remplacée par une vague de regrets et de remise en question. Pourquoi est-ce que je laisse ma fierté me dicter ma conduite ? Pourquoi est-ce que je la laisse me pousser à l’éloignement, quand tout ce que je veux, c’est me rapprocher d’elle ? Les minutes s’étirent, et je finis par m’arrêter, épuisé de tourner en rond dans ma tête. Une partie de moi, celle qui est plus calme, plus rationnelle, commence à reprendre le dessus. Je me rends compte que je ne peux pas laisser les choses se terminer ainsi, que je ne peux pas me contenter de partir en claquant la porte comme un gamin boudeur. Cassia mérite plus que cela. Nous méritons plus que cela. Je retourne vers ma voiture, décidé à faire ce que j’aurais dû faire dès le début : parler. Pas de sous-entendus, pas de rancœur, juste une conversation honnête. Je démarre à nouveau, mais cette fois, mon but est clair. Je prends la direction de son appartement, le cœur encore lourd mais déterminé. Ce n’est peut-être pas la fin que j’avais imaginée pour cette soirée, mais je ne suis pas prêt à baisser les bras. Pas encore.

Une fois garé devant l’appartement, je reste un instant assis derrière le volant, le moteur encore allumé. Le silence de l’habitacle est assourdissant, et je sens l’anxiété monter. J’inspire profondément, tentant de calmer mon cœur qui bat trop vite, puis je coupe le contact et sors de la voiture. Chaque pas me semble lourd, chaque mouvement empreint d’une hésitation que je m’efforce d’ignorer.  J’arrive devant la porte, et sans réfléchir, je sors mon trousseau de clés. Je les fais glisser entre mes doigts, le cliquetis des métaux résonnant dans le silence du couloir. J’insère la clé dans la serrure, ouvrant doucement la porte pour ne pas faire de bruit. Je ne veux pas la surprendre, mais je redoute aussi sa réaction. Si jamais elle m’ordonne de partir, si elle n’est pas prête à me voir… Je préfère entrer discrètement, espérant qu’elle m’accorde au moins le temps d’une discussion. Je passe le seuil, refermant la porte avec délicatesse, et j’avance prudemment, mes pas feutrés sur le parquet. L’appartement est plongé dans une semi-obscurité, les lumières tamisées ajoutant une ambiance presque mélancolique. Je scrute l’espace, cherchant sa silhouette, mais le salon est vide. Je retire mes chaussures et ma veste, les déposant à l’entrée sans un bruit, puis je me dirige vers la chambre, le cœur battant d’appréhension.

En entrant, je la découvre assise sur le lit, le dos appuyé contre la tête de lit, un livre abandonné à ses côtés. Nos regards se croisent immédiatement, et je ressens un coup au cœur en voyant ses yeux rougis. Elle a pleuré, et instinctivement, je comprends que c’est à cause de notre dispute. Tout ce que je voulais éviter, tout ce que je redoutais, se reflète dans ses larmes silencieuses. Cassia détourne brièvement le regard, comme pour cacher sa vulnérabilité, mais il est trop tard. Je lis tout sur son visage, et la voir ainsi m’emplit d’un mélange de culpabilité et de tendresse. Sans dire un mot, je me détourne et me dirige vers la cuisine. Mes gestes sont automatiques, dictés par ce besoin irrépressible de la réconforter, de faire quelque chose, même minime, pour adoucir ce moment. J’attrape une tasse, verse de l’eau dans la bouilloire, et attends patiemment que le bruit familier du sifflement résonne dans l’air. Je prépare une tasse de thé, ajoutant une cuillère de miel pour la douceur, puis je retourne doucement dans la chambre, la tasse fumante en main. Je m’approche d’elle sans un mot, posant délicatement la tasse sur sa table de chevet. Je retire mes vêtements avec la même discrétion, comme si je m’apprêtais à me glisser dans un rituel familier, à me fondre dans cette intimité que nous avons partagée tant de fois. Un à un, mes vêtements tombent au sol, et je me glisse dans le lit, me rapprochant d’elle doucement, sans brusquerie. Je m’allonge dans son dos, mon corps épousant le sien avec cette familiarité qui me manquait tant. Je sens la chaleur de sa peau, la douceur de son souffle, et c’est comme si tout ce qui nous séparait s’effaçait l’espace d’un instant. Avec une pointe d’humour, pour alléger la tension qui flotte encore entre nous, je murmure doucement à son oreille, « Erin et Léa ne sont pas disponibles ce soir. »  Ma main cherche la sienne sous la couverture, mes doigts glissant contre les siens dans une caresse timide mais sincère. Je me penche doucement, mes lèvres trouvant sa joue, y déposant un baiser léger, presque hésitant, mais empreint de tout ce que je n’arrive pas à exprimer.

Après avoir pris une douche et enfilée une tenue confortable pour la soirée, je m’étais glissé dans le lit. J’avais voulu me changer les idées en lisant un peu mais c’était difficile de rester concentrée sur la lecture. Mes pensées se dirigeaient automatiquement vers Milo. Il me manquait et je détestais plus que tout est en froid avec lui. Alors que l’appartement est plongé dans le calme, j’entends la porte d’entrée s’ouvrir. Je suis quelque peu surprise. Mais rapidement je comprends qu’une seule et unique personne pouvait entrer. J’avais fermée la porte à clé tout à l’heure. Quelques secondes plus tard, mon regard croise celui de Milo. J’avais un peu de mal à croire qu’il était bel et bien là, à quelques mètres de moi. Soudainement je me rends compte que mes yeux devaient encore être rougis ou vrillants. Je détourne le regard. Sans un mot, Milo se retourne et il disparaît dans le couloir. Rapidement, j’entends du bruit à la cuisine. L’envie d’aller le rejoindre est là mais que devais-je dire ? Et si on se disputait à nouveau ? Bien vite, le jeune homme revient dans la chambre une tasse de thé à la main. Ce simple geste me réchauffe le cœur. Malgré nos disputes, malgré cette tension, Milo venait de prendre le temps de me préparé un tasse de thé. Il pose délicatement la tasse sur la table de chevet « Merci... » Puis il retire ses vêtements pour venir se glisser dans le lit près de moi, contre mon dos. Je ferme les yeux quelques secondes pour savourer ce moment. Puis Milo me dit que Erin et Léa n’était pas disponibles ce soir. Je savais qu’il plaisantait, il voulait alléger l’atmosphère. Un léger rire s’échappe alors de mes lèvres. Un rire mêlé à un léger sanglot. Nos mains se trouvent, ses lèvres se déposent sur ma joue. Je me retourne délicatement pour lui faire face. Mon regard croise le sien « Je ne voulais pas te blessé tout à l’heure. Encore moins te jeter dans les bras d’Erin ou de Léa... » dis-je d’une voix calme et posée. C'est fou ce que sa présence m'apaisait.

Lorsque Cassia rit légèrement à ma plaisanterie, c’est comme un poids immense qui se soulève de mes épaules. Son rire, même discret, me réchauffe le cœur, et je sens immédiatement cette tension se dissiper. Ce simple son, ce petit éclat de bonheur, suffit à me faire sentir que, peut-être, tout n’est pas perdu. Elle se retourne doucement, ses yeux rencontrant les miens, remplis de cette douceur mêlée de fatigue et d’émotion. « Je ne voulais pas te blesser tout à l’heure. Encore moins te jeter dans les bras d’Erin ou de Léa… » dit-elle, sa voix tremblant légèrement, marquée par le regret et la sincérité. Ses mots me touchent plus que je ne veux l’admettre, et pour toute réponse, je me penche et laisse mes lèvres se poser tendrement sur son front, un geste simple mais chargé de toute l’affection que j’ai pour elle. Cassia se blottit contre moi, sa tête trouvant naturellement sa place sur mon torse. Je sens son souffle chaud contre ma peau, et j’en profite pour l’envelopper dans mes bras, embrassant doucement le sommet de sa tête. Chaque baiser est une excuse silencieuse, un rappel que malgré nos erreurs, ce moment compte plus que tout. Je prends une profonde inspiration, cherchant mes mots, cette confession qui me brûle les lèvres depuis trop longtemps. « Excuse-moi… C’est de ma faute, » avouai-je, ma voix basse et sincère, chaque mot me coûtant plus que je ne l’aurais imaginé. « J’ai cru… Enfin… Ce qui compte, c’est que nous soyons ensemble, » ajoutai-je, essayant de chasser les doutes qui m’ont rongé ces derniers jours. À cet instant, rien d’autre n’a d’importance. C’est ce moment, c’est elle et moi, enfin réconciliés, même si ce n’est que pour une nuit.

Mais notre moment est soudain interrompu par le bruit du téléphone de Cassia qui vibre sur la table de chevet. Mon cœur se serre instinctivement, une vague d’appréhension me traverse. J’espère de tout cœur que ce n’est pas Alex. Sinon je vais l’expédier tout droit dans les deux de l’Enfer. J’essaie de me concentrer sur Cassia, de ne pas laisser ce simple appel briser cette bulle fragile que nous venons de recréer, mais mon regard se tourne malgré moi vers l’écran allumé. Par réflexe, Cassia et moi jetons un coup d’œil à son téléphone, et je vois un numéro inconnu s’afficher. Avant qu’elle n’ait le temps de réagir, je saisis le téléphone et décroche sans vraiment réfléchir, une pointe de provocation dans mon geste. De l’autre côté de la ligne, une voix commerciale commence à débiter des inepties sur une offre quelconque, et je sens ma patience s’effriter.  Je l’interromps sèchement, un sourire en coin « Madame Davis est avec son mari. Merci de rappeler plus tard. » Puis, sans attendre de réponse, je raccroche d’un geste net, un petit sourire fier étirant mes lèvres. Un geste stupide, enfantin même, mais pour moi, c’est une manière de marquer ce moment, de prétendre, ne serait-ce qu’un instant, que tout est simple, que nous sommes ensemble sans que rien d’autre ne compte.

Je me redresse légèrement, mon expression se faisant plus sérieuse, et je serre doucement sa main dans la mienne. « Cassia, » murmurai-je, prenant soin de capter son regard pour qu’elle sente la sincérité dans mes mots. « Je suis désolé… Je sais que je suis un peu trop impulsif parfois. »  Je soupire, tentant de trouver les bons mots, ceux qui traduisent vraiment ce que je ressens. « Je me laisse emporter… surtout quand je me sens blessé ou quand j’ai l’impression de perdre pied. Je sais que ça doit être épuisant pour toi, et je ne veux pas que tu penses que je prends tout à la légère » Je lève la main pour caresser doucement sa joue, mon pouce effleurant sa peau avec une douceur presque hésitante. « Je m’emporte trop vite, je réagis sans réfléchir, et je sais que cela te pèse parfois. » admis-je, mon regard cherchant à capter chaque nuance de ses émotions. « Mais je veux vraiment faire des efforts… pour toi, pour nous. Je suis là, Cassia, et je vais m’améliorer. Je veux qu’on puisse se retrouver sans ces disputes inutiles. » Je continue de la regarder, espérant qu’elle perçoit à quel point je suis sincère. Pour elle, je suis prêt à changer, à apprendre à contrôler cette impulsivité qui m’a souvent mené sur de mauvais chemins.

J’étais plus que surprise de voir Milo ici. En le voyant partir tout à l’heure sur le parking je ne pensais pas qu’il aurait finalement décidé de revenir. Le jeune homme était là, près de moi et il avait même pris le temps de me préparer une tasse de thé. Après une petite plaisanterie de sa part, je finis par me retourner pour lu faire face et à lui dire que je ne voulais en aucun cas le blesser tout à l’heure, ni l’envoyer dans les bras de Léa ou d’Erin. En somme, je m’excusais. Je prends place contre lui, ma tête se posant sur son torse. Puis Milo s’excuse en ajoutant que c’était de sa faute. Il commence une explication mais ne la termine pas. Après tout comme venait de le dire Milo, le plus important c’est que nous soyons ensemble. Puis nous sommes interrompus par mon téléphone qui se met à vibrer sur la table de chevet. Sur le moment je crains que ne ce soit encore Andrew qui insistait. Mais finalement, il s’agissait d’un numéro inconnu. Milo décroche, il s’agissait apparemment d’un commercial. Le jeune homme précise que j’étais avec mon mari et qu’il fallait rappeler plus tard avant de raccrocher immédiatement. Mon sourire se mêle à celui de Milo. Ce dernier finit par se redresser, nos regards se croisent et Milo me dit être désolé à nouveau, avouant qu’il était un peu trop impulsif parfois. J’écoute attentivement ce qu’il avait à me dire. « Ce n’est rien... » dis-je simplement dans un premier temps. « Je n’ai pas envie que l’on se dispute à nouveau... » avouai-je d’une voix calme. Je me redresse légèrement à mon tour. « Milo, qu’est-ce que tu as cru exactement ? Tu… Tu n’as pas confiance en moi ? Je veux dire...Si j’ai eu un comportement qui te semble inadapté dis le moi mais je ne pense pas que je me sois mal comporté... » Je prends délicatement sa main dans ma mienne « Alex est juste une connaissance. Il ne va pas très bien, tu le sais. Et j’essaie simplement de l’aider. C’est tout, je te le promets... » Je caresse tendrement sa joue avec ma main « Il a trouvé un logement. Il lui faudra juste le temps de rassembler ses affaires et il partira. » dis-je alors en espérant que cette nouvelle l’apaise.

Cassia se redresse doucement, son mouvement m’incitant à me taire un instant, à l’écouter vraiment. Elle me regarde avec une intensité qui me désarme, ses yeux cherchant à comprendre ce que je ressens au-delà des mots que je peine à exprimer. Le silence entre nous est lourd, chargé de toutes ces choses non dites, de toutes ces inquiétudes qui ont grandi dans mon esprit. Je prends une grande inspiration, tentant de rassembler mon courage pour lui avouer ce qui me pèse depuis trop longtemps. « Je… J’ai cru que… enfin… Alex s’intéressait à toi, » dis-je, ma voix se brisant légèrement sous l’effet de l’émotion. Je m’arrête un instant, cherchant à ordonner mes pensées avant de continuer. « Tu n’as pas eu un comportement inadapté, Cassia. C’est juste que… J’ai vu comment il te regarde, comment il te parle, et… je me suis dit qu’il voulait plus, qu’il cherchait un peu trop de réconfort avec toi. » Je laisse mes mots flotter dans l’air, incertain de la réaction qu’ils provoqueront. Cassia reste silencieuse, mais son regard ne se détourne pas, et je me rends compte que je redoute plus que tout de la blesser avec mes suspicions, de lui faire sentir que je ne lui fais pas confiance. Mais la jalousie est là, ancrée profondément, et je ne peux plus l’ignorer.

Cassia prend doucement ma main, ses doigts caressant ma peau avec cette tendresse qui m’a toujours apaisé. Elle se penche légèrement, posant sa main libre sur ma joue dans un geste réconfortant, et je sens son pouce glisser doucement sur ma peau, une caresse rassurante et silencieuse. Son geste me calme un peu, mais l’inquiétude reste, accrochée à mon esprit comme une ombre tenace. « Je sais que tu l’aides, » continuai-je, ma voix devenant plus rauque, plus lourde de frustration, « Mais… sa présence me pèse vraiment. Il ne peut pas aller chez ses parents ? Un ami ? N’importe qui. Sinon, il retourne avec Lola et lui dit ce qu’il pense d’elle une bonne fois pour toutes ! » Je grogne, la colère perçant dans chacun de mes mots, incapable de contenir ce ressentiment qui bouillonne en moi. « C’est pas compliqué ! Elle est folle, Cassia. Il doit lui dire ses quatre vérités ! » Mon regard se pose sur elle, cherchant un écho à ma colère, une validation que je ne suis pas complètement à côté de la plaque.

Je soupire longuement, le poids de mes pensées alourdissant l’atmosphère entre Cassia et moi. Les mots tournent en boucle dans ma tête, et je n’arrive pas à trouver la paix. Tout me ramène à Alex, à sa présence constante qui m’étouffe, à cette tension invisible qui s’est installée entre Cassia et moi depuis qu’il a pris place dans notre quotidien. Je ne peux plus contenir ma frustration, et je laisse échapper un grognement agacé, incapable de garder tout cela pour moi plus longtemps « Cassia, je n’en peux plus d’Alex… » dis-je en passant une main dans mes cheveux, tentant de canaliser ma colère. « Il est partout. Toujours là, à se glisser dans nos moments, à prendre plus de place qu’il ne devrait. » Mon ton est acide, mais je ne peux m’en empêcher. Chaque jour qui passe avec lui sous notre toit est une épreuve, un rappel constant de cette intrusion que je n’ai jamais demandée. « Il doit retourner chez Lola, » continuai-je, ma voix devenant plus pressante. « Sérieusement, qu’est-ce qu’il attend ? Elle est complètement à côté de la plaque, mais c’est à eux de régler leurs problèmes, pas à nous de jouer les arbitres dans leur relation. » Je marque une pause, cherchant à capter son regard, à ce qu’elle comprenne l’étendue de ma frustration. « Il faut qu’il arrête de se réfugier ici, Cassia. Ça ne peut pas durer. » Je me tourne vers Cassia, mon regard implorant, cherchant en elle la solution à ce poids qui nous étouffe. « Je t’en prie, » dis-je d’une voix plus douce, presque suppliante. « Essaie de lui parler, de le convaincre de retourner chez Lola. Il doit affronter la situation, lui dire ses quatre vérités et arrêter de se cacher ici. C’est à eux de régler ça, pas à nous de tout supporter. »

Je souhaitais avant tout comprendre ce que Milo avait bien pu croire. Pourquoi il c’était mis en colère de cette manière l’autre jour. Le jeune homme m’avoue qu’il avait pensé qu’Alex s’intéressait à moi. Il continue en affirmant que je n’avais pas eu un comportement inadapté mais qu’il avait simplement pensé qu’Alex cherchait trop de réconfort auprès de moi. « Milo, je te promets que ce n’est pas le cas. Il s’est simplement beaucoup confié vis à vis de sa relation avec Lola, c’est tout. Il en avait besoin. » Milo était conscient que j’aidais Alex mais malgré tout sa présence lui pesait vraiment. Il propose alors que son collègue et aille ailleurs en attendant que tout s’arrange de son côté. Je suis surprise qu’il propose qu’il retourne avec Lola, surtout que lui aussi avait assisté aux scènes qu’elle lui avait fait. « Retourner avec Lola ? Ce n’est pas une bonne idée… Comme tu viens de le dire, cette fille est complètement folle… C’est presque l’équivalent d’Andrew au féminin... » dis-je pour lui donner un ordre d’idée. Ils n’étaient pas exactement pareil mais les deux créaient une relation toxique avec autrui.

Finalement Milo me dit clairement qu’il n’en pouvait plus d’Alex. Pour lui, il prenait trop de place. C’est sur que vivre avec quelqu’un ce n’était pas évident. Je n’avais pas le même ressenti que Milo mais j’étais la plupart du temps au travail, Milo lui était à l’appartement. Nous n’avions donc pas le même ressenti. Milo dit ce qu’il a sur le cœur, même si je n’étais pas tout à fait d’accord avec lui j’appréciais qu’il dise enfin tout ce qu’il pensait. Je soupire légèrement. « D’accord, d’accord… Écoute, il a trouvé un nouveau logement. Je peux essayer de lui demander de trouver une autre solution en attendant qu’il rassemble ses affaires et qu’il puisse emménager dans son nouvel appartement. » Je continue à caresser tendrement son visage du bout de doigts, approchant mon visage, mon regard se plonge dans le sien. « Quoi qu’il en soit, je n’ai plus envie que l’on se dispute ainsi… » avouai-je le plus sincèrement du monde.

Cassia me fixe avec une intensité déconcertante, ses yeux chargés d’une vérité crue et douloureuse. « C’est presque l’équivalent d’Andrew au féminin... » dit-elle, sa voix tremblant légèrement, empreinte d’une tristesse qu’elle ne cherche même pas à dissimuler. Ses mots tombent entre nous comme une évidence amère, un rappel brutal de ce passé qu’on a tenté de laisser derrière. Andrew, cet homme qui a si profondément marqué Cassia, qui a pris tant de pouvoir sur elle. Et maintenant, c’est Alex qui se retrouve pris dans les filets d’une femme tout aussi destructrice, tout aussi toxique. Je soupire lourdement, comme si tout l’air m’avait été arraché des poumons. La comparaison me frappe en plein cœur. Cassia a raison, et je le sais bien. Ce serait stupide, et surtout cruel, de renvoyer Alex dans les bras de Lola. Pas après ce qu’il a enduré, pas quand je sais de quoi elle est capable. Leur relation n’est pas exactement comme celle de Cassia et Andrew, mais les effets sont tout aussi nocifs. Lola et Andrew partagent cette capacité à empoisonner ceux qui les entourent, à user de leurs failles pour les manipuler, les tenir en laisse émotionnellement. Une part de moi déteste Alex pour l’espace qu’il prend dans notre vie, mais une autre sait qu’il est aussi piégé que Cassia l’a été autrefois. Je passe une main sur mon visage, tentant de contenir la colère et l’épuisement qui me submergent. Chaque fois que je pense avoir trouvé une solution, tout me ramène à ce cercle vicieux. Cassia, toujours aussi compréhensive, m’observe en silence, ses doigts jouant distraitement avec une mèche de ses cheveux, signe qu’elle réfléchit intensément à nos options. «  Écoute, il a trouvé un nouveau logement. Je peux essayer de lui demander de trouver une autre solution en attendant qu’il rassemble ses affaires et qu’il puisse emménager dans son nouvel appartement » dit-elle finalement, sa voix douce mais déterminée. Elle cherche le compromis, la manière de nous soulager sans abandonner son ami, et je ne peux que hocher la tête, reconnaissant mais toujours frustré.

Je l’observe, et soudain une pensée traverse mon esprit, un besoin irrépressible de parler avant que ce poids ne m’écrase complètement. « Cassia, » commençai-je doucement, ma voix tremblant légèrement sous l’effet de l’émotion. « Je n’aime pas qu’on se dispute. » C’est une confession simple, presque banale, mais en cet instant, elle porte tout le poids de mes regrets. Chaque dispute, chaque mot blessant échangé entre nous me hante, me rappelle à quel point notre relation est fragile en ce moment. « Je déteste qu’on en arrive là, à se dire des choses qu’on ne pense pas vraiment, à se laisser bouffer par tout ce qui nous entoure. » Elle me regarde, et je vois dans ses yeux ce même mélange de fatigue et de compréhension. Ce silence entre nous est à la fois pesant et rassurant. Elle ne me coupe pas, elle m’écoute, et c’est tout ce dont j’ai besoin à cet instant. Je prends une profonde inspiration, rassemblant tout mon courage pour lui annoncer ce que j’ai en tête depuis un moment. « J’ai besoin de partir quelques temps, » lâchai-je finalement, chaque mot m’écorchant la gorge. « J’ai des choses à voir avec ma famille à Londres. Ce n’est pas pour fuir, » ajoutai-je rapidement, cherchant à capter son regard, à ce qu’elle sente ma sincérité. « C’est juste… J’ai besoin de ce temps pour moi. Pour réfléchir, pour m’éloigner de tout ce qui nous pèse ici, et pour régler certaines choses avec ma famille. Je ne veux pas te laisser, mais je ne sais pas comment faire autrement en ce moment. » Je prends sa main dans la mienne, la serrant doucement, espérant qu’elle comprenne que ce départ n’est pas une fin, mais une nécessité. « Ce n’est pas contre toi, » murmurai-je, ma voix pleine de cette tendresse que j’ai parfois du mal à exprimer. « J’ai juste besoin de retrouver un peu d’air, de clarté. Pour revenir ici mieux, pour toi, pour nous. »

Notre discussion est calme. Chacun exprime ce qu’il ressent, ce qu’il souhaite. Bien que je ne puisse rien dire à Milo concernant Lola et son comportement plus que destructeur envers Alex, je tente de lui faire comprendre que la jeune homme ne peut pas retourner avec elle. Malgré tout je cherche des solutions, pour que tout le monde puisse y trouver son compte. Le pilote de ligne m’avoue qu’il n’aimait pas que l’on se dispute, qu’il détestait qu’on en arrive là, à se dire des choses que l’on ne pensait pas. Nous étions sur la même longueur d’ondes. Et je sens alors que cette tension entre nous se dissipe pour de bon. Mais contre toute attente, Milo m’annonce avoir besoin de partir quelques temps. Je suis tellement surprise que je pense mal entendre. Mais non. Milo ajoute qu’il avait des choses à voir avec sa famille à Londres. Il précise que ce n’est pas pour fuir. A croire qu’il lisait dans mes pensées. Milo avait besoin de temps pour lui, pour réfléchir, pour s’éloigner de tout ce qui le pesait ici et pour régler certaines choses avec sa famille. Il ne voulait pas me laisser mais il ne savait pas comment faire autrement. J’esquisse un léger sourire. Un sourire triste. D’un côté je pouvais comprendre qu’il doivent se rendre à Londres mais d’un autre côté j’avais du mal à accepter qu’il s’en aille. « Des choses à régler avec ta famille… » C’était un peu vague comme explication. « C’est à propos de ton grand-père ? Ce n’est rien de grave j’espère ? » demandai-je soucieuse de savoir. Milo affirme que ce départ n’était pas contre moi mais qu’il avait juste besoin de retrouver un peu d’air pour revenir en meilleur forme, pour moi, pour nous. « Pendant combien de temps vas-tu rester là-bas ? » C’est un détail dont il ne m’avait pas encore parlé. Je m’écarte un peu, et prend la tasse de thé en main pour en boire quelque gorgée. Une boisson réconfortante, j’en avais bien besoin. « C’est étrange, depuis qu’on est ensemble j’ai l’impression qu’on est amenés à être plus souvent séparés qu’avant... » Il y avait eu Andrew, son contrat avec l’armée puis sa disparition. « Et depuis qu’on a décidé d’emménager ensemble, entre Alex et ce voyage à Londres… » Je prends une nouvelle gorgée de thé avant de reposer la tasse sur la table de chevet. Mon regard se pose sur Milo. Et malgré tout je lui adresse un léger sourire « Mais ce soir on est ensemble. C’est sans doute le plus important... » Il valait mieux se concentrer sur les choses positives. « Et si on se couchait ? Les journées ont été fatigantes ces derniers jours. Je suis épuisée... » dis-je la voix pleine d’émotions.

Le revers de ma main effleure doucement la joue de Cassia, ma caresse légère comme un souffle d’air. Je la regarde avec une tendresse que je peine à contenir, et de temps à autre, mes lèvres viennent lui voler quelques baisers, rapides mais empreints de toute la douceur que je peux lui offrir en ce moment. Ses yeux, habituellement si sereins, sont voilés d’une lueur d’inquiétude, une émotion qu’elle ne parvient pas à dissimuler. Cassia me scrute, ses lèvres tremblant légèrement sous l’effet de ses pensées inavouées, et sa voix se fait fragile lorsqu’elle brise le silence. « C’est à propose de ton grand-père ? Ce n’est rien de grave j’espère ? » me demande-t-elle, et je sens tout le poids de cette question se glisser entre nous. Sa voix trahit une inquiétude sincère, celle qui dépasse les simples mots, celle qui résonne avec une profondeur que je connais trop bien. Pour toute réponse, je me contente de sourire, un sourire un peu triste, un peu doux, et je l’embrasse doucement, espérant que ce simple geste suffira à apaiser ses craintes. Cassia n’est pas dupe. Elle cherche dans mes yeux des réponses que je ne suis pas encore prêt à formuler. Sa main tremble légèrement lorsqu’elle repose sa tasse sur la table de chevet, et je devine que mes demi-silences ne font qu’accentuer son malaise. Elle prend une inspiration avant de murmurer « Pendant combien de temps vas-tu rester là-bas ? » Sa question est simple, mais elle porte avec elle toutes les peurs qu’elle n’ose exprimer. Je souris de nouveau, un sourire sans réelle conviction, et je lui réponds avec la seule vérité que je possède en cet instant. « Je ne sais pas trop… Je dois en discuter avec mon père » avouai-je, laissant le silence reprendre ses droits entre nous.

Je la regarde boire son thé en silence, chaque gorgée semble un effort, comme si elle cherchait à apaiser quelque chose en elle. Je me penche vers elle, déposant un baiser délicat dans le creux de sa nuque, là où sa peau est la plus douce, la plus vulnérable. Je sens un frisson parcourir son dos sous mon baiser, et ma main glisse instinctivement sur sa colonne vertébrale, traçant des cercles apaisants comme pour lui rappeler que, même si je pars, je ne suis jamais vraiment loin. Soudain, Cassia rompt le silence, ses mots tombant comme une confession qui pesait trop lourd pour rester enfouie. « C’est étrange, depuis qu’on est ensemble j’ai l’impression qu’on est amenés à être plus souvent séparés qu’avant... » Sa voix vacille, trahissant une pointe de tristesse que je connais trop bien. « Et depuis qu’on a décidé d’emménager ensemble, entre Alex et ce voyage à Londres… » Elle s’arrête, portant de nouveau sa tasse à ses lèvres, mais cette fois, je vois dans ses gestes une retenue, une difficulté à admettre ce qu’elle ressent vraiment. Je la regarde en silence, mon cœur serré par ses mots, par cette réalité que je ne peux nier. Ma main se perd dans sa chevelure, caressant ses mèches avec une tendresse infinie, espérant effacer, ne serait-ce qu’un instant, cette douleur sourde que je perçois en elle. « Mais ce soir, on est ensemble. » poursuit-elle d’une voix douce mais résignée. « C’est sans doute le plus important… » Elle pose enfin sa tasse vide sur la table, et je vois dans ses yeux une fatigue qui va bien au-delà du simple épuisement physique. Cassia m’observe avec une lueur de détermination mêlée de vulnérabilité, comme si elle cherchait à se convaincre que, malgré tout, ce moment reste précieux. Elle propose doucement, presque dans un murmure, « Et si on se couchait ? Les journées ont été fatigantes ces derniers jours. Je suis épuisée… » Ses mots, simples et pleins de vérité, résonnent en moi. Je hoche la tête, incapable de refuser cette invitation à nous réfugier dans la chaleur réconfortante de notre lit, là où, même pour quelques heures, nous pouvons oublier les absences, les doutes et tout ce qui nous pèse. Ensemble, sans un mot de plus, nous nous glissons sous les draps, cherchant l’apaisement dans la proximité de nos corps. Je la serre contre moi, enfouissant mon visage dans ses cheveux, et je sens son souffle chaud contre ma peau.

Dans le silence de la nuit, je reste allongé, les yeux fixés sur le plafond. Les mots de Cassia résonnent encore dans mon esprit, se mêlant aux ténèbres de la chambre. Elle a raison. Depuis que nous avons emménagé ensemble, je me suis éloigné. Je réponds trop souvent aux abonnés absents, me laissant happer par mes problèmes, mes doutes, mes absences, au point d’oublier ce qui compte vraiment. Cassia, là, à mes côtés, pourtant si proche et si loin à la fois. C’est comme si nos vies avaient pris un tournant inattendu, l’intimité de notre quotidien se trouvant soudainement envahie par les absences, les imprévus, les fardeaux extérieurs. Je tourne la tête et l’observe, son visage paisible baigné dans la lumière tamisée de la lune qui filtre à travers les rideaux. Je me penche doucement et dépose un baiser sur son front, une dernière promesse silencieuse avant de nous laisser sombrer dans le sommeil. « Je vais trouver une solution, comme toujours, » murmurai-je, ma voix à peine audible, une tentative de lui offrir une réassurance, même si je sais que ces mots manquent encore de la certitude qu’elle mérite. Elle reste silencieuse, profondément endormie, et je me glisse enfin contre elle, cherchant la paix dans la chaleur de son corps.

Le lendemain matin, comme souvent, je me réveille avant Cassia. Le soleil commence à peine à filtrer par la fenêtre, dessinant des ombres douces sur les murs de la chambre. Je me tourne doucement vers elle, l’observant dormir, ses traits détendus, sa respiration lente et régulière. Elle est magnifique, et dans ce calme matinal, tout semble plus simple, plus pur. J’attrape mon téléphone portable sur la table de chevet, et sans même y réfléchir, je prends une photo d’elle. Un souvenir volé de ce moment de tranquillité, une image que je garde précieusement. Je repose mon téléphone, sachant que Cassia n’aime pas se réveiller seule. Je décide de rester, profitant de chaque seconde volée à la course folle de nos vies. Par moment, mes doigts glissent sur son visage, traçant délicatement les contours de sa joue, puis dans ses cheveux doux qui s’éparpillent sur l’oreiller. Je veux graver chaque sensation dans ma mémoire, m’imprégner de cette proximité simple mais essentielle. Je sais combien ces instants sont rares, combien ils sont précieux. Pour passer le temps, je saisis doucement son livre de chevet, feuilletant quelques pages sans réellement me concentrer sur les mots. C’est sa lecture, ses pensées, et je m’y plonge doucement, cherchant à comprendre un peu plus de ce qui l’occupe, de ce qui l’apaise. Entre deux pages, je lève les yeux pour l’observer. Elle murmure des mots inintelligibles dans son sommeil, bouge légèrement, et je souris en la voyant s’agiter doucement. Ses lèvres remuent, son front se plisse légèrement, et je me surprends à me demander à quoi elle rêve.

Soudain, elle se retourne brusquement, emportant avec elle la couverture, s’enroulant dedans comme une chenille s’emmurant dans son cocon. Elle se blottit profondément, s’enfonçant dans la chaleur de la couette avec une détermination involontaire. Je reste allongé à ses côtés, un sourire amusé étirant mes lèvres en la voyant ainsi, enroulée comme un burrito humain. Elle ressemble à un enfant qui refuse de lâcher son doudou, s’appropriant toute la couverture, me laissant à découvert. Je tente de tirer doucement sur un coin de la couette, mais elle se replie encore plus sur elle-même, l’emprisonnant comme si elle craignait qu’on vienne lui voler ce confort douillet. Je reste là, à l’observer, un éclat de rire silencieux dans le fond de la gorge. C’est presque comique, cette scène. Elle est si profondément enroulée que je me demande comment elle parvient encore à respirer. J’essaie une dernière fois de récupérer un peu de la couette, mais je n’insiste pas, préférant la laisser dans son cocon rassurant.  Je me retrouve à moitié découvert, mais je ne me plains pas. La voir ainsi, paisible et protégée, m’apaise plus que n’importe quelle couverture. Je m’approche encore un peu, glissant un bras par-dessus la masse de tissu qui l’entoure, et je ferme les yeux un instant, savourant ce moment volé. Elle est là, près de moi, et c’est tout ce dont j’ai besoin pour démarrer cette nouvelle journée.

Alors que la discussion continuait, j’avais l’impression que la tension présente depuis quelques jours entre nous s’estompait petit à petit. Mais étrangement, cette agréable impression disparaît soudainement lorsque Milo m’annonce qu’il allait partir à Londres. Il avait des choses à régler avec sa famille. L’explication était vague, même si le jeune homme c’était empressé de me rassurer en me disant qu’il ne partait pas pour fuir. Vu le contexte, ça donnait malgré tout cette impression. D’autant plus que Milo ne donnait que très peu de détails au sujet de ce séjour. Je lui demande combien te temps il allait s’absenter et là encore je ne pouvais pas avoir une réponse précise. Milo me dit qu’il ne savait pas encore, il devait en discuter avec son père. Je savais que Milo ne changerait pas d’avis, sa décision était prise. Cela ne servait donc à rien de discuter de ce séjour à Londres toute la soirée ou encore toute la nuit. Ce soir, nous étions là, ensemble. C’est tout ce qui importait. Je suggère alors que l’on se couche et de profiter simplement de cet instant. Allongée contre Milo, je pense à son séjour prochain à Londres, à cette situation. Mais épuisée, la fatigue prend tout de même le dessus.

Je sens le sommeil me quitter petit à petit. Je sens mon corps bouger alors que je suis encore plongée dans mes rêves. Des rêves dans lesquels je peux voir Milo, à l’aéroport. Je le vois partir, puis revenir. De temps à autre je rêve que je croise Andrew. Je rêve également que je suis en train de remplir des cartons mais malgré mes efforts ces derniers restent vides. Très étrange. Ces rêves sont un véritable méli-mélo de sentiments. Un mélange de tout ce qui me tracassait en ce moment. Lorsque j’ouvre alors les yeux, je suis sur le côté, enroulée dans la couette. Je me sens bien dans cette dernière. Je me retourne doucement et vois que Milo est réveillé, un livre à la main. Je remarque qu’il est peu couvert, je m’étais apparemment accaparé toute la couette. D’un geste fluide, je place la couette correctement pour qu’il puisse se couvrir si il le souhaitait. Je me redresse légèrement, déposant un doux baiser sur ses lèvres au passage. « Bien dormi ? » demandai-je alors curieuse de savoir si il avait passé une bonne nuit.

Je la regarde s'éveiller doucement, son visage encore marqué par la douceur du sommeil. Ses yeux papillonnent légèrement avant de s’ouvrir complètement, clignant plusieurs fois pour s’habituer à la lumière douce du matin qui filtre à travers les rideaux. Elle semble encore un peu perdue, flottant entre le rêve et la réalité, mais une fois que son regard se pose sur moi, je vois ses traits se détendre, un léger sourire se dessinant sur ses lèvres. Il y a quelque chose de si naturel et de si paisible dans sa manière de s’éveiller, comme si le monde entier pouvait attendre, suspendu à ce moment précis. Cassia se redresse lentement, ses cheveux en bataille retombant en mèches désordonnées autour de son visage. Elle s’étire légèrement, ses mouvements lents et gracieux, et je ne peux m’empêcher de sourire en la voyant ainsi, si vraie, si authentique. Elle se penche vers moi, sans un mot, et dépose un baiser tendre sur mes lèvres, une caresse douce qui me réchauffe le cœur. Son baiser est léger, mais il suffit à effacer toutes les incertitudes de la veille, à rappeler que malgré les turbulences, ces instants de pureté existent encore. Je la regarde, mes yeux ancrés dans les siens, et je sens une vague de sérénité m’envahir. « Je dors toujours bien lorsque je suis avec toi, » lui dis-je doucement, ma voix encore empreinte de cette quiétude matinale. Mes doigts glissent sur sa joue, traçant le contour de son visage avec une infinie tendresse. Sa peau est douce sous mes doigts, et ce simple contact me rassure, m’ancre dans l’instant présent. Je savoure ce contact, ce geste simple mais chargé de sens, et je sens ses lèvres répondre aux miennes avec la même douceur, le même besoin de se reconnecter l’un à l’autre après ces derniers évènements.

Je l’observe attentivement, allongée à mes côtés, encore enveloppée dans la douceur feutrée du matin. Cassia se réveille lentement, mais malgré son sourire habituel et ses gestes tendres, je ne peux m’empêcher de repenser à sa nuit agitée. J’ai veillé sur elle plus longtemps que d’habitude, incapable de trouver le sommeil en la voyant se tourner et se retourner, murmurant parfois des mots inintelligibles dans son sommeil. Ses sourcils se fronçaient de temps en temps, marquant des expressions de contrariété, de lutte contre quelque chose qu’elle seule pouvait percevoir. « Tu as mal dormi, » dis-je doucement, ne voulant pas l’assaillir de questions mais incapable de taire mon inquiétude. « Tu te retournais sans arrêt, et… je t’ai sentie tendue toute la nuit. » Ma main glisse doucement sur son bras, caressant sa peau dans un geste apaisant. Je veux qu’elle sache que je suis là, que je m’inquiète, mais sans lui mettre de pression. « Tu veux me parler de quelque chose en particulier ? » Je la serre contre moi, mes bras l’enveloppant comme pour la protéger de tout ce qui pourrait la troubler. Je dépose un baiser sur le sommet de sa tête, mes doigts glissant dans ses cheveux dans une caresse réconfortante.

Réveillé, je ressens presque une once de soulagement en voyant que Milo était bel et bien là, près de moi. Après tout ce dont j’avais rêvé cette nuit, je n’étais plus sûre de rien. Après un rapide baiser sur ses lèvres, je demande à Milo si il avait bien dormi. Ce dernier me répond qu’il dormait toujours bien lorsqu’il était avec moi. Un léger sourire apparaît sur mes visages. « Flatteur... » dis-je d’un ton amusé, même si je savais que dans le fond Milo pensait ce qu’il disait. C’était très agréable de pouvoir se réveiller aux côtés de Milo et de prendre du temps pour soi, pour nous. Le jeune homme me dit que j’avais mal dormi. Au ton de sa voix j’avais l’impression qu’il s’agissait davantage d’une affirmation que d’une question. Perplexe, mon regard se pose sur lui. Milo ajoute que je m’étais retourné sans arrêt et qu’il m’avait senti tendue toute la nuit. Il me demande si je souhaitais lui parler de quelques chose en particulier. « C’est juste que j’ai rêvé à plusieurs reprises que tu partais à Londres et que je n’avais pas le temps de te dire au revoir. Tu sais ce genre de rêve ou tu as beau essayer d’avancer, tu restes malgré tout sur place... » Je préférais minimiser ce dont j’avais rêvé et surtout éviter d’évoquer Andrew. Si je l’avais vu dans mes rêves c’est sans doute parce qu’il avait essayé de me contacter la veille. Inconsciemment cela devait me travailler. Mais il ne valait mieux pas que j’en parler à Milo. « J’ai l’impression que je t’ai empêché de dormir correctement, désolée... » dis-je d’un air un peu penaud.

Je me redresse un peu plus, passant une main dans mes cheveux. « Et si on allait prendre un petit-déjeuner ? J’ai un peu faim... » dis-je alors en volant un baiser au passage avant de quitter le lit. Nous nous dirigeons alors vers la cuisine. Je commence à sortir deux tasses, deux verres, du jus de fruits et quelques petites choses à grignoter afin de prendre le petit déjeuner. Le déménagement n’étant pas encore terminé j’avais encore tout ce dont nous avions besoin dans la cuisine.

Cassia se redresse à mes côtés, ses doigts jouant distraitement avec le coin du drap. Elle semble hésiter un instant, cherchant ses mots, mais je reste patient, mon regard ancré dans le sien, prêt à écouter ce qu’elle a sur le cœur. « C’est juste que j’ai rêvé à plusieurs reprises que tu partais à Londres et que je n’avais pas le temps de te dire au revoir, » confie-t-elle, sa voix marquée par une fragilité que je ne lui vois que rarement. Elle évite mon regard un instant, son regard glissant sur le sol comme si revivre ces images l’angoissait encore un peu. « Tu sais, ce genre de rêve où tu as beau essayer d’avancer, mais tu restes malgré tout sur place… » Je l’écoute attentivement, chaque mot résonnant en moi comme un écho de ses peurs, de ses angoisses que je n’avais pas pleinement mesurées. Ce sentiment d’impuissance, de voir l’autre s’éloigner sans pouvoir rien faire, je le connais aussi. Sa voix vacille légèrement, et je sens tout le poids de ses émotions dans ce simple récit. Je me rapproche doucement, posant ma main sur la sienne pour lui montrer que je suis là, que je comprends. « J’ai l’impression que je t’ai empêché de dormir correctement, désolée… » ajoute-t-elle avec un léger soupir, son ton mêlé de culpabilité. Elle baisse un instant les yeux, puis se ressaisit, cherchant à dissiper l’atmosphère lourde qui s’est installée. « Et si on allait prendre un petit-déjeuner ? J’ai un peu faim… » propose-t-elle avec un sourire timide, cherchant visiblement à alléger la conversation. Avant de se lever, elle se penche et me vole un baiser rapide, doux et rassurant, avant de quitter le lit.

Je me redresse et la suis du regard, l’observant se diriger vers la cuisine avec cette élégance naturelle qui me fascine toujours autant. Ses gestes sont précis mais empreints d’une certaine langueur matinale, comme si elle cherchait encore à chasser les dernières brumes de ses songes. Je la rejoins, et nous nous affairons ensemble dans la cuisine, ce petit espace familier où chaque geste est devenu une habitude partagée. Cassia sort deux tasses, les dépose sur la table, puis ajoute deux verres et une bouteille de jus de fruits. Elle attrape également quelques petites choses à grignoter, de quoi préparer un petit-déjeuner simple mais réconfortant. Je la regarde s’activer, son visage concentré, et je ne peux m’empêcher de sourire en la voyant ainsi, essayant de détourner son esprit de ses rêves troublants.  Alors qu’elle s’affaire, je m’approche discrètement, me glissant dans son dos. Mes bras entourent sa taille avec douceur, et je sens son corps se détendre légèrement contre le mien. Je dépose un baiser tendre dans le creux de son cou, mes lèvres caressant sa peau avec toute la tendresse que je peux lui offrir. Elle frissonne légèrement, et je sens que même ce petit geste parvient à lui apporter un peu de réconfort. « Mon voyage à Londres t’embête ? » murmurai-je contre sa nuque, mes mots emplis de douceur et de sincérité. « Si c’est le cas, je peux m’arranger avec mon père, si tu veux. » Je sais que ce départ la perturbe plus qu’elle ne l’avoue, et je suis prêt à tout pour alléger son inquiétude, même si cela implique de modifier mes plans. « D’ailleurs… Quel est ton planning des jours à venir ? Je peux m’organiser pour que cela coïncide le plus, et que tu ne remarques pas mon absence ? » continuai-je, cherchant à trouver des compromis, à faire en sorte que mon départ ne pèse pas trop sur elle. Cassia se retourne légèrement, me fixant avec une expression mêlée de surprise et de gratitude. Je dépose un autre baiser sur son épaule, ne voulant pas qu’elle se sente coupable de ses craintes. « La seule manière que tu m’empêches de dormir, c’est lorsque nous ne sommes pas ensemble, » ajoutai-je doucement, resserrant mon étreinte autour de sa taille. « Ne t’inquiète pas pour cette nuit… Je préfère être là, avec toi lorsque tu vas mal, plutôt qu’ailleurs. » lui confiai-je en la soulevant à ma hauteur pour la déposer doucement sur la table de la cuisine. Puis d’un air presque innocent je lui demande « Tu penses que cette table est solide ? » L'extrémité de mon index se pose sur son décolleté tandis que je la regarde sans rien dire.

Nous avions quittés la chambre pour se rendre en cuisine afin de prendre un petit déjeuner. En rentrant hier soir, j’étais tellement fatigué et angoissés par la situation avec Milo que je n’avais même pas pris le temps de manger, faute d’appétit. Alors ce matin, je devais bien l’avouer j’avais faim. Je m’affaire alors à sortir tout ce dont nous avions besoin pour prendre le petit déjeuner. Milo se glisse alors dans mon dos. Ce simple contact me fait un bien fou. Et je frissonne légèrement quand je sens les lèvres du jeune homme se déposer sur ma nuque. Milo me demande alors si son voyage à Londres m’embêtait et que si c’était le cas, il pouvait s’arranger avec son père si je le souhaitais. « Ce n’est pas que ça m’embête... » dis-je alors sans réellement savoir expliquer ce que je ressentais. « Milo, si tu dois y aller, va y... » dis-je alors d’une douce voix. « Si ce voyage concerne ta famille, tu dois y aller. C’est important. » Puis Milo me demande alors quel était mon planning des jours à venir afin qu’il puisse s’organiser pour que cela coïncide le plus et que je ne remarques pas trop son absence. J’esquisse un léger sourire amusé puis je me retourne pour lui faire face. « Je peux te l’envoyer si tu veux. » dis-je en prenant mon téléphone. Et en quelques mouvements, mon planning était envoyé sur l’appareil téléphonique de Milo. Le jeune homme dépose un baiser sur mon épaule avant de me dire que la seule manière de l’empêcher de dormir était lorsque nous n’étions pas ensemble. Ses paroles me font chaud au cœur et me réconforte un peu. Il me demande de ne pas m’inquiéter pour cette nui, qu’il préférait être là avec moi lorsque j’allais mal plutôt qu’ailleurs. Et sur ces mots, il me soulève à sa hauteur et me dépose doucement sur la table de la cuisine. Le jeune homme me demande alors si je pensais que cette table était solide. Un léger sourire se dessine sur mon visage. « Pour le moment, elle a l’air d’être solide... » dis-je alors étant donné que j’étais assise dessus. Je viens attirer davantage Milo contre moi, mes jambes venant s’enrouler doucement autour de son bassin, relevant ainsi légèrement ma nuisette.

Je fronce légèrement les sourcils en entendant Cassia me confier, presque à demi-mot « Ce n’est pas que ça m’embête… » Sa voix est douce, mais je perçois une hésitation dans ses mots, comme si elle pesait chaque syllabe, hésitant à me révéler ce qui la tracasse réellement. Je l’observe attentivement, cherchant à capter ce qui se cache derrière ses paroles. Il y a quelque chose de plus profond, de plus enfoui, que je ne parviens pas à saisir pleinement. Je la fixe un instant, puis, sans masquer mon inquiétude, je lui dis doucement « Il y a autre chose, Cassia... Qu'est-ce qui se passe ? Parle-moi… » Je m’efforce de garder un ton léger, mais ma préoccupation transparaît malgré moi. « Ne te transforme pas en Milo grognon, désolé, mais la place est déjà prise ! » plaisantai-je en l’attirant dans mes bras, resserrant mon étreinte pour lui faire sentir que je suis là, que je veux entendre tout ce qui pèse sur elle, sans jugement ni reproche. Elle se laisse envelopper, son corps se détendant légèrement contre le mien, et je dépose un baiser sur le sommet de sa tête, respirant l’odeur familière de ses cheveux. « Je verrai avec mon père comment on peut s’organiser, » ajoutai-je pour la rassurer, bien que je devine que ce n’est pas seulement la logistique de mon départ qui l’inquiète.

Quelques instants plus tard, Cassia m’envoie son planning par message, et je jette un coup d'œil rapide sur mon téléphone. En parcourant les horaires surchargés et les rendez-vous qui s’enchaînent sans pause, une pointe d’inquiétude me serre la poitrine. « Manger, dormir, c’est en option à l’hôpital ? » lui demandai-je, ma voix trahissant une inquiétude sincère pour elle. Son planning ressemble à une course contre la montre, sans répit, sans véritable moment pour elle, et je sens une vague de frustration monter en moi en pensant à tout ce qu’elle s’impose. Je continue de l’observer, et à cet instant, elle m’attire un peu plus contre elle, ses bras entourant mon cou avec une douceur mêlée de fermeté. Elle m’entraîne doucement sur elle, ses jambes venant enrouler mon bassin dans un geste naturel, relevant légèrement sa nuisette dans le mouvement. Ce contact soudain, cette proximité inattendue, me surprend agréablement, et je sens un sourire se dessiner sur mes lèvres. La chaleur de sa peau contre la mienne, la manière dont elle me rapproche, c’est comme un rappel silencieux que, malgré tout, nous sommes là, ensemble, au-delà des préoccupations du quotidien.  Je laisse mes mains glisser sur ses hanches, savourant la douceur de sa peau sous mes doigts, et je plonge mon regard dans le sien, cherchant à comprendre ce qu’elle ne dit pas, ce qui se cache encore derrière ses sourires et ses gestes tendres. « Cassia… » murmurai-je, ma voix se faisant plus douce, presque suppliante. « Je veux juste que tu prennes soin de toi. Je m’inquiète quand je vois à quel point tu te donnes à fond, sans jamais prendre un moment pour toi. » lui soufflai-je avant de l’embrasser tendrement, mes lèvres effleurant les siennes avec une lenteur délibérée, comme pour lui rappeler que nous avons le temps, que rien n’est plus important que cet instant partagé. « Pour le moment ? Il faudrait peut-être tester sa solidité, qu'en penses-tu ?» Cassia resserre son étreinte, ses jambes autour de moi se pressant un peu plus fort, et je sens tout l’amour, toute la complicité qui nous lient, malgré les hauts et les bas.

Pour un moment, le monde extérieur s’efface, et il n’y a plus que nous, perdus dans cette bulle de tendresse, où chaque geste, chaque baiser est une promesse silencieuse de soutien et de présence. Je m’agenouille doucement devant Cassia, mes mains glissant le long de ses cuisses avec une lenteur délibérée, savourant chaque frisson qui parcourt sa peau sous mes doigts. Son regard se pose sur moi, brûlant d’envie, et je sens son souffle s’accélérer tandis que je m’approche, prêt à lui offrir ce plaisir dont j’ai le secret. Mes lèvres effleurent sa peau avec une tendresse calculée, mes gestes précis et doux, cherchant chaque point sensible, chaque endroit où elle frémira sous mes attentions. Cassia s’abandonne, ses mains se perdent dans mes cheveux, et je sais que je la tiens à ma merci. Je prends mon temps, jouant de ma langue et de mes lèvres avec une maîtrise que je perfectionne à chaque fois. Ses gémissements s’élèvent, étouffés par ses mains qui couvrent parfois sa bouche, et je peux sentir sa résistance fondre peu à peu, ses muscles se tendant sous la montée inexorable de son plaisir. Elle est magnifique, perdue dans cet instant où le monde extérieur n’a plus d’importance. Ses hanches se cambrent, ses jambes se crispent, et je sens qu’elle est à deux doigts de se laisser complètement aller, de basculer dans cet abîme de plaisir où plus rien d’autre ne compte. C’est exactement à cet instant, quand je sens que son contrôle s’effrite et qu’elle est sur le point de défaillir, que je m’arrête brusquement. Je me redresse, innocent et délibérément insouciant, un sourire espiègle étirant mes lèvres alors que je plonge mon regard dans le sien. Cassia me fixe, abasourdie, ses yeux dilatés par le désir et le besoin non assouvi. Elle est à la fois furieuse et fascinée, ses lèvres entrouvertes, cherchant encore à comprendre pourquoi je l’ai arrêtée si brutalement. Je lui lance un regard faussement innocent, en haussant les épaules comme si de rien n’était. « On mange ? J’ai faim ! » dis-je avec un ton presque détaché, comme si je venais simplement de lui proposer la chose la plus banale au monde. J’aime la frustrer, j’aime jouer avec elle de cette manière, mais ce que j’aime plus que tout, c’est ce regard gourmand et vengeur qu’elle me lance, ce mélange de colère douce et de besoin impérieux qui me donne envie de la provoquer encore plus.

Alors que nous nous apprêtions à prendre le petit déjeuner, nous nous mettons à discuter du prochain séjour à Londres de Milo. Dans le fond je savais qu’il allait terriblement me manquer mais je ne pouvais pas l’empêcher d’y aller. C’était en partie pour sa famille, c’était donc important et il devait y aller. Milo affirme qu’il y avait autre chose, il me demande ce qui se passait, il me demande de lui parler. Ce qu’il ajoute ensuite, me demandant de ne pas me transformer en Milo grognon car la place était déjà prise me faire sourire. « Ce n’est rien. C’est juste que ça me fait toujours quelque chose quand tu dois partir loin. Pourtant, je devrais avoir l’habitude... » Avec son métier de pilote de ligne, les départs lointains étaient très fréquents.

Puis Milo m’avait soulevé légèrement afin de me faire asseoir sur la table de la cuisine me demandant si cette dernière était solide. Je lui réponds que pour le moment elle avait l’air d’y être, tout en venant enrouler mes jambes autour de son bassin. Le jeune homme regarde alors le planning que je lui avais envoyé sur son téléphone. Puis il me demande si manger et dormir était en option à l’hôpital. J’esquisse malgré tout un léger sourire avant que Milo me dise plus sérieusement encore qu’il voulait que je prenne son de moi et qu’il s’inquiétait quand i voyais à quel point je me donnais à fond. « Je sais. Je te promets que je fais attention à moi. Et puis, tu sais, quand on est habitué au rythme on n’y fait plus vraiment attention après... » Je voulais simplement le rassurer. Nous échangeons alors un tendre baiser avant que Milo ne propose de tester la solidité de la table de la cuisine. « Je pense que c’est une bonne idée... » Sans attendre plus longtemps, le jeune homme s’agenouille devant moi et ses mains et ses lèvres commencent alors à parcourir ma peau délicatement, sensuellement. Milo ne tarde pas alors à commencer une douce et sensuelle torture dont lui seul avait le secret. Rapidement je sens tous mes muscles se crisper, et je m’abandonne complètement face à ce moment.  Et alors que je sens une vague de chaleur prête à m’envahir, Milo se redresse. D’un ton innocent il propose de manger car il avait faim. Mon regard est interrogateur, frustré aussi. « H’m… Tu sais que je déteste quand tu fais cela... » Mes mains se poses délicatement sur les bras de Milo afin de l’attirer de nouveau contre moi, mes jambes toujours autour de son bassin, je glissent ensuite mes mains sur le bas de son ventre afin de défaire sa ceinture ainsi que son pantalon. Pas besoin de mot, les gestes suffisaient à lui faire comprendre qu’il n’était pas question que l’on s’arrête là.